Bilan du tourisme à Nantes : opaque mais modeste

Les cars du Voyage à Nantes devant la cathédrale Saint-Pierre

Pour le Conseil des acteurs du tourisme, au mois de février, le Voyage à Nantes avait préparé un bilan de fréquentation très flatteur. Trop ? Le Voyage à Nantes traîne derrière lui une longue tradition de bilans douteuxerronés, ou même franchement trafiqués. Pourtant, de toute évidence, 2019 a été une bonne année pour la fréquentation touristique à Nantes. Comme dans beaucoup de villes.

Les nuitées d’hôtellerie ont augmenté de 4,7 % entre 2018 et 2019. Presque aussi bien qu’à Bordeaux, où elles ont augmenté de 4,8 %. Au fait, Bordeaux précise qu’il s’agit de nuitées « taxées ». En effet, les demandeurs d’asile et les mineurs non accompagnés logés dans des hôtels ne paient pas de taxe de séjour. Leur nombre a énormément augmenté à Nantes depuis quelques années ; ils représentent des milliers de nuitées, qui peuvent peser lourd dans les statistiques. Le Voyage à Nantes ne précise pas si les siennes couvrent toutes les nuitées ou seulement les nuitées taxées. En tout cas, la progression de l’hôtellerie nantaise est due pour une bonne part aux étrangers.

Pourquoi le Voyage à Nantes présente-t-il le nombre de nuitées comme un indicateur essentiel ? Ce nombre ne révèle qu’une partie de la réalité du tourisme à Nantes, puisque les gens qui logent à l’hôtel ne sont pas tous des touristes. Sans même évoquer les demandeurs d’asile, on y trouve des voyageurs de commerce, des familles en visite chez les cousins, des salariés en formation, etc. Mais le nombre de nuitées présente quand même un avantage sérieux : c’est à peu près le seul chiffre sûr dont on dispose.

Des données peu fiables

Le reste est calculé par l’Auran. Cette agence d’urbanisme de la région nantaise est présidée par l’ex député socialiste Patrick Rimbert et dirigée par Benoît Pavageau, qui fut directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault. Non spécialiste des enquêtes, elle se débrouille avec une méthode maison, qui associe mailing sur adresses électroniques recueillies par le VAN, mailing sur la base de contact du VAN et questionnaires en face-à-face sur le terrain en été. Une enquête analogue avait déjà eu lieu en 2014 ; il était bien temps de réactualiser les données ! En 2014, cependant, l’enquête par questionnaire effectuée auprès de 791 passants avait occupé trente-cinq « journées enquêteurs ». En 2019, dix-sept journées seulement. On peut donc supposer que le nombre de personnes interrogées en 2019 doit être de l’ordre de 384 (difficile de faire mieux, sauf à consacrer moins de 18,5 minutes à l’administration et au traitement de chaque questionnaire). Un tout petit échantillon donc. Et, comme il est formé de personnes hélées dans la rue, sa représentativité est très incertaine.

Faisons néanmoins semblant de prendre pour argent comptant les statistiques présentées. Selon elles, 71 % des touristes de passage à Nantes séjournent en hébergement payant. Par ailleurs, chaque touriste séjourne en moyenne 3,7 nuits à Nantes et 660.288 nuitées ont été enregistrées pendant l’été 2019. Nantes aurait donc vu passer 251.346 touristes pendant cette période. Dont 185.996 (74 %) viendraient pour faire du tourisme. Le voyage à Nantes brasse plus d’air que de touristes…

Il n’y a pas que les touristes, cependant : il y a aussi les « excursionnistes » qui viennent passer à Nantes la journée mais pas la nuit. Selon l’« estimation des grands volumes de fréquentation estivale 2019 » établie par l’Auran, les excursionnistes sont deux fois moins nombreux que les touristes, soit 125.673. Parmi eux, 10 % sont seulement en transit, 10 % sont de passage pour La Loire à vélo et 33 % viennent visiter des parents ou des amis. Il n’en resterait donc que 47 % (59.066) venus pour voir la ville. Parmi eux, seulement 20.108 (16 % des excursionnistes) seraient venus pour l’événement estival Voyage à Nantes.

Un Voyage très surévalué

Entre les touristes et les excursionnistes, le Voyage à Nantes aurait donc attiré dans la ville l’été dernier 185.996 + 59.066 = 245.062 visiteurs ! Petit rappel ironique : Dans le numéro 215 de Nantes Passion, on pouvait lire ceci : « Avec 2,7 millions de visiteurs annuels estimés en 2010, Nantes est une des seules destinations touristiques françaises à se maintenir dans ce contexte de crise ».

Les amateurs de chiffres pourront s’amuser à calculer les retombées économiques du Voyage à Nantes d’après les statistiques de l’Auran. L’exercice sera cependant théorique, vu le peu de fiabilité de l’échantillon enquêté. Ainsi, selon l’Auran, les dépenses des excursionnistes s’élèveraient à 37 euros par jour et par personne. L’enquête de 2014 les avait estimées à 27 euros. Le Voyage à Nantes les chiffrait à 42 euros en 2012. Des écarts d’une ampleur peu vraisemblable.

En guise de conclusion, un dernier chiffre quand même. Jean Blaise et le Voyage à Nantes prétendaient faire de Nantes la cinquième destination touristique française. « On est armés pour entrer dans le Top 5 des destinations françaises », répétait encore Aurélie Péneau, directrice marketing de Nantes Tourisme en 2014. L’échec est patent. Le tourisme à Nantes progresse parce que le tourisme progresse partout : la marée soulève tous les bateaux à la fois.  Mais les budgets confiés au Voyage à Nantes pour réaliser son opération estivale et promouvoir la ville en France et à l’étranger sont très peu efficaces.

Sven Jelure

Johanna Rolland : le chant des 1 000…

Et merci encore chantent-ils en cœur...

