Dure, dure, la rentrée, pour Johanna Rolland. S’il est facile de rejeter sur le gouvernement le problème de la sécurité à Nantes, d’autres dossiers risquent de plomber l’image de celle que certains voyaient déjà “jouer un rôle national dans les années qui viennent”. On ne peut pas dire que le dossier de la circulation échappe à la compétence municipale. Quant au projet de CHU, s’il ne prend pas encore l’eau, il suscite pour le moins des réactions “mitigées”.
Comptes et mécomptes
La presse a largement commenté le rapport de la Chambre régionale des comptes au sujet du futur (?) CHU. On y lisait, entre les lignes, que la construction de ce nouvel équipement était un pari audacieux. Et pour cause. Établi au niveau de 954 millions, le budget initial pourrait être largement dépassé. La nature du terrain (inondable de surcroît) nécessite en effet une technique de construction sur pieux qui alourdira immanquablement l’addition. Or, l’État a indiqué que sa contribution serait de 225 millions et on le voit mal aller au-delà dans la situation actuelle des finances publiques. La contribution de l’État représenterait donc au mieux le quart de la dépense engagée.
Si la Chambre régionale des comptes note que la situation financière de l’actuel CHU est saine, elle n’en relève pas moins que le remboursement des emprunts souscrits avant 2008 pose petit problème : les intérêts de l’un de ces emprunts “toxiques” se montaient en effet à… 21,5 % en 2013. Un taux d’usurier, sensiblement supérieur à l’inflation. Autre révélation : on apprend que les premiers travaux d’aménagement du futur CHU ont déjà coûté la bagatelle de 55 millions. Selon Ouest-France (édition du 14 octobre), la barre aurait même été franchie en toute discrétion.
Autant dire qu’avant même la pose de la première pierre, le futur CHU commence à peser sur le budget d’une ville qui, par ailleurs, se tourne souvent vers l’État pour réclamer “plus de moyens” pour les collectivités territoriales.
Anne, ma sœur Anne…
Les opposants au projet montent donc au créneau. On y retrouve, pêle-mêle, des militants d’EELV, de la gauche citoyenne, de la CGT… ainsi que des professeurs de médecine et des élus nantais et métropolitains de la droite et du centre. Ils pointent l’implantation et la dimension du projet mais aussi l’accès au futur CHU. Sur les 10 hectares prévus, il n’est pas possible, par exemple, de regrouper sur le même site, comme c’est actuellement le cas, les structures d’enseignement et de recherche. On se demande également comment Johanna Rolland qui a reconnu la nécessité de “repenser le projet” va parvenir à non pas supprimer 202 lits comme il était prévu mais à augmenter la capacité du nouvel équipement. On ne peut pas déplorer “le manque de moyens de l’hôpital” et, dans le même temps, en diminuer la capacité d’accueil.
Et ce n’est pas tout. Construire un hôpital en zone inondable et dans l’axe de la piste de l’aéroport, soit, mais quid des accès prévus pour y parvenir ? L’état actuel de la circulation à Nantes provoque déjà des coups de sang chez les automobilistes et les ambulanciers. Pas de souci, répond Nantes Métropole, le doublement du pont Anne de Bretagne va permettre de faire passer “une nouvelle ligne de tramway”.
Sauf à imaginer des rames de tramway sanitaires, avec brancards et perfusion intégrés, on ne voit pas bien l’intérêt pour les malades et des patients déjà impatients. Sans parler de l’emprise au sol des voies de circulation “adaptées à toutes les mobilités” comme on dit désormais à la mairie. Deux voies de circulation automobile + deux voies de tramway + deux pistes cyclables + deux trottoirs : ça risque de frotter un peu au niveau des Machines de l’île et de Stéréolux.
Il reste à certains élus – dont le vice-président en charge des transports – à emprunter le pont Anne de Bretagne afin de mieux en connaître la configuration actuelle. Devant le conseil métropolitain, Bertrand Affilé a ainsi indiqué que le pont ne compterait que deux files de voitures “une dans chaque sens”, alors qu’il y en a “… heu… davantage aujourd’hui”. Petit moment de solitude vite oublié lorsqu’est évoqué le doublement de ce pont pour le passage du tramway. Ce pont devrait être “un lieu de vie”, “un espace de détente” sur la Loire. Rien de moins.
“Éviter la catastrophe…”
Dans ce contexte, les Verts ne manquent jamais une occasion de se rappeler au bon souvenir de Johanna Rolland. Lorsqu’il s’agit, par exemple, de régler le problème de l’engorgement du périphérique à hauteur de la porte de Gesvres, ils disent “non” avec cet argument massue : “Si on améliore la fluidité, ça provoquera une augmentation de la circulation” (sic). Autant dire que les automobilistes exaspérés par les conditions de circulation entre la rue de Strasbourg et le quai de la Fosse n’ont qu’à prendre leur mal en patience.
