Arbre aux hérons : un grand trou pas près d’être comblé

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons a publié ce 1er juillet 2019 les comptes de son exercice 2018. Ils ne disent pas tout, et pourtant, dès qu’on regarde entre les lignes, c’est déjà beaucoup…

D’abord, une cruelle déception : cette publication est tout aussi irrégulière que celle du Fonds de dotation à vocation culturelle de Nantes et Nantes Métropole. Alors que la Loi l’exige, les comptes ne sont pas certifiés par un commissaire aux comptes. Le commissaire aux comptes, pourtant, le Fonds en a un : il lui a versé 2.368,90 euros d’honoraires de certification en 2018. Alors, pourquoi ne pas avoir publié le document exigé par la Loi ? Serait-il si impubliable ?

Les comptes réservent quand même une bonne surprise : en perte de 35.939 euros en 2017, le Fonds revient à l’équilibre fin 2018 grâce à un excédent de 35.939 euros, pilpoil ! Ça, c’est un sacré hasard !

Ils livrent aussi le vrai bilan de la campagne de dons sur Kickstarter au printemps 2018. Il y a sans doute eu quelques chèques en bois : au lieu des 373.525 euros encore proclamés à ce jour sur Kickstarer, la collecte s’élève à 370.703 euros. Et le Fonds n’en a retiré qu’un montant net de 320.788 euros : il a fallu payer 30.491,81 euros de frais et commissions (9,5 %), et 10.237,52 euros pour les contreparties (3,2 %).

Peu de déplacements mais beaucoup de transport

Mais on n’en a pas déduit les frais de publicité supportés par le Fonds. Il s’élèvent quand même à 123.683,30 euros ! C’est plus d’un quart du total des dépenses de fonctionnement et presque autant que les charges de personnel, 137.527 euros. À celles-ci, il faut d’ailleurs ajouter 39.462,63 euros au titre du « personnel mis à disposition » ‑ peut-être, comme l’an dernier, par les Machines de l’île. Au total, le fonctionnement du Fonds de dotation a coûté 455.484,97 euros en 2018. Presque moitié plus que sa campagne Kickstarter ne lui a rapporté !

À propos de campagne Kickstarter, le mystère des 2.360 années de « pass » gratuits promis aux gros donateurs est tout simplement ignoré : l’octroi de cette récompense, qui devrait être inscrit comme une dette dans les comptes, est laissé à la bonne volonté de quelqu’un d’autre. Autres bizarreries, on note une subvention de 50.000 euros versée par le Fonds à un bénéficiaire non précisé (l’article 2.1 de ses statuts interdit au Fonds de verser de l’argent à qui que ce soit d’autre que Nantes Métropole) et 50.000 euros d’« autres dettes » envers un créancier pas davantage précisé (plutôt bizarres pour un organisme qui possède 334 760,99 euros en banque et 20 euros en caisse).

En dehors des frais de publicité et de personnel, les comptes du Fonds ne dénotent pas une activité débordante. Il écrit peu (71,96 euros d’affranchissements) et ne bouge guère (990,33 euros de voyages et déplacements). On s’interroge donc sur les 23.585,12 euros de frais de transport. Karine Daniel, déléguée générale du Fonds, aurait-elle bénéficié d’une voiture de fonction ?

Elle n’en aurait pourtant pas fait un grand usage, ou alors avec peu d’efficacité, pour démarcher les entreprises. La chasse aux mécènes n’a rapporté en 2018 que 415.000 euros. On en attend au total 12 millions. On pourrait donc espérer les 12 millions attendus en une petite trentaine d’années. Mais le calcul serait faux : il faut déduire les charges d’exploitation du Fonds. À 455.484,97 euros par an, on reculerait au lieu d’avancer.

Panne de mécènes

La bonne nouvelle, c’est que des promesses de dons ont été récoltées pour les prochaines années. Il y en a pour 1,39 million d’euros au 31 décembre 2018. La mauvaise nouvelle, c’est que Pierre Orefice avait annoncé à plusieurs reprises qu’une quarantaine d’entreprises s’étaient engagées pour un total de 4 millions d’euros (Fabrice Roussel, vice-président de Nantes Métropole, n’annonçait, lui, que 3,5 millions d’euros). On nous aurait menti ?

Cependant, l’information la plus importante livrée par les comptes ne date pas de 2018 mais de 2019 : « Par courrier en date du 4 avril 2019, la Direction Générale des Finances Publiques a notifié une réponse défavorable pour la demande de rescrit mécénat rédigée par le fonds de dotation le 23 février 2018. » Décodage : les dons des entreprises au Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons ne sont pas du tout déductibles de leurs impôts. Il y a de quoi refroidir pas mal de bonnes volontés.

« Les entreprises attendent la décision de Bercy (le ministère de l’Économie et des Finances) concernant le rescrit fiscal », avait pourtant assuré Pierre Orefice à Ouest France le 2 mai dernier. Alors que le Fonds connaissait depuis trois semaines la décision négative de Bercy.

Sven Jelure 

2 réponses sur “Arbre aux hérons : un grand trou pas près d’être comblé”

  1. Merci ZeKa. Un fonds de dotation doit même désigner un commissaire aux comptes « dès lors que le montant total de ses ressources dépasse 10 000 euros en fin d’exercice », mais bien entendu le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons dépasse aussi le seuil de 153.000 euros.

  2. Bonjour Sven,
    Si vous constatez des anomalies dans ce document, vous pouvez la rapporter au service préfectoral qui est en charge de vérifier la bonne tenue des comptes.
    Pour info, afin de certifier les comptes de l’exercice par un Commissaire aux comptes, il faut atteindre un montant minimum de 153 000 € de dons et/ou subventions. (source : dila.gouv.fr)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *