En septembre prochain, Royal de Luxe montrera à Nantes un nouveau spectacle. Nouveau, donc cher : 1,8 million d’euros. Mais alors, pourquoi ne pas se contenter du spectacle déjà montré en 2022 à Villeurbanne, dans le Rhône ? Fabrice Roussel aura sûrement à cœur de justifier ce choix devant le prochain conseil de Nantes Métropole, ce vendredi.
Nous suspections que le « nouveau » spectacle de Royal de Luxe annoncé par Johanna Rolland pour 2023 réutiliserait le « vieux » spectacle montré par la troupe à Villeubanne en 2022. Nous avions tort. Johanna Rolland ayant dit « nouveau », il fallait que ce soit nouveau ! Fabrice Roussel, vice président de Nantes Métropole, confirme : « il faut considérer que c’est un nouveau spectacle ».
Puisqu’il faut considérer, considérons. Ce spectacle coûtera bel et bien le prix d’un nouveau spectacle. Le conseil métropolitain sera invité vendredi à y mettre plus de 1,8 million d’euros, dont 1,27 million pour la création, le reste pour le fonctionnement. Ça colle ! D’après Médiacités, le spectacle de Villeurbanne a coûté 3 millions d’euros, dont 1,5 million de cachets artistiques.
Certes, 1,27 million, c’est un peu moins que 1,5 million, mais supposons un instant – simple supposition – que le Bull Machin, le chien moche de Villeurbanne, réapparaisse dans le nouveau spectacle : comme il est déjà construit, ce sera autant de dépenses en moins. Et puis, les subventions copieuses versées à Royal de Luxe (821 156 euros plus 96 717 euros de prestations en nature en 2021) justifient peut-être un petit rabais sur le prix catalogue. Enfin, il y aura des économies sur les frais de transport.
En tout état de cause, un spectacle de rue peut toujours se dire « nouveau » quand il change de ville puisque les rues ne sont pas les mêmes. Aurait-il même été envisageable de montrer Le Bull Machin de Villeurbanne ailleurs qu’à Villeurbanne ? On imagine plutôt un Bull Truc de Saint-Herblain ou un Dogue Machin de Nantes Métropole – et hop ! nouveau nom, nouveau spectacle. Les livrées rouges et bleues ne seront sans doute plus de la partie. Peut-être les costumières cousent-elles déjà des livrées jaunes et vertes, en hommage au FCN.
Royal de Luxe n’attache pas ses chiens avec des saucisses
Difficile d’évaluer le prix d’une créativité aussi débridée. Quoique… Royal de Luxe a versé 415 499 euros de salaires (plus 149 643 euros de charges patronales) en 2021, pour huit « équivalents temps plein ». Soit 52 000 euros de salaire brut moyen par personne, quand même, et 28,6 % de plus qu’en 2020. On imagine qu’une partie de cette coquette augmentation est justifiée par l’effort créatif dû à l’invention du Bull Machin.
L’effort d’imagination n’est pas tout. Royal de Luxe va devoir aussi consentir un effort de mémoire. Un mois avant son nouveau spectacle de Nantes, la troupe se sera produite à Anvers, dans les Flandres. Elle refuse de dire de quoi sa prestation sera faite. Un nouveau spectacle, encore ? Bien entendu, pour que le spectacle de Nantes soit « nouveau », il ne suffira pas qu’il ne ressemble pas à celui de Villeurbanne, il ne devra pas non plus ressembler à celui d’Anvers. Il faudra donc mémoriser de nouveaux rôles. Jean-Luc Courcoult et son équipe n’ont pas fini de se creuser les méninges.
Les Nantais non plus. Car une question cruciale se pose : pourquoi faudrait-il absolument un spectacle « nouveau ». Pourquoi, au lieu d’une création, n’achèterait-on pas, pour 1 million d’euros de moins, une représentation supplémentaire du spectacle de Villeurbanne ? Il était sûrement très bien puisqu’il couronnait l’année « Villeurbanne, capitale française de la culture 2022 ». Alors, à quoi bon le jeter à la poubelle ? Un défilé urbain devrait être plus facilement réutilisable que des eaux usées. Nantes Métropole, qui vante ardemment l’économie circulaire, s’avouerait-elle incapable de recycler un spectacle utilisé une seule fois ?
