La culture de l’image

C’est peu dire que la culture n’intéresse pas les candidates à la mairie de Nantes. Elles se sont faites (très) discrètes tout au long de la Folle journée de Nantes. Johanna Rolland aurait même boudé la conférence de presse de clôture de l’événement, laissant à David Martineau, son futur ex-adjoint à la Culture, le soin de parler d’avenir !

Mis à part des distributions de tracts en faveur de Nantes en commun et des amis de Jacques Cheminade, cette Folle Journée 2020 n’a pas été polluée par la campagne municipale. Il est vrai que, dans les différents programmes, la Culture n’est pas vraiment une priorité. Nantes n’est-elle pas la-capitale-culturelle-que-tout-le-monde-nous-envie ? Même si cette petite musique date un peu et qu’on se préoccupe davantage, depuis quelques années, de la culture de l’image…

De quoi voler dans les plumes

Faute de volonté clairement affichée et d’un programme ambitieux, Johanna Rolland avait confié en 2014 le dossier Culture à David Martineau. Très vite, l’intéressé reconnaissait que, pour lui, la culture, c’était “le cinéma, deux ou trois fois par an”. Tout était déjà dit ou presque. On continuerait simplement à maintenir, tant bien que mal, ce qui existait déjà. Le Voyage à Nantes gardait ainsi carte blanche (et gros budget !) pour une programmation dont les dernières éditions soulignaient pourtant les limites. En cours de mandat, on improvisait, à grands frais, le festival Transfert. Créée en 1999, Pick-up Production, une asso proche (très proche ?) de la mairie de Nantes, affichait des objectifs et des “valeurs” – sens du collectif, appropriation des espaces publics, goût du défi et culture de l’improvisation – qu’auraient pu revendiquer les services com de la Ville. Transfert investissait donc le site des anciens abattoirs à Rezé (tout un symbole) en 2018 pour un succès jugé “mitigé”. À l’issue de la seconde édition, l’an dernier, le constat était plus sévère encore.

Il semblait donc y avoir, sur le plan culturel, un peu de grain à moudre dans le cadre de la campagne municipale. Les Machines de l’île et le projet d’Arbre aux hérons étaient habilement présentés comme des réalisations culturelles par la candidate-à-sa-succession. Il y avait là de quoi voler dans les plumes de l’équipe en place.

Elles ne sont que deux, Julie Laernoes (EELV) et Margot Medkour (Nantes en commun), à être tout de même montées au créneau. Et à dénoncer un arbre qui cache la forêt de projets enterrés : combien d’associations culturelles aimeraient juste toucher 0,1% du budget prévu (entre 35 et… 70 millions !) pour le projet Delarozière-Oréfice ?

Laurence Garnier,  et Valérie Oppelt sortiront-elles de leur réserve ? La première, vice-présidente du Conseil Régional en charge de la Culture, a fait voter 4 millions de subvention régionale au profit de l’Arbre mais n’a plus l’air si sûre, désormais, de vouloir le faire. La seconde, candidate LREM, n’a pas de carnet de chèque à sa disposition : elle refuse d’augmenter le budget prévu. Mais ni l’une ni l’autre ne semble avoir d’opinion arrêtée sur la pertinence du projet.

Nantes au passé

Si Johanna Rolland évite de parler, par exemple, du récent fiasco Royal de Luxe à Bellevue, on pouvait imaginer que ses adversaires se montreraient plus offensives. Sur le plan culturel, #JR2020 se contente en effet de reconduire les grands lignes d’une politique dont elle a hérité en même temps que de son fauteuil à la mairie. Confirmation avec ses hommages appuyés à “monsieur le Premier ministre et cher Jean-Marc”. Il est vrai qu’il a su, avec Jean Blaise, “réveiller la belle endormie“, au début des années 90 et récupérer l’idée de la Folle journée réalisée par René Martin en 1995 en la municipalisant via une société d’économie mixte créée en 2005.

Depuis ? On continue tout simplement. Pour la Folle Journée comme pour le reste. Alors Nantes ressasse de vieux souvenirs : les Allumées (de1990 à 1995),  puis Estuaire (de 2007 à 2012), en préférant souvent oublier Trafics (1996-1997) et Fin de Siècle (1997-1999)… On y ajoute les festivals Utopiales (récupéré en 2001) et Atlantide ((à demi émergé depuis 2013). Mais, depuis, on cherche en vain les idées et projets d’envergure.

Il en va de la culture comme du sport : Nantes vit sur ses années-lumière. Il ne suffit pas d’en appeler rituellement au “jeu à la nantaise” pour faire rêver les électeurs en 2020. Les jeunes n’ont connu ni José Arribas, ni Jean-Claude Suaudeau, ni les années Blaise. Ils ignorent tout des Allumées comme des grandes heures du FCN et jugent souvent sévèrement la gestion erratique de Waldemar Kita et les résultats tout aussi aléatoires de son équipe fanion. Le seul projet sportif (?) sur lequel #JR2020 est d’accord avec Florian Le Teuff (désormais candidat sur la liste de Julie Laernoes) est la construction d’un musée de FCN ! Tout est dit : la culture à Nantes, dans les prochaines années, investira dans la construction de musées. Un nouveau musée Jules Verne (dans ce qu’il restera de Cap 44) et un musée du FC Nantes.