Dans la dernière ligne droite avant le premier tour, chacune des candidates bat le rappel de ses soutiens. Et là, il n’y a pas photo : Johanna Rolland fait la course en tête. Au point de publier une liste des “mille premiers soutiens” à sa candidature ! Une liste forcément longue de soutiens sans surprises mais où certaines absences interrogent malgré tout.

Ce n’est pas une surprise, par exemple, de retrouver Jean-Marc Ayrault, “ancien maire de Nantes, ancien Premier ministre”, en première ligne des soutiens à celle à qui il a cédé son fauteuil de bourgmestre.  À ses côtés quelques autres retraités. Du monde du football avec Japhet N’Doram, du monde de la climatologie avec Jean Jouzel ou de la politique locale avec Alain Chenard (83 ans), ancien maire de Nantes, Jean-Marie Pousseur (86 ans), ancien adjoint de Jean-Marc Ayrault ou Jacques Auxiette (80 ans), ancien président du Conseil régional. Autres soutiens de poids, les maires de Charleroi, de Hambourg ou de Lisbonne. Ce qui fait plus chic que d’être soutenue par Anne Hidalgo ou par le Nazairien David Samzun.

On retrouve, dans cette liste, nombre d’obligés de la Ville de Nantes : celles et ceux qui doivent beaucoup (de subventions…) à Johanna Rolland. Au premier rang desquels, Jean Blaise, patron du Voyage à Nantes, Patrick Gyger, directeur du lieu unique, Éric Boistard, boss de Stéréolux… On y trouve aussi Karine Daniel, battue aux législatives de 2017, et aujourd’hui directrice du fonds de dotation de l’Arbre aux hérons (avec le salaire qui va avec cette haute responsabilité) et un certain Karim Ammour, chef d’orchestre d’Urban Voices, une association présidée par Franck Barrau, présent sur la liste de… Julie Laernoes ! Ajoutons pour l’anecdote, parmi ces soutiens à Johanna Rolland, la présence de Maud Raffray, ancienne secrétaire du Van et, aujourd’hui “activatrice d’égalité femmes-hommes” (ça ne s’invente pas !).

S’il y a des soutiens attendus, d’autres sont étrangement absents. Ni François Delarozière, ni Pierre Oréfice ne sont , par exemple, présents parmi ces “1 000 premiers soutiens”. Eux aussi doivent pourtant beaucoup à Johanna Rolland. Mais sans doute leur présence aurait-elle relancé le débat qui fâche sur le projet d’Arbre aux hérons. Le directeur de la compagnie des Machines et son bras droit n’en espèrent pas moins que la Ville (et les contribuables !) continueront à soutenir un projet dont ni Julie Laernoes (Nantes ensemble), ni Margot Mektour (Nantes en commun) ne veulent entendre parler.

Si on a voulu éviter les “couacs” dans ce chant des 1000, les lendemains de scrutin s’annoncent moins harmonieux.

 

 

Transports publics : le mauvais coût de la gratuité

Tramways nantais

Demain, on rase gratis. Les campagne électorales se suivent mais les bonnes (?) recettes ne changent pas : on y promet des lendemains qui chantent. Par exemple, pour les transports publics. Gratuits pour tout le monde le week-end ou gratuits, tout le temps, pour les moins de 26 ans. Sauf que la gratuité a un coût et que, là, les estimations restent fantaisistes.

Même les estimations du très sérieux ( ?) Institut Montaigne, reprises par Ouest-France (en date du 4 mars), sont à prendre avec précaution. Dans les “promesses de campagne passées au crible”, le coût réel de la gratuité des transports est en effet minoré. On ne prend en effet en compte que la conséquence mécanique (le manque à gagner en achat de tickets) d’une telle mesure.  Or, quelle serait la première conséquence de la gratuité ? Une fréquentation plus importante des transports publics. Les élus –qui ne prennent ni le tramway ni le bus – doivent ignorer l’état de saturation du réseau. Sans augmentation du nombre de trams et de bus et sans amélioration de leur fréquence, la gratuité pourrait être rapidement contre-productive et dégoûter à jamais l’usager potentiel d’avoir recours à ce mode de transport. Les effets induits (et leur coût !) sont étrangement passés sous silence.

Oubliant le coût des investissements nécessaires à la gratuité, en personnels et en matériels, l’Institut Montaigne a néanmoins calculé le coût des mesures annoncées : 17 millions d’euros pour la gratuité du week-end, promise par Johanna Rolland, 20 à 23 millions d’euros pour la gratuité promise aux moins de 26 ans par Julie Laernoes.

Après une simple observation de bon sens – la gratuité a bien un coût – se pose une question toute simple elle aussi : où trouve-t-on l’argent ? Pas question d’annoncer une augmentation de la fiscalité. Pourtant, l’heureuse (?) élue n’aura pas d’autre choix. À moins de faire des économies ailleurs. Mais personne ne vous dira où et comment on trouvera ces dizaines de millions.

Conclusion que ne donne pas l’Institut Montaigne : la gratuité n’est pas forcément un bon coup.

Tout est mini dans notre vie…

C'est vrai que ce n'est pas grand. Mais il ne faut pas oublié qu'en 1998, la Ville de Nantes avait baptisé Copacabana les deux terrains de beach-volley du cours saint-André :)Et toujours des idées incroyables :)

Hier, il était de bon ton de voir grand. Désormais, plus c’est mini, plus c’est joli. Prenez une forêt, par exemple, celle du Gâvre ou de Mervent. Quelle horreur ! Tous ces arbres… on pourrait s’y perdre ! Alors qu’une mini-forêt, c’est vert et, comme son nom l’indique, c’est petit. Riquiqui même. Mais c’est dans l’air du temps.

On va ainsi planter 690 arbres sur le site de Transfert à Rezé. Le projet devrait occuper… 230 mètres carrés ! Pas question de “geler” une zone appelée à être urbanisée dans quelques années. On va donc, sur cette modeste surface, planter 3 arbres au mètre carré ! Un pépiniériste sérieux vous expliquera qu’un pommier, par exemple, a besoin pour se développer de 5 à 10 mètres d’espacement en tout sens. Plus économe que le peuplier auquel il faut un minimum de 7 mètres d’espacement en tout sens.

