Après les déconfinés, le premier déconfirmé du covid-19 en Loire-Atlantique

Le compte est bon... pour la santé

Chaque jour, sur papier et en ligne, Presse Océan publie les dernières statistiques du coronavirus en Loire-Atlantique. Ce samedi, le total des décès dus à l’épidémie depuis le 24 février atteint 141 dans le département. « La courbe des décès progresse toujours », titre le quotidien nantais. On attend impatiemment le jour où il pourra titrer sur une baisse du nombre total des décès depuis l’origine.

Défense de rire, même aux amateurs d’humour noir ! Observez plutôt la courbe des cas confirmés, en jaune sur le graphique. Elle indique le nombre de cas cumulés depuis le début de l’épidémie. Or cette courbe, elle, a baissé d’une unité, passant de 1 050 au 14 mai à 1 049 le vendredi 15 !

Une simple coquille ? Pas du tout. En réalité, Presse Océan reprend fidèlement les chiffres officiels fournis par l’Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire. Et celle-ci est formelle : dans son bulletin d’information n°72 du 15 mai 2020, elle indique bien 1 049 cas.

Soit un de moins que la veille

Le total des cas déclarés entre le 24 février et le 15 mai est bel et bien inférieur au total des cas déclarés entre le 24 février et le 14 mai ! Du même coup, hasard des arrondis statistiques, le nombre de cas pour 100 000 habitants en Loire-Atlantique tombe de 73,1 le 14 à 73,0 le 15.

Or ce ne sont pas des chiffres au doigt mouillé : il s’agit, précise l’ARS de cas « confirmés par diagnostic biologique (PCR) ». Faut-il incriminer les diagnostics ? L’ARS ? En tout cas, Presse Océan n’y est pour rien.
Ni Notre-Dame-de-Lourdes, dont le sanctuaire ne rouvre que cet après-midi.

Sven Jelure

 

Un succès médiatique du non-Voyage à Nantes

Si ça passe à la télé, c'est que ça doit être bien !

À quoi ça sert que le Voyage à Nantes se décarcasse ? Chaque année, au printemps, son service de com’ fait des pieds et des mains pour obtenir des « retombées » dans les médias sur le thème « Il se passe des choses à Nantes ».

Cette semaine, pourtant, France 2 a diffusé à une heure de grande écoute, dans son journal de 13h00, un reportage de Thomas Cuny, Guillaume Gosalbes et Raphaële Laurentin. Pendant plusieurs minutes, les téléspectateurs ont pu découvrir qu’il ne se passe RIEN ou presque à Nantes. Et que c’est rudement bien ainsi !

Il fait beau, on applaudit aux balcons, le Grand Éléphant se prélasse sous les Nefs, Pierre-Olivier Clerc (Ze Plombier) pédale tranquillement dans les rues vides pour aller déboucher ses éviers. Tranquille. Le jour d’après ne ressemblera pas au jour d’avant, chacun l’a compris. Et l’été d’après ?

Sven Jelure

Navibus : ma dernière croisière sur la Loire

La traversée Gare maritime-Trentemoult en Navibus N1, on l’a tous faite. Mais d’avoir navigué sur le N2 entre le Bas-Chantenay et le Hangar à bananes avant le confinement, ça vous classe tout de suite dans une élite de happy few.

À en croire Nantes Métropole, la nouvelle ligne de Navibus doit favoriser « les déplacements de loisir entre deux zones dotées d’équipements touristiques et culturels : Jardin extraordinaire, Machines de l’île, commerces, bars et restaurants… ». Les touristes vont sûrement se précipiter. Ce qu’on ne leur dit pas, c’est qu’il y a un bon kilomètre de l’embarcadère à la grille du jardin. Un kilomètre pas bien riant, entre bâtiments décatis et circulation des boulevards de Cardiff et de Chantenay.

Vous vous demandez, touriste, où vous allez ? En arrivant sur place, au 23 boulevard de Chantenay, vous vous demanderez où vous êtes : un grand panneau vous annonce aux numéros 8 et 9, le château de Nantes ! Ce n’est pas ce que vous avait dit le guide Lonely Planet ? Pas d’affolement ! Le château a simplement installé là son service technique, avec celui du Voyage à Nantes, dans d’anciens bâtiments du chantier Dubigeon.

