Municipales : Retour vers le futur

Toutes les candidates sont d’accord : les municipales à Nantes sont placées sous le signe du changement. Changement et renouvellement sont même, semble-t-il, les deux mots indispensables pour faire campagne. Sauf qu’à y regarder de plus près, ce qu’on nous propose, c’est plutôt retour vers le futur.

Faut-il revenir sur la composition de la liste de Laurence Garnier ? Si la candidate LR avait voulu rassurer sa base électorale, elle n’aurait pas fait mieux. Certes, ils occupent les dernières places de sa liste mais en appeler à Annick du Roscoät (72 ans en août prochain), présente aux côtés de Michel Chauty de 1983 à 1989, il fallait oser. Les dernières prestations de l’ancienne présidente du CNIP (centre national des indépendants et paysans) bien caché furent de mener une liste aux Européennes de 2009 (où elle recueille 0,42% des suffrages exprimés) et de soutenir Sarkozy en 2012… avec le succès que l’on sait. Sur cette même liste, on retrouve une triplette de la belle ville : Loïc Le Masne de Chermont (82 ans), ancien conseiller général et adjoint de Michel Chauty, Jean Amyot d’Inville (79 ans), ancien directeur du CCO et le fringant Philippe Hervouët (73 ans en mai). Il y a certes l’âge de ces colistiers mais aussi leur côté “vieille droite nantaise” des années 80 qui en a chagriné plus d’un. Le changement, sans doute, par rapport à une gestion en place depuis 30 ans, mais le renouvellement, pas vraiment.

Les mêmes ou presque

Heureusement, Johanna Rolland annonce, elle, une liste “renouvelée à 50%”. Bigre, voilà du nouveau. Sauf qu’une lecture attentive de cette liste tempère très vite cette affirmation. Parmi les candidat.e.s qui l’accompagnent, les mieux placé.e.s sont des fidèles de toujours. Le coup de com Dantec a fait long feu. Son élection au Sénat en 2011 était apparue comme un geste généreux des grands électeurs socialistes. On voit à présent que c’était plutôt un placement de père de famille, rentabilisé juste au bon moment par son apparition en seconde position sur la liste #JR2020. Ses anciens amis écolos raillent son ralliement pour un plat de lentilles à la cantine du Sénat. Les lentilles vertes étaient en fait des lentilles corail…

Parmi les fidèles bien placés, Ali Rebouh (4e), soutien de Waldemar Kita et de Pascal Bolo réunis, et Aymeric Seassau (6e). Ce dernier a mis son drapeau du PC dans sa poche depuis quelque temps déjà et parfaitement négocié la présence, sur la liste, de camarades communistes qui, comme lui, ne pouvaient pas espérer une telle représentativité sous leurs propres couleurs. Et il en est de même pour ces autres micro-partis que sont le PRG et l’UDB, déjà présents du temps de Jean-Marc Ayrault ! Lequel n’a donc pas réussi à les phagocyter totalement : belle résilience de leur part, ou plutôt manque d’efficacité de l’ancien maire ?

Comme l’a relevé Médiacités, si Johanna Rolland affiche un tiers de socialistes sur sa liste, la plupart se retrouvent en position éligible, comme Pascal Bolo, tactiquement rétrogradé à la 14e place mais qui continuera à gérer son portefeuille de conseils d’administration, Thomas Quero ou encore Catherine Piau. Cette dernière est présentée comme “chargée de mission”. On ne rappelle pas, ici, qu’elle est la fille d’Alain Chenard,  maire de Nantes de 1977 à 1983, et qu’après avoir perdu sa place au Conseil Régional, elle a trouvé une place (et un salaire !) de cadre à la Semitan. Pour mémoire, le premier mandat de Joahnna Rolland était placé sous le signe de la “nouvelle gouvernance”. Dont acte.

Un avenir pas très rose

Malmenée sur un certain nombre de dossiers (sécurité, hôpital, aéroport…), la candidate-à-sa-succession parie sur la prime au sortant. Les élections municipales sont d’abord un scrutin local et le (ou la) maire en place, à défaut de pouvoir s’appuyer sur son bilan, bénéficie de davantage de notoriété que ses adversaires. C’est vrai pour Johanna Rolland comme pour les autres maires socialistes de l’agglo. Même si les résultats s’annoncent incertains à Rezé ou La Chapelle-sur-Erdre.

À Nantes, c’est la liste de Julie Laernoes qui inquiète les caciques de l’hôtel de ville. La candidate écolo a rallié à sa cause quelques renforts de poids. Comme Florian Le Teuff dont le nom reste attaché à la défense du FCN et au combat contre le YelloPark, projet défendu bec et ongles par Pascal Bolo et Johanna Rolland. Ou encore Christophe Jouin, l’un des fondateurs de l’Autre Cantine et défenseur de la cause des migrants mais aussi celui qui a “enfariné” Johanna Rolland, place de la Petite Hollande.

