Périscolaire : la médiocrité du système nantais

La chambre régionale des comptes a consacré à l’Association Léo Lagrange Ouest (LLO) un rapport plutôt sanglant. « Sanglant » est une métaphore, bien sûr, puisque la Chambre y use comme toujours d’un langage très mesuré. Ses critiques les plus féroces sur l’accueil périscolaire à Nantes peuvent paraître anodines au lecteur distrait.

La ville de Nantes en prend pour son grade au passage. Le contraire serait étonnant. Elle a confié à LLO ses 115 accueils périscolaires. Ce qui représente pas mal d’argent : 120 millions d’euros sur six ans et demi. Or, LLO n’est pas pour elle un prestataire lambda mais un endroit où elle compte beaucoup d’amis.

Léo Lagrange Ouest dépend d’une vieille organisation, la Fédération Léo-Lagrange, dont le nom rend hommage à un ministre du Front populaire. Celle-ci a été créée voici plus de 70 ans par un futur Premier ministre de François Mitterrand, Pierre Mauroy, alors patron des Jeunesses socialistes. La Fédération est restée très proche du Parti socialiste depuis lors. Alain Chenard en a été un haut responsable avant d’être maire de Nantes. Plus récemment, Philippe Grosvalet, ex-président du conseil départemental de Loire-Atlantique aujourd’hui sénateur, y a fait carrière pendant vingt-cinq ans avant de devenir politicien professionnel.

Cette proximité peut expliquer que la chambre régionale des comptes pointe un certain laxisme dans leurs relations. En particulier, l’accord passé par la Ville avec LLO pour la période 2022-2024 est affecté de plusieurs irrégularités qui « fragilisent [sa] validité ». Le flou règne aussi sur les conditions d’évolution du prix des marchés. Qu’on se rassure : ce prix augmente ! Par ailleurs, la ville s’est lié les mains envers LLO : en pratique, il lui est impossible de résilier leur accord cadre, ce qui « entraîne un déséquilibre certain dans les négociations ». Mais tant que la confiance règne…

Confiance aussi quant aux services facturés. La ville ne contrôle pas bien les heures effectuées par LLO, pas plus que les prestations « complémentaires », commandées en toute imprécision. La Chambre a même déniché une « refacturation à la ville de Nantes, par LLO, des surcoûts liés à une mauvaise évaluation des moyens humains nécessaires à la réalisation de la prestation au stade de l’offre ». Quant aux paiements, ils sont effectués avant exécution des prestations, ce qui « constitue un manquement caractérisé […] et est financièrement risqué en l’absence de constitution de garantie à première demande du cocontractant. »

Des « arrangements » avec le droit de grève

La bienveillance financière de la ville envers LLO est-elle justifiée par une qualité de service impeccable ? Même pas ‑ les parents ne peuvent que le constater. Et la Chambre aussi : dès la première page de son rapport de 72 pages, elle indique que « Le pilotage financier et qualitatif de cette activité n’est pas correctement assuré ». Et aussi que « La qualité du service doit […] être renforcée. Le turn-over et l’absentéisme élevés des équipes sont en effet susceptibles de nuire à la sécurité des enfants accueillis ». Une sécurité mal assurée pour les enfants ? Voilà une information qui fait froid dans le dos des parents.

La situation tient pour une part à une culture de la grève instaurée dès la conclusion du premier contrat entre la Ville et LLO en 2018. Johanna Rolland avait fait semblant de taper sur la table sans guère se faire respecter. La grève prend chez LLO des formes pernicieuses : « Des salariés peuvent se déclarer grévistes afin d’inciter la direction à fermer le site, puis venir travailler, entraînant une perturbation du service (l’ouverture d’un service ne pouvant se décider à la dernière minute), sans impact salarial pour eux. » Aux grèves s’ajoutent des « débrayages » abondants et d’une légalité douteuse : « un animateur ayant débrayé 15 mn (5 mn matin, midi et soir) sur une journée où il devait assurer 6h d’accueil paralysera le service pour toute la journée mais sera payé à hauteur de 5h45mn ». Et la facture sera payée par la ville de Nantes bien qu’aucun service n’ait été ouvert pour les enfants !

Paradoxalement, les Nantais s’en sortiraient mieux si la Ville ne faisait pas appel à un prestataire car « en tant qu’opérateur privé, LLO dispose de moyens juridiques plus limités pour organiser le service en cas de grève qu’une collectivité locale gérant le même service en régie ». Faire travailler des amis n’est pas toujours la garantie d’obtenir le meilleur service !

Sven Jelure

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