Toujours plus de personnages sur le mur de Royal de Luxe

Un nouvel édifice en tôle devant le restaurant universitaire Ricordeau : non, ce n’est ni une installation du Voyage à Nantes, ni une extension du bidonville naissant du square Jean-Baptiste Daviais. Nantes Métropole consacre 70.000 euros à la réfection du mur de Royal de Luxe.

Ce mur en ruine n’a que sept ans, mais c’est un pan d’histoire internationale. En 2010, le Mexique fêtait le bicentenaire du début de sa guerre d’indépendance. Parmi les manifestations organisées à l’attention du bon peuple figurait El Xolo, un spectacle de rue confié à Royal de Luxe. Prévu pour Mexico, il avait finalement eu lieu à Guadalajara en novembre, en présence de Jean-Marc Ayrault. Dans la foulée de ces réjouissances, Nicolas Sarkozy avait décidé de faire de 2011 « L’Année du Mexique en France ». Plus de 350 événements avaient été programmés. Dont, à Nantes, une représentation à domicile d’El Xolo

Un mur pour lequel Ayrault a renié Florence Cassez
Catastrophe ! le 10 février 2011, la justice mexicaine confirmait la condamnation de Florence Cassez, ressortissante française accusée d’enlèvement et de participation à un groupe armé. Nicolas Sarkozy, qui avait mouillé la chemise pour faire sortir la belle de prison, révisait la vocation de 2011 : l’année serait désormais consacrée à Florence Cassez et non plus au Mexique. Des centaines de manifestations étaient annulées ou amputées : un énorme gaspillage de bonnes volontés et d’argent public*.

Le tout dans un contexte d’unanimité nationale digne d’une coupe du monde de football. Martine Martine Aubry, première secrétaire du P.S., demandait aux maires socialistes de soutenir Florence Cassez en renonçant à toute manifestation labellisée « 2011, année du Mexique ». La ligne de Jean-Marc Ayrault était toute tracée puisqu’il avait lui-même publié sur son blog, le 25 novembre 2010, un billet énergique intitulé « Soutien à Florence Cassez ». Allait-il retenir Jean-Luc Courcoult par les bretelles et annuler l’hommage nantais au Mexique ? Non : le 27 mai 2011, il avait bien lancé le spectacle nantais, et tant pis pour Florence Cassez.

Royal de Luxe montrait encore quelque imagination à l’époque. À ses géants habituels, recostumés en paysans mexicains, il avait adjoint un grand chien noir sorti d’un bloc de glace et un mur tombé du ciel. Un mur mexicain, bien entendu, décoré d’une fresque à la manière du peintre Diego Rivera. Elle représenterait, avait-on annoncé, deux cents personnages de l’histoire de Nantes. Hélas, lors de son dévoilement, on n’en comptait qu’une cinquantaine, environnés de silhouettes anonymes.

Un décor fait de bric et de broc
Puisqu’il s’agissait d’un décor conçu pour un spectacle mexicain, on y trouvait quelques personnages ad hoc, à commencer par Diego Rivera lui-même mais aussi sa propre épouse, Frida Kahlo et le brigand-révolutionnaire Zapata. Côté nantais, Jean-Luc Courcoult et le décorateur du mur, David Bartex, avaient puisé dans les petits personnages anecdotiques du 20e siècle auxquels le journaliste Stéphane Pajot avait consacré deux ou trois livres : le brocanteur La Bouillotte, les demoiselles Amadou, l’acrobate Willy Wolf qui s’était tué en plongeant du pont transbordeur, etc.

Ils avaient aussi portraituré quelques personnalités contemporaines comme Alain Chenard et Georges Courtois, auteur d’une prise d’otages au palais de justice en 1985. Ainsi que divers monuments, techniques et circonstances : le château des ducs de Bretagne, la grue jaune, les grèves des ACB, la Mi-carême, la couture des boîtes de sardines, etc.

Installé place de la Bourse, au bas de la rue Jean-Jacques, le mur était un décor éphémère destiné à durer le temps du spectacle de Royal de Luxe. Il avait plu : on avait décidé de le pérenniser. Mais l’architecte des bâtiments de France avait refusé qu’il reste planté en plein Nantes du 18e s. On l’avait donc déménagé au début de la chaussée de la Madeleine, où il se trouve toujours.

