Faut-il tirer sur une ambulance ? Presse Océan nous apprend que le Voyage à Nantes vient d’être perquisitionné pour des faits remontant à la construction du Carrousel des mondes marins, inauguré en juillet 2012. Faut-il lui reprocher des faits d’aujourd’hui ? Mais qui parle de faits, d’abord ? Le problème d’aujourd’hui, c’est ce qu’il ne fait pas !
La nature a horreur du vide. La culture aussi. Graslin était vide ? On a trouvé à le remplir ! Oh ! ce n’est pas que la CGT ait eu à faire un gros effort d’imagination. Les occupations d’usines, elle sait faire, et en période de giboulées, il vaut mieux rester au chaud que de défiler à quelques-uns des Machines à la préfecture. La culture à Nantes n’est pas morte, elle pétitionne encore.
À part ça, pas grand-chose. Assurément, la culture, c’est plus dur en temps de covid-19. Mais ce qui frappe, c’est le manque quasi total d’initiatives de la part des supposés professionnels de l’imagination. Où est le Voyage à Nantes ? Confiné !
C’est mondialement officiel. Que fait le touriste étranger qui pourrait envisager de visiter Nantes ? Il consulte la page web en anglais de Nantes-Tourisme. Et les premières informations qui lui sont servies sont celles-ci :
Castle of the Dukes of Brittany closed until further notice
Museums closed until further notice
Machines closed until further notice
Ça donne envie ! Et si l’on remonte le fil de l’actualité touristico-culturelle depuis un an, c’est-à-dire depuis le début de l’épidémie, que trouve-t-on ? La principale réaction de Jean Blaise et de ses troupes a été de retarder d’un mois le Voyage à Nantes 2020, du 8 août au 27 septembre. Décision plus importante qu’elle n’en a l’air, expliquait alors Jean Blaise au Quotidien de l’art : « La nouvelle date nous a accordé un sursis et nous a permis de nous fixer un but. Nous n’étions plus flottants. L’un des problèmes de cette pandémie est qu’elle nous a tous laissés en l’air : elle nous a donné la sensation que rien n’était déterminant.» La pandémie n’est pas finie.
Click and collect
Aujourd’hui, si l’on s’interroge sur les activités touristiques possibles à Nantes, voici la première proposition offerte : « La boutique de Nantes.Tourisme est ouverte » (sic). L’événement culturel le plus remarquable de ce début 2021 est la vente aux enchères du mobilier du Nid. Puis comme d’hab’ il y aura le VAN en été. D’accord, innover n’est sûrement pas facile aujourd’hui. Mais certains y arrivent. Exemple : le 12 décembre 2020, un concert-test a eu lieu à la Sala Apolo, haut-lieu de la vie nocturne à Barcelone. Il était organisé par le festival Primavera Sound et par une fondation médicale locale, avec l’aval de la région de Catalogne, officiellement pour étudier la transmission du virus parmi les 463 participants. (Résultat : zéro contamination.) On en a parlé dans le monde entier. L’imagination culturelle en temps de covid-19, c’est Barcelone, pas Nantes.
« Sans créativité, il n’y a pas d’image pour la ville » : ce dicton façon comme-disait-ma-grand-mère est de Jean Blaise, répondant à Éric Cabanas le 14 septembre dernier. C’est en substance la même rengaine depuis ses débuts au CRDC en 1987 : il faut de la créativité, et la créativité c’est Jean Blaise. On a pu croire un moment que c’était vrai, avec les Allumées, voici plus d’un quart de siècle. Mais depuis lors, la créativité à la nantaise (à la Blaise…) c’est surtout grandes proclamations et gros budgets.
L’avenir qu’on a devant soi, quand on se retourne, on l’a dans le dos
Voici la première phrase du dossier de presse annonçant la création du Voyage à Nantes, en janvier 2011 : « Le Voyage à Nantes est une structure née de la volonté politique de Nantes Métropole et de la Ville de franchir une nouvelle étape pour s’imposer dans le concert des villes européennes et mondiales, notamment en terme touristique : se positionner et s’affirmer en tant que destination ». Le moyen d’y arriver : semer des œuvres d’art à travers la ville (une idée d’une telle originalité qu’elle n’était venue à aucune cité depuis la Grèce antique).
Ça n’a pas très bien marché, le covid-19 a tout bousillé et l’on ignore s’il sera possible de relancer cette stratégie internationale dépassée. Pas grave, Jean Blaise fait demi-tour sur place et la rhabille en stratégie locale d’avenir, il l’a dit à Euradio le mois dernier : « on avait déjà un coup d’avance avec cette idée que c’est la ville qui doit se montrer, qui doit intéresser les visiteurs et avec cette expérience ce savoir faire de l’art dans l’espace public ». Et d’ajouter : « donc on continue, bien entendu » ! Plus ça change, plus c’est la même chose (version populiste). Il faut que tout change pour que rien ne change (version culturelle).
Sven Jelure
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