Il ne restera plus qu’à prévoir l’édification d’une statue de Jean Blaise pour un prochain mandat. Le directeur du Voyage à Nantes (69 ans en avril prochain) pourrait en effet prendre sa retraite prochainement. Il faisait, lui aussi, partie de l’héritage d’un passé décidément révolu. Alors, cette statue, pourquoi pas place du Pilori ? Histoire de faire un dernier pas de côté.

 

4 réponses sur “La culture de l’image”

    1. Intéressante, votre réaction. C’est en dire trop ou… pas assez. Cette “petite dose régulière de fiel” vous était-elle administrée par vos services ? On n’ose le croire. Ou par quelques “acteurs” culturels éconduits ? La liste pourrait être longue. Ou alors par une maire candidate-à-sa-succession qui ne supportait pas de vous voir aller au spectacle et gagner la sympathie des saltimbanques ?

  1. Ayant écouté distraitement (les réactions des militants présents dans la salle illustrant bien leur vocation de parasites étant insupportables) le dernier débat sur Prun’, on remarque l’hommage très appuyé d’Oppelt à Ayrault. Assez pathétique.
    Et il faut bien reconnaître à JR un plus grand charisme qu’à ses concurrentes, l’expérience aidant sûrement mais même face à Garnier (avec une impayable ôde à l’identité océanique de Nantes de la part de la vice-présidente de la Région Administrative des Pays de la Loire), relativement rôdée en discours politique, elle s’en sort haut la main.
    C’est dommage, après 1/4 de siècle d’un maire digne d’une coquille de bulot vide pilotée par le PS nationale, on était pas loin d’avoir un maire plutôt brillant mais malheureusement piloté par un PS réduit à sa dimension locale, qui s’accroche comme une moule à son bout de Sillon de Bretagne.
    À part ça, lamentable exercice démocratique avec l’absence de deux candidats déclarés.

  2. Vivre sur son image, même racornie et complètement jaunie telle est le crédo de Mme la maire candidate à sa propre succession.

    On a fait l’impasse sur la culture car on en est déjà l’épicentre, pas la peine de faire chauffer d’avantage le laboratoire à propositions.

    Mélanger culture et urbanisme transitoire ça a un arrière goût suranné, déjà largement utilisé sur d’autres contrées socialistes.
    Le discours se veut très « la culture comme vecteur d’émancipation co-construite à large mixité sociale :

    « Mais en attendant, le site va être aménagé progressivement tout en favorisant l’éco-construction, l’utilisation de matière brute, la végétalisation, la récupération et la mise en place de chantiers participatifs. À l’avenir, des acteurs d’horizons divers s’y croiseront : scénographes, artistes, architectes, urbanistes…

    « Transfert c’est le projet de créer une zone libre d’art et de culture, d’accueil du public, de créations artistiques, de construction, explique Nicolas Reverdito, directeur de Pick Up production. Tout cela dans le but de donner un point de vue décalé et complémentaire en utilisant la culture comme un outil pour l’émancipation, la rencontre… C’est un vrai levier pour réfléchir au mieux vivre ensemble et à l’évolution de nos sociétés».

    https://www.nantesmetropole.fr/actualite/l-actualite-thematique/avec-transfert-la-culture-va-irriguer-les-anciens-abattoirs-de-reze-tourisme-97277.kjsp

    Le résultat n’est pas nouveau, Blaise nous avait déjà fait le coup en mieux 30 ans plus tôt : 12 M€ de budget sur trois ans pour un projet bancal ficelé avec des ateliers de jardinage, trois conteneurs et un vieux rafiot pour occuper les lieux et contenir les squatteurs en attendant les promoteurs. La fréquentation est largement en berne depuis que les concerts sont payants et limités dans le temps.

    Organiser des soirées sans fin, sans filtre, sans stationnement et sans poubelles dans une friche en milieu urbain n’est pas la meilleure des idées pour l’acceptation sociale par les riverains.

    Le modèle « d’urbanisme transitoire » est pourtant basé sur la grandiose réussite de parfaite mixité de l’Ile de Nantes :
    https://www.iledenantes.com/urbanisme-transitoire/

    « En 1987, le Bougainville, dernier né des chantiers navals de l’île de Nantes, quitte sa cale de lancement. Ultime production de cet emblématique site industriel, il laisse derrière lui un traumatisme social et de nombreuses friches à l’ouest de l’île. La renaissance de ce territoire trouve alors son origine dans le projet de l’équipe menée par l’ancien maire de Nantes Jean-Marc Ayrault, dans les années 1990 : le patrimoine industriel et portuaire devient un tremplin des initiatives culturelles et créatives. »

    Rien de tel qu’une bonne ré écriture pour installer le mythe mais après trente ans il commence à être sévèrement mangé par les mites, ce n’est plus dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe.

    Voici le volet culture, passons maintenant à celui de environnement, Mme la maire, candidate à sa propre succession, écologiste depuis les temps immémoriaux, vient d’avoir une vision : et si nous remplacions l’ancien CHU par un parc « nourricier » et des jardins collectifs?

    – Et pourquoi n’avoir pas gardé le foncier des anciennes tenues maraichères plutôt que de les avoir bétonné?
    – Et pourquoi ne pas créer un parc à l’emplacement du futur CHU et rénover l’ancien?

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *