Nantes plus jobarde : La Machine à Toulouse

Dans deux mois, La Halle des mécaniques créée par Toulouse Métropole concurrencera directement Les Machines de l’île créées par Nantes Métropole, avec un concept pratiquement identique et des engins encore plus spectaculaires. Un revers majeur pour Nantes et un succès incontestable pour François Delarozière.

François Delarozière doit beaucoup à son talent et pas mal aussi à Jean-Marc Ayrault. Il n’avait que 26 ans quand ce dernier, en 1989, offrit le gîte et le couvert à Royal de Luxe, jusque-là basé à Toulouse. Royal de Luxe n’était alors que l’une des innombrables troupes de théâtre de rue fondées dans les années 1970. Comme presque toutes, elle vivotait. Les généreux financements de la ville de Nantes lui permirent de réaliser ses idées en grand. En grand au propre et au figuré : le succès international de Royal de Luxe repose sur ses Géants. Et les géants sont les enfants de François Delarozière.

Le second tournant capital pour celui-ci date de 2004. Nantes Métropole voulait aménager un équipement « structurant » sur le site des anciens chantiers navals, abandonné depuis dix-sept ans. Une dizaine de projets avaient été présentés. Un cabinet-conseil les avait rangés par ordre d’intérêt. Lors du conseil métropolitain du 18 juin 2004, Jean-Marc Ayrault imposa pourtant l’un des moins bien classés : celui des Machines de l’île, présenté par Pierre Orefice et François Delarozière.

Ce dernier, sans doute conscient de son grand destin, avait créé dès 1989, à Tournefeuille, dans la banlieue de Toulouse, une association vouée aux métiers du spectacle, La Machine. C’est à elle que serait confiée la réalisation des machines géantes installées sur le site des chantiers. Plus étonnant encore, ces travaux lui seraient confiés par marchés de gré à gré, sans appel d’offres. Payées par Nantes Métropole, donc par les contribuables, les machines coûtent ce que deux amis de longue date décident qu’elles valent. La Machine bénéficie ainsi d’une situation financière extrêmement confortable – mais difficile à apprécier exactement*. Si Pierre Orefice dirige les Machines de l’île, le grand gagnant de l’opération est François Delarozière.

Delarozière bientôt concurrent des Machines de l’île

La Machine put ainsi développer des compétences, un savoir-faire, une notoriété, une démonstration commerciale et des relations d’affaires qui allaient lui permettre de vendre des spectacles basés sur ses machines dans le monde entier. On dit merci qui ?

Eh bien justement, on ne dit pas merci. Jean-Marc Ayrault, négociateur déplorable, n’avait exigé aucune exclusivité de la part de François Delarozière. Il a fallu attendre fin 2017 pour que les droits de Nantes Métropole sur l’image des machines construites à ses frais soient formalisés (moyennant une solide rémunération au profit de leurs deux auteurs). Mais rien n’interdit à François Delarozière d’entrer frontalement en concurrence avec les Machines de l’île. Sa situation désormais assurée, c’est ce qu’il s’apprête à faire.

Il inaugurera le 9 novembre à Toulouse Montaudran une Halle des mécaniques où ses machines monumentales seront exposées en permanence. Les préparatifs vont grand train. Le quotidien régional La Dépêche en a rendu compte samedi dernier. « De l’empilement des gros containers aux effluves atlantiques, tout juste arrivés de Nantes, émergent les membres démantibulés d’une araignée géante », écrivait ainsi l’auteur de l’article, Gilles-R. Souillés. Car les 5.000 m² de la halle de Montaudran seront remplis de machines construites pour la plupart à Nantes et en partie financées par Nantes Métropole.

Le clou de l’exposition sera un Minotaure d’une douzaine de mètres de haut qui, longtemps stocké dans les ateliers nantais, fera sa première sortie dans le centre de Toulouse le 1er novembre. Ça ne vous rappelle rien ? Bien sûr, ce sera un alter ego du Grand éléphant. En plus spectaculaire encore : comme le cheval-dragon Long Ma, qu’on a pu voir à Nantes, il crachera du feu et pourra galoper et se cabrer. Avec ses sprints à 1,5 km/h et ses barrissements enroués, le Grand éléphant fera parent pauvre. D’autant plus que le Minotaure arpentera une ancienne piste d’aéroport prestigieuse, d’où s’envolèrent les pionniers de l’Aéropostale.

Delarozière seul maître à bord

Quant à la Halle, cinq fois plus vaste que la Galerie des Machines de l’île, elle exposera dès son premier jour des mécaniques spectaculaires. Il est probable que François Delarozière aura profité de son expérience nantaise pour éviter des défauts auxquels son ami Pierre Orefice n’a jamais su remédier : mauvaise gestion des files d’attente, absence de présentations en langues étrangères, sentiment d’inéquité des visiteurs quand une ou deux personnes seulement ont accès aux machines, etc.

Car oui, le patron de l’affaire, le seul, ce sera François Delarozière, via sa nouvelle association La Machine Toulouse. Toujours sans le moindre appel d’offres, Toulouse Métropole lui a confié les clés et y a rajouté 577.000 eurosde subvention par an. L’ancien maire socialiste, initiateur de l’affaire, avait pourtant affirmé qu’elle ne coûterait rien aux contribuables.

Que L’Arbre aux Hérons se fasse ou non n’aura sans doute plus beaucoup d’importance une fois l’établissement toulousain ouvert. On peut même se demander si ce n’est pas un rideau de fumée qui a permis à François Delarozière, jusqu’à présent, de travailler avec les Toulousains sans irriter les Nantais. En tout cas, la Halle sera pour lui un couronnement auquel peu d’artistes peuvent prétendre.

Il revient pourtant de loin. Le nouveau maire de droite élu en 2014 avait juré que la Halle aux mécaniques ne se ferait pas. Après un entretien avec François Delarozière, il avait changé d’avis du tout au tout. Delarozière n’est pas seulement un grand créateur, c’est un négociateur d’une redoutable efficacité.

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* Contrairement à une obligation légale, La Machine a cessé de publier ses comptes annuels depuis son exercice 2011. Cette année-là, les salaires versés par l’association s’élevaient, sans les charges, à 1,3 millions d’euros pour un effectif de 25 équivalents temps plein, dont quatre cadres, soit 52.000 euros par personne en moyenne.. Elle avait aussi payé plus de 38.000 euros de redevances pour brevets et licences.

2 réponses sur “Nantes plus jobarde : La Machine à Toulouse”

  1. Ouest-France et Presse-Océan feront-ils seulement un encart le jour de l’inauguration ?
    Ils seraient bien capables de tourner ça de manière à donner sentiment aux lecteurs que Nantes inspirent Toulouse.

    1. Toulouse a tout prévu : On le sait peu, mais l’aventure des machines géantes a justement commencé à Toulouse. L’usine de fabrication des robots est à Tournefeuille depuis des années. François Delarozière, leur créateur, a ainsi passé une quinzaine d’années dans la Ville Rose. C’est donc en quelque sorte un retour aux sources pour les machines, qui seront désormais réparties entre Nantes et Toulouse.
      https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/les-machines-geantes-debarquent-a-toulouse-1535738635

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