FC Nantes : c’est le Kita Comedy Club

“Confiez-lui la gestion du château des ducs de Bretagne, il finirait par raser le bâtiment…” C’est de Waldemar Kita dont il est question et c’est à un élu socialiste qu’on doit la formule. Et sans doute ne raserait-il pas gratis. Tant il est vrai que, malgré des résultats qui désespèrent les supporters, le FCN reste, pour son propriétaire, une bonne affaire. Si la maison jaune n’est plus qu’un champ de ruines, le coffre belge de la famille Kita, lui, se porte bien. Merci.

L’arrivée de Kita à Nantes était pourtant saluée, à l’époque, par la municipalité de Jean-Marc Ayrault. La presse spécialisée avait bien noté, en 2007, que le FC Lausanne avait dû déposer le bilan juste après le départ de Waldemar Kita de la direction du club suisse mais la Ville de Nantes était ravie d’en finir avec le groupe Dassault dont la gestion du FCN n’avait guère été brillante. Il était convenu d’applaudir. Pour mémoire, en 2005, Jean-Marc Ayrault avait déjà joué un rôle personnel dans le rachat par Ouest-France de Presse-Océan, appartenant au même groupe Dassault.

Des supporters à bout

Depuis 2007, les nerfs des supporters nantais ont été mis à rude épreuve. Avec huit titres de champion de France (entre 1965 et 2001) et trois coupes de France, le FCN possède toujours l’un des plus beaux palmarès qui soit. De grands noms faisaient alors vibrer le public de Saupin, puis de la Beaujoire. D’Henri Michel à Marcel Desailly, de Maxime Bossis à Christian Karembeu, de Didier Deschamps à Japhet N’Doram sans oublier les grands joueurs étrangers que le club faisait alors rêver : Hugo Bargas, Vahid Halilhodzic, Mario Yepes… mais le FCN, aujourd’hui, n’est plus que l’ombre de lui-même.

Pour les joueurs, comme pour les entraineurs,  le FC Nantes, devenu le FC Kita sur les banderoles des supporters, fait aujourd’hui les fonds de tiroir. Il est vrai qu’ils sont peu nombreux à se porter candidats. Avec le recrutement de Raymond Domenech, fin décembre, Waldemar Kita voyait en lui “l’homme de la situation” pour tenter de sauver une saison fort mal engagée. Depuis l’arrivée de Waldemar Kita à Nantes, dix-neuf entraîneurs se sont installés, souvent très brièvement, à la Jonelière. Le rythme s’accélère puisqu’avec l’arrivée d’Antoine Kombouaré, en lieu et place de Raymond Domenech, c’est le 4e entraineur de la saison…

Sous l’ère Kita, le FCN détient le titre de champion de France dans la valse des entraineurs. Qui se souvient de Christian Larièpe, d’Élie Baup, de Jean-Marc Furlan, de Landry Chauvin, de René Girard ? Ils ont en commun d’avoir été, pour Waldemar Kita, “l’homme de la situation” pendant quelques mois. Nul doute qu’il en ira de même avec Antoine Koumbouaré dont les états de service, là où il est passé, ne plaident pas vraiment pour lui.

Un magot en Belgique

C’est moins les résultats sportifs que les investigations de la Justice qui pourraient accélérer la chute de la maison Kita. Le propriétaire du club est en effet “empêtré dans une série d’acrobaties fiscales”, rappelait ainsi Médiacités Nantes, dans un article du 11 février. (https://www.mediacites.fr/enquete/nantes/2020/12/17/fc-nantes-waldemar-kita-rattrape-par-ses-acrobaties-fiscales/). Le site avait évalué à 14,8 millions d’euros le montant des sommes qui seraient dûes au titre de l’ISF. Bien que soupçonné de “fraude fiscale aggravée”, Waldemar Kita a néanmoins pu bénéficier d’un prêt garanti par l’État de… 11,4 millions d’euros à l’occasion  de la crise sanitaire et d’une rallonge, de la part de Ligue de football professionnel, de 7,7 millions en compensation des droits de retransmission télé non versés.

Dans un contexte de difficultés financières pour l’ensemble du football professionnel, le patron du FCN a pu faire remonter vers Flava Group, sa holding en Belgique, 2 millions d’euros de plus en juin dernier. À défaut de résultats sportifs, les affaires ne marchent pas si mal.

Et c’est le moment que choisit Ouest-France, pourtant très prudent en général, pour évoquer (dans son édition du 30 janvier dernier), la générosité de la Ville à l’égard du FC Nantes. Non seulement le club bénéficie de conditions de loyer, pour le stade de la Beaujoire et le centre de formation de la Jonelière, inférieures au prix du marché, mais la Ville lui verse une subvention de 200 000 euros/an au titre de “sa mission d’intérêt général”. Défense de rire. La Chambre régionale des comptes elle-même, prudente elle aussi, considérait les loyers réclamés au FCN comme “trop faibles”.

Le sketch du YelloPark

Décidément, à Nantes, les choses ne tournent plus très rond dans le monde du ballon rond. Qui se souvient encore du sketch du YelloPark ? Le projet, plus immobilier que sportif, avait été prudemment abandonné par Johanna Rolland à quelques mois des municipales. Malgré le soutien de Pascal Bolo, un adjoint de poids, et de Thierry Violland, un conseiller très proche de Johanna Rolland au sein de son cabinet, plus question de raser la Beaujoire. On se contentera simplement de “revoir le loyer à la hausse”.

Le 30 juin prochain en effet, la convention qui lie le FCN et à la Ville pour l’occupation du stade arrive à échéance. Pas au meilleur moment pour autant. En ligne de mire, la Coupe du monde de Rugby de 2023 et les J.O. de 2024. Pour être site d’accueil de ces deux manifestations, quelques travaux s’imposent. Montant annoncé de ce toilettage et mise aux normes : 8 millions d’euros. Tout le monde semble avoir oublié l’argument définitif de Pascal Bolo en faveur du YelloPark : “sans nouveau stade, pas d’épreuves des J.O. à Nantes”. Un pessimisme pour le moins prématuré puisque le Comité olympique a finalement retenu Nantes parmi les six ville hôtes des J.O.

Enquêter aujourd’hui sur le FC Nantes revient à plonger en eaux (très) troubles. Au-delà des démêlés fiscaux de Waldemar Kita, la justice s’intéresse en effet à un autre personnage de la “maison jaune”. Mogi Bayat – qui fait office de directeur sportif – est au cœur des transactions sportives du FCN. Pas un achat de joueur, pas une vente sans sa signature. L’homme a fait un mois de préventive en Belgique où il est inculpé de “blanchiment d’argent” et de “participation à une organisation criminelle”. On comprend que Waldemar Kita en ait fait son homme de confiance.

Le propriétaire du FCN brandit, en ce moment, la menace de délocaliser le centre de formation du FC Nantes. Ultime chantage sur l’air de “retenez-moi ou je fais un malheur” ? Chiche. Que Waldemar Kita installe donc son club entre Nantes et Ancenis s’il le souhaite : les tribunes du stade de la Davrays (*) devraient suffire à accueillir ses supporters.

Julien Craque

(*) le stade de la Davrays se situe à Ancenis, non loin de ma résidence de Saint-Florent-le-Vieil…

 

 

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