Quand, vers la Noël 2017, Nantes avait été autorisée à expérimenter les marquages publicitaires éphémères sur les trottoirs, ça n’avait été qu’un cri : Touche pas à mon macadam !
La Ville, sans doute inscrite à l’insu de son plein gré sur la liste des expérimentateurs, avait repoussé la perspective avec horreur.
Elle avait stigmatisé « une pollution visuelle en contradiction avec la volonté de Nantes de valoriser les atouts patrimoniaux et environnementaux de son centre ville ».
Elle avait aussi rappelé les grands principes : « C’est pour cela aussi que Nantes s’est doté d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur de son centre-ville. La Ville souhaite s’en tenir aux codes de la route et de l’environnement et refusera toute demande de marquage au sol. » Le Plan de sauvegarde et de mise en valeur venait justement d’être révisé ; après une enquête publique fin 2016, il avait été soumis au conseil métropolitain le 24 mars 2017. On n’allait pas si vite s’asseoir dessus !
« La nécessité d’une écriture homogène architecturale s’impose », affirmait le Plan. « Celle-ci s’affirme aujourd’hui avec le recours quasi systématique au granite en dallage, pavage ou bordure, de préférence de la couleur gris beige du granite des immeubles et un mobilier urbain métallique peint en vert nantais. »
Mais Nantes, on le serine sur tous les tons, est une ville créative : son imagination ne saurait se borner au gris beige et au vert nantais. Et puisque la Ville refuserait les marquages, il suffisait de ne pas demander : une nuit de début juin, un commando nocturne, qui avait sans doute quelque chose à dire, avait peint en six couleurs (de bas en haut, rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet) l’escalier de la rue Beaurepaire, qui rejoint le cours des 50 otages en son milieu.
Nantes lave plus blanc
Six jours plus tard, un autre commando nocturne, qui avait sans doute autre chose à dire, repeignit en blanc une partie des marches. La Ville, ç moins tolérante aux marches blanches qu’aux marches de couleur, envoya ses nettoyeurs déblanchir les lieux. Las ! Les Kärcher municipaux sont daltoniens : incapable de distinguer le blanc des couleurs, ils enlevaient tout. Horrifiés, les nettoyeurs stoppèrent le travail en son milieu. Voilà pourquoi les touristes ont pu admirer tout au long de l’été cet étrange décor où le « gris beige du granite » le dispute aux couleurs survivantes.
Repentante, la Ville a officiellement fourni un stock de peinture aux partisans des couleurs. On espère que la comptabilité publique a une ligne pour inscrire ce genre de cadeau, mais là n’est pas la question. On espère surtout que la Ville a fourni sept couleurs et non six, car traditionnellement c’est ainsi qu’on représente l’arc-en-ciel. Et plus encore, on espère qu’elle ne s’en tiendra pas là.
Car les escaliers aux couleurs de l’arc-en-ciel sont d’une affligeante banalité. Du Brésil à la Turquie, ils abondent. Même larges, quelques marches peinturlurées ne sont pas suffisantes pour valoir à Nantes le badge de créativité auquel elle aspire. Alors, allons-y franco, peignons partout, ce n’est pas MM. Castorama et Dulux qui s’en plaindront.
Sven Jelure
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@ Vil Germe
• Railler une municipalité qui soutient d’une main ce qu’elle interdit de l’autre, ce serait de l’homophobie ? Votre logique m’échappe.
• Qu’on exprime des convictions politiques, religieuses, philosophiques ou syndicales, toutes respectables, un acte illicite reste un acte illicite.
• Si chacun cherche à modifier la forme de la ville au nom de ses propres convictions, ça va partir dans tous les sens. Nantes pourra faire la preuve de sa fameuse créativité. D’où ma conclusion : Allons-y franco. Tiens, vous risquez de m’accuser de franquisme !
Et voilà les vraies couleurs de Sven, culturellement réac et maintenant homophobe. Avec lui, c’est gris-vert toute l’année!
Vous semblez être sensible aux symboles, pensez-vous qu’une personne qui descend les escaliers de la rue de Beaurepaire plutôt que de les monter est homophobe ? Refusant par là de voir les couleurs des contre-marches ? Il m’a semblé que Sven pointait sa plume sur l’erreur municipale initiale (tout nettoyer, le blanc et les couleurs), transformée d’un coup de pinceau magique en monument à la gloire de la tolérance et de l’ouverture municipale.
Mais peut-être moi-même n’ai-je pas compris.
Victor Hublot