Les Machines pas moins déficitaires à Toulouse qu’à Nantes

« Je ne fais pas de politique ; je ne suis pas un homme d’affaires », assurait naguère François Delarozière dans un communiqué en défense de l’Arbre aux Hérons. Pas un homme d’affaires ? Ça n’est pas faute d’avoir essayé
(et ça dépend de quel genre d’affaires on parle, ajouteraient les cyniques).

Les activités de François Delarozière ont longtemps été localisées à Toulouse et non à Nantes. On le lui reprochait, car son association, La Machine, vivait en bonne partie de l’argent des contribuables nantais, via des commandes passées par Nantes Métropole. Il a fini par transférer son siège à Nantes… mais pour recréer très vite une autre association, La Machine Toulouse. Et à force de faire le siège des maires de Toulouse, de gauche, puis de droite (d’où peut-être le « je ne fais pas de politique »), il a fini par obtenir la création d’une sorte de musée personnel, la Halle des Machines, un immense bâtiment de 5 000 m², afin d’abriter ses grandes réalisations.

Mieux, il a obtenu en 2017 que La Machine Toulouse gère cet établissement dans le cadre d’une délégation de service public (DSP)*. En contrepartie de certaines obligations, l’association perçoit une contribution de la collectivité ; au-delà, elle fonctionne à ses risques et périls. Le principe en a été expressément affirmé devant le conseil de Toulouse Métropole : « La contribution est forfaitaire, comme dans toute DSP et correspond au risque commercial assumé par le délégataire. C’est lui qui propose un niveau de fréquentation, sur la base de tarifs que nous avons discutés, donc il prend un risque commercial (…). Ça veut dire, effectivement, qu’il peut faire plus ou faire moins. »

La contribution nette versée par la collectivité s’élève à 577 000 euros par an (632 000 euros de subvention moins 50 000 euros de loyer et 5 000 euros de frais de gestion). Soit environ 2 euros par visiteur, puisque François Delarozière tablait sur une fréquentation de 250 000 à 300 000 personnes par an.

Aides tous azimuts pour une entreprise en péril

Toute association recevant plus de 153 000 euros de subventions par an doit publier ses comptes au Journal officiel. La Machine Toulouse s’en est d’abord dispensée. Puis elle a été rattrapée par la patrouille : fin juin, elle a publié d’un coup ses comptes pour 2018, 2019 et 2020. Et là, on a mieux compris son silence antérieur.

Depuis ses débuts, malgré un lancement en fanfare, La Halle aux Machines perd beaucoup d’argent : 605 217,90 euros en 2018 (sur dix mois), 203 797,17 euros en 2019, 309 147,37 euros en 2020. Cela malgré les subventions, qui en 2020, crise sanitaire oblige, ont même été portées à plus de 1,15 million d’euros. Seul sujet de satisfaction : le Minotaure Café tourne très bien !

À fin 2020, on sonnait le tocsin. Le commissaire aux comptes de La Machine Toulouse a établi un recensement des mesures de sauvetage alors mises en œuvre :

  • Prêts garantis par l’État : 900 k€
  • Aide exceptionnelle de Toulouse Métropole : 362 k€
  • Subvention exceptionnelle du Conseil départemental : 25 k€
  • Aide d’urgence du concédant : 200 k€
  • Indemnités d’activité partielle : 215 k€
  • Demande d’aides au fonds de solidarité : 107 k€
  • Différé de remboursement des emprunts de 6 mois
  • Aides URSSAF : 243 k€.

Autrement dit, cette association qui a demandé à gérer elle-même, à ses risques et périls, un vaste établissement tout neuf payé par la collectivité, sollicite des aides publiques tous azimuts.

Que s’est-il passé depuis lors ? Les comptes pour 2021 auraient dû être publiés avant le 30 juin 2022. Ils ne l’ont pas été, ce qui n’est pas du tout bon signe. Néanmoins, l’établissement fonctionne toujours. Un miracle se serait-il produit ? Beaucoup d’entreprises aimeraient connaître la recette.

Bien entendu, les mauvais résultats de La Machine Toulouse ne concernent ni Nantes Métropole ni Les Machines de l’île. François Delarozière n’exerce aucune fonction de gestion à Nantes. Ce qui ne l’a pas empêché d’affirmer à plusieurs reprises que l’Arbre aux Hérons rapporterait de l’argent. Puisqu’il a amplement prouvé que, décidément, il n’est pas un homme d’affaires, on devrait avoir plus de mal à le croire à présent.

* Quand Toulouse Métropole a voté la DSP et approuvé le choix du délégataire, ce dernier était La Machine – celle de Nantes ‑, et non La Machine Toulouse, qui n’existait pas encore. C’est dire si le dossier était mal bouclé. Le contrat de DSP était un point sensible car les services juridiques de la métropole s’inquiétaient d’un « risque important de requalification en marché public » (conseil métropolitain du 15 décembre 2017).

Sven Jelure

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