Toujours plus de mur

Le dernier rempart de Nantes

En voilà un cadeau pour Noël ! Décidée par le Conseil municipal, la rénovation du « mur de Royal de Luxe » est désormais terminée. Il a fallu mettre le prix – un peu plus de 70 000 € – pour redonner à « l’œuvre » un peu de couleur. Tout juste peut-on regretter que la Ville de Nantes n’ait pas osé aller plus loin dans ce projet.

La fresque, dévoilée en mai 2011, avait subi les outrages du temps mais… pas seulement. Il était en effet tentant de faire des moustaches à Jean-Marc Ayrault ou de s’en prendre au portrait de Jean Blaise. La plupart des personnages étaient devenus méconnaissables. Conçu sur le modèle des fresques mexicaines, ce mur tombé du ciel offrait aux passants un large panorama des grandes figures nantaises. De Jules Verne à Barbara et de René-Guy Cadou à Zélélé, le chauffeur africain du marquis De Dion. Il eût sans doute été dommage que les générations futures finissent par les oublier. David Martineau l’avait promis : l’œuvre serait pérennisée. Ne rêvons pas toutefois : à l’heure où l’espace public est devenu un grand terrain de jeu et où tout symbole du pouvoir est appelé à “dégager”, il est à craindre que l’entretien de ce mur continue de peser sur le budget des contribuables. Il avait déjà « subi » une première rénovation il y a cinq ans.

À l’heure où la Corée du Nord rend hommage à Kim Jung II, à l’occasion de l’anniversaire de disparition forcément tragique de son leader historique, certains se réjouiront de voir Nantes sacrifier à l’iconographie communiste des années 60. La place qu’occupe par exemple Jean-Marc Ayrault, immortalisé en petit père du peuple nantais, fera sans doute sourire. Au moins les Nantais. Le “mur tombé du ciel” a en effet des allures de mausolée. Et, en reprenant des couleurs, vives et acidulées, l’œuvre, forcément datée, n’en apparaît que plus kitsch. Lorsque la Ville avait décidé de cette restauration, certains avaient suggéré que le mur soit confié à des artistes nantais du street-art. La Ville n’en manque pas ! Une œuvre contemporaine (et non figurative) aurait eu place dans le parcours du Voyage à Nantes.

Et puis, Nantes souriant volontiers aux audacieux, on pouvait rêver d’un peu plus d’imagination. Puisque Nantes est désormais la ville qui voit double du côté de la Beaujoire, pourquoi pas un deuxième mur ? Ou alors pourquoi ne pas avoir utilisé les deux faces de ce mur ? On est resté dans le convenu, dans le conventionnel d’une copie. Nantes méritait sans doute mieux.

Message d’erreur pour les 5 511 donateurs de l’Arbre aux Hérons ?

Ni celui d'autres donateurs

Mise à jour du 16 décembre : Ce matin, j’ai voulu vérifier mon certificat de copartage de l’Arbre aux Hérons sur la page ad hoc du site des Machines de l’île. Plus moyen de constater son existence ! Le système ne fonctionne plus ! L’interrogation retourne une « erreur ». Ce qui ressemble assez à une désactivation précipitée. Qui serait en même temps l’aveu d’une bourde majeure dans la conception de la campagne Kickstarter.

Mais justement, la campagne promettait aux donateurs, à partir de 10 euros, de recevoir un certificat de copartage « vérifiable à tout moment sur le site des Machines de l’île ». Cette promesse n’est plus tenue. Kickstarter va-t-il à présent le reprocher au Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons ?

CI -DESSOUS L’INFO ORIGINALE – MAIS ÇA, C’ÉTAIT HIER 

Comme on l’a vu ici, les donateurs de l’Arbre aux Hérons détenteurs d’un « titre de copartage de l’Arbre aux Hérons » pourraient bien être privés du copartage avec le fisc dans certains cas. Mais ils pourraient bien copartager avec des tas d’indésirables…

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons avait promis différentes « récompenses » à ses donateurs. Le titre de copartage en était la pièce maîtresse. Sa détention donnait droit, par exemple à « l’histoire de la construction de l’Arbre aux Hérons racontée en direct de 2018 à 2022 en 14 chapitres (via 3 newsletters par an) ». Soit donc, si l’on compte bien, au moins deux newsletters dès 2018. Vous en avez reçu une, vous ? Moi pas.