Outre que la liste EELV recèle beaucoup de jeunes militant.e.s associatifs, engagé.e.s dans leurs quartiers, on trouve aussi quelques personnalités de poids. Comme François Prochasson, un ancien de la mairie de Paris et un “pro” des problématiques de transport, François Gabory, le “monsieur Culture” de la liste : le directeur du Jardin de Verre à Cholet préside en effet Le chainon manquant en Mayenne. Sur la liste, également, Franck Barrau, ancien journaliste à Ouest-France avant de rejoindre le service communication de la mairie de Nantes…

Il n’en faut pas davantage pour crisper l’équipe de Johanna Rolland. Les Verts sont accusés d’avoir franchi la ligne… rouge. On imagine déjà les discussions au soir du premier tour. Julie Laernoes a toujours dit qu’elle briguait l’alternance et n’entendait pas négocier. Qu’en sera-t-il si elle arrive en seconde position le 15 mars ? Y aura-t-il une triangulaire (PS, EELV, LR ou LREM) avec les incertitudes liées au report des voix ? En tout état de cause, l’avenir ne s’annonce par rose pour Johanna Rolland. Avec qui, en effet, pourrait-elle composer une équipe cohérente ? Pour quel programme ? Celle qui demande aux Nantais de voter pour elle “en confiance” finirait par en manquer…

Le saut dans l’inconnu

Mais (?) le choix ne se limite pas à un choix Rolland, Laernoes ou Garnier. Il y a la liste LREM emmenée par Valérie Oppelt. Celle-ci n’est pas tout à fait une inconnue. Elle a été élue députée dans la foulée des présidentielles avant de disparaître des écrans radar. Réapparue à l’approche des municipales, elle se retrouve à la tête d’une liste totalement nouvelle. Et pour cause ! En dehors de Mounir Belhamiti, son numéro 2, conseiller métropolitain et député suppléant de François de Rugy, d’Hervé Grélard et Erwan Huchet, eux aussi conseillers municipaux et métropolitains, de Christian Brisset et de la transfuge du PS, Claude Seyse, peu ou pas de têtes connues dans le bestiaire politique local. Il ne suffit pas d’estampiller sa liste “Nantes avec vous” pour véritablement rassembler : “avec vous” peut aussi signifier… sans les autres !

À Nantes ensemble (Julie Laernoes) et Nantes avec vous (Valérie Oppelt), il convient d’ajouter Nantes en commun, la liste menée par Margot Medkour. Une liste aux positions assez radicales (non à l’arbre aux Hérons, non à la culture pour les touristes, non à la publicité dans l’espace public…) ou farfelues comme la création de cette “régie municipale des terres agricoles” afin de “choisir l’agriculture que nous souhaitons favoriser”. Un centralisme démocratique (?) inspiré par quelques militants de la France Insoumise. Une liste clivante à souhait.

S’il y a encore beaucoup d’incertitudes à moins de deux mois du scrutin, une chose est sûre : le prochain maire de Nantes sera une femme. Johanna Rolland ou l’une de ces adversaires ? Le saut dans l’inconnu ? Pourquoi pas… mais Valérie Oppelt au volant dans une version 2020 de Thelma et Louise, ça peut faire sourire.

 

 

4 réponses sur “Municipales : Retour vers le futur”

  1. « Son élection au Sénat en 2011 était apparue comme un geste généreux des grands électeurs socialistes. »

    En 2017 également, si l’on en juge par la délibération du conseil municipal du 30 juin 2017, la liste « vivre nos territoires » avait obtenu 18 voix et donc 93 sièges de délégués supplémentaires en sus de 23 suppléants.
    https://www.nantes.fr/Sgid/DataSgid/themes/conmun/cm20170630/47_20170630_CM_DEL.pdf

    Ce qui conduit à l’obtention de 484 voix pour la liste « vivre nos territoires » à l’élection sénatoriale de 2017 et la ré-élection de M. Dantec.
    https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Senatoriales/elecresult__senatoriales-2017/(path)/senatoriales-2017/044/index.html

    Il faut au moins ça pour annoncer la fin de  » La Métropole autocentrée » à croissance infinie qui était si chère à son mentor et père spirituel.

    Afin d’atteindre cet « objectif audacieux » (but à atteindre dans la nov’langue mégalopolitaine) ils ne vont pas créer une nouvelle maison, mais une conférence ou un schéma de cohérence territorial.

    « Pour y arriver, ils se doteront d’outils : une conférence départementale des intercommunalités dans un délai très court, ou un Schéma de cohérence territorial (Scot) départemental en 2030. »
    https://www.ouest-france.fr/elections/municipales/nantes-la-metropole-et-territoires-44-signent-un-accord-6562191

    Le dernier SCOT, conçu à la hâte tout exprès pour englober l’ex ayraultport, est de toutes façons désormais caduque!