Mais tout ça, c’était avant le concept de Mini Big Forest (chaque mot à son importance !) qui fait la promo de ces “forêts urbaines participatives”. Tellement participatives, ces forêts, qu’il faut bien le soutien de Nantes Métropole (et des contribuables !) pour soutenir le projet de cette association. Plusieurs “mini-forêts” ont été installées dans l’agglomération nantaise, dont l’une dans le quartier du Clos Toreau à Nantes.

La nature en ville est à la mode. Et la solution dorénavant trouvée avec ces mini-forêts. Un concept qui permet de bétonner et bitumer l’ancienne allée Duguay-Trouin, par exemple, en laissant de-ci, delà un mètre carrée de terre pour y planter une mini-forêt. Astucieux, non ?

Cet escalier, une œuvre d’art ? Faut pas charier !

Charier, nouveau mécène de l'Arbre aux hérons

L’escalier du Jardin extraordinaire, en chantier au fond de la carrière de Miséry, dans le Bas-Chantenay, a été dessiné par François Delarozière. Un homme lui aussi extraordinaire : tout ce qu’il touche, ou du moins tout ce qu’il vend, se transforme en œuvre d’art.

Devant le chantier, un panneau a été dressé. Il cite tous les participants au projet. Une main anonyme y a écrit : « POURQUOI PERSONNE NE NOUS DIT COMBIEN ÇA NOUS COÛTE ? ». Question vulgaire ! Quand il est question d’art, n’est-ce pas, on ne compte pas.

 

Le panneau du chantier de l’escalier du jardin extraordinaire

Un escalier, normalement, est fait pour être monté et/ou descendu. Il peut parfois avoir aussi une valeur artistique, tel le grand escalier de Chambord. Mais l’escalier du Jardin extraordinaire, c’est l’inverse : une œuvre d’art, sur laquelle le vulgum pecus pourra en plus poser les pieds.

Cette qualification est tout à fait officielle. Nantes Métropole a publié au mois de mai dernier un avis de marché portant sur la « maîtrise d’œuvre de la réalisation, sur le site de l’ancienne carrière Misery à Nantes, de l’œuvre d’art dénommée ‘Escalier du Jardin extraordinaire’ ». Il s’agit donc bien d’une œuvre d’art appelée « escalier » et pas d’un escalier comportant des éléments artistiques.

N’empêche que les citoyens pourront se balader sur cette construction métallique accrochée à une paroi rocheuse haute comme un immeuble de huit étages (et orientée plein Sud dans un site où la température est déjà réputée supérieure de 4 degrés à celle des environs). Est-il bien raisonnable de confier ce genre de réalisation à un artiste ? Qu’on se rassure : l’essentiel du travail sera fait par des pros. La maîtrise d’œuvre est assurée par Géolithe, une entreprise savoyarde experte en belvédères, tyroliennes et autres installations montagnardes, et ECTS, un bureau d’études rezéen spécialiste des structures en métal.

Le rôle de François Delarozière est néanmoins capital : un marché public qui a pour objet la création d’une œuvre d’art peut être passé sans mise en concurrence préalable (article R2122-3 du code de la commande publique). Le prix se négocie en direct entre l’acheteur et le fournisseur. Ce qui pourrait évidemment donner lieu à bien des tentations. Heureusement, ni François Delarozière, ni Nantes Métropole ne sont du genre à y céder.

Quant aux entreprises impliquées, certaines font même preuve de leur désintéressement avec de copieux budgets de mécénat. Prenez Charier Génie Civil, grosse entreprise de Loire-Atlantique qui vient de mettre en place un immense échafaudage couvrant la paroi de la carrière de Misery. Elle vient justement de mécéner le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons, et pas qu’un peu : compris entre 200.000 et 499.000 euros, son don lui vaut le titre de « Héron Goliath ».

Sven Jelure

Arbre aux hérons : plus d’accompagnement

#JR2020 : Que serais-je sans elle

Il y a beaucoup d’arbres dans les 189 mesures du programme municipal de Johanna Rolland. Les 25.000 arbres et arbustes promis au n° 13, d’abord, qui prendront plus de place sur le terrain que sur le papier. Et puis évidemment l’Arbre aux Hérons, serpent de mer municipal évoqué depuis 2004. Reléguée vers la fin du classement, au n° 151, la mesure le concernant se veut quand même ambitieuse : « Accompagner l’installation de l’Arbre aux Hérons (financement 1/3 Nantes métropole, 1/3 entreprises privées et 1/3 autres partenaires publics) : une offre de loisirs pour les familles, vitrine du savoir-faire et de l’inventivité nantaise à l’international. »

Là, franchement, il faudrait une explication de texte. L’accompagnement des mourants, par exemple, on voit de quoi il s’agit. L’accompagnement des Arbres aux Hérons, mystère. Quelle peut être cette « vitrine du savoir-faire et de l’inventivité nantaise à l’international » ? La dernière grande invention nantaise à l’international, c’était le commerce triangulaire. On ne va quand même pas s’y remettre ? Déjà que le site de l’Arbre se trouve « dans le prolongement du quai de la Fosse »

Mais l’international, à Nantes, on y tient. L’Arbre aux Hérons « va nous donner une visibilité mondiale », récite Frédéric de Boulois, président des hôteliers de Loire-Atlantique, cité par Ouest-France. Attirer un public international, c’était déjà l’objectif officiel des Machines de l’île quand Nantes Métropole a décidé de les réaliser, le 18 juin 2004. Quant au Voyage à Nantes, lors de sa création en 2011, il avait pour objectif proclamé de « faire de Nantes une métropole touristique internationale ». Ces deux créations de Jean-Marc Ayrault ont donc raté leur coup, puisque l’Eldorado international reste à atteindre. Mais pourquoi l’Arbre réussirait-il là où ses auteurs ont déjà échoué ?

