La SPL Le voyage à Nantes risque de se trouver nettement dans le rouge en 2023. Mais les chiffres livrés par son président, Fabrice Roussel, également vice-président de Nantes métropole, obscurcissent le tableau plus qu’ils ne l’éclairent. À moins qu’ils ne préparent de grands changements ?
Le voyage à Nantes s’attend à 630 000 euros de déficit en 2023, annonce Presse Océan le 6 février –à 730 000 euros, surenchérit Ouest-France le 8. Jean Blaise, directeur général de la SPL, s’insurge pourtant : « On ne votera jamais un budget en déséquilibre ».
Les Nantais en tireront plusieurs observations. D’abord que, début février, « le budget 2023 n’est pas finalisé », comme le constate Fabrice Roussel dans les colonnes de Presse Océan. À cette date, une entreprise bien gérée a normalement arrêté son budget depuis un bout de temps déjà.
La tâche est pourtant bien moins difficile pour Le voyage à Nantes que pour la plupart des entreprises : plus de la moitié de son budget est couverte par des subventions. Cet argent versé pour l’essentiel par Nantes Métropole, Le voyage à Nantes l’empoche quoi qu’il arrive : peu d’entreprises jouissent d’un tel luxe.
Ce budget pas finalisé, la SPL l’évalue à 34,5 millions d’euros. Impossible de le comparer aux budgets de pandémie des années 2020 à 2022. Comparons-le donc à celui de 2019. Il tangentait alors les 33 millions d’euros. Il progresserait donc de 1,5 million (+ 4,5 %) en quatre ans. Ce n’est déjà pas d’une folle ambition puisqu’on annonce partout le retour des touristes.
À l’intérieur de cette enveloppe de 34,5 millions, le chiffre d’affaires hors subventions devrait être de 13 millions d’euros. Soit autant qu’en 2019. C’est étrange. « Nous sommes confiants sur la fréquentation en 2023 », déclare Fabrice Roussel. En 2019, les deux locomotives du Voyage à Nantes, les Machines de l’île et le musée d’histoire de Nantes ont enregistré respectivement 738 795 et 308 740 entrées. Le tarif des premières est passé cette année de 8,50 à 9,50 euros, soit + 11,76 % (9 euros pour le Carrousel qui peine à attirer des clients). Celui du second va passer de 8 à 9 euros au 1er mars (+ 12,5 %). À fréquentation égale, le total de leurs recettes annuelles devrait bondir de pas loin de 1 million d’euros par rapport à 2019.
Le contribuable est prévenu
Si les recettes de ses deux vaches à lait augmentent mais que son chiffre d’affaires global stagne, c’est que Le Voyage à Nantes prévoit une chute sévère de ses autres activités. Compte-t-il réduire ses effectifs en conséquence ? Apparemment non : les frais de personnel devraient bondir de 12 millions d’euros en 2019 à 15 millions en 2023 (+ 25 %). Plus de deux fois l’inflation. Bizarrerie : les frais de personnel de 2021 étaient inférieurs à ceux de 2019, pour un effectif identique à 0,89 personne près ! Autrement dit, Le Voyage à Nantes prévoit d’augmenter très fortement ses salariés alors qu’ils produiront moins.
Tant mieux pour eux, mais cette particularité explique à elle seule la chute du résultat, de 105 000 euros de bénéfice en 2019 à 730 000 euros de déficit en 2023, soit moins 835 000 euros au total. Si l’augmentation des frais de personnel était simplement égale à l’inflation, la SPL enregistrerait en 2023 un coquet bénéfice et non un déficit !
Comment, alors, respecter l’engagement de Jean Blaise : « On ne votera jamais un budget en déséquilibre » ? Fabrice Roussel semble avoir sa petite idée sur la question : « Si la subvention de la métropole était indexée à l’inflation, le budget 2023 serait à l’équilibre ». Ah vraiment ? Les subventions prévues se situent « autour de 20 millions d’euros ». En 2019, c’était 17,5 millions d’euros. L’augmentation, supérieure à 14 %, dépasse l’inflation. Si la subvention était vraiment indexée à l’inflation, Le voyage à Nantes serait encore plus loin de l’équilibre !
Un déficit davantage mis en exergue en 2023 qu’en 2014 ou en 2017
Mais au fait… la SPL avait près de 8,7 millions d’euros en caisse à fin 2021, n’est-ce pas ? Ce serait largement suffisant pour absorber 730 000 euros de déficit. La situation n’a rien d’alarmant, en somme. À moins, bien sûr, qu’elle n’ait déjà boulotté ses marges de manœuvre en 2022, par exemple avec Le voyage en hiver.
Et puis, ce ne serait pas la première fois que Le voyage à Nantes est dans le rouge ! En 2014, son déficit d’exploitation atteignait 798 400 euros, soit bien plus que celui envisagé pour 2023. En 2017, il était de 684 500 euros. De 2011 à 2015, période couverte par un rapport de la Chambre régionale des comptes, la SPL n’a jamais équilibré son exploitation. Elle n’a pu s’en sortir que par une astuce comptable critiquée par la Chambre. Fabrice Roussel s’était bien gardé alors de proclamer la situation ! Pourquoi sort-il du bois en 2023 ?
Décidément, comme pour l’Arbre aux Hérons, il y a des bizarreries dans les comptes que le vice-président de Nantes Métropole présente aux Nantais. La comparaison avec l’Arbre s’arrête là : on ne prophétisera pas un abandon du Voyage à Nantes. Mais qu’un gros changement intervienne au départ en retraite du directeur général (Jean Blaise aura 72 ans en avril), pourquoi pas ? On comprendrait d’autant mieux que Jean Blaise refuse mordicus de signer un budget dans le rouge pour la circonstance. Lui qui a déjà été critiqué par la Chambre régionale des comptes pour sa gestion du Voyage à Nantes et du Lieu Unique, que ne manquerait-on pas de lui mettre sur le dos ?
Sven Jelure
Partager la publication "Le Voyage à Nantes en mal de budget"
Ce monsieur s’autorise à mettre la main sur le Serpent de l’océan à Saint Brévin les pins, refusant la mise en valeur touristique de cette œuvre en balayant toute entrevue avec les héritiers.
Étrange comportement.