Rectificatif : contrairement à ce qui a été dit ici, le concept dominant du Voyage à Nantes 2023 n’est pas celui de la statuaire. La manifestation guidée par Jean Blaise se veut plus ancrée que cela dans le conformisme du jour. Son concept majeur, cette année, est plutôt celui de la seconde main et du recyclé, voire du vide-grenier : rien de plus à la mode !
On a signalé ici en 2018 le côté « réchauffé » des œuvres de Philippe Ramette, qu’il s’agisse de l’Éloge du pas de côté, précédemment exposé à Paris dans une version réduite, ou de l’Éloge de la transgression, exposé sept ans plus tôt au musée Pompidou. « Pérennisées » par le Voyage à Nantes, ces deux œuvres sorties des remises ont trouvé une résidence définitive valorisante dans la cité des Ducs de Bretagne.
Jean Blaise et Philippe Ramette ont récidivé cette année, mais façon puzzle, avec l’Éloge du déplacement. Une œuvre portant le même titre est déjà installée à Nice depuis 2018, alors que le thème de l’homme qui pousse a été exploité, toujours en autoportrait de l’artiste, dans un Éloge du dépassement et celui du socle baladeur dans une statue exposé à la galerie Xippas de Paris en 2022. Le Voyage à Nantes ne se trouvera pas démuni après le départ de Jean Blaise car Ramette en a encore sous le pied : Éloge de la déambulation, Éloge du déséquilibre, etc.
Les quatre allégories exposées devant le palais de justice ont pour elles d’être bien locales : elles ont été conçues par le sculpteur nantais Amédée Ménard en hommage au ministre nantais Adolphe Billault et réalisée par la fonderie nantaise Voruz. Mais personne ne les prétendra nouvelles : elles datent du 19e siècle.
Déjà vu un peu partout
Moins anciennes, les œuvres de Johan Creten présentées cette année ne sont tout de même pas des nouveautés. Le Voyage à Nantes le signale honnêtement. La Mouche morte, hébergée dans une serre du Jardin des plantes, était l’un des volets de la série Bestiarium créée entre 2019 et 2022 ; avant Nantes, elle a fait sensation à Roubaix en 2022. La sculpture sans titre exposée dans une cour de la place de la Bourse est une réplique déjà ancienne d’une céramique « dont l’origine remonte à 1998 ». La Grande Colonne exposée à La Garenne Lemot, est certes un nouveau tirage en bronze mais reproduit une œuvre de 2010 « installée pendant une dizaine d’années au Middleheim Museum à Anvers ».
Le lecteur attentif aura aussi remarqué dans la plaquette du Voyage à Nantes que L’Homme pressé, impressionnant géant de fer de Thomas Houseago, posé dans le cours Cambronne car refusé par le passage Pommeraye, date de 2010-2011 et provient de la collection Pinault. On ajoutera qu’il a été exposé au Musée d’art moderne de Paris en 2019.
Le Voyage à Nantes est encore plus discret à propos de European Thousand-Arms Classical Sculpture, le pastiche spectaculaire signé Xu Zhen® exposé rue d’Orléans. Pourtant, comme on l’a déjà dit ici, ce n’est pas une œuvre originale conçue pour le Voyage à Nantes. Seule une légende de photo révèle qu’elle date de 2014. Produite en trois exemplaires, elle a été exposée en Chine et en Australie.
The Humans, d’Olaf Breuning, a plus de bouteille encore : l’œuvre date de 2007. Ces six petits humanoïdes posés place du Commerce ont un statut particulier en tant que dernière œuvre pérenne achetée par Le Voyage à Nantes sous le règne de Jean Blaise. Leur caractère « testamentaire » mérite qu’on s’y intéresse davantage. On y reviendra donc.
Sven Jelure
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