Une attraction mondiale fermée plus de trois jours sur sept

Parce qu’il sera « accompagné », sans doute ! On savait déjà que l’attraction exigerait de nombreux aménagements : semi-destruction de Cap44 pour lui ouvrir une vue sur Loire, navette fluviale forcément déficitaire depuis le Hangar à bananes, nouvelles lignes de transports en commun, parking, modification des voies de circulation… Il y en a pour des millions d’euros et, là, pas question de demander à des entreprises privées de payer un tiers de la facture : elle sera plein pot à la charge des contribuables métropolitains.

En plus des aménagements, il faudra des accompagnements. Car l’Arbre sera incapable de jouer seul un rôle d’attraction touristique internationale. Un « dossier de présentation des premières hypothèses d’exploitation et de sécurité » établi en juillet 2018 par l’association La Machine prévoit qu’il sera exploité… 203 jours par an.

On comprend pourquoi. L’Arbre sera exposé à toutes les intempéries. La pluie dégoulinera de branche en branche. Et il sera exclu de faire tournoyer des passagers à 40 mètres en l’air les jours de grand vent. L’attraction sera donc fermée de la fin des vacances de la Toussaint au début des vacances de Pâques, sauf pendant les vacances de Noël – qui bénéficieront sûrement d’une météo idéale. Il est probable que l’Arbre sera fermé aussi les jours de grande chaleur, à l’instar du toboggan du château des ducs de Bretagne, quand le métal chauffé par le soleil dépassera les 40 degrés. De quoi faire tomber le nombre des jours d’ouverture bien au-dessous de 200.

Des 203 jours d’ouverture théoriques, il faudra aussi retrancher les jours de panne. Quand on pense à la médiocre fiabilité de l’Éléphant*, pourtant pas plus complexe qu’une moissonneuse-batteuse, on frémit à la pensée de ce qui pourrait arriver à l’Arbre et à ses deux ascenseurs. Même les jours « sans », pourtant, il faudra payer sa cinquantaine de salariés.

Un accompagnement inéluctable

Quand l’Éléphant défaille, les visiteurs se rabattent sur la Galerie des Machines et le Carrousel des mondes marins (à propos, les Machines de l’île, elles, sont ouvertes plus de 300 jours par an). L’Arbre aux Hérons n’a pas de roue de secours. Le Jardin extraordinaire ? C’est comme si l’on demandait à un enfant privé de promenade sur l’Éléphant de se consoler en contemplant la grue jaune… Il va bien falloir prévoir une attraction de rechange pour les jours de fermeture.

Même sans panne et par temps doux, d’ailleurs, l’Arbre devra être accompagné. Les Hérons, son attraction majeure, auraient une capacité maximale de 100 visiteurs à l’heure, soit 900 par jour en période estivale, 300 pendant les vacances de Noël. Les autres visiteurs devront se contenter des jardins suspendus. Mais la capacité de ceux-ci ne dépasse pas 400 personnes, et l’on espère vendre jusqu’à 3.000 billets par jour en été, avec neuf heures de fonctionnement par jour**. À supposer que les visiteurs soient également répartis de 10:00 à 19:00 (on peut toujours espérer…), chacun d’eux ne devra pas passer plus de 1:12′ sur l’Arbre en moyenne. Il faudra leur proposer une autre occupation. L’« accompagnement » prévu — mais non chiffré — par Johanna Rolland serait donc inéluctable.

Ce n’est pas seulement moi qui le dis. Dans une Description du projet de décembre 2018, la compagnie La Machine — François Delarozière, donc — décide unilatéralement ceci : « La famille d’Andréa exploite le Manège Magique (anciennement Manège Catimini). Ce manège a été également construit par François Delaroziere. Il est donc indispensable qu’il soit présent dans les jardins de la Carrière à proximité de l’Arbre pour la plus grande satisfaction de nos visiteurs. » Johanna Rolland est disposée à obéir.

* Le Dragon et le Minotaure récemment installés par La Machine, respectivement à Calais et à Toulouse, ont aussi des problèmes de fiabilité.

** Là, une curiosité : l’Arbre serait ouvert de 10:00 à 19:00, ce que La Machine compte comme… dix heures d’ouverture par jour !

Sven Jelure

#JR 2020 : Il y a des maisons pour ça

Après la pelle, la maison. Johanna Rolland nous avait initiés au maniement de la pelle. Il y avait la pelle à projet par exemple.

« Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission… »
La phrase de Clémenceau est restée célèbre. À Nantes, on fait la même chose ou presque. Ça s’appelle, par exemple, “le dialogue citoyen”. Style “cause toujours, on décide…”. L’autre astuce, c’est créer une maison. Comme, par exemple, celle de la tranquillité publique.

Y a-t-il un Nantais ou une Nantaise pour considérer que les choses vont beaucoup mieux, sur le plan de la sécurité, depuis la création d’une “maison de la tranquillité publique” ? Présentée comme une innovation forcément nantaise, cette maison a bien sûr un directeur (Lionel Edmond) et une équipe de permanents dont les horaires leur évitent d’être dérangés le week-end !   À cela s’ajoutent 30 “médiateurs de quartier”, répartis sur huit secteurs de la ville. Leur mission ? “Prévenir les tensions” ou encore “apaiser les conflits par le dialogue”. Ce qui n’a pas empêché de voir les règlements de comptes se multiplier à Malakoff, à Bellevue, à Nantes Nord ou au Breil depuis quelques années. Echanges de coups de feu, morts, blessés, le plus souvent, sans témoins… Les médiateurs devaient être de repos.

