En tirant un peu sur la corde, l’immeuble CAP 44 construit en 1895, a pu voir entrer dans le port de Nantes les derniers navires négriers, tant les commerçants nantais sont restés longtemps sourds aux lois sur l’abolition de l’esclavage.
CAP 44 est cet immeuble, bardé de bleu, situé le long de la Loire, au bas de la butte Sainte-Anne, en face de la carrière Miséry, lieu d’accueil du futur « arbre aux hérons », le nouveau Parc d’attractions des créateurs de l’éléphant.
Qualifié de verrue dans la presse et sur les réseaux sociaux, CAP 44 fait aujourd’hui l’objet d’une campagne de dénigrement incroyablement subjective. L’immeuble n’est pas beau, lit on un peu partout. Il est vrai que sa rénovation dans les années 70 n’a pas été très heureuse, masquant l’élégance de sa conception.
Mais est-ce là le vrai problème ? La cité radieuse de Le Corbusier, est-elle si harmonieuse que cela, dans ses proportions, dans la couleur de sa façade, par sa massivité ?
Non, le handicap de CAP 44 est ailleurs: son maintien ne permettrait pas de profiter d’une vue imprenable sur la Loire depuis la carrière Misery Pire encore: la transformation de son dernier étage en belvédère pourrait contrarier l’exploitation de « l’arbre aux hérons »
Alors maintien ou démolition ? Le sort de CAP 44 a fait l’objet d’une consultation démocratique sur Internet (!), consultation dont le résultat devrait être connu sous peu.
Nantes plus (+) s’émeut de la désaffection entourant cet élément du patrimoine mondial et se demande si les nantaises et les nantais n’auraient pas besoin d’un peu plus (+) d’informations.
Ancien moulin industriel, édifié donc en 1895, CAP 44 est le premier bâtiment industriel au monde, construit en béton armé, selon le procédé « révolutionnaire » de François Hennebique, L’immeuble a été bâti non par assemblage mais de manière monolithique, sans joints. Sa structure, d’une grande finesse, est capable de porter des charges importantes. Il est unique.
François Hennebique est l’inventeur des poutrelles en béton. Maçon devenu ingénieur inspiré, il a déposé de nombreux brevets, conçu des ponts, des châteaux d’eau et des bâtiments publics. Son œuvre est un témoignage précieux de l’époque du développement du béton, dès 1850.
En France et en Belgique, subsistent encore des édifices… Tous classés.
À Nantes, ne pourrait-on pas faire preuve à l’égard de ce patrimoine mondial de beaucoup plus (+) de respect et de modestie ? Qui sommes-nous, pauvres nantaises et nantais pour décider du beau et du bon gout architectural des prochains siècles ? Et aussi se poser les bonnes questions. « L’arbre aux hérons » sera-t-il encore présent dans 125 ans ?
Aphrodite Duras
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