Depuis les années 2000, les impôts se cultivent à Nantes

Mais quelle mouche a donc piqué Presse Océan ? Le quotidien a publié ce lundi deux pages intitulées « Les années 2000 : la culture s’impose à Nantes ». Faire le point sur les années 2000 un 14 février 2022 paraît déjà étrange. Et ranger à la rubrique culturelle le pont Senghor, « la rude mue de Malakoff », les Navibus et le palais de Justice inauguré le 24 mars 2000, c’est quand même gonfler exagérément le sujet.

Le dossier commence bizarrement par la formule « 50 glorieuses », sans expliciter son rapport avec les années 2000, puis passe tout de suite au culte de la personnalité : « l’artisan de la culture à Nantes, c’est Jean Blaise ». Et toc ! pour tous les autres  ‑ peintres, sculpteurs, musiciens, galeristes, graphistes, etc. Jean Blaise, pourtant, n’est pas l’artisan de la culture mais son préposé : à lui de faire ruisseler – ou pas – vers les créateurs l’argent des contribuables. Quand j’entends le mot culture, je sors mon fonctionnaire !

Pour faire quoi ? « Jean Blaise et son équipe sont les premiers à métamorphoser une friche industrielle en espace culturel », proclame le quotidien. « Les premiers », c’est flatteur, mais c’est complètement faux. Les espaces culturels aménagées dans d’anciens bâtiments industriels étaient légion bien avant 1990. La saline royale d’Arc-et-Senans, par exemple, est un centre culturel international depuis le début des années 1970.. Pareil à l’étranger : WUK de Vienne, IFICT de Lisbonne, Avogaria de Venise… on trouverait aisément des centaines de cas à travers le monde.

Et même à Nantes, tiens : l’ancienne conserverie Colin de la rue des Salorges a été transformée en musée de la marine dès 1923. Comment Stéphane Pajot, fin connaisseur de l’histoire nantaise, a-t-il pu l’oublier ?

Et ce n’est pas tout. Quand on a commencé à patauger, il est difficile d’en sortir. « C’est à partir de 2007, avec la création d’Estuaire, que l’art va s’installer dans l’espace public », assure Presse Océan. Oubliant que, par exemple, la statue d’Anne de Bretagne par Jean Fréour trônait sur la place Marc Elder depuis 2002. Elle avait été précédée par des centaines d’autres œuvres érigées à travers l’histoire depuis le Moyen-âge, des statues de la cathédrale aux monuments aux morts du 20e siècle en passant par les mascarons du centre ville. Qu’importe, l’an Zéro de l’art à Nantes, ça ne peut être qu’Estuaire.

Estuaire, dont Presse Océan ne rappelle pas les mésaventures financières mais dont Jean Blaise soi-même explique l’origine : « On déplie la carte et on voit bien que le point commun entre les deux villes [Nantes et Saint-Nazaire] est l’estuaire de la Loire ». Heureusement que Jean Blaise n’a pas déplié plutôt une carte routière : une biennale artistique intitulée RN165/RN171, ça aurait fait bizarre.

Cerise sur le gâteau, Jean Blaise livre aussi à Presse Océan le secret de la marque « Le Voyage à Nantes » : « On ne voulait plus utiliser le mot tourisme, qui nous semblait vulgaire ». Moyennant quoi, aujourd’hui encore, le site web officiel de Nantes métropole à l’intention des voyageurs s’appelle vulgairement Nantes Tourisme. Il a beau sentir le pâté, il est trois fois plus consulté que le site parfumé Le Voyage à Nantes.

Sven Jelure

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