Depuis un mois, une fontaine d’eau claire coule sous le pont Anne de Bretagne. Au début, on aurait pu croire à un stratagème du Voyage à Nantes. Celui-ci vient d’obtenir que la cité des ducs de Bretagne soit labellisée destination touristique bretonne, et un petit miracle sous un pont consacré à notre Duchesse aurait braqué sur notre bonne ville l’intérêt des médias internationaux. De chute d’eau en chute d’eau, la com’ de la cataracte de Stéphane Thidet sur le théâtre Graslin serait bien assurée.
Hélas, de miracle, il n’y aurait point, assure Olivier Quentin, de France 3. Bien que parfaitement limpide, cette eau ne vient pas du service d’eau, ont déterminé les experts en adduction de Nantes Métropole. Ils ont trouvé une autre source : le réseau d’eau pluviale. Il serait bouché en contrebas, d’où fuite.
Mais… mais il n’a pour ainsi dire pas plu depuis le 26 juin et la fontaine ne fait pas mine de s’assécher. Par dessus le marché, ce liquide paraît bien clair pour de l’eau qui a rincé les pavés. Miracle quand même, donc ? Non, assure encore France 3, toujours sur la foi des mêmes experts. L’eau viendrait en fait de la Loire, via des nappes phréatiques « qui ne sont qu’à quelques mètres de la surface du sol » et qui se déverseraient dans ce réseau d’eau pluviale pas étanche.
Mais… mais en vertu de cette explication, la fontaine devrait jaillir quelques mètres au-dessous de la surface du sol naturel, ce qui n’est pas le cas. Le niveau du sol pas naturel des Chantiers n’est plus élevé que de deux ou trois mètres. Son point d’écoulement est aussi plus élevé que le niveau de la Loire, même à marée haute.
Donc miracle quand même. Manquerait plus que sainte Anne se montre à des passants à côté de la fontaine en leur demandant de prier pour la réunification de la Bretagne. Certes, les soubassements du pont n’évoquent que de très loin la grotte de Massabielle, mais justement, ils formeraient le décor idéal d’un miracle bien de son époque. À défaut de touristes, le Voyage à Nantes pourrait racoler les pèlerins : à chacun son petit flacon d’eau de Nantes miraculeuse.
Sven Jelure
Partager la publication "Plus de chutes d’eau à Nantes : un miracle en période de sécheresse touristique"
@Zplur
Loin de moi l’intention, ouvrage cité à l’appui, de faire passer Anne de Bretagne pour une antisémite notoire au sens contemporain du terme. En effet, l’on se demande bien l’intérêt de ces deux assertions, l’une sourcée, l’autre pas… Et aucun développement dans les deux cas…
Il y a une aberration à titrer pompeusement cet ouvrage « Les Juifs en Bretagne Vème XX ème siècles » dans la mesure où presque les 3/4 du bouquin (317 pages sur 430) sont exclusivement consacrés à la courte période 1939-1945, période certes extrêmement tourmentée pour la population considérée… En extrapolant, l’on peut légitiment s’interroger sur la fiabilité de cette grosse partie exposée par les auteurs. Mais là, toute recherche ou réfutation sur le sujet sont interdites sous peine de poursuites judiciaires.
@AnneMa
Grave question ! Cependant, Les Juifs en Bretagne – VIème –XXème siècle, ouvrage de Toczé et Lambert auquel vous vous référez, n’est peut-être pas d’une parfaite fiabilité sur ce sujet. Il affirme en effet qu’Anne « encourageait Louis XII à maintenir et faire respecter l’édit du 17 septembre 1394 par lequel le roi Charles VI avait décrété l’expulsion générale des Juifs du royaume ». Mais il n’appuie cette affirmation sur aucune référence. Elle est donc sujette à caution.
Le même ouvrage indique ensuite : « À la mort d’Anne en 1514, son confesseur Guillaume Parvi, prononça l’éloge funèbre, exalta la reine vertueuse qui avait consacré sa vie aux pauvres, aux veuves et aux orphelins et avait travaillé à l’expulsion des Juifs ». Cette fois, les auteurs se réfèrent en note à la Biographie bretonne de Levot (1852). Or, sauf erreur de ma part, Levot ne dit rien sur l’éloge funèbre de la duchesse Anne par Guillaume Parvy.
En fait, ce passage sur Anne de Bretagne et les Juifs, repris par d’autres auteurs, doit provenir indirectement du Récit des funérailles d’Anne de Bretagne par Pierre Choque, collaborateur direct de la reine de France. Et cette citation de seconde main paraît légèrement biaisée. Selon Pierre Choque, Guillaume Parvy a énuméré les nombreux mérites d’Anne Bretagne dont celui-ci : elle avait « nourry et soustenu l’église, noblesse et labeur, innocens, orphelins, povres, vefves ; et qui plus estoit, après avoir esté l’occasion de faire chasser les Juifs, en faire baptiser, les nourrir et leur donner pencion. Et autres plusieurs belles et notables parolles, qui seraient longues à racompter. »
Cette « occasion de faire chasser les Juifs » est obscure (on peut le comprendre comme « alors qu’elle aurait pu chasser les Juifs »). Choque n’en dit pas plus et son Récit des funérailles ne contient rien d’autre sur les relations éventuelles d’Anne et des Juifs. Faute d’autre précision, écrire qu’Anne « avait travaillé à l’expulsion des Juifs » paraît assez tendancieux. D’autant plus que le même passage du Récit dénote plutôt de la bienveillance envers les Juifs.
À propos d’Anne de Bretagne : « La duchesse Anne, devenue reine de France, encourageait Louis XII à maintenir et faire respecter l’Édit du 17 septembre 1394, par lequel le Roi Charles VI avait décrété l’expulsion général des juifs du Royaume […]
À la mort d’Anne en 1514, son confesseur Guillaume Parvi, prononça l’éloge funèbre, exalta la reine vertueuse qui avait consacré sa vie aux pauvres, aux veuves et aux orphelins et avait travaillé à l’expulsion des juifs.
(Les Juifs en Bretagne, Vème – XXème siècles. Presses Universitaires de Rennes 2006)
Va-t-on devoir déboulonner la statue située devant le château des ducs et rebaptiser l’ouvrage enjambant le bras de la Madeleine en pont Bernadette Soubirous !?