« Raser Cap 44 ? Vous n’y pensez pas… »
Il y a quelques mois, Johanna Rolland avait été très ferme : non, la Ville n’envisageait pas de rayer du paysage ce bâtiment du patrimoine industriel nantais. Ce 6 novembre, la-candidate-à-sa-succession confirme ce que chacun savait : on ne rasera pas Cap 44, on va juste “abaisser” la partie Est du bâtiment. Qu’en termes élégants, ces choses-là sont dites.
Pour justifier une décision personnelle (“j’ai fait le choix…”), Johanna Rolland s’appuie sur la consultation des citoyens et sur l’avis d’un comité scientifique. La liste des membres de ce “comité” ne manque pas d’intérêt. On y trouve un scénariste, le directeur de la Cité des Congrès, un vice-président de l’Université, le directeur du Jardin des plantes… et Pierre Oréfice ainsi que François Delarozière qui avaient obtenu de madame la Maire que le bâtiment, accusé de faire de l’ombre à leur projet d’Arbre aux hérons, serait “abaissé” dans sa partie Est.
Dites comme ça, les choses sont plus claires. La communication municipale, elle, ne parlera que d’un “grand projet”, d’un “nouveau Musée Jules Verne”, d’une “cité de l’imaginaire”. Excellente idée a priori que d’honorer ainsi la mémoire et la vision de Jules Verne dans sa ville. Mais faut-il parler de “vision” lorsqu’on redéfinit les dimensions du bâtiment avant de lancer le concours d’architectes, annoncé pour… 2021 ? Avec le cahier des charges imposé par la mairie, on ne risque pas d’avoir une “pointure” se prêter à ce (petit) jeu de démolition/reconstruction.
En résumé : le futur Cap 44 sera bas de plafond. C’est donc un projet “terriblement nantais” pour reprendre les éléments de langage soufflés à la presse et repris à l’unisson. Nantes ou l’avenir raboté : tout un programme. ! Cap 44, à la fin du XIXe, c’étaient les Grands moulins de Loire. #JR2020 leur est donc fidèle sans le vouloir : elle brasse de l’air ou elle bat de l’aile. C’est comme vous voulez.
Partager la publication "Cap 44 ou le futur raboté"
Finalement, ça n’aurait pas été plus mal que la municipalité assume de faire des attractions se revendiquant directement de Jules Verne.
Plutôt que « le grand éléphant », « l’éléphant du tour du monde en 80 jours ». Le carrousel de 20 000 lieues sous les mers ». Etc. Etc.
C’est bien libre de droit tout ça, non ?
Au lieu de ça, une arrogance certaine des initiateurs de la Machine qui veulent bien « s’inspirer », « rendre hommage » mais trouveraient humiliant d’assumer franchement exploiter l’œuvre d’un créateur 20 000 lieues au-dessus de leur très relative créativité.
Ah, et qu’on rebaptise l’aéroport Jules-Verne tant qu’à faire. Liverpool n’a pas attendu pour John Lennon.
Tout ça ne serait pas forcément beaucoup plus noble que ce que l’on a mais ça serait un peu plus franc du collier: exploiter directement l’image d’un des plus grands écrivains au monde pour donner une image de communication à Nantes. Ça serait peut être bien finalement efficace. Et au pire, la ville se fourvoirait en rendant plus ou moins adroitement à un génie.
Pas à chercher à laisser de la place à des dessinateurs industriels, qui comme tout techniciens ou ingénieurs, aussi bon qu’ils soient, doivent assumer un relatif anonymat au sein d’une structure qui est plus grande qu’eux. Or, c’est Nantes qui s’est soumis à la Machine. Alors que Delarozières, il est bien gentil mais après des décennies d’activités, on commence à avoir assez de recul sur son œuvre. Bah, c’est quand même plus proche du dessin industriel que du Grand Art.
Faut le faire, remarquez. Mais ça passerait mieux avec humilité.
Mais ça rapporte moins d’être salarié. C’est quand même beau la sociale-démocratie. Rien à voir ni avec le socialisme, ni la démocratie. En fait, Nantes, c’est un parc d’attractions orwellien.
En décidant de garder ce Hennebique, il a fallu lui trouver un usage, une fonction.
Comme tout à Nantes découle d’une réflexion sur la durée, d’une vision d’ensemble longuement murie, on s’est encore embourbé dans le vaporeux, le fumeux : Musée Jules Verne.
Parce que non seulement le grand homme n’a pas déjà un lieu dédié qui se nomme ainsi mais en plus l’essentiel de son oeuvre a été écrite ailleurs.
Il ne reste que l’imaginaire vernien, propice à la célébration des découvertes technologiques autant qu’à la méfiance envers celles-ci à se mettre sous la dent.
Ce qui sera terriblement nantais aussi est la facture exorbitante prévisionnelle, 10 à 15 M€, soit pour 10 000 à 15 000 € du mètre carré occupé par l’observatoire des imaginaires.