L’urbanisme nantais sera-t-il verdi ou blanchi ?

L’urbanisme à Nantes devient officiellement inextricable. Élus et fonctionnaires de la Métropole ont sans doute fini d’y user leurs neurones : il leur faut à présent en appeler d’autres au secours. Ils viennent de publier un avis de marché portant sur une « Mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour évaluer certaines règles du Plan Local d’Urbanisme métropolitain de Nantes Métropole en faveur de la nature en ville et de la densité ».

« En faveur de la nature en ville… » L’idée ne paraît pas mauvaise. Dommage qu’elle vienne si tard. Peut-être a-t-elle été inspirée à Johanna Rolland par le plaidoyer de Nantes Plus en faveur du parc boisé du palais de justice

L’idée ne paraît pas non plus si complexe. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Le prestataire aura pour interlocuteur (sic) privilégié

« la coordinatrice du volet métropolitain du PLUm au sein du service Études & Planification. […]. Ce service fait partie de la direction Stratégie et Territoires, elle-même rattachée au Département Urbanisme et Habitat. Ce département Urbanisme et Habitat est rattaché à la Direction Générale Fabrique de la Ville écologique et solidaire. »

Heureusement, le prestataire ne sera pas seul face à cette énorme technostructure. Il sera flanqué d’un comité de pilotage (Copil), comprenant pas moins de six vice-présidents de la Métropole (à l’urbanisme durable, au cycle de l’eau, au droit au logement, etc.) plus un « adjoint ville de Nantes, forme de la ville, urbanisme durable, projets urbains ». Le Copil, de son côté, rendra compte au G24FVES, instance intercommunale décisionnaire sur la FVES (Fabrique de la Ville Ecologique et Solidaire).

Le prestataire obéira aussi à un Comité de suivi technique (Cotech) ou l’on retrouvera la coordinatrice du « volet métropolitain » entourée des représentants de huit directions de Nantes Métropole (habitat, nature et jardins, mobilités, cycle de l’eau, etc.) plus deux représentants de pôles de proximité.

Il devra en outre veiller à la « co-construction avec les communes », chacune des vingt-quatre ayant son service Urbanisme (la métropole n’étant qu’une instance en plus et non une instance à la place de), et onze d’entre elles étant en outre membres de groupements de commande ayant eux-mêmes désigné trois architectes conseils.

Des avis extérieurs filtrés par Nantes Métropole

Le prestataire devra aussi écouter les « acteurs susceptibles de contribuer à l’évolution réglementaire du PLUm ». Parmi eux, le Forum métropolitain de l’économie responsable, soit une quarantaine d’acteurs comme la CCI, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), l’Union sociale de l’habitat (USH), les aménageurs. Mais pas les déménageurs. Cependant, cette écoute sera simplifiée : les contacts auront lieu par l’intermédiaire de Nantes Métropole. Les « acteurs » feraient mieux de ne pas improviser.

Ah ! et puis tout de même, à la fin, il y a les citoyens, car « Nantes Métropole et les communes affirment leur volonté de construire une ville dialoguée avec les citoyens ». Mais là aussi, le dialogue est verrouillé : les « avis du public sur les grands projets urbains » seront transmis au prestataire par Nantes Métropole « afin qu’il mesure les attentes des citoyens sur la ville de demain ». Puisqu’on vous dit que c’est ça que les Nantais veulent…

Voir midi à la porte de Nantes Métropole

Le tableau ne serait pas complet sans les « livrables », ce que le prestataire est censé fournir à Nantes Métropole une fois qu’il se sera arrangé de tout ce qui précède. Parmi ces livrables figurent, pour la Phase 1 (on vous fera grâce de la Phase 2 et de l’éventuelle « tranche optionnelle »), un « diagnostic objectivé », un « parangonnage », une « synthèse des enjeux », un « support technique », un « support synthétique » et un « support pédagogique ».

Inévitablement, le travail de rédaction va empiéter sur le travail de réflexion. Réflexion que l’avis de marché veille aussi à encadrer. Les « livrables » ne seront pas livrées telles quelles aux citoyens. Elles « feront en particulier l’objet d’échanges avec les services de Nantes Métropole et devront être amendées autant que de besoin ». Autrement dit, le risque de dissension est nul et Nantes Métropole aura beau jeu de dire que ses orientations ont été validées par des experts.

On se moque souvent des conseils extérieurs : si vous leur demandez l’heure, dit-on, il vous empruntent votre montre puis vous envoie leur facture. Mais si c’est le client qui impose au conseil de voir midi à sa porte ?

Sven Jelure