Les Machines de l’île : le boulet du Voyage à Nantes

Derrière une communication toujours satisfaite, Le Voyage à Nantes survit grâce à de grosses subventions publiques. Il est plombé en particulier par Les Machines de l’île. Si rien ne change, leur situation ne peut aller qu’en s’aggravant.

Le Voyage à Nantes, on l’a dit, vivote. Sophie Lévy, remplaçante de Jean Blaise, dit vouloir le réinventer sans rien dévoiler de remarquable. Cordula Riedel, nouvelle directrice du tourisme arrivée fort discrètement début septembre, n’a pas encore proclamé ses intentions. La raison pour laquelle ce poste a été retiré à Hélène Madec, recrutée tout exprès en avril 2023, n’a pas été expliquée.

Il va pourtant falloir faire quelque chose. Les finances de la SPL Le Voyage à Nantes ne sont pas brillantes. Après un gros déficit d’exploitation (-1 046 605 euros) en 2023, elle a affiché un résultat positif (161 815 euros) en 2024. Mais cette amélioration est entièrement due aux contribuables et non aux touristes ! Les subventions d’exploitation versées principalement par Nantes Métropole ont bondi de 21,1 millions d’euros en 2023 à 23,2 millions d’euros en 2024 ! Clairement, Johanna Rolland a voulu éviter à Jean Blaise de s’en aller sur une nouvelle année officiellement catastrophique.

Le chiffre d’affaires, lui, est passé de 12,2 millions d’euros en 2023 à 12,7 millions en 2024 : il n’a progressé que de 568 510 euros (+ 4,67 %) malgré la hausse des tarifs des Machines de l’île et le succès notable des expositions Gengis Khan et Chevaliers. Ce montant décevant est même inférieur à l’augmentation des frais de personnel, passés de 15,0 millions d’euros à 15,9 millions (+ 5,51 %). La variable d’ajustement, c’est le contribuable qui, chaque fois qu’un visiteur a payé 1 euro de sa poche, y a ajouté 1,82 euro de la sienne. Ce gouffre révèle l’inefficacité de la dépense publique touristique nantaise. Le tourisme contribue moins à l’économie nantaise que Nantes ne contribue à l’économie touristique.

Les Machines de l’île ont loupé le coche

Le gros point noir, ce sont les Machines de l’île. Censées rapporter de l’argent à l’origine, elles en ont toujours coûté, et de plus en plus. Les subventions oficiellement inscrites dans la convention passée entre Le Voyage à Nantes et Nantes Métropole étaient censées progresser parallèlement à celle de la fréquentation. Il a fallu les accroître pour boucher les trous.

Année après année, un constat s’impose : le choix imposé en 2004 par Jean-Marc Ayrault, contre l’avis formel d’un cabinet-conseil en marketing touristique, était mauvais. Les Machines sont aujourd’hui terriblement déficitaires et n’attirent pas assez de monde. Le Voyage à Nantes évoque une « légère baisse » de fréquentation en 2025. Mais comme elles ont compté 223 761 visiteurs en juilet-août 2025 contre 246 416 en juillet-août 2024, cette « légère baisse » atteint en réalité -9,2 % !

Avec 246 416 billets, le score de l’été 2024 était identique, à quatre billets près, à celui de juillet-août 2017, sept ans plus tôt (246 420 billets). Le contrat passé entre Les Machines de l’île et Nantes Métropole en 2017 prévoyait que le nombre de billets vendus progresserait d’environ 9,3 % entre 2017 et 2025. Il est parti pour baisser dans une proportion analogue. Près d’un cinquième des visiteurs espérés ne seront pas au rendez-vous.

Comment est-ce possible ? Le marché du tourisme progresse partout depuis plusieurs années sauf en 2020 et 2021 à cause du covid-19. Depuis 2017, la fréquentation du Puy du Fou, par exemple, a augmenté d’environ 25 %. On dirait que les Machines de l’île sont les seules à louper le coche. Nantes Métropole se réjouit de la progression du nombre de visiteurs étrangers, espagnols surtout (+33 %, merci Nantes Atlantique, Volotea, Vueling, Transavia…). Mais elle ne fait que compenser la baisse du visitorat local.

Un déclin inéluctable si rien ne change

Le Voyage à Nantes affirme avoir attiré plus de visiteurs estivaux en 2025 que l’an dernier mais reconnaît que la fréquentation des Machines de l’Île a baissé de 9,2 % ‑ un constat objectif puisque basé sur le nombre de billets vendus. Pourquoi cette divergence ?

Le Voyage à Nantes ne prétend pas qu’elle soit due aux travaux en cours sur le pont Anne-de-Bretagne. Les possibilités d’accès sont inchangées pour les visiteurs qui viennent à pied, à vélo en bus ou en tram (la traversée du pont est même devenue plus sympathique pour les piétons). Ceux qui viennent en voiture risquent de mettre plus de temps, mais les déviations sont bien signalées, les services GPS comme Waze indiquent sans difficulté le trajet à suivre et les possibilités de stationnement ne sont vraiment affectées que pour ceux qui auraient prétendu se garer sur le parking Gloriette-Petite Hollande. Face au site des Chantiers, les parkings Machines et Les Nefs, rarement bondés, proposent 1 140 places de stationnement.

En tout état de cause, les travaux étaient déjà en cours en 2024, et même sous une forme plus pénalisante. Pourtant, les Machines ont vendu plus de billets en juillet-août 2024 qu’en juillet-août 2023 ! Seule la destruction du Bar de la Branche a pu nuire un peu à la fréquentation, mais comme elle a été généreusement compensée par Nantes Métropole, Le Voyage à Nantes aurait mauvaise grâce à s’en plaindre…

Non, pour expliquer le médiocre résultat de l’été 2025, Le Voyage à Nantes allègue expressément quatre causes :

  • les fortes chaleurs,
  • des fermetures temporaires pour cause de panne,
  • l’absence de nouveauté dans le bestiaire,
  • l’absence de « leviers événementiels (tels Long Ma en 2024) ».

Long Ma est un cas particulier, ponctuel et… mystérieux ! La présence du cheval-dragon chinois a attiré du monde, mais cette promo a coûté 79 000 euros de subvention supplémentaire à Nantes Métropole – une subvention versée à La Machine (qui vient de se rebaptiser Compagnie La Machine) et non aux Machines, peut-être pour éviter une dégradation supplémentaire de leurs comptes.

Les trois autres causes invoquées par Le Voyage à Nantes ne devraient pas aller en s’arrangeant : les climatologues nous prédisent encore plus de chaleur, le vieillissement des équipements annonce de nouvelles pannes et l’abandon de l’Arbre aux Hérons prive les Machines de nouveautés (depuis un conseil métropolitain d’octobre 2017, les nouvelles machines étaient destinées à l’Arbre aux Hérons) : sans Arbre, plus de nouveautés. Ce qui, on le verra, pourrait vite avoir des conséquences graves (à suivre).

Sven Jelure

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