Et pourtant, j’ai bien reçu le titre de copartage. Je m’en suis assuré. Chacun peut en faire autant. Car le document n’est pas seulement « nominatif, numéroté, signé par les auteurs », il est aussi « vérifiable à tout moment sur le site des Machines de l’île ». Il suffit de descendre tout en bas de la page de l’Arbre sur le site et de saisir le numéro d’ordre envoyé par le Fonds de dotation.

Attention à saisir votre numéro exact, car si vous vous trompez ne serait-ce que d’un chiffre, vous risquez fort de recevoir le titre de quelqu’un d’autre. Qui sait… Peut-être même tomberiez-vous sur le titre de copartage de Pierre Orefice lui-même ? (Son numéro commence par A et s’achève par 1). Ou celui de Heather C. Ou d’Eloise P. Ou de Kaylin et Lilith V. Ou de Nathalie B. Ou de Nina S. Ou de Tony R. Oui, je suis un peu maladroit, j’ai fait plusieurs fautes de frappe avant de tomber sur mon titre à moi.

Sven Jelure

Complications fiscales pour les donateurs de l’Arbre aux Hérons

Elle avait déjà révélé bien des bizarreries, la campagne de financement participatif lancée sur Kickstater par le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons. Des mois plus tard, ses animateurs réussissent à en ajouter encore.

La boutique en ligne des Machines de l’île propose à la vente des « titres de copartage » du Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons (merci E.L. pour avoir repéré cette loufoquerie). Titre de copartage ? On s’en souvient, c’était une des « contreparties » proposées aux contributeurs de la campagne de financement participatif. Un don de 50 euros ou plus donnait droit à un titre de copartage imprimé, dessiné par Stéphane Muntaner.

Un document exceptionnel assurait-on alors. Et voilà que, pour l’obtenir, il suffit aujourd’hui de l’acheter, tout bêtement. La symbolique de la copropriété de l’Arbre est complètement oubliée. Au lieu d’imprimer le nombre exact de titres correspondant aux nombre de dons reçus, on a laissé tourner la machine pour copartager du vent et encaisser quelques euros en plus. À l’égard des généreux donateurs, est-ce bien respectueux moralement ? Et est-ce bien raisonnable fiscalement ?

Certains d’entre eux comptaient sans doute bénéficier de l’avantage fiscal attaché aux dons aux associations. La doctrine du fisc en la matière est bien connue ; elle a été fixée par une instruction du 4 octobre 1999 (n° 5 B-17-99). Un don, par principe, est désintéressé. Cependant, des contreparties « prenant la forme d’un bien ou d’une prestation de services » sont admises par dérogation à condition de ne pas dépasser « un rapport de 1 à 4 entre la valeur du bien et le montant du don ou de la cotisation ».

Ici, le calcul est vite fait. Le titre acheté en ligne vaut 16 euros ; 16 x 4 = 64. À cause du papier que leur a envoyé le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons, les 2.211 contributeurs qui ont versé à Kickstarter un don de 50 euros se trouvent donc hors des clous. Ils ont en main un morceau de papier dont la valeur marchande (16 euros) est supérieure au quart du montant de leur don. Il ne pourront rien déduire de leurs impôts. Sauf générosité particulière du fisc.

Sven Jelure

Les liquidités SoNantes de Pascal Bolo trébuchent

La SoNantes est un « échec cuisant » : interrogé récemment par Antony Torzec, de Médiacités, Pascal Bolo n’a pu qu’admettre la triste vérité sur notre monnaie locale « complémentaire ». Mais c’est la faute à pas d’chance, tente-t-il de plaider :

« Entre le moment de l’invention de la SoNantes, c’est-à-dire après la crise financière de 2008-2011, et son lancement en 2015, il n’y avait plus de crise financière. On a donc offert aux entreprises une solution pour résoudre un problème de liquidités qu’elles n’avaient plus. »

De la part de l’homme en charge des finances de Nantes Métropole, cette position est quadruplement fantaisiste.

