Le problème de l’Arbre aux Hérons, maintenant, c’est de trouver la sortie. Au dernier jour du délai légal, ce 30 juin, le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons et du Jardin extraordinaire a publié ses comptes pour l’année 2021. Ils confirment ce que tout le monde commence à comprendre : le projet de l’Arbre aux Hérons n’a pas seulement pris des années de retard, il est irréalisable dans les conditions prévues.
La récolte de fonds du Fonds patine : ses « ressources liées à la générosité du public » se sont élevées à 752 171 euros en 2021. Soit à 303 euros près la même somme que l’année précédente. Selon le principe fixé par Johanna Rolland, le Fonds de dotation doit trouver 17,5 millions d’euros pour financer le tiers du coût de la construction de l’Arbre aux Hérons (avant inflation). Il assure avoir déjà récolté plus de 6 millions. Est-ce à dire qu’il lui faut quinze ans pour trouver les 11,5 millions manquants ?
Ce serait encore trop beau ! Le Fonds consomme pour son propre fonctionnement près de 40 % de l’argent qu’il ramène. De l’ordre de 300 000 euros par an, en fait, dont 180 000 en salaires et charges sociales pour trois personnes. Au rythme actuel, ce n’est pas quinze ans mais vingt-cinq ans qu’il lui faudrait pour financer l’Arbre aux Hérons !
Le Fonds annonçait en page d’accueil de son site web 43 mécènes à l’été 2019, 52 début 2021 et 58 aujourd’hui. Un rythme d’escargot, en somme. « Dans quelques jours vous découvrirez la 60ème mécène », assurait-il sur Facebook le 9 juin. On attend encore.
Et puis, un mécène n’en vaut pas un autre. Le Fonds compte quatre catégories de donateurs
- Héron impérial : à partir de 500 000 euros
- Héron goliath : entre 200 000 et 499 000 euros
- Grand Héron : entre 50 000 et 199 000 euros
- Héron cendré : entre 5 000 et 49 000 euros
Un seul Héron impérial peut donc valoir dix Grands Hérons, un seul Héron goliath quarante Hérons cendrés. Ont été annoncés en 2021 deux donateurs de rang Héron goliath, quatre Grands Hérons et onze Hérons cendrés. Au premier semestre 2022 quatre Grands Hérons et quatre Hérons cendrés mais pas un seul Héron goliath. L’année se présente donc mal.
Le compte précis des mécènes n’est pas si facile à tenir en réalité, car certains prennent la tangente. Les comptes 2021 signalent ainsi une « diminution d’un engagement de versement » à hauteur de 50 000 euros. Soit probablement l’évasion d’un Grand Héron. Et puis, certains mécènes n’ont rien versé en réalité : ils ont seulement promis, ce qui est autre chose ! Le bilan du Fonds comprend ainsi 1,4 million d’euros de créances. Il prétend avoir collecté plus de 6 millions d’euros mais a encaissé en réalité que 5 millions.
À quoi les avocats travaillent-ils vraiment ?
Sauf miracle (un héritage laissé par un richissime amateur de hérons américain…), le financement d’un tiers de l’Arbre aux Hérons par des mécènes paraît hors de portée dans les prochaines années. Que peut faire alors Johanna Rolland ? Renoncer au projet ? Faire financer par les contribuables la part que les mécènes n’ont pas voulu assumer ? Ce serait acter un échec grave pour une maire déjà fragilisée. La solution idéale serait de refiler le bébé à quelqu’un d’autre. Par exemple un opérateur de parcs à thème qui en rachetant l’Arbre aux Hérons (quitte à ne pas le construire vraiment) obtiendrait aussi le droit d’exploiter le Jardin extraordinaire et/ou Les Machines de l’île, voire la future Cité des Imaginaires.
Et l’on note avec intérêt l’étrange révélation d’Anticor : après un premier contrat de 80 000 euros passé avec un cabinet d’avocats concernant une « mission d’assistance et d’expertise juridique pour l’opération Arbre aux Hérons ». Nantes Métropole en a passé un second, sans appel d’offres, de 200 000 euros. Disproportionné, si la mission concerne un simple contrat de commande publique. Peut-être pas, s’il s’agit de reconfigurer à la volée une opération publique en pleine débine.
Sven Jelure
Partager la publication "L’Arbre, les hérons et les avocats"