Un observatoire alpin pour Le Voyage à Nantes

Le Voyage à Nantes a été créé en 2011 pour faire de Nantes une destination touristique majeure. Il est difficile de dire à quel point il a réussi – ou échoué. Si Jean Blaise et ses collaborateurs ont multiplié les communiqués emphatiques, on n’a jamais vu de statistiques fiables. Les choses vont-elles bientôt changer ?

Les bilans estivaux du Voyage à Nantes ont longtemps été matière à plaisanterie, tant ils étaient visiblement trafiqués – quoique reproduits sans ciller par une partie des médias. Dès le Voyage à Nantes 2011, la suspicion était légitime. Au point qu’il avait fallu l’admettre en 2012, et pratiquer « un redressement significatif des résultats de l’étude menée sur l’été 2011 » pour donner figure humaine aux comptes de 2012. En 2013, le Voyage à Nantes s’était contenté d’extrapoler à partir des déclarations de taxe de séjour en appliquant la méthode de l’année précédente, dont on savait déjà qu’elle n’était pas fiable. Résultat : un bilan si faux qu’on l’avait carrément exfiltré en 2014 tout en prétendant l’avoir surpassé. En 2015, on avait additionné les passages comptabilisés sur 54 sites par… 36 médiateurs seulement. En 2016, on avaitcorrigé rétrospectivement les résultats de 2015 pour donner l’impression d’avoir fait mieux. En 2017, on avait ratissé trop large. En 2018, on avait biaisé les comparaisons annuelles. Etc. En 2023, on avait même publié un bilan avant l’été

Les bilans du Voyage en Hiver semblent affectés de la même maladie chronique. Une prédisposition génétique, peut-être ? Avec au passage un aimable gag dû à Gildas Salaün, adjoint à la maire de Nantes, qui affirmait que « la fréquentation [de 2023] a été bonne, puisqu’elle est stable avec celle de l’année dernière », alors que Jean Blaise lui-même avait admis que l’édition 2022 était un échec !

Observatoires partout

Dans ce parcours semé de chiffres fantaisistes, Le Voyage à Nantes s’est appuyé à l’occasion sur des prestataires locaux plus ou moins spécialisés et pas trop farouches. G&A Links avait vite été évincé par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération nantaise (Auran), qui avait utilisé une méthode concoctée par Bercy, désavoué les chiffres antérieurs et imaginé en 2014 un Observatoire du Tourisme de l’Agglomération Nantaise (OTAN), qui n’était jamais que son quinzième ou seizième « observatoire ».

De ce machin présenté pompeusement, il ne sera plus jamais question par la suite. Tout de même – c’est bête, les préjugés, n’est-ce pas ? – ce précédent nantais suscite une certaine circonspection devant l’Observatoire de l’Activité Touristique, produit d’appel du cabinet savoyard G2A Consulting. Il a fait des petits. G2A a ainsi contribué à créer des observatoires touristiques pour le Crédit Agricole des Savoie, la communauté de communes du Pays du Mont Blanc ou l’office de tourisme des Pyrénées ariégeoises.

« Depuis 2008, G2A Consulting travaille auprès des acteurs touristiques de montagne » et est « fort de 15 ans d’expérience en analyse de l’économie touristique en montagne », assure son site web. On le croit volontiers : ses références (Tignes, Courchevel, Avoriaz…) sont éloquentes. Mais pas tellement situées sur les rives de la Loire, n’est-ce pas. Or c’est G2A Consulting que Le Voyage à Nantes vient de charger de la… « mise en place d’un observatoire d’activités touristiques pour la SPL Le Voyage à Nantes », moyennant 238 000 euros HT sur quatre ans.

Megève Connection

Certes, G2A Consulting assure aussi être descendu de ses montagnes afin de s’implanter en ville. « Pour répondre toute l’année aux besoins d’analyse et de prévisions de la fréquentation, la plateforme G2A est la solution des villes touristiques françaises », affirme son site web. Cependant, aucune grande ville touristique ne figure parmi ses clients vedettes, et aucune de ses savantes études n’est consacrée au tourisme urbain. Nantes va lui donner l’occasion d’une montée en compétence rémunérée.

Le marché a sans doute été attribué trop tard pour faire un travail sérieux sur l’été 2025. Il se terminera avant l’été 2029. Obtenir des statistiques homogènes sur les trois années 2026, 2027 et 2028 sera déjà bien, quoique trop tardif pour éclairer l’élection municipale de 2026. Nantes Métropole saura néanmoins en faire bon usage, comme les autres clents satisfaits de G2A Consulting. « Afin de toujours mieux connaître sa population touristique comme les composantes de ses visiteurs, (touristes, saisonniers et résidents), de même que son environnement économique en matière d’hébergement, la Commune de Megève travaille en étroite collaboration avec G2A », témoigne ainsi l’un d’eux dans son rapport d’activité 2019.

Hélène Madec, arrivée à Nantes voici deux ans pour prendre la direction des Machines de l’île, et qui vient tout droit de Megève dont elle dirigeait l’office de tourisme, fera en sorte que les consultants de G2A ne se sentent pas trop dépaysés sur l’île de Nantes.

Sven Jelure

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