1) Sur le plan de l’économie. Dans leur immense majorité, les économistes parlent d’une crise de 2008-2009, pas d’une crise de 2008-2011. Lui rajouter deux années apparaît comme une astuce (grossière) pour faire croire que « l’invention de la SoNantes » est venue dans la foulée, en 2012, et qu’il ne s’est écoulé « que » trois ans entre cette invention et son lancement fin avril 2015. Même ainsi, si vraiment on voulait « offrir » aux entreprises une solution à un problème qui se posait en 2008-2011, elles ont largement eu le temps de casser leur pipe.

2) Sur le plan de la chronologie. La géniale invention est en fait bien antérieure à 2012. « L’idée d’une monnaie locale à Nantes n’est pas nouvelle », écrivait début 2015 un observateur bien informé. « Dès 2007, le sujet des monnaies locales est en débat, suscitant l’intérêt des citoyens et des élus nantais. » Oui, dès 2007 : cet aveu est encore lisible aujourd’hui sur… le site web de Nantes Métropole ! En réalité, l’idée remonte même à 2006, comme l’a dit Pascal Bolo lui-même, au conseil municipal du 19 décembre 2014. Entre missions de réflexion et voyages d’études en Suisse et en Italie, il a fallu plus de huit ans, et moult dépenses, pour la concrétiser à toute petite échelle.

3) Sur le plan du diagnostic. La crise de 2008-2009, 2011 si l’on y tient, était une crise bancaire, suivie d’une crise économique, pas une crise de liquidité. Le quantitative easing pratiqué par les banques centrales dès l’été 2008, après la chute de Lehman Brothers, a justement servi à écarter un problème de liquidité. « L’invention de la SoNantes », si elle avait été postérieure à 2008-2011, aurait donc été largement en retard sur l’événement.

4) Sur le plan des objectifs. En réalité, la SoNantes n’a jamais eu pour but d’assurer la liquidité des entreprises. Comme Pascal Bolo l’expliquait au conseil municipal du 19 décembre 2014, elle visait à fluidifier et accélérer les échanges tout en soutenant le commerce et les producteurs locaux. En effet, la SoNantes n’est utilisable qu’à Nantes, entre adhérents au système. Si l’on en reçoit et qu’on ne peut la dépenser nulle part, on est coincé. À cet égard, elle est l’inverse de la liquidité ! (« Dans les prisons d’SoNantes, l’ann didou didou d’ann… », etc.)

Quelques milliers de SoNantes en circulation ne sont même pas une goutte d’eau dans la liquidité en regard des milliers de milliards de dollars et d’euros déversés sur le système bancaire au nom de l’assouplissement quantitatif. D’ailleurs, si Nantes et le Crédit municipal avaient en tête la liquidité des entreprises, pourquoi avoir coupé le robinet, pourquoi ne pas continuer à claquer de l’argent après avoir consumé 2 millions d’euros en pure perte ? On en est maintenant aux économies les plus mesquines. Le site web Une monnaie pour Nantes, longtemps fer de lance de la propagande municipale en faveur de la SoNantes, a laissé la place à un site porno.

Reste à espérer que la liquidité qui a manqué à la SoNantes ne déferlera pas sur l’autre grand projet de Pascal Bolo, le nouveau CHU. Heureusement, ce n’est pas parce que l’un est à sec que l’autre est inondable.

Sven Jelure

Bien plus décalé : à défaut d’un pas en avant, Nantes fait un pas [artistique] de côté

Nantes a décidé de « pérenniser » deux des statues de Philippe Ramette exposées pour Le Voyage à Nantes 2018. Au nom du « décalage », assure la Ville. Il y a du décalage dans l’air, en effet, mais pas exactement celui qu’allèguent Johanna Rolland et Jean Blaise !

Chacun connaît ces mendiants qui s’installent parfois en ville dans une attitude « impossible », en lévitation à 20 cm du sol avec pour seul appui une canne, ou bien l’un soutenu par l’autre apparemment à la seule force d’un bras. « Ooooh, costaud, le mec ! », apprécie le bon peuple crédule. « Y a un truc ! », rétorquent les esprits forts. Sa journée de travail achevée, le mec costaud retire discrètement les tubes métalliques passés dans sa manche.