  2. Je ne suis pas complètement d’accord avec votre analyse, par rapport à Valérie Oppelt. Ce programme semble avoir été réalisé sans réelle préparation, un peu dans la précipitation au dernier moment, voyant que toutes les autres candidates avaient déjà proposé quelque chose. Et les propositions semblent pour le moins fantaisistes et peu crédibles. Quel intérêt de réaliser un tramway par dessus le périphérique ? De même, quel intérêt de réaliser une ligne de busway vers le MIN ? Connaissent-ils les horaires de fonctionnement d’un marché de gros ? Et par où passerait-il ?
    Ensuite, ces projets ne seraient finalement que des études, donc aucun engagement concret. Eux-même n’y croient donc pas. En revanche, vous pouvez constater qu’ils ne sont jamais franchement opposés aux projets de JR. Ne serait-ce pas une approche d’alliance pour le second tour avec JR ? Lorsqu’on regarde l’ordre des colistiers de la liste, on retrouve en numéro 2 Mounir Belhamiti et Sarah El Haïry. Qui, si finalement l’avenir était peint en rose pourraient rejoindre la liste gagnante, et en même temps, à la manière d’En Marche, profiter de la bonne soupe. Seulement, le hic, c’est que dans l’alliance En Marche métropolitaine, beaucoup de soutiens veulent également du changement et souhaitent vivement le départ de JR et du clan Ayrault avec le système qui l’accompagne. Et visiblement, il semblerait que tout le monde ne soit pas ou n’ait pas été informé des réelles intentions de l’équipe nantaise … Au passage, c’est aussi une vision de perdants de partir du principe que le programme est basé pour une alliance de second tout avec JR, plutôt que partir avec une vision de vainqueurs dès le premier tour …

  3. « Julie Laernoes a toujours dit qu’elle briguait l’alternance et n’entendait pas négocier. Qu’en sera-t-il si elle arrive en seconde position le 15 mars ? »
    Le budget affiches (et les promesses d’embauches pour les colleurs) et la couverture médiatique a beau être en faveur de la sortante, la montée délirante de l’insécurité à Nantes ces derniers mois (mais qui remonte à Ayrault), le vent en poupe d’EELV (et la pluie incessante des dernières semaines après deux années de sécheresse ?), les forces LREM/FI dans le creux de la vague mais qui ont fait très mal au PS nantais il y a 2 ans et une liste RN qui pourrait bien faire un score historique, tout ça devrait quand même suffir pour envisager que la liste menée par JR ne finisse pas automatiquement 1ère ou 2e au 1er tour, non ?
    Laernoes souffre d’un vrai déficit de notoriété (merci OF et PO) et EELV est sans doute la formation politique la plus clivante (avec le RN) mais ça ne serait pas délirant de voir sa liste en tête.
    Ça serait en tout cas très intéressant pour voir enfin une vraie purge de la politique nantaise entamée par les législatives.
    Sans parler des fortes probabilités de triangulaire avec la liste de Garnier, voir de quadrangulaire avec Oppelt (quid d’un RN surprise en prime ?).
    Et si c’était JR qui finissait 2e ? Voir 3e ?? 4e ??? (mais là, OK, sacrée cote).

    « farfelues comme la création de cette “régie municipale des terres agricoles” »
    Ce n’est absolument pas farfelu.
    On assiste à une vraie remise en cause de l’horticulture qui n’a plus vraiment comme horizon que de finir chez les fleuristes quand tout ce qui est fleurissement de ronds-points avec des annuelles ou les plantations de chrysanthèmes devraient appartenir au passé (défi pour une industrie locale qui a un certain poids d’ailleurs) . De là à ce qu’on développe une industrie agro-alimentaire urbaine, c’est sûrement de la com’ pour bobos (quoi qu’il y aura une niche de classes qui voudra que le prestige d’un jardin familial équivaut à avoir une hybride, avec employé en CESU pour l’entretenir) mais les problématiques en péri-urbain vont se poser de plus en plus sérieusement.
    Qui aurait imaginé il y a 20 ans, quand l’idiot utile de Solferino JMA en était encore à minéraliser la ville que l’aéroport à NDDL ne se ferait pas et que tous les candidats à la mairie promettaient de planter des arbres ?

    1. Merci pour ce commentaire et cette analyse. Cet article n’engage pas un concours de pronostics. Il ne reflète que le sentiment de son auteur à l’instant T. Le retour vers le futur sera-t-il évité ? La réponse pourrait venir de la mobilisation, ou non, des électeurs. Stop ou encore ? L’avantage de #JR2020, c’est celui d’être mairie sortante. Un récent sondage révèle en effet que 60% des électeurs sont satisfaits de leur maire…

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