Qui habite là ? Et le château, où est-il ?

On en vient d’ailleurs à se demander si la ligne de Navibus n’est pas surtout destinée aux vaillantes troupes du VAN qui logeraient sur l’île de Nantes. Avec le néo-roquio, quelques minutes leur suffisent pour aller au travail sans affronter les embouteillages. Si le bateau était vraiment destiné aux touristes, c’est raté, même avant le coronavirus. Aux heures creuses, la rareté des voyageurs donne facilement l’impression d’être un propriétaire de yacht. Happy few, on vous dit.

Sur la Heb Ken (en breton « ni plus ni moins », qui est aussi le nom d’une crêperie de la rue de Guérande, près de la place Royale, et la devise de la ville de Pont-l’Abbé), un bateau de 140 places, flotte fièrement un kroaz du. Sa rotation est rapide, si rapide que vous n’avez guère le temps de vous arrêter à déguster une bière maison à la Little Atlantic Brewery, qui fait face à l’embarcadère. En dix minutes, vous passez du pied de la grue Dubigeon, la noire, au pied de celle du quai Wilson, la grise. Un petit bonjour au passage à l’autre Navibus, celui de la ligne Trentemoult-Gare maritime – les deux lignes se croisent au large de Cap 44 – et vous voilà à deux pas du Hangar à bananes. Il faut attendre de se hisser sur le quai pour apercevoir le désastre architectural de l’île de Nantes. Du bateau, vous n’en avez rien vu : de quoi vous assurer une croisière sereine.

Mais tout ça, c’était avant. Depuis mardi, la N2 ne circule plus. On espère la revoir bientôt. En attendant, restez confinés.

Sven Jelure

Bilan du tourisme à Nantes : opaque mais modeste

Les cars du Voyage à Nantes devant la cathédrale Saint-Pierre

Pour le Conseil des acteurs du tourisme, au mois de février, le Voyage à Nantes avait préparé un bilan de fréquentation très flatteur. Trop ? Le Voyage à Nantes traîne derrière lui une longue tradition de bilans douteuxerronés, ou même franchement trafiqués. Pourtant, de toute évidence, 2019 a été une bonne année pour la fréquentation touristique à Nantes. Comme dans beaucoup de villes.

Les nuitées d’hôtellerie ont augmenté de 4,7 % entre 2018 et 2019. Presque aussi bien qu’à Bordeaux, où elles ont augmenté de 4,8 %. Au fait, Bordeaux précise qu’il s’agit de nuitées « taxées ». En effet, les demandeurs d’asile et les mineurs non accompagnés logés dans des hôtels ne paient pas de taxe de séjour. Leur nombre a énormément augmenté à Nantes depuis quelques années ; ils représentent des milliers de nuitées, qui peuvent peser lourd dans les statistiques. Le Voyage à Nantes ne précise pas si les siennes couvrent toutes les nuitées ou seulement les nuitées taxées. En tout cas, la progression de l’hôtellerie nantaise est due pour une bonne part aux étrangers.

Pourquoi le Voyage à Nantes présente-t-il le nombre de nuitées comme un indicateur essentiel ? Ce nombre ne révèle qu’une partie de la réalité du tourisme à Nantes, puisque les gens qui logent à l’hôtel ne sont pas tous des touristes. Sans même évoquer les demandeurs d’asile, on y trouve des voyageurs de commerce, des familles en visite chez les cousins, des salariés en formation, etc. Mais le nombre de nuitées présente quand même un avantage sérieux : c’est à peu près le seul chiffre sûr dont on dispose.