Voilà donc Johanna Rolland placée sous surveillance, à la ville comme à la métropole. Sa majorité est pour le moins divisée sur nombre de grands projets. Au sujet du futur CHU, ses “amis” Verts parlent ainsi d’un “cumul d’inconvénients” alors que, du coté du PC et de la CGT, on évoque “un pari intenable” quant au financement du projet. Autant d’adversaires qui veulent “éviter une catastrophe” et réclament une “convention citoyenne” sur le sujet. Histoire de prendre aux mots de ses propres discours une maire qui ne cesse de placer son action sous le signe du “dialogue citoyen”.
S’ajoute à ce front d’opposants, l’action engagée par Margot Medkour et Nantes en commun. Ceux-là entendent bien “donner un vrai contenu au dialogue citoyen”, considérant qu’une convention citoyenne “ne doit pas être un gadget”. Des personnalités moins politiques mais qui font aussi autorité, comme le professeur Bernard Le Mevel, parlent de leur côté d’un “projet obsolète et irréaliste” avec des arguments qu’il sera difficile de balayer d’un revers de main.
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La chambre régionale des comptes des Pays de la Loire donne un aperçu de ce que donne le traitement des infrastructures induites. Le paragraphe de son rapport sur la Samoa donne le ton, « La préparation de l’assiette foncière du futur CHU : une enveloppe augmentée »
« En tant qu’aménageur de l’Île de Nantes, la SAMOA participe à cette opération, qui s’intègre dans le projet sud-ouest de l’île, et doit apporter un soutien technique à la métropole.
L’assiette foncière du futur CHU représente environ 10 hectares, suivant le protocole d’accord. Elle est répartie entre l’ancien MIN (propriété de Nantes Métropole et du SNCF Réseau) et le Grand Port Maritime Nantes Saint-Nazaire.
L’enveloppe financière globale a connu une forte augmentation entre la première (du 1er juillet 2015) et la seconde convention (du 9 décembre 2016), due à l’extension du champs d’intervention de la SAMOA. En effet, lors de la séance du 19 octobre 2015, le conseil métropolitain a complété le programme de l’opération, soit :
– Les travaux de confortement d’une partie du quai Wilson ;
– Les travaux de dévoiement de réseaux ;
– Les travaux de création de voirie provisoire sur quais ;
– Les travaux de recomposition de réseaux privés ;
– Les travaux de démolition du MIN ;
– Les travaux de suppression de voirie provisoire.
Ainsi, le montant total du mandat a été multiplié par 7 depuis 2015, passant de 2,27 M€ HT à 16,90 M€ HT.
Par ailleurs, l’enveloppe détaillée n’apparaît plus, ni dans la deuxième convention, ni dans son avenant. La SAMOA dispose ainsi d’une enveloppe globale et n’est contractuellement pas contrainte d’en justifier la ventilation, entre les études et les travaux. »
La Samoa qui communique à l’envie sur la « réussite » de l’urbanisation de l’ile de Nantes oublie systématiquement de porter les couacs à la connaissance du grand public.
On est jamais mieux servi que par soi-même, autant rédiger des articles élogieux et les faire publier sur sites spécialisés :
https://chroniques-architecture.com/page/2/?s=samoa
Par le service marketing de Chroniques d’architecture Rubrique(s) : Infomerciaux Mots-clés : Samoa
La mention « infomerciaux » en préambule et le pavé élogieux en bas de page pourraient passer comme une lettre à la poste sur un malentendu.
D’autres articles cherchent à expliquer l’incompétence par des pirouettes douteuses :
https://chroniques-architecture.com/alerte-meteo-a-nantes-cest-toute-france-tremble/
La chambre des comptes est moins tortueuse dans la recherche des causes :
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/ecole-des-beaux-arts-de-nantes-saint-nazaire-loire-atlantique
« L’école a déménagé, en 2017, dans de nouveaux locaux construits sur l’Île de Nantes. Lors de cette opération, dont elle avait délégué la maîtrise d’ouvrage à Nantes Métropole, elle ne s’est pas impliquée dans les contrôles qui lui incombaient. De plus, alors que les superficies prévues ont été réduites de 8 %, le coût total, financé par les subventions d’investissement reçues (14,64 M€) et par l’emprunt (23,63 M€), a, lui, augmenté de quelque 43 % entre janvier 2010 et janvier 2013. »
Et d’autres encore pointent du doigt la réalité enfin révélée de l’aménagement urbain :
https://chroniques-architecture.com/nouvelles-zac-fiasco-2-0-annonce/
« Pour une commune, s’offrir une ZAC, c’est un peu comme renouveler son smartphone. Une fois désigné l’aménageur, il y a le forfait de base (nombre de logements, surface de bureaux, nécessité d’équipements publics), auquel les options s’ajoutent, usant d’un vocabulaire qui frise la norme militaire, tant l’usage se fait constant. La ZAC sera un écoquartier, ou un Hub de création, un territoire d’innovations, d’écologie où chacun aura la chance de bénéficier de vues sur le fleuve. C’est bucolique, au moins en théorie.
