Jean Blaise bientôt en retraite, mais en quel état ?

Le Point a interrogé Jean Blaise sur Nantes en 2030 et a recueilli l’annonce d’un prochain départ en retraite. Le souvenir que laisse un acteur est surtout celui du dernier acte. Il ne se présente pas ici sous les meilleurs auspices.

Pour son supplément sur Nantes en 2030, Le Point (n° 2649 du 11 mai 2023) a interrogé Jean Blaise. Sa première question est naturellement : « Comment imaginez-vous la culture à Nantes en 2030 ? » Jean Blaise répond par… Les Allumées ! Trente ans de bond en arrière (Les Allumées datent de 1990-1995) pour parler de ce qui pourrait se passer dans sept ans !

Interrogé déjà par Le Point, Jean Blaise disait en 2012 : « J’ai 61 ans, et grâce à [Jean-Marc Ayrault], j’ai toujours l’impression d’en avoir 30 ». Johanna Rolland l’a sans doute fait vieillir de façon accélérée car il ne compte pas régenter encore la vie culturelle nantaise en 2030. « Je suis pour la retraite à 72 ans », déclare-t-il à l’hebdomadaire. Façon d’annoncer un départ en retraite prochain puisqu’il est né le 17 avril 1951. Façon aussi, peut-être, d’affirmer qu’il part de sa propre volonté. Car, puisque les statuts de la SPL Le Voyage à Nantes l’autorisent à rester en fonction jusqu’à 75 ans, certains risqueraient de croire qu’on l’a écarté.

Et tant que directeur artistique d’Un été au Havre, une activité indépendante, il aurait pu exercer sans limite d’âge. « Le Havre et son territoire me transportent », disait-il en juin dernier. Mais ces transporteurs l’ont débarqué. Sur le site internet de la métropole havraise, il décrivait Un été au Havre comme « un parcours artistique dans l’espace public, avec des œuvres pérennes ». Six mois plus tard, son remplaçant, Gaël Charau, déclare : « L’objectif n’est pas de dessiner un parcours avec des œuvres d’art dans la ville. » Le respect se perd.

Nantes moitié moins que Le Havre

On devine pourquoi. En 2022, la sixième édition d’Un été au Havre n’a pas été un succès. Il a fallu retirer au bout de quelques jours l’une des œuvres exposées, jugée trop lugubre (elle évoquait un pendu la tête en bas). La métropole du Havre, dans un texte posté sur son site web, revendique 1,3 million de visiteurs. Mais les compteurs installés sur place disent que les trois œuvres les plus visitées ont attiré respectivement 29 935, 6 213 et 5 965 personnes. Ainsi, 2,3 % des passants seulement auraient visité l’attraction la plus courue et même pas un sur deux cents les n°2 et n°3 ! Un flop magistral.

Le score de 1,3 million de visiteurs, calculé d’après le nombre de porteurs de smartphone passés à proximité des œuvres pendant l’été, n’est guère crédible (Le Havre aurait-il été contaminé par la tradition nantaise des bilans touristiques douteux ?). Néanmoins, c’est une vilaine pierre dans le jardin de Jean Blaise. Un mois avant cette annonce exactement, le 14 septembre, il avait lui-même publié un communiqué chiffrant le bilan du Voyage à Nantes 2022 à… 607 000 visiteurs. Moins de la moitié du score havrais ! Même si la manifestation normande a duré douze semaines et la bretonne dix seulement, l’écart est colossal. Jean Blaise aurait-il été un bon directeur artistique à son compte d’un côté, un mauvais directeur général salarié de l’autre ?

Kombouaré ou Willy Wolf

Ce ne serait pas grave si Le Voyage à Nantes avait enthousiasmé le public. Hélas, ce qui manque au chiffrage officiel est le nombre des visiteurs déçus. Car cette manifestation annuelle qui n’a jamais réussi à s’imposer sur le plan national et international est apparue en déclin en 2022. Deux titres de la presse régionale résument la situation :

Là encore, après dix ans de louanges un peu forcées, le respect se perd. « Il n’y a pas eu auprès du public local ce qu’on peut appeler un « effet whaou » », doit bien admettre Jean Blaise lui-même (son vocabulaire était plus riche du temps où il se décernait des éloges). Il y a comme un soupçon de mépris dans ce « public local » : pourquoi l’irrespect serait-il à sens unique ?

Jean Blaise signera-t-il Le Voyage à Nantes 2023 ? Dans une période où tout va de travers pour Johanna Rolland, ce serait courir un risque au regard de la postérité. « Ce sera difficile pour la personne qui me succédera, parce que j’ai accompagné l’histoire de la ville », dit-il au Point avec sa modestie coutumière. Mais accompagner une dégringolade, finir comme une sorte de Kombouaré culturel, ne serait pas forcément enviable.

Aujourd’hui, les portraits médiatiques de Jean Blaise débutent rituellement par : « Le créateur des Allumées… » Demain, il est probable qu’ils évoqueront plutôt Le Voyage à Nantes, mais avec quel qualificatif ? Créateur ? Animateur ? Directeur ? Fossoyeur ? Sauf miracle, sa fin de carrière sera moins glorieuse que son début. Quant au Voyage en Hiver, s’acharner aurait un petit côté Willy Wolf.

Sven Jelure

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *