L’École des Beaux-arts se fait flasher, Nantes Métropole aussi

L’École des Beaux-arts de Nantes-Saint-Nazaire (EBANSN) est une fois de plus sur la sellette. La chambre régionale des comptes vient de lui consacrer un « audit-flash » pas exactement élogieux. Nantes Métropole et la Ville de Nantes sont aussi en cause.

L’EBANSN vivait dangereusement. En 2019, la Chambre lui avait consacré un rapport plutôt gratiné.« La chambre a relevé de nombreuses anomalies dans la gestion de l’établissement », y lisait-on.« L’ensemble de ces anomalies sont de nature à fausser la sincérité des comptes. »

Parmi les « anomalies », le directeur de l’époque, Pierre-Jean Galdin, avait bénéficié de diverses gâteries et les indemnités versées au personnel étaient affectées de « plusieurs irrégularités ». En particulier d’une prime dite « de service public »… alors que l’école n’en était pas (ou plus) un. En octobre 2019, comme le veut la loi, le rapport a été présenté au conseil d’administration de l’école. Et le jour-même, relate la Chambre, le conseil « a délibéré, en toute irrégularité, en faveur du maintien de la prime ». On sent comme un peu d’agacement dans ce constat.

En 2020, en session plénière, la Chambre a insisté sur le caractère irrégulier de la prime en mettant quelque 140 000 euros de dépenses irrégulières à la charge de la comptable de l’établissement pour ne pas s’être assurée de leur légalité. L’École n’a pas bougé. Enfin, courageuse mais pas téméraire, elle s’est empressée de supprimer la prime irrégulière quand un nouveau contrôle a été ouvert en février 2024. Trop tard : depuis la publication du rapport de 2019, son versement avait coûté plus de 800 000 euros !

La construction des nouveaux locaux de l’École sur l’île de Nantes avait aussi fait tiquer la Chambre. Elle y était revenue dans un rapport de décembre 2020 sur l’enseignement supérieur en arts plastiques. Le montage juridique de l’opération, dit-elle, « revenait à ce que Nantes Métropole subdélègue ses attributions pour la désignation du maître d’œuvre, ce qui n’est pas conforme à l’article 4-II de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ». Quant au coût de la construction, il a augmenté de 43 % en trois ans !

Puisque le sujet immobilier était sensible, l’EBANSN aurait dû le traiter avec précaution. Mais la réalité financière était là, constate la Chambre : « Malgré [ses] aides publiques importantes l’école ne pouvait financer le coût de construction des bâtiments de son site de Nantes ni de celui de Saint-Nazaire. » Il a fallu recourir à un « portage irrégulier du bâti ». Les locaux nantais ont été « vendus » à Nantes Métropole pour un euro symbolique… à charge pour elle de rembourser un emprunt de 17 millions d’euros. Un montage dont le « fondement juridique » était « insuffisant », gronde la Chambre. Cerise sur le gâteau, Nantes Métropole et la CARENE, pour l’implantation nazairienne, louaient leurs immeubles à l’École sans leur réclamer le loyer prévu par la loi.

L’EBANSN vit à 85 % des financements que lui apportent Nantes Métropole, l’État, la CARENE (Saint-Nazaire) et quelques autres. Il y en a pour plus de 6 millions d’euros par an. Environ la moitié vient de Nantes Métropole. Néanmoins, il y a du doigt mouillé dans le pilotage de ses finances : « faute de stratégie financière claire, les contributions des collectivités membres varient régulièrement, sans être établies clairement, ni par les statuts, ni par des conventions d’objectifs et de moyens fixant une répartition claire des coûts ». Là encore, l’audit flash révèle que les conclusions du rapport de 2019 sont largement restées lettre morte.

Le dilemme de 2026 sera vite réglé

Il ne s’agit pas seulement de négligence chez de purs esprits artistiques. Quand l’EBANSN vend ses locaux à Nantes Métropole, par exemple, Nantes Métropole ne se contente pas de la laisser faire. Elle joue un rôle moteur dans l’opération. Or ses services juridiques sont sûrement plus musclés que ceux d’une école des beaux-arts.

Nantes Métropole est d’ailleurs chez elle à L’EBANSN, établissement public de coopération culturelle dont elle est membre aux côtés de la Ville de Nantes, la ville de Saint-Nazaire et la CARENE. Quatorze des vingt-quatre membres de son conseil d’administration sont nommés par ces collectivités, principalement par Nantes Métropole (neuf représentants), le solde étant formé de représentants du personnel et des étudiant ainsi que de trois personnalités qualifiées. Le conseil est présidé par Aymeric Seassau, adjoint communiste à la culture de Nantes.

Son prédécesseur, David Martineau, lui aussi adjoint à la culture de Johanna Rolland, pouvait invoquer des circonstances atténuantes face aux critiques de la Chambre régionale des comptes : il avait essuyé les plâtres d’une école pas très bien conçue, d’un déménagement et d’un changement de statut. Quelques jours après la publication du rapport de 2019, il avait néanmoins annoncé qu’il ne serait pas candidat sur la liste de Johanna Rolland pour l’élection municipale de 2020. Poussé dehors ? En tout cas, personne ne l’a retenu.

À la surprise quasi générale, le directeur de l’école avait sauvé sa tête avant de prendre sa retraite en 2021. Lui a succédé l’une de ses anciennes collaboratrices, Rozenn Le Merrer, dont Thibaut Dumas disait dans Médiacités que « le costume est peutêtre un peu grand pour elle ». Ce qui aurait dû être, pour le président et le conseil d’administration de l’École, une raison supplémentaire de suivre scrupuleusement la voie balisée en 2019 par la Chambre régionale des comptes…

Johanna Rolland peut-elle reprendre la main d’ici la prochaine élection municipale en désignant un nouveau président ? La question peut se poser d’une autre manière : électoralement parlant, en 2026, l’approbation de la Chambre régionale des comptes pèsera-t-elle plus lourd que celle du Parti communiste ?

Sven Jelure

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