En réalité, le plus souvent, un bâtiment signal pousse un beau jour au milieu d’une friche portuaire ou ferroviaire, un peu à l’écart du centre historique avec son église classée aux Monuments Historiques. […] La nouvelle proue, échouée là au gré du vent de la mode, trouve place ainsi sur une parcelle «stratégique».
« Jacqueline Osty ou Michel Desvignes sont souvent les paysagistes nommés à la rescousse pour sauver un urbanisme à la dérive. »
Tiens donc, qui est la paysagiste en charge de la fin de l’aménagement de l’ile de Nantes?
Charger la barque sur Rolland, c’est bien facile et de courte vue mais il serait bon de rappeler que ce projet est celui de Jean-Marc Ayrault.
Rolland démontre qu’elle est incapable de s’émanciper d’Ayrault mais prend les coups à sa place.
Il y a une terrible lâcheté dans le petit monde politico-économique nantais à ne pas oser se lancer dans un aggiornamento des décisions plus stupides les unes que les autres prises par Ayrault, une fois qu’il eut essoré l’héritage de Chénard, même un peu de Chauty et surtout de l’État.
Sans un travail de bilan des années folles nantaises et le courage de pointer la médiocrité d’Ayrault, tout juste bon à expédier les affaires courantes et couper des rubans tendus par d’autres, aucune pensée politique réellement alternative n’émergera.
La gestion de ce futur CHU est une pétaudière.
Entre le lieu choisi, les objectifs, le programme et les infrastructures induites il y a de quoi faire.
Le Cour des Comptes pointe un « objectif ambitieux » pour le financement qui repose en partie sur plus qu’une sobriété sur la masse salariale.
Qu’est-ce que réclame le personnel soignant en ce moment, ne serait-ce pas une revalorisation?
« La soutenabilité financière du projet dépend de la capacité du CHU à dégager un taux de marge brute suffisant pour couvrir ses besoins en investissement et le service de la dette. »
« Les objectifs fixés au niveau national, dans le cadre du projet actuel, à l’horizon de l’ouverture du futur hôpital prévue en 2026, demeurent ambitieux. Le taux de marge brute devrait atteindre environ 10 %, contre 7,42 % en 2019. Cet effort conséquent nécessitera le maintien d’une vigilance constante sur l’évolution de ses recettes et de ses dépenses, notamment celles de personnel. La trajectoire de trésorerie retenue pour l’opération constitue un vrai défi pour le CHU, avec un effort particulier sur un objectif de réduction du besoin en fonds de roulement, qui devrait passer à 10 M€ à compter de 2020, contre 40 M€ en 2019. »
Donc réduction de la masse salariale et réduction du nombre de lits, rien que ça.
L’emprise foncière du futur CHU repose sur la base d’un échange avec celui de l’actuel CHU et de l’acquisition préalable de certaines parcelles auprès de Réseau Ferré de France et du Grand Port maritime Nantes-Saint-Nazaire. Ce qui a été fait récemment dans un semblant de précipitation pour rendre les choses irréversibles si besoin.
« Un projet de protocole d’accord pour la réalisation du projet de centre hospitalier sur l’île de Nantes a été établi en 2010. Il comporte un volet foncier dont l’architecture générale repose sur l’échange de la totalité de l’emprise foncière actuellement occupée par le CHU en centre-ville50 contre des terrains situés sur l’Ile de Nantes. Ce projet n’a jamais été signé mais le principe de l’échange foncier a été repris dans le protocole d’accord intervenu entre les deux parties au mois d’octobre 2013.
Mais malgré cela, c’est la métropole qui finance le confortement du quai Wilson et il y a fort à parier que ce n’est que le début :
« L’ensemble de ces travaux sont menés par la Samoa dans le cadre d’un mandat pour le maître d’ouvrage Nantes Métropole. La société Ingérop en assure la maîtrise d’oeuvre et le groupement Charier réalise les travaux opérationnels.
Les chiffres clés du chantier :
– 250 tonnes d’acier
– 30 000 m3 de terrain creusés
– 7 mètres au-dessous du terrain existant
– 520 mètres de quai consolidés »
Le coût de désamiantage du MIN a été pris en charge par… la métropole et le coût du désamiantage du CHU actuel sera pris en charge par… la métropole.
On ne peut pas vraiment parler d’échange gagnant/gagnant.
Il va en falloir de la « pédagogie » pour faire passer l’ensemble du package.