Cologne, quatrième ville d’Allemagne, a son Eau de Cologne depuis le 18e siècle. N’est-il pas grand temps que Nantes, sixième ville de France, ait quelque chose qui sent ? Jean Blaise, qui a toujours eu du blaze, a décidé de s’attaquer à la tâche. Il vient de rencontrer des parfumeurs à Grasse.
C’est Nice Matin qui nous l’apprend : « si le créateur du ‘Lieu unique’ s’est baladé dans la vieille ville ou à Plascassier le nez au vent, ce n’est pas pour faire du tourisme ». Oui, enfin, à en croire la photo publiée par le quotidien méridional, ce n’était pas le bagne non plus. But de ce voyage d’affaires ensoleillé, loin des averses nantaises : « demander à des parfumeurs grassois d’imaginer la signature olfactive de la capitale de la Loire-Atlantique ». Compléter la palette de ses outils publicitaires avec un peu de marketing olfactif. Du pschitt-pschitt personnalisé comme en ont pas mal de grosses entreprises depuis des décennies.
On est un peu déçu. « Une ville sans parfum est une ville sans avenir », disait Mademoiselle Chanel ‑ à en croire du moins Aphrodite Duras (mais on se méfie un peu de quelqu’un qui porte « Biche dans l’absinthe » de Gobin Daudé). Alors, on aurait espéré un jus grandiose destiné aux coquettes (et/ou aux coquets, hein, pas de discrimination de genre dans le sent-bon) du monde entier comme en ont, seules ou en déclinaison, Paris (chez Yves Saint-Laurent, Guerlain, Van Cleef et Arpels, Bourjois, Le Labo, Bath & Body Works, Avon, etc.), Abou Dabi, Amalfi, Amsterdam, Avignon, Barcelone, Bellagio, Berlin, Bombay, Boston, Bowling Green, Brooklyn, Buenos Aires, Cabo, Cambridge, Chicago, Coromandel, Cortina, Dallas, Darwin, Doha, Dubaï, Dubrovnik, Florence, Grasse, Haïfa, Hollywood, Ibiza, Inisfree, Ispahan, Istanbul, Jailsalmer, Jaipur, Kyoto, La Havane, La Nouvelle-Orléans, Las Vegas, Les Baux, Londres , Malibu, Marrakech, Miami, Milan, Mogador, Moscou, Munich, Naples, Ouarzazate, Oxford, New York, Newport, Paestum, Palerme, Palm Beach, Parati, Parme, Portofino, Providence, Riga, Rio de Janeiro, Rome, Sacramento, Saint-Moritz, Samarcande, Santa Barbara, Savannah, Séville, Shanghaï, Sienne, Singapour, South Beach, Syracuse, Tombouctou, Tokyo, Venise, Versailles, Yendi, Zagorsk, Zanzibar, et sûrement quelques autres, mais on ne va quand même pas y passer la journée.
Fleur de Feydeau ou Soir de Guist’hau ?
Certains de ces noms ne sont pas très romantiques ? Le parfum, c’est du commerce aussi ! The Scent of Departure (« L’odeur du départ »), une entreprise française, comme son nom ne l’indique pas, fait un tabac avec des parfums vendus en duty free dans les grands aéroports : vous ne quitterez pas Munich ou Dubaï sans votre flacon éponyme. Odeurs de gaz d’échappement et de graillon des rues ? « Heureusement, les parfums devraient sentir bien meilleur que leur nom ne le laisse penser », notait judicieusement un quotidien anglais. Voilà le genre de concept qui partirait comme des petits pains à Nantes Atlantique.
Pour les plus grandes villes, certains parfumeurs affinent encore la localisation, comme à Paris : Champs Élysées, Rive gauche, Rue Cambon, 24 Faubourg… Pour Nantes, qui n’est pas une ville à l’eau de rose, on aurait rêvé… peut-être pas d’une senteur qui rappelle les nourritures dégoûtantes de la HAB Galerie, mais au moins d’une « Fleur de Feydeau », d’un « Soir de Guist’hau », d’un « Anneau dans le miroir d’eau » et sûrement, comme Jean Blaise est soucieux d’inclusion, du « Portrait d’un zadiste », d’un « Soupir de Bellevue » et d’un « Minuit à Malakoff ».
Reniflage moderne d’un vieux pays
Mais pourquoi aller chercher tout cela loin vers le Sud ? Déjà, Jean Blaise pourrait consulter les experts d’AudenciaSciencesCom, qui ont réfléchi à la question. Et puis, n’est-il de bon nez que de Grasse, comme il n’est de bon bec que de Paris ?
Pourquoi ne pas aller en voisin interroger Yves Rocher ? La gamme du parfumeur de La Gacilly comprend déjà des jus très alléchants – « Comme une évidence », « Autour de minuit », « Moment de Bonheur », « Oui à l’Amour », « Bois Sensuel »… ‑ qu’une spécialité nantaise compléterait agréablement (« Bois sans soif de minuit à Nantes » ? « Moments d’Amour boulevard Schuman » ?).
Pourquoi, refaisant la Traversée moderne d’un vieux pays, ne pas faire étape à Saint-Malo chez Yvon Mouchel, créateur des parfums Divine, qui ont déjà une boutique rue Rubens à Nantes ? Jean Blaise s’y retrouverait aisément : dans la gamme figurent « L’Homme de cœur », « L’Homme sage », « L’Homme infini », « L’Homme accompli ». En octobre, hélas, les cieux malouins ne valent pas ceux de la Provence.
Sven Jelure
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