Des données peu fiables

Le reste est calculé par l’Auran. Cette agence d’urbanisme de la région nantaise est présidée par l’ex député socialiste Patrick Rimbert et dirigée par Benoît Pavageau, qui fut directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault. Non spécialiste des enquêtes, elle se débrouille avec une méthode maison, qui associe mailing sur adresses électroniques recueillies par le VAN, mailing sur la base de contact du VAN et questionnaires en face-à-face sur le terrain en été. Une enquête analogue avait déjà eu lieu en 2014 ; il était bien temps de réactualiser les données ! En 2014, cependant, l’enquête par questionnaire effectuée auprès de 791 passants avait occupé trente-cinq « journées enquêteurs ». En 2019, dix-sept journées seulement. On peut donc supposer que le nombre de personnes interrogées en 2019 doit être de l’ordre de 384 (difficile de faire mieux, sauf à consacrer moins de 18,5 minutes à l’administration et au traitement de chaque questionnaire). Un tout petit échantillon donc. Et, comme il est formé de personnes hélées dans la rue, sa représentativité est très incertaine.

Faisons néanmoins semblant de prendre pour argent comptant les statistiques présentées. Selon elles, 71 % des touristes de passage à Nantes séjournent en hébergement payant. Par ailleurs, chaque touriste séjourne en moyenne 3,7 nuits à Nantes et 660.288 nuitées ont été enregistrées pendant l’été 2019. Nantes aurait donc vu passer 251.346 touristes pendant cette période. Dont 185.996 (74 %) viendraient pour faire du tourisme. Le voyage à Nantes brasse plus d’air que de touristes…

Il n’y a pas que les touristes, cependant : il y a aussi les « excursionnistes » qui viennent passer à Nantes la journée mais pas la nuit. Selon l’« estimation des grands volumes de fréquentation estivale 2019 » établie par l’Auran, les excursionnistes sont deux fois moins nombreux que les touristes, soit 125.673. Parmi eux, 10 % sont seulement en transit, 10 % sont de passage pour La Loire à vélo et 33 % viennent visiter des parents ou des amis. Il n’en resterait donc que 47 % (59.066) venus pour voir la ville. Parmi eux, seulement 20.108 (16 % des excursionnistes) seraient venus pour l’événement estival Voyage à Nantes.

Un Voyage très surévalué

Entre les touristes et les excursionnistes, le Voyage à Nantes aurait donc attiré dans la ville l’été dernier 185.996 + 59.066 = 245.062 visiteurs ! Petit rappel ironique : Dans le numéro 215 de Nantes Passion, on pouvait lire ceci : « Avec 2,7 millions de visiteurs annuels estimés en 2010, Nantes est une des seules destinations touristiques françaises à se maintenir dans ce contexte de crise ».

Les amateurs de chiffres pourront s’amuser à calculer les retombées économiques du Voyage à Nantes d’après les statistiques de l’Auran. L’exercice sera cependant théorique, vu le peu de fiabilité de l’échantillon enquêté. Ainsi, selon l’Auran, les dépenses des excursionnistes s’élèveraient à 37 euros par jour et par personne. L’enquête de 2014 les avait estimées à 27 euros. Le Voyage à Nantes les chiffrait à 42 euros en 2012. Des écarts d’une ampleur peu vraisemblable.

En guise de conclusion, un dernier chiffre quand même. Jean Blaise et le Voyage à Nantes prétendaient faire de Nantes la cinquième destination touristique française. « On est armés pour entrer dans le Top 5 des destinations françaises », répétait encore Aurélie Péneau, directrice marketing de Nantes Tourisme en 2014. L’échec est patent. Le tourisme à Nantes progresse parce que le tourisme progresse partout : la marée soulève tous les bateaux à la fois.  Mais les budgets confiés au Voyage à Nantes pour réaliser son opération estivale et promouvoir la ville en France et à l’étranger sont très peu efficaces.

Sven Jelure

Johanna Rolland : le chant des 1 000…

Et merci encore chantent-ils en cœur...

Dans la dernière ligne droite avant le premier tour, chacune des candidates bat le rappel de ses soutiens. Et là, il n’y a pas photo : Johanna Rolland fait la course en tête. Au point de publier une liste des “mille premiers soutiens” à sa candidature ! Une liste forcément longue de soutiens sans surprises mais où certaines absences interrogent malgré tout.

