Plus de fromage qui pue à Nantes

Le Voyage à Nantes nous a habitués aux superlatifs louangeurs placardés sur des œuvres dont le principal mérite était d’avoir plu à Jean Blaise. Alors, quand il annonce une exposition sur « les aliments les plus dégoûtants au monde », on se méfie. Les a-t-il vraiment goûtés, Jean Blaise, ces décoctions de souris, ces couilles de taureau, ces œufs à l’urine de jeunes garçons ? (Bon, pour le foie gras et le homard, on n’a pas tant de doutes.)

Après tout, pourquoi pas ? Presque tous, les aliments exposés à la HAB Galerie (Hangar à bananes) sont considérés comme des mets de choix dans leur pays d’origine. Les considérer comme « dégoûtants » relève du réductionnisme culturel le plus basique. Pour les disqualifier, on est allé chercher les métaphores les plus répugnantes (odeur de pieds sales, de vomi, de caoutchouc brûlé…). Ces Péruviens, ces Mongols, ces Ougandais sont décidément des gens peu fréquentables ! À défaut de les exhiber en personne comme dans les expositions universelles du 19e siècle, on montre leur cuisine, et c’est déjà tout un programme.

« Ce qui est dégoûtant pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres », note cependant le prospectus du Voyage à Nantes, légèrement faux-cul sur les bords. En insistant sur le dégoût, il s’agit surtout d’épater la HAB Galerie et d’attirer le chaland vers une exposition qui n’a pas été conçue à Nantes mais à Malmö, sous le titre original « Disgusting Food Museum ». Les Suédois ne sont pas réputés très audacieux en manière culinaire. On ne s’étonne donc pas de trouver parmi les 80 dégoûtants plusieurs aliments désignés comme français ‑ foie gras, roquefort, époisses, vieux-boulogne, steak tartare, escargots, ortolans ‑ qui voisinent avec la tarentule frite, la panse de brebis farcie ou le lait de cheval fermenté. Histoire sans doute de ne pas paraître trop arrogants, les Suédois ont tenu à y introduire une spécialité à eux : les bonbons à la gélatine. Il paraît qu’un Suédois en mange en moyenne 16 kg par an. Pas dégoûté, lui.

L’exposition, visible jusqu’au 3 novembre, est intéressante. Dire qu’elle met en appétit serait excessif ; on parlera plutôt de gastro-antinomie. Du coup, on se demande si elle n’a pas été installée à la HAB Galerie pour consoler et mettre en valeur par contraste la Cantine du Voyage, bras armé des tentatives gastronomiques du Voyage à Nantes, à deux pas de là. On y sert à longueur de saison un plat unique : le poulet pommes de terre. Histoire de promouvoir la gastronomie nantaise. Un choix prudent (Neptune ne favorise pas toujours les audacieux), sans risque de dégoûtation ? Pas sûr du tout. D’une année sur l’autre, la réputation de la maison, d’une grande régularité, est carrément désastreuse. Malgré son site idéal au bout du Hangar à bananes, l’établissement pointe à la 688e place des restaurants nantais au classement de TripAdvisor !

Sven Jelure

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