Municipales… La culture du vide

“La culture est un antidote à la violence, car elle nous invite à la compréhension d’autrui et féconde la tolérance, en nous incitant à partir à la rencontre d’autres imaginaires et d’autres cultures…” (*) Voilà de quoi remettre la culture au cœur du débat des municipales. Raté. Pas plus #JR2020 que ses adversaires n’ont d’idées sur la question.

On ne pourra pas dire que la presse n’a pas fait un effort pour tenter de remettre la culture dans la balance des municipales. Avant d’interroger, sur le sujet, la maire sortante et les autres têtes de listes, une page avait été consacrée (OF 12/12/2019) à la culture. Avec un titre qui (toutefois) sentait bon la communication municipale : “Dans les quartiers, la culture ne doit rien lâcher”.

“Ne rien lâcher” ?

Ne rien lâcher, c’était presque mot pour mot le communiqué de la candidate-à-sa-succession au lendemain de l’incendie de “l’œuvre” de Royal de Luxe à Bellevue. Mais passons…

David Martineau l’encore adjoint à la Culture disait réfléchir à “l’offre du quotidien” pour répondre au besoin des quartiers. Avait-il brûlé la politesse à Johanna Rolland ? La maire luin faisait savoir qu’il pourrait désormais réfléchir ailleurs ! Exit David Martineau.

À Bellevue, comme ailleurs, les “acteurs” culturels locaux se désespèrent de l’état des lieux. Revenant sur l’intervention de Royal de Luxe Yasmin Rhamani, chorégraphe de la compagnie HB2, rappelle avec bon sens que “ce type d’intervention peut prendre son sens s’il y a une démarche en amont”. Pour autant, Johanna Rolland persiste : pas question de renoncer à Royal de Luxe. Elle s’accroche à cette initiative, comme un héron déplumé à son arbre, au nom de la culture pour tous.

Culture vitrine

Pour Margot Medkour (Nantes en commun), “Royal de Luxe à Bellevue, c’est à la fois formidable et hypocrite”. Selon elle, “la culture doit venir des habitantes et des habitants” et non leur être imposée. La candidate s’en prend à cette “culture vitrine”, allant des Machines au futur ( ?) Arbre aux hérons, qui ne ferait qu’accompagner la gentrification de la Ville.

Sans être sur cette même ligne, Julie Laernoes (EELV) est la seule à voir les limites de la démarche municipale, considérant qu’une intervention dans les quartiers ne doit pas se faire au détriment des associations qui sont sur le terrain.

Pour le budget alloué à Royal de luxe pour l’année 2019 (plus de 550 000 euros !), combien d’initiatives locales ont été sacrifiées ? Ni Valérie Oppelt, ni Laurence Garnier ne se hasardent à poser la question. Paralysées peut-être à la simple idée de remettre en question le travail artistique ( ?) d’une compagnie qui, depuis 40 ans, a bâti sa notoriété  sur le spectacle de rue gratuit, donc sur le principe de la culture accessible à tous. Et voilà, Jean-Luc Courcoult désormais intouchable tout comme le duo Oréfice/Delarozière.

À court d’idées

Si chacun s’accorde à dire que Nantes se retrouve à une période charnière, on cherche en vain un nouveau souffle dans les programmes municipaux. En 1989, Jean-Marc Ayrault est arrivé à la mairie de Nantes avec, dans ses bagages, un certain Jean Blaise. C’est à ce dernier qu’on doit l’arrivée de Royal de Luxe à Nantes, la création d’un centre national chorégraphique, la création du lieu unique et quelques initiatives (les Allumées, Fin de siècle, Nuit blanche…) qui ont fait de Nantes la capitale culturelle qu’elle est encore aujourd’hui.

Après ses glorieuses années 90, la Ville a gentiment surfé sur cette image de capitale culturelle. Au point même de ne pas poser sa candidature pour devenir capitale européenne de la culture. “Pas besoin, nous le sommes déjà…” Difficile de nier aujourd’hui que le soufflé est quelque peu retombé. Et, sans entrer ici dans le débat sur la retraite, Jean Blaise et Jean-Luc Courcoult sont de la génération Jean-Marc et n’incarnent plus vraiment l’avenir.

Dans ces conditions, on espérait un sursaut. On guettait un feu d’artifice de propositions pour demain. Force est de constater (OF 13/12/2019) que les têtes de listes semblent à court d’idées. Johanna Rolland a beau jeu d’annoncer “je continuerai” puisque personne ne lui en demande davantage : Laurence Garnier entend s’appuyer sur les onze maires de quartiers “pour impulser des choses à l’échelle des quartiers”, Margot Medkour veut mettre en place “un voyage à Nantes des quartiers”, Valérie Oppelt imagine “une manifestation festive inter-quartiers et intergénérationnelle”, Julie Laernoes parie sur “un dimanche sans voiture” pour développer les arts de la rue.

Alors, laissons le dernier mot à un poète algérien : « Quand la médiocrité règne, l’incompétence est une règle et la roublardise une culture ».

 

 

(*) Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la Culture

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