Ce n’est pas une surprise, par exemple, de retrouver Jean-Marc Ayrault, “ancien maire de Nantes, ancien Premier ministre”, en première ligne des soutiens à celle à qui il a cédé son fauteuil de bourgmestre.  À ses côtés quelques autres retraités. Du monde du football avec Japhet N’Doram, du monde de la climatologie avec Jean Jouzel ou de la politique locale avec Alain Chenard (83 ans), ancien maire de Nantes, Jean-Marie Pousseur (86 ans), ancien adjoint de Jean-Marc Ayrault ou Jacques Auxiette (80 ans), ancien président du Conseil régional. Autres soutiens de poids, les maires de Charleroi, de Hambourg ou de Lisbonne. Ce qui fait plus chic que d’être soutenue par Anne Hidalgo ou par le Nazairien David Samzun.

On retrouve, dans cette liste, nombre d’obligés de la Ville de Nantes : celles et ceux qui doivent beaucoup (de subventions…) à Johanna Rolland. Au premier rang desquels, Jean Blaise, patron du Voyage à Nantes, Patrick Gyger, directeur du lieu unique, Éric Boistard, boss de Stéréolux… On y trouve aussi Karine Daniel, battue aux législatives de 2017, et aujourd’hui directrice du fonds de dotation de l’Arbre aux hérons (avec le salaire qui va avec cette haute responsabilité) et un certain Karim Ammour, chef d’orchestre d’Urban Voices, une association présidée par Franck Barrau, présent sur la liste de… Julie Laernoes ! Ajoutons pour l’anecdote, parmi ces soutiens à Johanna Rolland, la présence de Maud Raffray, ancienne secrétaire du Van et, aujourd’hui “activatrice d’égalité femmes-hommes” (ça ne s’invente pas !).

S’il y a des soutiens attendus, d’autres sont étrangement absents. Ni François Delarozière, ni Pierre Oréfice ne sont , par exemple, présents parmi ces “1 000 premiers soutiens”. Eux aussi doivent pourtant beaucoup à Johanna Rolland. Mais sans doute leur présence aurait-elle relancé le débat qui fâche sur le projet d’Arbre aux hérons. Le directeur de la compagnie des Machines et son bras droit n’en espèrent pas moins que la Ville (et les contribuables !) continueront à soutenir un projet dont ni Julie Laernoes (Nantes ensemble), ni Margot Mektour (Nantes en commun) ne veulent entendre parler.

Si on a voulu éviter les “couacs” dans ce chant des 1000, les lendemains de scrutin s’annoncent moins harmonieux.

 

 

Transports publics : le mauvais coût de la gratuité

Tramways nantais

Demain, on rase gratis. Les campagne électorales se suivent mais les bonnes (?) recettes ne changent pas : on y promet des lendemains qui chantent. Par exemple, pour les transports publics. Gratuits pour tout le monde le week-end ou gratuits, tout le temps, pour les moins de 26 ans. Sauf que la gratuité a un coût et que, là, les estimations restent fantaisistes.

Même les estimations du très sérieux ( ?) Institut Montaigne, reprises par Ouest-France (en date du 4 mars), sont à prendre avec précaution. Dans les “promesses de campagne passées au crible”, le coût réel de la gratuité des transports est en effet minoré. On ne prend en effet en compte que la conséquence mécanique (le manque à gagner en achat de tickets) d’une telle mesure.  Or, quelle serait la première conséquence de la gratuité ? Une fréquentation plus importante des transports publics. Les élus –qui ne prennent ni le tramway ni le bus – doivent ignorer l’état de saturation du réseau. Sans augmentation du nombre de trams et de bus et sans amélioration de leur fréquence, la gratuité pourrait être rapidement contre-productive et dégoûter à jamais l’usager potentiel d’avoir recours à ce mode de transport. Les effets induits (et leur coût !) sont étrangement passés sous silence.

Oubliant le coût des investissements nécessaires à la gratuité, en personnels et en matériels, l’Institut Montaigne a néanmoins calculé le coût des mesures annoncées : 17 millions d’euros pour la gratuité du week-end, promise par Johanna Rolland, 20 à 23 millions d’euros pour la gratuité promise aux moins de 26 ans par Julie Laernoes.

