L’Étoile verte : des balades en plus du Voyage à Nantes ?

L’Association culturelle de l’été(1) vient de présenter L’Étoile verte, premiers pas, une « exploration artistique » qui invite les Métropolitains à (re)découvrir les trésors naturels de la Chézine et du Cens (27, 28, 29 juin), de la Sèvre (25, 26, 27 juillet) et de Grand-Lieu (8, 9, 10 août). Ces trois premières branches d’une étoile à six branches seront suivies l’an prochain par la Loire amont, la Loire aval et l’Erdre. L’Étoile verte(2) comprendra à terme 200 km de chemins pédestres, dont 25 à créer, au long des cours d’eau.

Cette étoile à six branches ne fait pas pour autant de l’Association culturelle de l’été une assoce naturelle des quatre saisons : son exploration de l’étoile verte fait appel à une « constellation » d’artistes associés. Des artistes qu’elle ne va pas chercher à l’autre bout du monde, et c’est encore une rupture avec Le Voyage à Nantes : Johan Swartvagher (Angers) guidera des « rando-jonglées », Olivier Dupont-Delestraint (Nantes), « trafiquant d’art », accrochera ses fameux tableaux piratés et réinterprétés, Johanna Licard (Nantes) animera des ateliers dessinés d’observation. Spectacles, concerts et jeu d’exploration ponctueront les neuf journées d’escapades et de pique-nique autour de la « Goguette », caravane polymorphe créée pour la circonstance. Les habitants de la Métropole sont eux-mêmes invités à rédiger une « lettre aux arbres ».

Nantes Métropole « porte » le projet d’un pas mesuré (elle annonce sa fin pour 2035) mais signe les chèques d’une main qui ne tremble pas (83 millions d’euros de coût prévisionnel). Entre les lignes, elle révèle une révision déchirante de son essence. Pendant trente ans, Jean-Marc Ayrault et ses successeurs se sont parés de culture. À présent, la nature réinvestit la métropole, et pas seulement sous forme de mauvaises herbes sur des trottoirs négligés.

La ville moche se rebiffe

Sophie Lévy, nouvelle patronne du Voyage à Nantes, rappelle volontiers que l’édition 2025 de son événement estival, du 28 juin au 31 août, a été conçue par Jean Blaise. C’est clairement une manière de prendre ses distances avec son prédécesseur(3). Sur le site web de Nantes Métropole, outre quelques sous-entendus (« ne pas trop penser à Jean Blaise »… « ce n’est pas la peine de rouler des mécaniques »…), elle affirme son intention de faire autre chose : « Jean Blaise était un intuitif visuel, je suis plutôt une conteuse. J’aimerais approfondir le lien entre l’art et la nature, montrer que Nantes est une grande ville de nature, avec des fleuves, des rivières, une très belle lumière… »

En fait d’intuitif visuel, Jean Blaise a qualifié Nantes de « une ville moche ». Il ne savait pas regarder la nature. Il ressentait le besoin d’y mettre des choses. Estuaire en est témoin. Ou encore le belvédère de Kawamata, décrit avec des trémolos dans la plume par le site web du Voyage à Nantes : « Le visiteur, avec la sensation d’un certain vertige, avance vers le vide et découvre la vue dégagée et imprenable sur la ville et le fleuve. Littéralement dans le paysage, il perçoit sous le platelage un enchevêtrement chaotique de poutres accrochées à la falaise qui évoque la forme ronde et précaire d’un nid d’hirondelle. » Un « belvédère » sert à voir (vedere) quelque chose de beau. Mais l’important ici est l’enchevêtrement de poutres et non « la ville et le fleuve », expédiés en cinq mots.

L’Étoile verte rétablit l’ordre des priorités. Subitement, Johanna Rolland s’est vouée à la nature. Serait-ce le fruit cynique d’un calcul politique, puisque sans les écolos ses chances de décrocher un troisième mandat en 2026 serait minces ? Ce serait trop triste. Voyons-y plutôt une épiphanie. Diplomatiquement, entre la Loire et Grand-lieu, l’Étoile verte se garde de mentionner l’Acheneau. Une rivière capable de couler dans un sens ou dans l’autre selon les circonstances.