De ce truc de bateleur (lui-même parle de « prothèses à attitudes »), exploité aussi dans ses photos, Philippe Ramette a fait une sculpture, l’Éloge du pas de côté installé place du Bouffay pour Le Voyage à Nantes. Mieux : il a réussi à convaincre Johanna Rolland que cette sculpture « parle de Nantes, de cette capacité de la ville à être un peu décalée, tout en restant fermement sur ses jambes ». Ooooh, costaud, le mec ! (Ou crédule, la maire ?)

Trois mois après la fin du Voyage à Nantes, voilà l’Éloge du pas de côté « pérennisé » en catimini, de même que l’Éloge de la transgression installé cours Cambronne. La ville de Nantes l’a annoncé dans un texte de 300 mots où « décalé » figure quatre fois. Ça décale à plein tubes ! Elle ajoute quand même que « les modalités d’installation pérenne de ces deux sculptures en bronze sont en cours de discussion avec la DRAC et l’architecte des Bâtiments de France ». Les statues décalées seront-elles recalées ? Si ça se trouve, leur « pérennisation » aura lieu dans les réserves du musée d’arts. La seule conséquence pratique de la pérennité à ce jour, semble-t-il, est que Nantes a acheté les statues.

Au prix de l’occasion, on l’espère, puisque l’Éloge de la transgression, réalisé paraît-il par des artisans indiens, a déjà été exposé au Centre Pompidou en 2011 ; on l’a vu aussi à Cagnes-sur-mer en 2017. Quant à l’Éloge du pas de côté, il a été exposé par une galerie parisienne en 2016, dans un format réduit mais déjà sous ce titre. Rien à voir avec Nantes, arrivée en retard. C’est sans doute pourquoi Johanna Rolland la dit « un peu décalée »

Un peu décalé aussi David Martineau, adjoint à la culture, qui à propos des statues affirme que « Philippe Ramette les a pensées sur les deux sites » (Presse Océan, 10 octobre 2018). Pas de chance : Ramette a lui même raconté autrefois comment l’Éloge de la transgression lui a été inspiré par un voyage en Inde et une carte postale ancienne. Mme Rolland, M. Martineau, il va falloir décaler plus fort pour être crédibles.

Sven Jelure

Quelques « Éloges » précédemment exposés par Philippe Ramette

Éloge du déplacement, tramway de Nice, 2018

Éloge de la déambulation, centre commercial Polygone Riviera, Cagnes-sur-mer, 2017

Éloge du pas de côté, galerie Xippas, Paris, 2016

Éloge de la discrétion, galerie Xippas, Genève, 2015

Éloge de la contemplation, hall des Galeries Lafayette de Paris, 2014

Éloge de la discrétion, espace Portique, Le Havre, 2012

Éloge de la clandestinité, Centre d’art contemporain de Sète, 2011

Éloge de la paresse, galerie Xippas, Paris, 2001

La Beaujoire : quand la Ville voit double

Aux dernières nouvelles, Nantes aura donc deux stades à la Beaujoire. Waldemar Kita, le Président du FCN, a en effet obtenu de la Ville le droit de construire le sien juste à côté de “l’ancien”, inauguré en grandes pompes le 8 mai 1984. Une décision assumée par Johanna Rolland qui a pris tout le monde, ou presque, à contre-pied en sortant d’un chapeau un projet dont il n’avait jamais été question jusqu’à présent.

À vrai dire, la maire de Nantes ne savait plus comment se sortir d’un véritable imbroglio. Pour parvenir à ses fins (avoir un stade à lui), le patron du FCN avait obtenu l’appui d’un groupe immobilier permettant de présenter un projet d’ensemble, baptisé YelloPark : on rasait le “vieux” stade de la Beaujoire, on construisait une nouvelle enceinte de 40 000 places pour le ballon rond ainsi qu’un ensemble d’immeubles d’habitations et de services. Pour ce faire, la Ville de Nantes cédait “au prix du marché” un ensemble de 21 hectares et se félicitait d’une opération qui “ne coûterait pas un euro d’argent public”.

