Un CHU sur pilotis : une première à Nantes

“Nantes inaugure le 1er hôpital sur pilotis au monde” : ce titre d’Ouest-France, en date du vendredi 13 août 2027, a largement été repris sur les réseaux sociaux. Cette “première mondiale” méritait bien un gros titre après les polémiques sur les dérapages budgétaires successifs qui ont vu l’ardoise initiale (1 milliard) passer finalement à… 1,9 milliard !

Anticipation ? Pas vraiment tant le projet de construction de ce nouvel équipement, présenté comme tout aussi nécessaire qu’un nouvel aéroport, semble rencontrer des vents contraires. Dès la présentation du projet, quelques critiques avaient pointé un certain nombre de risques, compte tenu du lieu d’implantation du futur CHU sur l’île de Nantes.

Des crues historiques

Au début des années 2000, il n’était pas encore question de réchauffement climatique, ni de montée générale des eaux dans l’estuaire et donc à Nantes. Sans remonter à celle, historique, de 1846, la crue centennale de 1910 avait provoqué l’inondation d’une partie de la ville durant un  mois et demi. Le quartier Madeleine-Champ de Mars avait été totalement inondé. On y circulait en barque dans les rues !

Plus près de nous, en 1995, les crues qui ont touché 43 départements n’ont pas épargné l’ensemble des Pays de la Loire et causé d’importants dégâts. Depuis, on se rassure avec la mise en place d’un Service de prévision des crues chargé de donner l’alerte aux responsables locaux (préfet, maires…) et de mobiliser les moyens de secours. Et on croise les doigts pour que les catastrophes d’hier ne se produisent pas demain.

CHU les pieds dans l’eau ?

Chapeau #JR2020
Durant les grandes crues, un cargo assurerait les services d’urgence du futur CHU

“Nantes face à la menace de la montée des eaux” : la page d’Ouest-France (en date du 10 décembre 2019) ne pouvait que réveiller le scepticisme sur la pertinence du déménagement du CHU. Carte scientifique à l’appui, le journal présentait en effet une ville en grande partie inondée en 2050 si rien n’est fait pour ralentir le réchauffement de la planète.

Le quotidien enfonçait le clou en rappelant que le futur (?) CHU sur l’île de Nantes se retrouvait “en première ligne”. Un ancien ingénieur, membre du Groupement d’analyses et d’études de Loire-Atlantique, rappelait avoir, depuis des années mais en vain, “pointé le risque de catastrophe”. Agathe Moureaud, du service de gestion et de prévention des risques à Nantes Métropole, appelle, elle aussi, à la prudence : « Dans le quartier Madeleine, l’eau pourrait monter jusqu’à un mètre de haut à certains endroits et même si dans la plupart des rues, elle ne dépasserait pas 50 centimètres, il faut tout de même s’y préparer. Surtout qu’elle pourrait mettre plusieurs semaines à redescendre, comme en 1910 où les inondations avaient duré un mois ».

Preuve que ce problème d’inondation potentielle est tout de même pris au sérieux, Nantes Métropole réfléchit à la consolidation de la levée de la Divatte à Saint-Sébatien-sur-Loire : une délibération est prévue à cet effet au Conseil métropolitain ! Lors de l’inondation de 1910, la levée de la Divatte avait en effet cédé, inondant les centaines d’hectares. À l’époque certains (complotistes, déjà ?) avaient évoqué un sabotage pour limiter les inondations à Nantes… Si le CHU s’installe sur l’île de Nantes, les maraîchers des bords de Loire sont prévenus : on pourra toujours faire baisser le niveau du fleuve en noyant quelques planches de mâche.

Mme la Maire rame…

En effet, malgré les risques encourus et les avertissements, Johanna Rolland persiste et signe : le CHU se fera là où il est prévu. Quitte à mettre en avant les réponses techniques au risque d’inondation : fondations de grande profondeur, cuvelage des locaux et des parkings en sous-sol. En gros, les chirurgiens ne seront pas obligés d’opérer en cuissardes et leurs voitures ne devront pas être amphibies.

Bien entendu, ces risques liés à la proximité du fleuve vont nécessiter des études et des réponses adaptées. De quoi faire s’envoler un peu plus le coût final de cet équipement.

Autre difficulté pointée depuis le départ : l’accès au futur ( ?)  équipement. Les ponts Anne-de-Bretagne  et Trois-continents sont d’ores et déjà saturés. Et ils devraient absorber quelque 10 000 véhicules supplémentaires par jour. Alors on imagine un nouveau pont mais les écolos n’en veulent pas… et une nouvelle ligne de tram. Sauf qu’on ne sait toujours pas où la faire passer. Autant dire qu’à ce jour, Mme la Maire rame…

La solution herblinoise

Si le déménagement du CHU s’impose pour des raisons de développement et de mise aux normes, l’idée de son implantation sur l’île de Nantes n’est pas de Johanna Rolland mais de son prédécesseur. Jean-Marc Ayrault aurait refusé en effet de faire cadeau de ce nouvel équipement à son ennemi intime de l’époque Charles Gautier. Le CHU resterait à Nantes.

L’ancien maire de Saint-Herblain pouvait légitimement présenter quelques atouts. Sur sa commune, le CHU Nord dispose toujours de réserves foncières susceptibles de répondre aux besoins d’un nouveau CHU. Et un tel équipement à cet endroit serait toujours plus facile d’accès qu’un CHU enclavé sur une ile de Nantes qui fait déjà face à des embouteillages matin et soir.

Un autre argument pour la solution herblinoise tient à l’implantation du cyclotron Arronax, un équipement de pointe pour la recherche en cancérologie et immunologie. Inauguré en 2008, l’équipement a coûté près de 37 millions dont 28 à la charge des collectivités territoriales et il accueille chaque année des équipes de recherche françaises et européennes.

Tout cela sera-t-il balayé demain d’un revers de main ? Si Johanna Rolland persiste dans son idée d’implanter le futur CHU sur l’île de Nantes, quid de ce Cyclotron et de la recherche médicale à Nantes ? Il est encore temps de se poser la question. Un CHU sur pilotis et une première mondiale ? On attend autre chose qu’une énième tentative pour noyer le poisson.

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