Peut-on égarer un souterrain ? Nantes Métropole l’a fait ! Mais sa redécouverte tardive va coûter une fortune aux contribuables métropolitains.
Pour la transformation du pont Anne-de-Bretagne, Nantes Métropole a passé des marchés publics obligeant les constructeurs à maintenir la circulation automobile pendant la durée du chantier. Puis elle les a dégagés de cette obligation en découvrant, bien tardivement, qu’il faudrait couper la circulation boulevard Léon-Bureau en raison de « la nécessité de réhabilitation préalable des réseaux d’eau ».
Il était déjà assez extraordinaire de découvrir en novembre 2023, après des années d’études préalables à la construction du CHU et de nouvelles lignes de tram, qu’il y avait des tuyaux sous le boulevard Léon-Bureau. Mais en réalité, on n’avait pas encore tout découvert…
Fin mars, la SAMOA, société d’économie mixte de Nantes Métropole publiait un avis de marché expliquant : « dans le cadre du projet des nouvelles lignes de transport sur l’agglomération nantaise, un ancien passage souterrain piéton passant sous le boulevard Léon Bureau, dans le prolongement de la rue de la Tour d’Auvergne, a été mis en évidence [c’est moi qui souligne]. Cet ouvrage n’est pas compatible avec l’infrastructure tramway, la SAMOA doit engager la démolition et déconstruction de ce passage. »
Ainsi, Nantes Métropole avait égaré un souterrain ! En fait, il avait été condamné voici une quinzaine d’années, tout en restant accessible pour maintenance. (On s’interroge évidemment sur la « maintenance » d’un tunnel condamné.)
Cette redécouverte au tout dernier moment, quelques jours avant le début des travaux du pont Anne-de-Bretagne a suscité quelque émotion. Voire quelque affolement. Pour ne pas perturber le chantier des nouvelles lignes de tram, il fallait confier dare-dare la destruction du petit tunnel à une entreprise de travaux publics. En matière de marchés publics, le délai minimal entre envoi de l’avis de marché et réception des candidatures et des offres est de trente-cinq jours (article R2161-2 du code de la commande publique). Il peut être réduit à quinze jours « lorsqu’une situation d’urgence, dûment justifiée, rend le délai minimal impossible à respecter » (article R2161-3).
Comment ne pas nuire à Stéréolux
Ni le site TED-Europa ni la Centrale des marchés ne semblent avoir gardé trace de l’avis de marché de la SAMOA. On ignore donc comment la situation d’urgence a été « dûment justifiée » (sinon par l’impéritie des services métropolitains). Toujours est-il que, selon l’avis d’attribution, cet avis aurait été envoyé le 25 mars, pour un dépôt des offres avant le 15 avril à midi ! Soit vingt et un jours au lieu de trente-cinq.
Boucher un souterrain sur une vingtaine de mètres, largeur du boulevard Léon-Bureau, ne devrait pas être trop compliqué, n’est-ce pas ? L’entreprise chargée du travail devra d’ailleurs le réaliser en cinq semaines maximum, entre le 1er juillet et le 31 août, « compte tenu des contraintes inhérentes au site et plus particulièrement de l’impact sur l’exploitation de la salle de spectacles STEREOLUX ».
Mais le contribuable métropolitain n’est pas au bout de ses surprises dans cette affaire : le contrat a été attribué à une entreprise de TP de la région moyennant 35 591 700,00 euros. On a bien lu : plus de trente-cinq millions d’euros ! Soit quelque chose comme 1,8 million d’euros le mètre linéaire… Le coût annoncé du doublement et du réaménagement du pont Anne-de-Bretagne est de 50 millions d’euros. Et boucher un tunnel en coûterait 35 ? Après tout, quand on a sérieusement envisagé un Arbre aux Hérons à 52 millions, l’échelle des prix nantais n’a plus rien qui puisse surprendre.
Sven Jelure
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Attention, il y a une erreur de virgule dans le montant des travaux publié dans l’avis d’attribution du marché. Ce n’est pas 35,5 M€ mais 355 917 € !