Le projet YelloPark ne tardait pas à soulever une véritable levée de boucliers. Sur le front de l’attaque, des riverains qui dénonçaient la construction de milliers de logements susceptibles de déséquilibrer un peu plus un quartier vivant déjà au rythme des matches de foot ainsi que des foires et salons qui se tiennent au parc expo, mais aussi des associations de supporters qui criaient au sacrilège et craignaient de voir le “foot business” avec ses loges VIP reléguer au second plan celles et ceux qui soutiennent le FCN.

Pour tenter d’éteindre la contestation, Nantes Métropole demandait, dans un premier temps, au groupe Réalités de revoir son projet immobilier. Plus question de construire une tour, plus question de densifier l’espace… Difficile en effet de communiquer sur “la nature en ville” et de laisser couler le béton à tout-va. De quoi doucher l’enthousiasme de Yoann Joubert, PDG du groupe immobilier Réalités. D’autant que des rumeurs insistantes faisaient état de relations devenues tendues avec Waldemar Kita.

Dès lors, l’annonce de l’abandon du projet immobilier ne faisait plus guère de doute. Ce que la Présidente de Nantes Métropole a fini par comprendre. Mais de là à présenter un projet de deux stades mitoyens, il y avait un pas de côté que personne n’avait imaginé. Chacun a été prié de reprendre quelques éléments de langage : la décision a été prise à la suite de la concertation citoyenne, Nantes disposerait bientôt de deux stades comme Paris avec le Parc des Princes et Jean-Bouin, tout cela ne coûterait “pas un sou aux contribuables… et on en passe.

Dans la presse, et sur les réseaux “sociaux”, les réactions étaient partagées entre stupéfaction, colère et… éclats de rire. Pas l’ombre d’un projet de stade dans le programme municipal de 2014. On rappelait au premier adjoint, Pascal Bolo, son opposition, en 2012, à la construction d’un nouveau stade à la Beaujoire. Devenu aujourd’hui ardent avocat du projet de Waldemar Kita “dans l’intérêt de la Ville”, l’adjoint ne veut pas entendre parler de rénovation et de mise aux normes de l’actuel stade de la Beaujoire.

Rappelons que la Ville de Paris (que Nantes Métropole ne cesse d’invoquer ces derniers temps) dispose d’un Parc des Princes construit en 1967. Stade que le PSG n’imagine pas quitter. Ce “vieux” stade a été entretenu et rénové en 1998 et en 2014. On ne peut que se réjouir de voir l’actuel patron du FCN avoir plus d’ambition que son homologue du PSG. À défaut d’avoir construit un grand club, Waldemar Kita rêve d’un grand stade… Son ami (?) Yoann Joubert est désormais bien placé pour savoir qu’il peut y avoir un (grand) pas entre rêves et… réalités. Alors, suite au prochain épisode.

« La Délivrance » revient de loin (mais pas de Lille)

changement de direction

Comme nous l’a aimablement précisé Roland Biguenet en réponse à un précédent billet, la statue de La Délivrance installée à Nantes en 1927 n’est pas celle de Lille. Le bruit en était pourtant répercuté par différentes sources nantaises, universitaires ou virtuelles. Il ne faut donc pas croire tout ce qu’on raconte au sujet de cette statue.

Et cette question des origines n’est pas tout. Celle de l’emplacement a aussi nourri des fausses nouvelles. La preuve en trois tweets, aimablement signalés par l’un de nos lecteurs, E.L. Merci à lui !

En 2014, une twitteuse en avance sur son temps avait suggéré à Johanna Rolland de remettre la statue de La Délivrance à sa place d’origine :

<blockquote class= »twitter-tweet » data-lang= »fr »><p lang= »fr » dir= »ltr »><a href= »https://twitter.com/Johanna_Rolland?ref_src=twsrc%5Etfw« >@Johanna_Rolland</a> <br>allez-vous remettre en 2014 la délivrance devant le monument aux morts?</p>&mdash; lhomeau (@DeniseLhomeau) <a href= »https://twitter.com/DeniseLhomeau/status/428479749065687040?ref_src=twsrc%5Etfw« >29 janvier 2014</a></blockquote>

<script async src= »https://platform.twitter.com/widgets.js » charset= »utf-8″></script>

