Que faire du site de l’Hôtel-Dieu ?
Une cité judiciaire, qui débarrasserait Nantes d’un sacré boulet !
À propos de l’Hôtel-Dieu, le dialogue citoyen est clos. Ça n’est pas grave, jamais un dialogue citoyen n’a empêché Nantes Métropole d’agir à sa guise. Voici donc une proposition pratique : construisons donc à la place du CHU la cité judiciaire de Nantes.
Nantes a déjà un palais de justice ? Palais de justice, en effet, cette dénomination élitiste y est inscrite en gros. « Cité judiciaire » ne sonnerait-il pas plus démocratique ? Conçu en 1993 et inauguré en 2000, le palais a beau être énorme, il est trop petit. On manque de place pour y loger le tribunal de commerce, le conseil des prud’hommes, les archives proliférantes… « Il est temps d’exploiter la réserve foncière, à l’arrière du palais », annonçait Ouest-France voici trois ans. Cette « réserve foncière » est en réalité un espace vert de 3 900 m², le seul du site d’un hectare et demi occupé par le palais de justice.
Sa première mention comme « réserve foncière » date apparemment de 2018. Puisqu’on avait trouvé une réserve foncière, un cabinet d’architecture nantais a été chargé de concevoir une extension. Son projet a été présenté solennellement en mai 2022. La construction devait être inaugurée en 2026. Puis elle a été repoussée à 2028 ‑ de quoi laisser passer l’élection municipale, peut-être. Mais dans une métropole désormais dotée d’une « Charte des arbres », comment prétendre en sacrifier encore une centaine ? Certes, on vient de raser ceux du boulevard Louis-Bureau, tout à côté, mais c’est la dernière fois, promis !
Il faut se faire une raison : l’agrandissement du palais de justice, c’est fichu. Et comme personne ne parierait sur une baisse prochaine des activités judiciaires, il faut trouver une autre réserve foncière. Or elle se trouve bien là, à 500 mètres sur l’autre rive de la Loire. C’est l’évidence même. L’emplacement central du CHU est propice et un usage tertiaire permettrait de réutiliser à moindre frais la fameuse la « croix de l’Hôtel-Dieu ».
Pouce en bas pour le palais de justice
Bien entendu, ce déménagement supposerait en contrepartie de démolir le palais de justice actuel. Est-ce un problème ? Au contraire, ce serait justice que de débarrasser la ville de ce « bâtiment mal-né et ruineux », comme disait Médiacités, « aussi spectaculaire que souffreteux » pour Ouest-France. Depuis son inauguration, il a fallu corriger d’innombrables désordres affectant le chauffage, la climatisation, l’étanchéité, les portes monumentales, etc. L’immense salle des pas perdus a longtemps été parsemée de seaux destinés à recueillir l’eau de pluie. On a dû rénover les équipements techniques CVC, remplacer d’immenses vitrages brisés malgré les caméras de surveillance, renouveler les parements extérieurs, installer une grille de plus de 100 m de long en travers du parvis… En 2017, le ministère de la Justice réclamait 8 millions d’euros de dédommagement à l’architecte et à plusieurs entreprises ; l’affaire s’est achevée sur une transaction d’un montant non communiqué.
Le palais de justice n’aura vécu qu’une trentaine d’années ? Et alors ? Le cas n’est pas rare. Le Centenary Building, à Manchester, encensé par plusieurs prix d’architecture, va être bientôt détruit après trente ans d’existence parce qu’il ne répond pas aux besoins. Le Gloria Plaza Hotel de Pékin a été démoli pour faire de la place au bout de vingt ans. La presse internationale y a vu une illustration du dynamisme de la capitale chinoise. Et Nantes, alors, elle n’est pas dynamique ?
N’entrons pas dans un débat esthétique : certains Nantais trouvent des vertus au gros parallélépipède du quai François-Mitterrand. Sa noirceur n’est pas une fatalité. Repeint en blanc, il ressemblerait davantage à un centre commercial. Sur le plan urbanistique, en revanche, le désastre est évident. On se demande à quoi a pu penser Jean-Marc Ayrault en décidant d’implanter un tribunal, antithèse même de la créativité, à l’avant d’un « quartier de la création ». Contourner cet énorme récif noirâtre a-t-il le moindre effet positif sur l’imagination des aspirants créateurs venant du centre-ville ? On en doute.
Du téléphérique au pont transbordeur via le DRING !
Le quartier de la création aurait besoin d’une porte ouverte, joyeuse et accueillante, d’une place de la Création qui ferait pendant à la place du Commerce – moyen de renouer avec une tradition nantaise séculaire de proximité entre artistes et bourgeois. Symboliquement, les deux places pourraient avoir la même superficie. Ce qui permettrait de construire 35 000 m² de plancher en R+4 autour de la place de la Création. On y trouverait des troquets, des théâtres, des agences de com’,des ateliers d’art, des boutiques de créateurs – de la galerie de peinture au studio de tatouage.
Mieux encore, on pourrait accélérer le passage d’une place à l’autre ! L’espace entre les deux emplacements est dégagé : c’est une invitation à bâtir un téléphérique, le moyen de transport collectif à la mode. Et pourquoi s’arrêter en aussi bonne voie ? Inventons une multimodalité à la nantaise, avec une continuité jusqu’à la pointe de lîle de Nantes. Là, un pont transbordeur transporterait les voyageurs jusqu’aux portes de la Cité des imaginaires et du Jardin extraordinaire.
Reste bien sûr à assurer les déplacements entre l’arrivée du téléphérique de la Création et le départ du pont transbordeur de l’Imaginaire. La solution est toute trouvée : le DRING ! [dispositif roulant innovant nantais et gratuit], alias la navette à pédales du Parc des Chantiers va être mise en service cet été par Le Voyage à Nantes ! Quant au retour de la Cité des imaginaires à la Cité judiciaire, il se ferait en navette fluviale : de l’aire, de l’aire ! Le tour de Nantes en 80 minutes, tu parles d’un Voyage extraordinaire !
Sven Jelure
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