Après une simple observation de bon sens – la gratuité a bien un coût – se pose une question toute simple elle aussi : où trouve-t-on l’argent ? Pas question d’annoncer une augmentation de la fiscalité. Pourtant, l’heureuse (?) élue n’aura pas d’autre choix. À moins de faire des économies ailleurs. Mais personne ne vous dira où et comment on trouvera ces dizaines de millions.

Conclusion que ne donne pas l’Institut Montaigne : la gratuité n’est pas forcément un bon coup.

Tout est mini dans notre vie…

C'est vrai que ce n'est pas grand. Mais il ne faut pas oublié qu'en 1998, la Ville de Nantes avait baptisé Copacabana les deux terrains de beach-volley du cours saint-André :)Et toujours des idées incroyables :)

Hier, il était de bon ton de voir grand. Désormais, plus c’est mini, plus c’est joli. Prenez une forêt, par exemple, celle du Gâvre ou de Mervent. Quelle horreur ! Tous ces arbres… on pourrait s’y perdre ! Alors qu’une mini-forêt, c’est vert et, comme son nom l’indique, c’est petit. Riquiqui même. Mais c’est dans l’air du temps.

On va ainsi planter 690 arbres sur le site de Transfert à Rezé. Le projet devrait occuper… 230 mètres carrés ! Pas question de “geler” une zone appelée à être urbanisée dans quelques années. On va donc, sur cette modeste surface, planter 3 arbres au mètre carré ! Un pépiniériste sérieux vous expliquera qu’un pommier, par exemple, a besoin pour se développer de 5 à 10 mètres d’espacement en tout sens. Plus économe que le peuplier auquel il faut un minimum de 7 mètres d’espacement en tout sens.

Mais tout ça, c’était avant le concept de Mini Big Forest (chaque mot à son importance !) qui fait la promo de ces “forêts urbaines participatives”. Tellement participatives, ces forêts, qu’il faut bien le soutien de Nantes Métropole (et des contribuables !) pour soutenir le projet de cette association. Plusieurs “mini-forêts” ont été installées dans l’agglomération nantaise, dont l’une dans le quartier du Clos Toreau à Nantes.

La nature en ville est à la mode. Et la solution dorénavant trouvée avec ces mini-forêts. Un concept qui permet de bétonner et bitumer l’ancienne allée Duguay-Trouin, par exemple, en laissant de-ci, delà un mètre carrée de terre pour y planter une mini-forêt. Astucieux, non ?

Cet escalier, une œuvre d’art ? Faut pas charier !

Charier, nouveau mécène de l'Arbre aux hérons

L’escalier du Jardin extraordinaire, en chantier au fond de la carrière de Miséry, dans le Bas-Chantenay, a été dessiné par François Delarozière. Un homme lui aussi extraordinaire : tout ce qu’il touche, ou du moins tout ce qu’il vend, se transforme en œuvre d’art.

Devant le chantier, un panneau a été dressé. Il cite tous les participants au projet. Une main anonyme y a écrit : « POURQUOI PERSONNE NE NOUS DIT COMBIEN ÇA NOUS COÛTE ? ». Question vulgaire ! Quand il est question d’art, n’est-ce pas, on ne compte pas.

 

Le panneau du chantier de l’escalier du jardin extraordinaire

Un escalier, normalement, est fait pour être monté et/ou descendu. Il peut parfois avoir aussi une valeur artistique, tel le grand escalier de Chambord. Mais l’escalier du Jardin extraordinaire, c’est l’inverse : une œuvre d’art, sur laquelle le vulgum pecus pourra en plus poser les pieds.

Cette qualification est tout à fait officielle. Nantes Métropole a publié au mois de mai dernier un avis de marché portant sur la « maîtrise d’œuvre de la réalisation, sur le site de l’ancienne carrière Misery à Nantes, de l’œuvre d’art dénommée ‘Escalier du Jardin extraordinaire’ ». Il s’agit donc bien d’une œuvre d’art appelée « escalier » et pas d’un escalier comportant des éléments artistiques.