La réponse sans appel de madame le maire de Nantes n’avait pas tardé :

<blockquote class= »twitter-tweet » data-lang= »fr »><p lang= »fr » dir= »ltr »><a href= »https://twitter.com/DeniseLhomeau?ref_src=twsrc%5Etfw« >@DeniseLhomeau</a>  Cette statue a aujourd&#39;hui toute sa place devant l&#39;hôtel de Région, je n&#39;envisage pas de la déplacer</p>&mdash; Johanna Rolland (@Johanna_Rolland) <a href= »https://twitter.com/Johanna_Rolland/status/428575480133206016?ref_src=twsrc%5Etfw« >29 janvier 2014</a></blockquote>

<script async src= »https://platform.twitter.com/widgets.js » charset= »utf-8″></script>

Il suffisait pourtant d’attendre un peu :

<blockquote class= »twitter-tweet » data-lang= »fr »><p lang= »fr » dir= »ltr »>A <a href= »https://twitter.com/hashtag/Nantes?src=hash&amp;ref_src=twsrc%5Etfw« >#Nantes</a> la statue de la Délivrance (actuellement à l&#39;Hôtel de Région-Crapa) retrouvera son lieu d&#39;origine en 2018 <a href= »https://t.co/uSUWP4x2cC« >pic.twitter.com/uSUWP4x2cC</a></p>&mdash; Stéphane Pajot (@StephanePajot44) <a href= »https://twitter.com/StephanePajot44/status/750631596542361600?ref_src=twsrc%5Etfw« >6 juillet 2016</a></blockquote>

Éloge de l’épée de côté : La Délivrance

La réinstallation de La Délivrance face au monument aux morts nantais de 14-18 provoquera moins de remous que sa première installation, le 14 juillet 1927. Conspuée pour sa nudité, la statue d’une femme brandissant une épée avait été jetée à terre et vandalisée quelques semaines plus tard, puis replacée en 1937, un peu plus loin et surtout un peu plus haut, avant d’être cachée en 1940, puis retrouvée et restaurée dans les années 1980 et installée à côté du palais régional. Le 11 novembre, elle va retrouver sa place de 1937. Moyennant quand même une rotation à 180° : au lieu de montrer ses fesses au monument aux morts, elle lui montrera désormais son sexe.

Allez donc dire que l’Éloge du pas de côté de Philippe Ramette soulève des polémiques ! Rien que d’infimes vaguelettes à côté de l’ouragan Délivrance

À en croire le site e-monument.net, qui recense le patrimoine monumental de fonte et de bronze, La Délivrance a été achetée 90.000 francs en 1927 par le maire de l’époque Paul Bellamy. Selon le convertisseur franc-euro de l’Insee, qui mesure l’érosion monétaire, 90.000 francs de 1927 équivalent à 55.521,20 euros de 2017. Bonne affaire pour la ville de Lille, venderesse : la statue lui avait été offerte gracieusement par un quotidien national en 1919. Il n’y a pas de petits profits.

Après trois restaurations plus ou moins lourdes et plusieurs démontages et remontages, cette statue d’Émile Guillaume (le sculpteur, pas le peintre) a donc coûté des fortunes aux Nantais. Et ce n’est pas tout : en 2008, la ville a aussi acheté un modèle réduit aux enchères pour 21.000 euros. Un antiquaire anglais vendait le même l’an dernier pour 2.750 livres, soit 3.090 euros. Celui de Nantes a appartenu à Aristide Briand. Ceci explique-t-il vraiment cela ?

Plus chère à Nantes
Petite statue dans un jardin anglais

Toutes ces dépenses ont aplati la bourse municipale. Johanna Rolland a donc appelé au secours la Fondation du Patrimoine, qui s’engage à « transmettre des savoir-faire, préserver les paysages, faire revivre les territoires ruraux », et donc aussi secourir les municipalités impécunieuses. La Fondation a ouvert une collecte pour La Délivrance, présentée par un petit plaidoyer de Mme la maire de Nantes où figure une phrase de 83 mots* : l’argent manque, pas le vocabulaire. Bien entendu, la collecte a été relayée sur le site de la Ville de Nantes, sur les réseaux sociaux et dans la presse locale.

