Quand Le Point du 13 juin l’interroge sur la réouverture du musée départemental Dobrée, Johanna Rolland s’empresse de recentrer l’entretien sur son pré carré à elle : « Pour parler de la culture à Nantes, j’aime citer André Breton, qui a écrit : « Nantes peut-être avec Paris la seule ville de France où j’ai le sentiment que peut m’arriver quelque chose qui en vaut la peine. » »
La maire de Nantes a sûrement relu son entretien avant publication. Et elle se plante quand même. Breton a écrit : « où j’ai l’impression » et non « où j’ai le sentiment ». Comme chacun sait, le diable est dans les détails : si l’on tient à se donner un vernis culturel, attention à ne pas laisser traîner des poils du pinceau dans la citation.
D’ailleurs, est-il si prudent de nos jours de citer André Breton ? La phrase est extraite de Nadja, paru en 1928. Quatre-vingt-seize ans plus tard, cet homophobe notoire représenté sur le mur de Royal de Luxe ne serait peut-être pas exactement raccord avec la politique municipale.
Ce qui en vaut la peine
Et qu’est-ce donc que ce « quelque chose qui en vaut la peine » ? André Breton en donne un exemple dans la même phrase : « …le temps de traverser Nantes en automobile et de voir cette femme, une ouvrière, je crois, qu’accompagnait un homme, et qui a levé les yeux : j’aurais dû m’arrêter. » Un peu de gaz d’échappement, un soupçon de libido, un chouïa de morgue bourgeoise, un petit fantasme de harcèlement sexuel, et c’est à cela que Johanna Rolland aime se référer « pour parler de la culture à Nantes » ?
Pour être juste, cette adepte d’un certain surréalisme immobilier se situe dans la droite ligne de Jean-Marc Ayrault. LeProjet 2030 initié par ce dernier en 2010 citait fautivement André Breton dès sa première ligne. Il a été solennellement adopté par Nantes Métropole en 2013 du temps de Gilles Retière, et officiellement mentionné pour la dernière fois en juin 2015… Friande d’une citation presque centenaire, Johanna Rolland pourrait envisager d’exhumer ce pensum technocratique vieux seulement d’une dizaine d’années.
Sven Jelure
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