N’empêche que les citoyens pourront se balader sur cette construction métallique accrochée à une paroi rocheuse haute comme un immeuble de huit étages (et orientée plein Sud dans un site où la température est déjà réputée supérieure de 4 degrés à celle des environs). Est-il bien raisonnable de confier ce genre de réalisation à un artiste ? Qu’on se rassure : l’essentiel du travail sera fait par des pros. La maîtrise d’œuvre est assurée par Géolithe, une entreprise savoyarde experte en belvédères, tyroliennes et autres installations montagnardes, et ECTS, un bureau d’études rezéen spécialiste des structures en métal.

Le rôle de François Delarozière est néanmoins capital : un marché public qui a pour objet la création d’une œuvre d’art peut être passé sans mise en concurrence préalable (article R2122-3 du code de la commande publique). Le prix se négocie en direct entre l’acheteur et le fournisseur. Ce qui pourrait évidemment donner lieu à bien des tentations. Heureusement, ni François Delarozière, ni Nantes Métropole ne sont du genre à y céder.

Quant aux entreprises impliquées, certaines font même preuve de leur désintéressement avec de copieux budgets de mécénat. Prenez Charier Génie Civil, grosse entreprise de Loire-Atlantique qui vient de mettre en place un immense échafaudage couvrant la paroi de la carrière de Misery. Elle vient justement de mécéner le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons, et pas qu’un peu : compris entre 200.000 et 499.000 euros, son don lui vaut le titre de « Héron Goliath ».

Sven Jelure

Arbre aux hérons : plus d’accompagnement

#JR2020 : Que serais-je sans elle

Il y a beaucoup d’arbres dans les 189 mesures du programme municipal de Johanna Rolland. Les 25.000 arbres et arbustes promis au n° 13, d’abord, qui prendront plus de place sur le terrain que sur le papier. Et puis évidemment l’Arbre aux Hérons, serpent de mer municipal évoqué depuis 2004. Reléguée vers la fin du classement, au n° 151, la mesure le concernant se veut quand même ambitieuse : « Accompagner l’installation de l’Arbre aux Hérons (financement 1/3 Nantes métropole, 1/3 entreprises privées et 1/3 autres partenaires publics) : une offre de loisirs pour les familles, vitrine du savoir-faire et de l’inventivité nantaise à l’international. »

Là, franchement, il faudrait une explication de texte. L’accompagnement des mourants, par exemple, on voit de quoi il s’agit. L’accompagnement des Arbres aux Hérons, mystère. Quelle peut être cette « vitrine du savoir-faire et de l’inventivité nantaise à l’international » ? La dernière grande invention nantaise à l’international, c’était le commerce triangulaire. On ne va quand même pas s’y remettre ? Déjà que le site de l’Arbre se trouve « dans le prolongement du quai de la Fosse »

Mais l’international, à Nantes, on y tient. L’Arbre aux Hérons « va nous donner une visibilité mondiale », récite Frédéric de Boulois, président des hôteliers de Loire-Atlantique, cité par Ouest-France. Attirer un public international, c’était déjà l’objectif officiel des Machines de l’île quand Nantes Métropole a décidé de les réaliser, le 18 juin 2004. Quant au Voyage à Nantes, lors de sa création en 2011, il avait pour objectif proclamé de « faire de Nantes une métropole touristique internationale ». Ces deux créations de Jean-Marc Ayrault ont donc raté leur coup, puisque l’Eldorado international reste à atteindre. Mais pourquoi l’Arbre réussirait-il là où ses auteurs ont déjà échoué ?

Une attraction mondiale fermée plus de trois jours sur sept

Parce qu’il sera « accompagné », sans doute ! On savait déjà que l’attraction exigerait de nombreux aménagements : semi-destruction de Cap44 pour lui ouvrir une vue sur Loire, navette fluviale forcément déficitaire depuis le Hangar à bananes, nouvelles lignes de transports en commun, parking, modification des voies de circulation… Il y en a pour des millions d’euros et, là, pas question de demander à des entreprises privées de payer un tiers de la facture : elle sera plein pot à la charge des contribuables métropolitains.

En plus des aménagements, il faudra des accompagnements. Car l’Arbre sera incapable de jouer seul un rôle d’attraction touristique internationale. Un « dossier de présentation des premières hypothèses d’exploitation et de sécurité » établi en juillet 2018 par l’association La Machine prévoit qu’il sera exploité… 203 jours par an.

On comprend pourquoi. L’Arbre sera exposé à toutes les intempéries. La pluie dégoulinera de branche en branche. Et il sera exclu de faire tournoyer des passagers à 40 mètres en l’air les jours de grand vent. L’attraction sera donc fermée de la fin des vacances de la Toussaint au début des vacances de Pâques, sauf pendant les vacances de Noël – qui bénéficieront sûrement d’une météo idéale. Il est probable que l’Arbre sera fermé aussi les jours de grande chaleur, à l’instar du toboggan du château des ducs de Bretagne, quand le métal chauffé par le soleil dépassera les 40 degrés. De quoi faire tomber le nombre des jours d’ouverture bien au-dessous de 200.

Des 203 jours d’ouverture théoriques, il faudra aussi retrancher les jours de panne. Quand on pense à la médiocre fiabilité de l’Éléphant*, pourtant pas plus complexe qu’une moissonneuse-batteuse, on frémit à la pensée de ce qui pourrait arriver à l’Arbre et à ses deux ascenseurs. Même les jours « sans », pourtant, il faudra payer sa cinquantaine de salariés.

Un accompagnement inéluctable

Quand l’Éléphant défaille, les visiteurs se rabattent sur la Galerie des Machines et le Carrousel des mondes marins (à propos, les Machines de l’île, elles, sont ouvertes plus de 300 jours par an). L’Arbre aux Hérons n’a pas de roue de secours. Le Jardin extraordinaire ? C’est comme si l’on demandait à un enfant privé de promenade sur l’Éléphant de se consoler en contemplant la grue jaune… Il va bien falloir prévoir une attraction de rechange pour les jours de fermeture.

Même sans panne et par temps doux, d’ailleurs, l’Arbre devra être accompagné. Les Hérons, son attraction majeure, auraient une capacité maximale de 100 visiteurs à l’heure, soit 900 par jour en période estivale, 300 pendant les vacances de Noël. Les autres visiteurs devront se contenter des jardins suspendus. Mais la capacité de ceux-ci ne dépasse pas 400 personnes, et l’on espère vendre jusqu’à 3.000 billets par jour en été, avec neuf heures de fonctionnement par jour**. À supposer que les visiteurs soient également répartis de 10:00 à 19:00 (on peut toujours espérer…), chacun d’eux ne devra pas passer plus de 1:12′ sur l’Arbre en moyenne. Il faudra leur proposer une autre occupation. L’« accompagnement » prévu — mais non chiffré — par Johanna Rolland serait donc inéluctable.

Ce n’est pas seulement moi qui le dis. Dans une Description du projet de décembre 2018, la compagnie La Machine — François Delarozière, donc — décide unilatéralement ceci : « La famille d’Andréa exploite le Manège Magique (anciennement Manège Catimini). Ce manège a été également construit par François Delaroziere. Il est donc indispensable qu’il soit présent dans les jardins de la Carrière à proximité de l’Arbre pour la plus grande satisfaction de nos visiteurs. » Johanna Rolland est disposée à obéir.

* Le Dragon et le Minotaure récemment installés par La Machine, respectivement à Calais et à Toulouse, ont aussi des problèmes de fiabilité.

** Là, une curiosité : l’Arbre serait ouvert de 10:00 à 19:00, ce que La Machine compte comme… dix heures d’ouverture par jour !

Sven Jelure

#JR 2020 : Il y a des maisons pour ça

Après la pelle, la maison. Johanna Rolland nous avait initiés au maniement de la pelle. Il y avait la pelle à projet par exemple.

« Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission… »
La phrase de Clémenceau est restée célèbre. À Nantes, on fait la même chose ou presque. Ça s’appelle, par exemple, “le dialogue citoyen”. Style “cause toujours, on décide…”. L’autre astuce, c’est créer une maison. Comme, par exemple, celle de la tranquillité publique.