Au 30 octobre, à mi-parcours entre le lancement de la collecte et la réinstallation de la statue, les dons recueillis s’élèvent à 40 € (quarante euros).

Sven Jelure

* « J’ai donc fait le choix, à l’appui de l’avis du Conseil Nantais du Patrimoine, de la réinstaller à côté des tables mémoriales, sur son piédestal de 1937, afin qu’elle retrouve, au sein de cet ensemble, son sens initial, celui d’un hommage rendus à ceux qui ont combattu, et souvent sacrifié leur vie, pour la France, mais aussi un appel à la paix et à la fraternité, afin que les horreurs de la guerre soient à jamais bannies. »

Un trop mince scandale au musée d’arts de Nantes

Musée d'arts de Nantes

Le musée d’arts de Nantes joue sur du velours : une exposition intitulée Le Scandale impressionniste doit attirer les foules, forcément. Si ce n’est pour l’art, c’est pour le scandale.

Hélas, l’exposition, qui court du 12 octobre 2018 au 13 janvier 2019, n’est pas consacrée aux impressionnistes, et encore moins à un scandale. Elle est consacrée en réalité au Salon artistique organisé par la Ville de Nantes en 1886. À l’époque, les salons des beaux-arts de province se comptent par dizaines : chaque grande ville veut avoir le sien. Celui de Nantes se signale par ses dimensions avec près de 1.800 œuvres exposées. Il a fallu construire pour lui un palais d’exposition éphémère sur le cours Saint-André.

Intituler l’exposition d’aujourd’hui 132e anniversaire du Salon de 1886 n’eût pas été très vendeur il est vrai. Mais présenter ce Salon comme l’occasion d’un scandale impressionniste relève de la fake new rétrospective. Les impressionnistes ont fait scandale, si l’on veut, dans les années 1870, surtout en organisant leur propre salon à Paris à partir de 1874. En 1886, douze ans après Impression, soleil levant, ils en étaient au huitième. Un scandale à Nantes aurait fait réchauffé.

Fumisterie, c’est un scandale, ça ?

Il est vrai cependant que, parmi des centaines d’autres, les impressionnistes étaient présents au Salon nantais. « Presque tous les impressionnistes (Sisley, Renoir, Seurat, Gauguin…) y côtoient les représentants les plus réputés de l’art officiel », écrit Sophie Lévy, directrice du musée, dans sa plaquette Programme Sept. 18 ‑ janv. 19. Ça commence mal puisque le pointilliste Seurat n’a jamais été un impressionniste. La même année 1886, Monet, Renoir et Sisley ont même refusé d’exposer leurs œuvres à Paris à côté des siennes.

Sophie Lévy rectifie un peu plus loin en plaçant Georges Seurat parmi « l’avant-garde qui marque l’histoire de l’art », aux côtés d’Auguste Renoir, Alfred Sisley, Armand Guillaumin, Alfred Stevens ou Auguste Rodin. Cherchez quand même l’intrus ! Cette fois, c’est Alfred Stevens. Après une grande carrière de peintre mondain, il évoluait alors vers l’impressionnisme, certes, mais à 63 ans et après douze ans de réflexion, il relevait plus du wagon de queue que de l’avant-garde.

Pour attester du « scandale », le musée d’art a exhumé une critique parue dans une gazette légitimiste locale. À propos des œuvres impressionnistes serrées dans la salle IX du Salon, elle parle de « fumisterie ». Elle s’achève ainsi : « que messieurs les impressionnistes nous permettent de leur dire toute notre pensée : nous croyons sincèrement que toute notion de dessin leur manque. Peut-être s’ils avaient pu faire autrement, l’auraient-ils fait. On a vu des choses plus extraordinaires. » On a aussi vu des scandales plus tapageurs. Et des scandalisés qui voyaient mieux : l’auteur de la critique commente le travail très méthodique de « M. Seurac » [sic].

