Le Fonds de dotation Arbre aux Hérons et Jardin extraordinaire a publié ses comptes annuels ce lundi, avec trois semaines de retard sur le délai légal. Quand on est si peu pressé, en général, c’est que la situation n’est pas brillante…
Sur le papier, pourtant, tout devrait baigner. Créé en 2017, le Fonds obéit à un objectif clair et bien délimité : il a été créé pour récolter auprès d’entreprises et de particuliers un tiers du budget nécessaire à l’Arbre aux Hérons. Soit, pour un total de 35 millions d’euros annoncé (mais on sait déjà que ce sera plus), une petite douzaine de millions.
Facile, laissaient entendre les promoteurs de l’Arbre, Pierre Orefice et François Delarozière, depuis des années. Ils assuraient avoir obtenu des promesses de financement d’au moins une quarantaine d’entreprises. Celles-ci n’avaient rien versé avant 2019 pour une raison fiscale : l’administration n’avait pas encore promis que les dons bénéficieraient du régime du mécénat, c’est-à-dire que 60 % de leur montant serait en réalité supporté par la collectivité sous forme de réduction d’impôt. Ce qui change tout…
D’abord refusé, le « rescrit » fiscal espéré a enfin été accordé le 17 juillet 2019. Les donateurs censés piaffer d’impatience ont enfin pu payer leur écot. Un raz-de-marée financier ? Hélas non.
La volonté libérale du mécène
Les mécènes du Fonds sont répartis par grades, comme dans l’armée, en fonction non de leurs mérites mais du montant de leur don. On distingue ainsi le Héron impérial (don d’au moins 500.000 euros), le Héron goliath (au moins 200.000), le Grand héron (au moins 50.000) et le Héron cendré (au moins 5.000). À fin 2019, le Fonds affichait seulement 1 Héron impérial (Crédit Mutuel), 0 Héron goliath, 10 Grands hérons (Cryo-West, SFCMM, Adekma, Harmonie Mutuelle, UIMM, Maison Berjac, Atlantis, Les Pépinières du Val d’Erdre, Dintec, Brémond) et 6 Hérons cendrés (Plein Centre, CEMétal, Guilberteau, Eugénie, Bélénos, Thierry Immobilier).
Le Crédit Mutuel avait annoncé 2,5 millions et le total des seize autres représentait un plancher d’au moins 530.000 euros. Le Fonds aurait donc dû percevoir au moins 3 millions d’euros en 2019. En fait, il n’a obtenu que 2,6 millions d’euros. Du moins, sur le papier, car il s’agit de promesses pour une bonne part. En réalité, il avait moins de 666.000 euros en caisse à fin 2019 : à peine plus du double qu’à fin 2018 et même pas 6 % de la somme nécessaire pour couvrir le tiers du coût de l’Arbre aux Hérons affecté au secteur privé. Une partie de cet encaisse représente ce qui reste de la collecte effectuée auprès des particuliers via Kickstarter.
Pourquoi cet écart entre les dons annoncés et l’argent réellement détenu ? Parce que la réglementation permet aux Fonds de dotation de comptabiliser d’un seul coup l’argent qui leur est promis. Comme le dit pudiquement le commissaire aux comptes du fonds de dotation, « la créance constatée vis-à vis du mécène ne sera recouvrable que par la volonté libérale du mécène et s’apurera au fur et à mesure des encaissements ». Autrement dit, l’argent rentrera… si le mécène le veut bien. Certains mécènes prudents ont sans doute pris leurs précautions : ils paieront quand l’Arbre verra le jour !
Un fonds qui coûte cher
Le résultat est mince, pour un Fonds dont le travail essentiel aurait dû se borner à relever les compteurs. Mais c’est sûrement un gros travail quand même puisque le Fonds a versé plus de 167.000 euros de salaires et charges sociales en 2019. Au total, il a coûté plus de 400.000 euros en 2019 pour en faire rentrer quelques centaines de milliers.
Ce travail, qu’on se rassure, a continué à porter ses fruits en 2020 puisqu’une douzaine d’autres mécènes ont été entrés en portefeuille au premier semestre, dont quatre gros donateurs (Intermarché, Bati-Nantes, Charier, IDÉA Groupe). Mais c’était avant le confinement. Un seul donateur, le promoteur Marignan, a signé au-delà de la mi-mars.
Pour l’avenir, le commissaire aux comptes se montre optimiste. À propos du rescrit fiscal, il écrit : « les dons et versements réalisés [au profit du Fonds] ouvrent droit à réduction d’impôt au profit du donateur dans la mesure où ils sont strictement et exclusivement affectés au projet de l’Arbre aux hérons et du jardin extraordinaire ». Là, il extrapole un peu. Le rescrit ne couvre que la construction de l’Arbre aux Hérons. La création d’un jardin public répond-elle aux conditions de l’article 200 b du CGI ? On attend la réponse de l’administration.
Sven Jelure
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