(1)    L’Association culturelle de l’été organise aussi les Rendez-vous de l’Erdre, le festival Aux heures d’été et l’événement nautique et artistique Débord de Loire.

(2)    Cette « étoile verte » n’est pas la première. Dès 2016, Johanna Rolland annonçait au conseil métropolitain une « Étoile verte » dont la première branche commencerait entre le parvis de la gare et le Jardin des plantes pour aller jusqu’au parc des Oblates via le square Élisa Mercœur et Feydeau Nord.

(3)    Peu avant que Sophie Lévy ne soit nommée à la tête du musée d’arts, Jean Blaise  avait annoncé la mort prochaine des musées. Ça met tout de suite en sympathie.

Sven Jelure

Une réponse sur “L’Étoile verte : des balades en plus du Voyage à Nantes ?”

  1. Au risque de me répéter, il ne faut pas blâmer JR des manquements de JMA.
    Même du haut de mon adolescence à la fin du siècle dernier, je remarquais que Nantes accordait une place plus importante au « vert » qu’ailleurs. Particulièrement comparé à ses « soeurs » Rennes et Bordeaux. Même à sa « cousine » Angers, qui a pourtant récupéré tout ce qui tourne autour de l’horticulture officielle au détriment de Nantes. Et triche avec son Lac de Maine.
    Et par « vert », j’entends un tilleul isolé et des carrés d’herbes de ci, de là. Pas forcément les parcs et squares, même si dans ces catégories, Nantes est tout à fait remarquable également.
    L’épiphanie nantaise a eu lieu en 2006 quand Nicolas Hulot a fait un chantage écolo aux politiques, qui ont bien remarqué que cela plaisait aux citoyens.
    A partir de là, JMA s’est rendu compte qu’artificialiser le moindre bout de pelouse pour faire plaisir à la CCI n’était peut-être pas si sage.
    Et il mettra beaucoup d’énergie, comme à son habitude, pour faire de Nantes « capitale verte de l’Europe » en 2013.
    Depuis, la municipalité est vigilante sur la question, sans malheureusement être innovante. Elle avait pris beaucoup trop de retard et n’est sauvé que par sa géographie de cours d’eau. Mais on peut tout de même regretter que dans le sillage du tramway, même si ce n’était pas forcément l’écologie en ligne de mire, Nantes ne soit pas devenue, toute proportion gardée, l’équivalent de Copenhague. Ou à défaut Strasbourg. Elle a préféré se prendre pour Bilbao.
    Ce qui est d’autant plus imbécile que JMA avait pourtant été mandaté par le PS pour accompagner la disparition du caractère industriel de Nantes. Prendre le contre-pied en reincorporant du « naturel » n’était pas inimaginable dans les années 90.
    À la décharge du Maugeois, Nantes est aussi la ville qui a comblé ses cours d’eau. Sous la pression de sa soi-disante élite (on regrettera cependant que l’héritier LU n’ait pas été entendu), appâtée, comme tout bon chien de Pavlov, par la manne financière de l’Etat pour les travaux.
    On aura connu une quasi-répétition autour d’un aéroport.
    Mais comme il est systématiquement impossible de dédouaner le professeur d’allemand (là encore, illusion d’une autre époque, déjà dans les années 80, les Allemands ne juraient que par l’anglais et delaissaient le français), on se souvient que dans les années 90, il y avait encore possibilité de décombler quelque peu. Volonté et idées citoyennes ne manquaient en tout cas. L’argent sans doute. Mais on pourrait être curieux de savoir combien cela aurait réellement coûté au regard de l’argent jeté par les fenêtres dans le culturel qui, comme le disait un Nantais fameux « est à la Culture ce que le naturel est à la Nature, une pâle copie ».
    Tenez. Apparemment le dernier Royal Deluxe, proposé dans ce qui ress à une certaine indifférence sorti d’une campagne d’affichage, ne ferait pas l’unanimité d’après la presse locale. Lu aux devantures des tabacs.
    Les temps changent. Comme toujours. Mais bien tard.

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