La CGT fait le spectacle. Le rouge est mis. À défaut d’ouvrir le théâtre Graslin aux spectateurs, la Ville de Nantes y accueille la CGT. Non, il ne s’agit pas d’un congrès départemental du syndicat, juste une “occupation pacifique” d’une poignée d’intermittents mobilisés par la CGT Spectacle.
“Savoir que la Ville est derrière nous est extrêmement important…” Ce militant ne cache pas sa satisfaction de voir le directeur du théâtre et l’adjoint communiste à la Culture accompagner les manifestants. Comme l’écrit pudiquement Ouest-France (dans son édition du 11 mars), “l’accueil des maîtres des lieux est loin d’être hostile”. Il est vrai qu’Aymeric Seassau venait de s’en prendre publiquement au “pouvoir Macron”, accusé de sacrifier la culture. Qu’importe que le statut des intermittents, une spécificité française, reste protégé et que le ministère de la Culture continue de payer. “Macron, du pognon !”, le slogan n’est pas franchement nouveau mais il sonne bien.
Quand la Ville s‘aligne…
Et la culture dans tout ça ? Il n’en est pas vraiment question. Pourtant, c’est bien de cela dont il faudrait parler. “Vous êtes bienvenus chez nous…” Ce n’est pas au public qu’Alain Surrans, le directeur d’Angers Nantes Opéra, adressait ce message mais aux occupants du théâtre. Celles et ceux qui, depuis de longs mois, attendent la réouverture des salles de spectacle et de concert, des musées… sont priés de patienter. À aucun moment, la Ville de Nantes n’a véritablement réclamé la réouverture du Musée d’arts alors que la situation sanitaire n’a rien de dramatique au plan local. Le taux d’incidence du virus, comme le niveau de tension en réanimation, est, ici, très inférieur à la moyenne nationale.
On aurait pu imaginer, à l’occasion de la visite de Jean Castex, que le sujet de la réouverture des lieux de culture soit une priorité. Mais le Premier ministre n’était là que pour une opération de communication. Sa mission ? Donner l’image d’un homme de terrain qui n’a pas peur de se frotter à une ville de gauche. Opération de communication aussi pour Johanna Rolland, très honorée de recevoir “monsieur le Premier ministre” en tant que présidente de France Urbaine, un “machin” regroupant les villes et métropoles, créé en 2015, avec la bénédiction d’un certain… Manuel Valls.
Johanna Rolland a donc fait profil bas. D’autant qu’elle pouvait annoncer, le lendemain, que le gouvernement allait soutenir quelques projets nantais dont… l’Arbre aux hérons. Jean Castex lui avait lâché quelques pièces, elle n’allait pas s’en plaindre. Et qu’importe si le projet suscite toujours autant de débats au sein de la majorité municipale et en ville !
Cotillons et serpentins
Et la culture dans tout ça ? Quelle importance que l’Arbre aux hérons ne soit qu’une attraction de plus ! On en appellera à Jules Verne, à l’imaginaire et patati et patata… Pour le reste, il y a un moment déjà que Nantes ne donne plus le ton. Et que, sur ce plan, la Ville ne fait plus la “une” de la presse. D’autres ont leur opéra national, Nantes n’en a pas voulu. Et sur le plan du théâtre, comme de la danse, la création semble l’avoir désertée.
Il ne se passe rien ? Ce n’est pas grave. “Faites du bruit”, c’est le mot d’ordre de la municipalité. On improvise des animations dans les quartiers, dans l’indifférence quasi-générale, et on invite la CGT à occuper Graslin. Si les cotillons et les serpentins ne sont pas fournis, le syndicat est autorisé à accrocher ses ballons – rouges évidemment – dans le hall du théâtre et ça fait une belle (?) photo dans le journal. Tout cela est de l’ordre de la communication. Rien de plus.
Pour le reste, le roi ou plutôt la reine est nue. Les Verts avaient déjà rappelé à Johanna Rolland “la nature, c’est nous”. Et voilà que l’allié communiste monte au créneau de la culture en venant dire aux intermittents réunis à Graslin “je suis avec vous”. À se demander qui pilote la politique municipale.
En attendant, le public et les jeunes en mal de rendez-vous culturels et festifs sont priés de rester en salle d’attente. La CGT, elle, a le droit de monter sur scène et faire le spectacle. De quoi vous plaignez-vous ?
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