Sven Jelure
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Choquée que de telles dépenses soient investies pour la culture à une période où tout le monde doit se serrer la ceinture. Je pense qu’il est grand temps que la population soit consultée sur les DÉPENSES PUBLİQUES.
Fabrice Roussel en a plein la bouche de la culture : Royal de Luxe est de la culture, ceux qui veulent couper le robinet sont des ennemis de la culture ! A Anvers, où Royal de Luxe défilera en août 2023, un mois avant Nantes, les choses sont claires et officielles. L’adjointe à la culture a annoncé que le défilé aurait lieu à la date originellement réservée au Cultuurweekend, manifestation culturelle qui n’aura pas lieu cette année (elle fera une « pause » pour se « régénérer »). Anvers ne fait pas semblant de prendre Royal de Luxe pour de la culture.
Il faudrait que Courcoult arrête de dire que ses spectacles sont gratuits.
Je me demande pourquoi ils ont six chargé(e)s d’administration/production/diffusion en CDI alors qu’ils ne jouent que trois fois par an. Mais bon, Sven, cela dépasse peut-être vos capacités d’investigation.
1) Je n’attaque pas les « dépenses de salaires », je les constate. Si vous les trouvez trop élevées, dites-le à Royal de Luxe, pas à moi.
2) Les salaires bruts et les charges patronales, c’est tout simple et dépourvu de sous-entendus : ce sont deux lignes du compte de résultat libellées « salaires et traitements » et « charges sociales ». Il suffit de lire les montants !
3) Ce que vous appelez « toutes les dépenses afférentes à l’activité » ne sont pas les charges patronales mais les « charges d’exploitation » (1.014.630 € pour Royal de Luxe en 2021).
4) Réfléchissez : si j’ignorais ce qu’est un ETP, je me serais contenté de dire que Royal de Luxe a rémunéré 8 personnes (5 employés et 3 cadres) en 2021 ! En l’occurrence, Royal de Luxe a rémunéré 46 personnes, parmi lesquelles des permanents et des intérimaires. Mais « ramené à une année », comme vous dites, c’est comme si la troupe avait rémunéré 8 personnes à plein temps. Je n’ai rien dit de plus ni de moins.
5) Alors bien sûr, si vous voulez rouvrir le débat sur le régime des intermittents du spectacle, vous pouvez supposer que Royal de Luxe a permis à certaines de ces 46 personnes d’être payées toute l’année par l’assurance-chômage tout en ne travaillant que quelques jours pour lui, mais c’est un autre sujet.
En préambule, les grosses marionnettes c’est pas mon truc quand ça devient système. Autant j’ai adoré le RdL dans son Histoire de France et ses déambulations et happenings de voitures empalées sur des fourchettes, autant les histoires de géants en bois me laissent indifférent.
Mais Sven, mon mignon, tu attaques les dépenses de salaires, or, les charges patronales ce n’est d’abord pas du tout ce que tu sous-entends, ce dont tu parles c’est du salaire, des cotisations collectées par l’employeur. Les charges patronales c’est toutes les dépenses afférentes à l’activité. Tu sembles également ignorer ce qu’est un ETP, équivalent temps plein. Si ton spectacle requiert ponctuellement 50 personnes, pour par exemple 10 spectacles d’une journée, cela correspond à 500 jours, donc en ETP, ramené à une année, l’équivalent d’environ 3 employés à temps plein. Il n’empêche que tu as fait bosser 50 intermittents pendant 10 jours, et répartit les salaires sur 50 personnes, pas 3.
Je veux bien qu’on critique le RdL, dont je ne suis pas un aficionado, mais pas avec des arguments frelatés.
Pour ce qui est des critiques artistiques j’aurai tendance à rejoindre ton avis.