Maisons de campagne

Que la Maison de la tranquillité publique n’ait pas eu d’effets bénéfiques sur le climat nantais semble une évidence. Cela n’empêche pas la candidate-à-sa-succession  de prévoir, dans son programme, d’en étendre les services. En clair, on prévoit d’embaucher quelques médiateurs supplémentaires. Avec, en prime, la création d’un “correspondant d’aide aux victimes” (sic). Promis, si #JR2020 l’emporte, les victimes de violences y trouveront leur lot de consolations…

Inutile de revenir sur l’intérêt des maisons de quartiers : avec les mairies annexes, elles sont généralement les premières victimes des tensions dans les banlieues. Toujours pas de bilan chiffré, à ce jour, concernant les dégâts occasionnés par les émeutes du début juillet 2018 à Bellevue, au Breil, aux Dervallières ou à Malakoff. Dans ces quartiers, les nuits calmes sont devenues de plus en plus rares. Mais qu’importe, on prévoit une nouvelle maison de quartier à La Halvèque. Et on va rénover la maison festive de la Roche à Malakoff.

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Sans doute agacée d’avoir vu Jacques Auxiette créer une “maison régionale de la longévité et de l’autonomie” dont on se demande à quoi elle sert réellement (son agenda est désespérément vide…) et Philippe Grosvalet inaugurer une maison départementale des personnes en situation de handicap, Johanna Rolland a imaginé de “créer une maison de la longévité et des générations”. L’objectif : créer “un guichet unique de l’ensemble des services existants”. Présentée comme ça, l’initiative semble pertinente. Au moins tout autant que le regroupement de services au sein de Nantes Métropole qui devait se traduire par des économies de fonctionnement. Le contribuable aura juste eu droit à une ligne supplémentaire de prélèvement sur sa feuille d’impôts locaux !

Gens de (la) maison

Aucun secteur n’échappe à cette frénésie d’ouvrir des maisons pour tout… ou presque. #JR2020 prévoit ainsi l’ouverture d’une maison de l’entreprise, histoire de centraliser “les ressources et les dispositifs d’aides à destination des entrepreneurs”. Une initiative que la Ville ne porterait pas seule, la CCI et les acteurs du territoire étant associés à la démarche.

À défaut d’une maison de quartier, ce bout d’île de Nantes proche des Machines affiche une concentration de “maisons” : la Maison de l’autonomie susnommée, la Maison des adolescents, la Maison de l’avocat… Une concentration qui a visiblement inspiré le boulanger du quartier. Le nom de sa boutique ? La Maison, tout simplement !

À défaut de loger celles et ceux qui cherchent un toit, ces différentes maisons permettent au moins d’offrir un travail à quelques “amis” fidèles. Jacques Auxiette, alors président du Conseil régional, n’avait-il pas créé lui aussi une maison (Design’In Pays de la Loire) pour y recaser son ancien directeur de cabinet ? Si ce “machin”  – qui avait pour but de “développer le design dans les entreprises et les organisations publiques” – a aujourd’hui disparu, la technique reste éprouvée. Pour tenir ces établissements, il faut des gens de maison !

Dans la tradition (socialiste ?) de placer ainsi des fidèles, le programme de Johanna Rolland n’oublie pas les amis de l’UDB. Il est ainsi envisagé de « créer un espace dédié au commerce et à l’artisanat made in Naoned ». Le micro-parti breton devrait pouvoir y loger l’ensemble de ses militants !

 

#JR2020 : Toujours plus de promesses

Nantes plus vous en dit plus

Tiens donc, pourquoi 189 propositions ? Manque de souffle ? Manque d’inspiration ? Ayrault, lui, avait atteint les 200 pour sa campagne de 2008.  N’empêche, pour briguer un second mandat, #JR2020 n’a pas ménagé sa peine. Au risque de proposer des mesures qui ne dépendent pas de la Ville ou de donner, à nouveau, le sentiment de préparer quelques places au chaud pour les “fidèles” militants d’un système mise en place depuis une trentaine d’années !

Demain, à lire le programme de la candidate-à-sa-succession, “Nantes doit respirer la santé”, “Nantes doit lutter contre le réchauffement climatique”, à Nantes, “la sécurité doit être un droit pour tous”, Nantes doit mettre en place “de nouveaux services publics dans les quartiers”, “Nantes doit être une ville protectrice et émancipatrice”… Et on vous en passe. On jurerait le programme d’une opposante à la gestion actuelle ! Si on vous (re)dit “ça ira mieux demain”, c’est que la réalité est loin d’être aussi brillante qu’on l’espérait. Celles et ceux qui pensent que tout va bien à Nantes ne peuvent qu’être déçus par le programme de Johanna Rolland.

Planter 11 arbres par jour

Difficile de faire le tri dans l’avalanche de promesses de la candidate-à-sa-succession. La 13e proposition prévoit, par exemple, de planter “25 000 arbres et arbustes”. Soit 11 par jour, samedis et dimanches compris. Les services des espaces verts vont devoir embaucher !  D’autant que le vert étant à la mode, il faut aussi “créer 150 îlots de fraicheur” et “végétaliser la ville en supprimant tous les m2 de bitume inutile”. Pas question quand même de raser Uniqlo pour reconstituer le square Fleuriot de Langle deux ans après sa destruction.

Autre proposition de Johanna Rolland, “créer un parc nourricier, naturel et cultivé” sur les hectares dégagés par le transfert du CHU. Poireaux, carottes, radis, courges et laitues sur des hectares en plein centre-ville ! Reconstituer en somme un peu des tenues maraîchères urbanisées ces dernières décennies dans toute l’agglomération (et vlan ! pour Jean-Marc !). Ces terrains ayant été estimés par les Domaines à 40 millions d’euros (chiffre confirmé par Alain Robert), on n’ose pas imaginer le prix de revient d’un kilo de carottes ou de pommes de terre. Sans parler  de la gestion, au quotidien, d’un tel “parc nourricier”.

