Le Voyage à Nantes commence à la descente du train. Les années précédentes, la première station du chemin de croix à travers la ville se trouvait au Lieu Unique. C’est déjà loin de la gare SNCF. S’il vous est arrivé de traîner des enfants sur près de 500 mètres de trajet sous le cagnard dans un site encore en chantier et presque dépourvu de végétation, vous savez que l’expression « chemin de croix » est à peine exagérée.
Sagement, cette année, les organisateurs ont donc érigé une œuvre d’art dès la sortie de la gare, histoire d’occuper les jeunes esprits. « Les enfants, qui trouvera le premier l’œuvre d’art de la gare ? »
– Non, ce ne sont pas les deux nacelles orange, qui sont de vrais engins de chantier.
– Non, ce n’est pas la résille blanche en haut à droite ; là, c’est le pare-soleil de la nouvelle gare.
– Non plus, ce n’est pas le poteau de travers, qui est juste un poteau d’éclairage incliné.
‑ Non, toujours pas, ce n’est pas le graffiti sur la palissade, qui est juste un graffiti sur une palissade.
‑ Encore raté, ce n’est pas le disque solaire rouge et bleu, qui est juste un panneau d’interdiction de dépose-minute.
L’œuvre d’art, c’est le tas de planches au milieu, sur le toit de l’ancienne gare.
Il paraît qu’il faut y voir un nid géant. À la demande de Jean Blaise, Tadashi Kawamata va semer une dizaine d’installations du même genre à travers la ville. Au lieu de la traditionnelle chasse aux œufs de Pâques, on entraînera les enfants dans une chasse aux nids. Et c’est sans risque : ils ne seront pas habités. Dommage, on regrette encore les loups mis par Stéphane Thidet dans les douves du château pour Estuaire 2009. On aurait bien imaginé quelque ptérodactyle géant venant se servir parmi les voyageurs, sur le parvis de la gare, à l’heure du casse-croûte.
Pourquoi des nids et pas des licornes, des armoires normandes, des ramasse-bourriers ou des ratons-laveurs ? Trop simple, tout ça ! Il fallait à Tadashi Kawamata quelque chose qui sorte de l’ordinaire et qui lui permette d’exprimer une vision esthétique puissante. Dans ce nid ferroviaire, on sent l’effort intellectuel de l’artiste qui crée. Et penser qu’il a réussi à en concevoir dix comme ça, ça impressionne. Vraiment.
Sven Jelure
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