Si l’on veut pérenniser le mur, autant le remplir correctement
Le temps a fait son œuvre : d’abord destiné à durer trois jours, le mur n’a pas résisté aux intempéries. Rénové une première fois, il est vite redevenu une ruine malpropre, où curieusement certains personnages résistaient mieux que d’autres aux outrages du temps – en particulier la duchesse Anne. Il est si dégradé qu’il n’est pas question d’une rénovation : il s’agit de le refaire entièrement. D’où le budget prévu, qui représente 833,33 euros HT pour chacun des 84 personnages et objets figurés.

Mais à quoi pérenniser un décor temporaire dont presque tout le monde a oublié l’origine ? Si l’on refait le mur pour de bon, autant en profiter pour représenter vraiment les personnages de l’histoire nantaise. Car si les marginaux y abondent, il en manque beaucoup de plus significatifs.

  • Le mur représente des écrivains comme André Breton et Elisa Mercoeur. Pourquoi pas Émile Boissier, René-Guy Cadou, Michel Chaillou, Youen Drezen, Marc Elder, Paul Guimard, Morvan Lebesque, Jean Merrien, Jehan Meschinot, Thomas Narcejac, Benjamin Peret, Michel Ragon, Hugues Rebell, Jean Sarment ?
  • Le mur représente des peintres comme Edmond Bertreux et Jules Grandjouan. Pourquoi pas George Barbier, Étienne Bouchaud, Alexis de Broca, Camille Bryen, Paul Chabas, René-Yves Creston, Jules-Élie Delaunay, Émile Dezaunay, James Guitet, Jean-Émile Laboureur, Maxime Maufra, Edgard Maxence, Robert Micheau-Vernez, Michel Noury, Charles Perron, Ferdinand du Puigaudeau, Pierre Roy, James Tissot, Auguste Toulmouche ?
  • Le mur représente des sculpteurs comme… comme… Tiens, pas de sculpteurs à Nantes ? Pourquoi pas Georges Bareau, Jean Debay, Daniel Ducommun du Locle, Jean Fréour, Guillaume Grootaers, Charles-Auguste Lebourg, Jean Mazuet, Amédée Ménard, Jules Paressant, Jorj Robin, Rafig Tullou ?
  • Le mur représente des musiciens comme Paul Ladmirault et le père Zim-Zim, mendiant joueur de vielle. Pourquoi pas François Benoist, Louis Bourgault-Ducoudray, Elmer Food Beat, Gaston Serpette, Alan Simon, Tri Yann an Naoned, Louis Vuillemin ?
  • Le mur représente des hommes de religion comme saint Gohard et un ecclésiastique anonyme qui donne l’extrême-onction à Gilles de Rais. Pourquoi pas saint Donatien et saint Rogatien, saint Félix, saint Martin, Geoffroi Pantin, Louis Juchault de Lamoricière ?
  • Le mur représente des condamnés comme Gilles de Rais et Guy Môquet. Et pourquoi pas Charrette, Chalais, Landais, Pontcallec, Montlouis, Talhouët, du Couëdic, Paul Birien, Joseph Blot, Frédéric Creusé, Michel Dabat, Alexandre Fourny, Léon Jost, Yves Bodiguel, le préfet Bonnefoy ?

Veut-on encore d’autres personnages marquants ? Voici en vrac Sophie Trébuchet, les frères Cacault, Jean-Baptiste Ceineray, René-Théophile Laënnec, Guillaume Laënnec, Mériadec Laënnec, Eugène Cornet, Émile Decré, Louis et Pauline Lefèvre-Utile, Louis Babin-Chevaye, Marc Caro, Tirant Le Blanc, Jean-François de Nantes…

C’est trop ? Mais non : chacun d’eux peut remplacer l’une des quelques 150 silhouettes sans identité figurées sur le mur. De qui Johanna Rolland voudrait-elle priver les Nantais ?

Quant à Pascal Bolo, il semblerait qu’on ait renoncé à le représenter pour éviter les confusions avec El Xolo, le chien noir mexicain chargé d’accompagner les morts dans l’au-delà.

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/royal-de-luxe-lhistoire-del-xolo-racontee-par-jean-luc-courcoult-191536

* Il aurait suffi d’attendre un peu : Florence Cassez a finalement été libérée début 2013. Tout ça pour ça…

Sven Jelure

2 réponses sur “Toujours plus de personnages sur le mur de Royal de Luxe”

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