En Vert et contre tout

L’objectif est moins de prendre des engagements crédibles que de donner des gages aux (futurs ?) alliés écolos. Ainsi est-il prévu de “passer de 250 à 500 km de rues en zone piétonne”. Il y aurait donc, dans la ville de Nantes, 250 km de zone piétonne (page 9 du programme), soit 9 % des voiries de l’aire métropolitaine tout entière (https://www.nantesmetropole.fr/deliberations/co_20160226/08_20160226_CM_DELA_SDA_2016_annexe.pdf ) ! 250 km, c’est près de 6 fois la longueur du périphérique ! Johanna Rolland ne dit rien de celui ou celle qui a fait ce (savant ?) calcul mais elle promet de passer à 500 km, soit la distance de Nantes à Bayonne ! Peut-être le souhait inavoué de mettre Nantes en marche… ou à pied, si vous préférez.

Faut-il parler des promesses qui ne coûtent rien… sinon aux contribuables . Comme la “gratuité des transports en commun le week-end” et “la baisse de 20% de tous les abonnements”. À se demander pourquoi ces abonnements ont augmenté depuis six ans. Autre engagement : “créer  7 000 places de stationnement vélo”. Bonne idée en effet, qui aurait été encore meilleure si on l’avait eue avant d’aménager  la nouvelle gare ou de refaire les abords de grandes équipements actuels comme le CHU, le théâtre Graslin ou le Hangar à bananes.

Rien n’échappe au projet de créer “une ville nature”. Il est également prévu d’aménager “30 hectares de toits et murs végétalisés”.  Où ? Comment ? Pourquoi pas 50 hectares ? Ou 130 ? Qu’importe. Il s’agit de “favoriser l’écologie urbaine”.

Johanna, petit bras ?

“Nantes en confiance, c’est le contrat que je vous propose… un nouveau contrat écologique et social”. On y trouve tout ou presque. Pas question, bien sûr, d’oublier les quartiers. Quitte à enfoncer les portes ouvertes. Comme cette décision de “transformer les mairies annexes en maries de quartiers (proposition 99)  ou “développer des lieux d’activité économique et commerciale dans les quartiers”. Ou encore annoncer l’ouverture de maisons de santé à Nantes Nord et à Bellevue, sans doute pour compenser la fermeture de celle de Malakoff  il y a quelques mois, pour des raisons de sécurité : les personnels ne pouvaient plus y travailler. Mais qu’importe.

On y trouve aussi des “mesures” qui ne dépendent pas vraiment de la Ville et dont on voit mal la mise en œuvre pratique. #JR2020 promet, pêle-mêle, de “lutter contre les perturbateurs endocriniens”, de “renforcer la lutte contre la précarité étudiante”, d’“ouvrir un guichet SOS stages pour tous”. Ou encore d’offrir “une solution de réhabilitation énergétique à coût zéro pour les ménages les plus modestes”, mesure pratiquement mise en place au plan national. Même Alexis Corbière a pu en bénéficier !

À lire le détail de ce programme, on se dit que la bureaucratie à encore de beaux jours devant elle. On y trouve tout (ou presque) et n’importe quoi. Y compris, par exemple, de “renforcer le pôle métropolitain Loire-Bretagne” entre Angers, Brest, Rennes, Saint-Nazaire et Nantes. C’était déjà l’un des objectifs de Jean-Marc Ayrault…  il y a une trentaine d’années. Depuis, rien n’a vraiment changé. On peut donc remettre le sujet sur la table.

189 promesses pour #JR2020. Son prédécesseur en avait affiché 200 ! Alors, petit bras, Johanna ? Qu’importe, à vrai dire, dans un cas comme dans l’autre, l’essentiel est d’en afficher un maximum. “Plus il y en a, moins les gens s’en souviennent…”, note un observateur de la vie politique locale. La promesse 126 ne manquera pas de retenir l’attention des électrices. Il s’agit d’installer “des distributeurs gratuits de protections périodiques”. Rien, me direz-vous, pour les fuites urinaires ? De quoi susciter une crise de… confiance.

La culture de l’image

James Tissot aurait peint l'arrière-grand-père de Jean Blaise lors d'un voyage à Nantes

C’est peu dire que la culture n’intéresse pas les candidates à la mairie de Nantes. Elles se sont faites (très) discrètes tout au long de la Folle journée de Nantes. Johanna Rolland aurait même boudé la conférence de presse de clôture de l’événement, laissant à David Martineau, son futur ex-adjoint à la Culture, le soin de parler d’avenir !

Mis à part des distributions de tracts en faveur de Nantes en commun et des amis de Jacques Cheminade, cette Folle Journée 2020 n’a pas été polluée par la campagne municipale. Il est vrai que, dans les différents programmes, la Culture n’est pas vraiment une priorité. Nantes n’est-elle pas la-capitale-culturelle-que-tout-le-monde-nous-envie ? Même si cette petite musique date un peu et qu’on se préoccupe davantage, depuis quelques années, de la culture de l’image…

De quoi voler dans les plumes

Faute de volonté clairement affichée et d’un programme ambitieux, Johanna Rolland avait confié en 2014 le dossier Culture à David Martineau. Très vite, l’intéressé reconnaissait que, pour lui, la culture, c’était “le cinéma, deux ou trois fois par an”. Tout était déjà dit ou presque. On continuerait simplement à maintenir, tant bien que mal, ce qui existait déjà. Le Voyage à Nantes gardait ainsi carte blanche (et gros budget !) pour une programmation dont les dernières éditions soulignaient pourtant les limites. En cours de mandat, on improvisait, à grands frais, le festival Transfert. Créée en 1999, Pick-up Production, une asso proche (très proche ?) de la mairie de Nantes, affichait des objectifs et des “valeurs” – sens du collectif, appropriation des espaces publics, goût du défi et culture de l’improvisation – qu’auraient pu revendiquer les services com de la Ville. Transfert investissait donc le site des anciens abattoirs à Rezé (tout un symbole) en 2018 pour un succès jugé “mitigé”. À l’issue de la seconde édition, l’an dernier, le constat était plus sévère encore.