Y a-t-il un Nantais ou une Nantaise pour considérer que les choses vont beaucoup mieux, sur le plan de la sécurité, depuis la création d’une “maison de la tranquillité publique” ? Présentée comme une innovation forcément nantaise, cette maison a bien sûr un directeur (Lionel Edmond) et une équipe de permanents dont les horaires leur évitent d’être dérangés le week-end !   À cela s’ajoutent 30 “médiateurs de quartier”, répartis sur huit secteurs de la ville. Leur mission ? “Prévenir les tensions” ou encore “apaiser les conflits par le dialogue”. Ce qui n’a pas empêché de voir les règlements de comptes se multiplier à Malakoff, à Bellevue, à Nantes Nord ou au Breil depuis quelques années. Echanges de coups de feu, morts, blessés, le plus souvent, sans témoins… Les médiateurs devaient être de repos.

Maisons de campagne

Que la Maison de la tranquillité publique n’ait pas eu d’effets bénéfiques sur le climat nantais semble une évidence. Cela n’empêche pas la candidate-à-sa-succession  de prévoir, dans son programme, d’en étendre les services. En clair, on prévoit d’embaucher quelques médiateurs supplémentaires. Avec, en prime, la création d’un “correspondant d’aide aux victimes” (sic). Promis, si #JR2020 l’emporte, les victimes de violences y trouveront leur lot de consolations…

Inutile de revenir sur l’intérêt des maisons de quartiers : avec les mairies annexes, elles sont généralement les premières victimes des tensions dans les banlieues. Toujours pas de bilan chiffré, à ce jour, concernant les dégâts occasionnés par les émeutes du début juillet 2018 à Bellevue, au Breil, aux Dervallières ou à Malakoff. Dans ces quartiers, les nuits calmes sont devenues de plus en plus rares. Mais qu’importe, on prévoit une nouvelle maison de quartier à La Halvèque. Et on va rénover la maison festive de la Roche à Malakoff.

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Sans doute agacée d’avoir vu Jacques Auxiette créer une “maison régionale de la longévité et de l’autonomie” dont on se demande à quoi elle sert réellement (son agenda est désespérément vide…) et Philippe Grosvalet inaugurer une maison départementale des personnes en situation de handicap, Johanna Rolland a imaginé de “créer une maison de la longévité et des générations”. L’objectif : créer “un guichet unique de l’ensemble des services existants”. Présentée comme ça, l’initiative semble pertinente. Au moins tout autant que le regroupement de services au sein de Nantes Métropole qui devait se traduire par des économies de fonctionnement. Le contribuable aura juste eu droit à une ligne supplémentaire de prélèvement sur sa feuille d’impôts locaux !

Gens de (la) maison

Aucun secteur n’échappe à cette frénésie d’ouvrir des maisons pour tout… ou presque. #JR2020 prévoit ainsi l’ouverture d’une maison de l’entreprise, histoire de centraliser “les ressources et les dispositifs d’aides à destination des entrepreneurs”. Une initiative que la Ville ne porterait pas seule, la CCI et les acteurs du territoire étant associés à la démarche.

À défaut d’une maison de quartier, ce bout d’île de Nantes proche des Machines affiche une concentration de “maisons” : la Maison de l’autonomie susnommée, la Maison des adolescents, la Maison de l’avocat… Une concentration qui a visiblement inspiré le boulanger du quartier. Le nom de sa boutique ? La Maison, tout simplement !

À défaut de loger celles et ceux qui cherchent un toit, ces différentes maisons permettent au moins d’offrir un travail à quelques “amis” fidèles. Jacques Auxiette, alors président du Conseil régional, n’avait-il pas créé lui aussi une maison (Design’In Pays de la Loire) pour y recaser son ancien directeur de cabinet ? Si ce “machin”  – qui avait pour but de “développer le design dans les entreprises et les organisations publiques” – a aujourd’hui disparu, la technique reste éprouvée. Pour tenir ces établissements, il faut des gens de maison !

Dans la tradition (socialiste ?) de placer ainsi des fidèles, le programme de Johanna Rolland n’oublie pas les amis de l’UDB. Il est ainsi envisagé de « créer un espace dédié au commerce et à l’artisanat made in Naoned ». Le micro-parti breton devrait pouvoir y loger l’ensemble de ses militants !