De l’Arbre aux hérons à l’Arbre aux goujats

Le moment choisi par Johanna Rolland et Fabrice Roussel pour condamner l’Arbre aux Hérons surprend. Les raisons invoquées auraient pu l’être depuis des mois. Pourquoi avoir attendu la  mi-septembre 2022 pour annoncer sans préparation une décision dont la brutalité traumatise les acteurs du projet ?

Pourquoi donc Johanna Rolland et Fabrice Roussel ont-ils attendu la mi-septembre 2022 pour annoncer que l’Arbre aux Hérons coûterait trop cher ? Porté à 80,4 millions d’euros au lieu de 52,4, son budget serait (1) trop élevé pour que les mécènes en supportent un tiers, (2) incompréhensible du commun des mortels.

Les mécènes n’allaient pas non plus supporter un tiers de 52,4 millions d’euros. On le sait au minimum depuis que le Fonds de dotation a arrêté ses comptes au 31 décembre dernier. Il n’était pas besoin d’attendre huit mois et demi pour s’en apercevoir.

Par ailleurs, 52,4 millions d’euros sont aussi incompréhensibles que 80,4 pour la plupart d’entre nous. Si l’on est partant pour 52,4 on l’est pour 80,4. Imaginez que vous gagnez 52,4 millions d’euros au Loto. Puis imaginez que vous gagnez 80,4 millions. Est-ce que ça fait une vraie différence pour vous ? Dans les deux cas c’est… beaucoup d’argent. Il n’était pas besoin d’attendre quatorze mois pour s’en apercevoir.

Enfin, on l’a dit, le calcul des 80,4 millions d’euros est loufoque. Il ne l’aurait pas été autant voici quelques mois, quand les cours mondiaux de l’acier étaient à leur sommet. Depuis lors, ils ont beaucoup baissé.

Comme des laquais

D’où ma question : pourquoi Johanna Rolland et Fabrice Roussel ont-ils attendu la mi-septembre pour afficher un raisonnement qui était moins faux en mai ? On eût compris qu’ils prissent leur temps pour préparer les esprits, amortir la déception des aficionados de l’Arbre, faire comprendre aux protagonistes du dossier que c’était fichu. Mais ce n’était pas du tout ça.

La douloureuse surprise de Pierre Orefice et de François Delarozière ne semble pas feinte : ils n’ont été prévenus qu’à la dernière minute. Carine Chesneau, présidente du Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons depuis janvier dernier, n’a été informée que quelques heures à l’avance. Idem pour le « groupe politique transpartisan » chargé d’étudier le dossier au sein du conseil communautaire, a été réuni à 9 heurespour apprendre une décision annoncée à 11 heures. Pas un message n’a été adressé aux 5 511 donateurs qui ont soutenu le projet sur Kickstarter.

Cette attitude paraît beaucoup plus incompréhensible qu’un budget de 80,4 millions d’euros. Même si le projet était mauvais, ses auteurs ont mouillé le maillot depuis vingt ans avec l’approbation et les hommages des dirigeants municipaux. On ne traite pas les gens comme ça. Ce n’est pas parce que Nantes Métropole leur a accordé de généreux contrats qu’il faut les congédier comme des laquais. Carine Chesneau, patronne d’une grande entreprise nantaise, y croyait vraiment. « Ce projet nous parle, il y a un lien avec notre propre histoire », déclarait-elle lors de son élection à la tête du Fonds de dotation ; « mon rôle, c’est de convaincre les entreprises que ce projet est vraiment chouette, y compris en termes de réseau ». Et la voilà obligée de téléphoner précipitamment aux soixante mécènes pour leur annoncer qu’ils se sont fait avoir. On imagine la tête des patrons d’ACM Ingénierie et de Global Sportswear Services, qu’elle a convaincus de se jeter dans la gueule du loup respectivement en juin et en août. Pas vraiment bon pour le relationnel « en termes de réseau » !

Même si Johanna Rolland et Fabrice Roussel ont eu besoin de quelques mois pour comprendre la situation et arrêter leur décision, pourquoi n’avoir pas attendu quelques jours de plus pour l’annoncer ? Cela aurait permis de mettre un peu d’huile dans les rouages. Quand on a procrastiné pendant des mois, on n’en est plus à une semaine près !

À moins qu’il n’y ait eu quelque élément d’urgence dans ce dossier, une raison grave, impérieuse, qui imposait d’accélérer le rythme au point d’oublier la simple politesse ? Le saura-t-on jamais ?

Sven Jelure

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