Il semblait donc y avoir, sur le plan culturel, un peu de grain à moudre dans le cadre de la campagne municipale. Les Machines de l’île et le projet d’Arbre aux hérons étaient habilement présentés comme des réalisations culturelles par la candidate-à-sa-succession. Il y avait là de quoi voler dans les plumes de l’équipe en place.

Elles ne sont que deux, Julie Laernoes (EELV) et Margot Medkour (Nantes en commun), à être tout de même montées au créneau. Et à dénoncer un arbre qui cache la forêt de projets enterrés : combien d’associations culturelles aimeraient juste toucher 0,1% du budget prévu (entre 35 et… 70 millions !) pour le projet Delarozière-Oréfice ?

Laurence Garnier,  et Valérie Oppelt sortiront-elles de leur réserve ? La première, vice-présidente du Conseil Régional en charge de la Culture, a fait voter 4 millions de subvention régionale au profit de l’Arbre mais n’a plus l’air si sûre, désormais, de vouloir le faire. La seconde, candidate LREM, n’a pas de carnet de chèque à sa disposition : elle refuse d’augmenter le budget prévu. Mais ni l’une ni l’autre ne semble avoir d’opinion arrêtée sur la pertinence du projet.

Nantes au passé

Si Johanna Rolland évite de parler, par exemple, du récent fiasco Royal de Luxe à Bellevue, on pouvait imaginer que ses adversaires se montreraient plus offensives. Sur le plan culturel, #JR2020 se contente en effet de reconduire les grands lignes d’une politique dont elle a hérité en même temps que de son fauteuil à la mairie. Confirmation avec ses hommages appuyés à “monsieur le Premier ministre et cher Jean-Marc”. Il est vrai qu’il a su, avec Jean Blaise, “réveiller la belle endormie“, au début des années 90 et récupérer l’idée de la Folle journée réalisée par René Martin en 1995 en la municipalisant via une société d’économie mixte créée en 2005.

Depuis ? On continue tout simplement. Pour la Folle Journée comme pour le reste. Alors Nantes ressasse de vieux souvenirs : les Allumées (de1990 à 1995),  puis Estuaire (de 2007 à 2012), en préférant souvent oublier Trafics (1996-1997) et Fin de Siècle (1997-1999)… On y ajoute les festivals Utopiales (récupéré en 2001) et Atlantide ((à demi émergé depuis 2013). Mais, depuis, on cherche en vain les idées et projets d’envergure.

Il en va de la culture comme du sport : Nantes vit sur ses années-lumière. Il ne suffit pas d’en appeler rituellement au “jeu à la nantaise” pour faire rêver les électeurs en 2020. Les jeunes n’ont connu ni José Arribas, ni Jean-Claude Suaudeau, ni les années Blaise. Ils ignorent tout des Allumées comme des grandes heures du FCN et jugent souvent sévèrement la gestion erratique de Waldemar Kita et les résultats tout aussi aléatoires de son équipe fanion. Le seul projet sportif (?) sur lequel #JR2020 est d’accord avec Florian Le Teuff (désormais candidat sur la liste de Julie Laernoes) est la construction d’un musée de FCN ! Tout est dit : la culture à Nantes, dans les prochaines années, investira dans la construction de musées. Un nouveau musée Jules Verne (dans ce qu’il restera de Cap 44) et un musée du FC Nantes.

Il ne restera plus qu’à prévoir l’édification d’une statue de Jean Blaise pour un prochain mandat. Le directeur du Voyage à Nantes (69 ans en avril prochain) pourrait en effet prendre sa retraite prochainement. Il faisait, lui aussi, partie de l’héritage d’un passé décidément révolu. Alors, cette statue, pourquoi pas place du Pilori ? Histoire de faire un dernier pas de côté.

 

Municipales : Retour vers le futur

Une campagne mole et sans idée

Toutes les candidates sont d’accord : les municipales à Nantes sont placées sous le signe du changement. Changement et renouvellement sont même, semble-t-il, les deux mots indispensables pour faire campagne. Sauf qu’à y regarder de plus près, ce qu’on nous propose, c’est plutôt retour vers le futur.

Faut-il revenir sur la composition de la liste de Laurence Garnier ? Si la candidate LR avait voulu rassurer sa base électorale, elle n’aurait pas fait mieux. Certes, ils occupent les dernières places de sa liste mais en appeler à Annick du Roscoät (72 ans en août prochain), présente aux côtés de Michel Chauty de 1983 à 1989, il fallait oser. Les dernières prestations de l’ancienne présidente du CNIP (centre national des indépendants et paysans) bien caché furent de mener une liste aux Européennes de 2009 (où elle recueille 0,42% des suffrages exprimés) et de soutenir Sarkozy en 2012… avec le succès que l’on sait. Sur cette même liste, on retrouve une triplette de la belle ville : Loïc Le Masne de Chermont (82 ans), ancien conseiller général et adjoint de Michel Chauty, Jean Amyot d’Inville (79 ans), ancien directeur du CCO et le fringant Philippe Hervouët (73 ans en mai). Il y a certes l’âge de ces colistiers mais aussi leur côté “vieille droite nantaise” des années 80 qui en a chagriné plus d’un. Le changement, sans doute, par rapport à une gestion en place depuis 30 ans, mais le renouvellement, pas vraiment.