L’absence de Monet, un peu scandaleuse quand même

Réalisé avec les moyens du bord – la majorité des œuvres montrées appartiennent aux collections du musée d’art – Le Scandale impressionniste ratisse large, sous des prétextes moyennement convaincants : on y voit par exemple un buste en bronze de Victor Cossé par le sculpteur nantais Charles Lebourg parce qu’il doit ressembler à un marbre exposé en 1886. On y a joint un buste de madame Cossé, également issu des collections permanentes du musée.

On y voit même – avec plaisir ‑ une Tempête de Claude Monet, « qui séjournait alors à Belle-Ile-en-Mer et dont l’ombre plane sur ce Salon », écrit Sophie Lévy. Façon habile d’avouer que, déjà célèbre et plus guère scandaleux, Monet avait snobé le Salon. Pour mieux le rattraper par les bretelles, on a exposé aussi un buste et deux portraits du critique d’art Gustave Geffroy, tous trois très postérieurs à 1886, parce qu’il a croisé le même Monet à Belle-Ile-en-mer « au moment du salon de Nantes » !

L’exposition, qui bénéficie d’un élégant accrochage dans le patio du musée d’arts, mérite une visite mais plutôt comme témoignage du foisonnement artistique français dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Un témoignage pas très franc du collier puisqu’il confère une importance centrale à un courant artistique qui ne représentait qu’environ 2 % des œuvres exposées au Salon de 1886. On ne va pas se scandaliser pour si peu.

Toujours plus d’ateliers citoyens

La mode est à la consultation citoyenne. Non contente d’être élue, une équipe municipale se doit de consulter la population à tout propos ou presque. Par exemple, sur des lieux dont elle ne sait pas trop quoi faire et que des associations pourront prendre en charge à sa place.

“Les responsables du projet le développeront avec leur budget”, précisait la note de la mairie. Les anciens bains-douches qu’on pouvait imaginer regrouper des structures d’accueil pour celles et ceux qui ont vraiment besoin de bains-douches, un lieu regroupant des services sanitaires et sociaux… Pas de tout. Afin de lutter contre “la gentrification du quartier Champ de Mars-Olivettes” (ic),  on va y installer “une épicerie coopérative, une boutique de créateurs, un salon de thé, un institut bien-être alternatif…”  Pour d’anciens bains douches, ces citations valent leur pesant de savonnette.

Des consultations comme ça, on en redemande. Soyons sérieux, pas de consultation pour le YelloPark, le projet “qui-ne-coûte-pas-un-euro-d’argent-public” et dont les promoteurs s’impatientent, mais pour des espaces publics appelés à apporter cette touche désormais indispensable de nature en ville. Après les 15 lieux à “réinventer”, c’est la ville de demain qu’il faut co-construire. Alors, c’est une cascade de réunions publiques. Pour le quartier de la Petite-Hollande par exemple. On constitue des “ateliers citoyens” dont on précise que “les participants ont été sélectionnés sur des critères de genre, d’âge, d’usages et de lieu de résidence, en vue de constituer un panel composé d’une diversité de regards et de profils.” C’est du solide et du sérieux. Des “temps d’échanges” sont prévus en 2018 et 2019 sur un projet qui, au mieux, devrait voir le jour en… 2025.

Pas de consultations citoyennes, par contre sur le projet (bien ficelé celui-là) de construction universitaires rue de Bias : 4900 mètres carrés regroupant des espaces pédagogiques comme des amphis et des salles de cours, des lieux de vie étudiants et également des fonctions tertiaires comme la formation continue ou la direction de la recherche de l’Université. 200 personnels y travailleront et 840 étudiants pourront y être accueillis simultanément. Les riverains qui rêvaient d’un coin de nature en ville sur cet espace sont priés d’aller voir un peu plus loin. Quant aux personnes travaillant dans ce futur bâtiment et aux étudiants qui le fréquenteront, ils en seront pour leurs pieds. Car si, pour le secteur privé, l’urbanisme impose des places de parking, il n’en est pas de même pour les projets de Nantes Métropole.

Pour ce projet, la ville n’a pas consulté les riverains. elle les a simplement informés. Aux riverains qui s’inquiétaient de voir un nouvel équipement se construire sans la moindre place de stationnement, il fut répondu qu’il y avait “de nombreux parkings à proximité” et qu’il convenait d’anticiper “la disparition de la voiture en ville”. Fermez le ban.