Les mêmes ou presque

Heureusement, Johanna Rolland annonce, elle, une liste “renouvelée à 50%”. Bigre, voilà du nouveau. Sauf qu’une lecture attentive de cette liste tempère très vite cette affirmation. Parmi les candidat.e.s qui l’accompagnent, les mieux placé.e.s sont des fidèles de toujours. Le coup de com Dantec a fait long feu. Son élection au Sénat en 2011 était apparue comme un geste généreux des grands électeurs socialistes. On voit à présent que c’était plutôt un placement de père de famille, rentabilisé juste au bon moment par son apparition en seconde position sur la liste #JR2020. Ses anciens amis écolos raillent son ralliement pour un plat de lentilles à la cantine du Sénat. Les lentilles vertes étaient en fait des lentilles corail…

Parmi les fidèles bien placés, Ali Rebouh (4e), soutien de Waldemar Kita et de Pascal Bolo réunis, et Aymeric Seassau (6e). Ce dernier a mis son drapeau du PC dans sa poche depuis quelque temps déjà et parfaitement négocié la présence, sur la liste, de camarades communistes qui, comme lui, ne pouvaient pas espérer une telle représentativité sous leurs propres couleurs. Et il en est de même pour ces autres micro-partis que sont le PRG et l’UDB, déjà présents du temps de Jean-Marc Ayrault ! Lequel n’a donc pas réussi à les phagocyter totalement : belle résilience de leur part, ou plutôt manque d’efficacité de l’ancien maire ?

Comme l’a relevé Médiacités, si Johanna Rolland affiche un tiers de socialistes sur sa liste, la plupart se retrouvent en position éligible, comme Pascal Bolo, tactiquement rétrogradé à la 14e place mais qui continuera à gérer son portefeuille de conseils d’administration, Thomas Quero ou encore Catherine Piau. Cette dernière est présentée comme “chargée de mission”. On ne rappelle pas, ici, qu’elle est la fille d’Alain Chenard,  maire de Nantes de 1977 à 1983, et qu’après avoir perdu sa place au Conseil Régional, elle a trouvé une place (et un salaire !) de cadre à la Semitan. Pour mémoire, le premier mandat de Joahnna Rolland était placé sous le signe de la “nouvelle gouvernance”. Dont acte.

Un avenir pas très rose

Malmenée sur un certain nombre de dossiers (sécurité, hôpital, aéroport…), la candidate-à-sa-succession parie sur la prime au sortant. Les élections municipales sont d’abord un scrutin local et le (ou la) maire en place, à défaut de pouvoir s’appuyer sur son bilan, bénéficie de davantage de notoriété que ses adversaires. C’est vrai pour Johanna Rolland comme pour les autres maires socialistes de l’agglo. Même si les résultats s’annoncent incertains à Rezé ou La Chapelle-sur-Erdre.

À Nantes, c’est la liste de Julie Laernoes qui inquiète les caciques de l’hôtel de ville. La candidate écolo a rallié à sa cause quelques renforts de poids. Comme Florian Le Teuff dont le nom reste attaché à la défense du FCN et au combat contre le YelloPark, projet défendu bec et ongles par Pascal Bolo et Johanna Rolland. Ou encore Christophe Jouin, l’un des fondateurs de l’Autre Cantine et défenseur de la cause des migrants mais aussi celui qui a “enfariné” Johanna Rolland, place de la Petite Hollande.

Outre que la liste EELV recèle beaucoup de jeunes militant.e.s associatifs, engagé.e.s dans leurs quartiers, on trouve aussi quelques personnalités de poids. Comme François Prochasson, un ancien de la mairie de Paris et un “pro” des problématiques de transport, François Gabory, le “monsieur Culture” de la liste : le directeur du Jardin de Verre à Cholet préside en effet Le chainon manquant en Mayenne. Sur la liste, également, Franck Barrau, ancien journaliste à Ouest-France avant de rejoindre le service communication de la mairie de Nantes…

Il n’en faut pas davantage pour crisper l’équipe de Johanna Rolland. Les Verts sont accusés d’avoir franchi la ligne… rouge. On imagine déjà les discussions au soir du premier tour. Julie Laernoes a toujours dit qu’elle briguait l’alternance et n’entendait pas négocier. Qu’en sera-t-il si elle arrive en seconde position le 15 mars ? Y aura-t-il une triangulaire (PS, EELV, LR ou LREM) avec les incertitudes liées au report des voix ? En tout état de cause, l’avenir ne s’annonce par rose pour Johanna Rolland. Avec qui, en effet, pourrait-elle composer une équipe cohérente ? Pour quel programme ? Celle qui demande aux Nantais de voter pour elle “en confiance” finirait par en manquer…

Le saut dans l’inconnu

Mais (?) le choix ne se limite pas à un choix Rolland, Laernoes ou Garnier. Il y a la liste LREM emmenée par Valérie Oppelt. Celle-ci n’est pas tout à fait une inconnue. Elle a été élue députée dans la foulée des présidentielles avant de disparaître des écrans radar. Réapparue à l’approche des municipales, elle se retrouve à la tête d’une liste totalement nouvelle. Et pour cause ! En dehors de Mounir Belhamiti, son numéro 2, conseiller métropolitain et député suppléant de François de Rugy, d’Hervé Grélard et Erwan Huchet, eux aussi conseillers municipaux et métropolitains, de Christian Brisset et de la transfuge du PS, Claude Seyse, peu ou pas de têtes connues dans le bestiaire politique local. Il ne suffit pas d’estampiller sa liste “Nantes avec vous” pour véritablement rassembler : “avec vous” peut aussi signifier… sans les autres !

À Nantes ensemble (Julie Laernoes) et Nantes avec vous (Valérie Oppelt), il convient d’ajouter Nantes en commun, la liste menée par Margot Medkour. Une liste aux positions assez radicales (non à l’arbre aux Hérons, non à la culture pour les touristes, non à la publicité dans l’espace public…) ou farfelues comme la création de cette “régie municipale des terres agricoles” afin de “choisir l’agriculture que nous souhaitons favoriser”. Un centralisme démocratique (?) inspiré par quelques militants de la France Insoumise. Une liste clivante à souhait.

S’il y a encore beaucoup d’incertitudes à moins de deux mois du scrutin, une chose est sûre : le prochain maire de Nantes sera une femme. Johanna Rolland ou l’une de ces adversaires ? Le saut dans l’inconnu ? Pourquoi pas… mais Valérie Oppelt au volant dans une version 2020 de Thelma et Louise, ça peut faire sourire.