#JR2020 : Toujours plus de promesses

Nantes plus vous en dit plus

Tiens donc, pourquoi 189 propositions ? Manque de souffle ? Manque d’inspiration ? Ayrault, lui, avait atteint les 200 pour sa campagne de 2008.  N’empêche, pour briguer un second mandat, #JR2020 n’a pas ménagé sa peine. Au risque de proposer des mesures qui ne dépendent pas de la Ville ou de donner, à nouveau, le sentiment de préparer quelques places au chaud pour les “fidèles” militants d’un système mise en place depuis une trentaine d’années !

Demain, à lire le programme de la candidate-à-sa-succession, “Nantes doit respirer la santé”, “Nantes doit lutter contre le réchauffement climatique”, à Nantes, “la sécurité doit être un droit pour tous”, Nantes doit mettre en place “de nouveaux services publics dans les quartiers”, “Nantes doit être une ville protectrice et émancipatrice”… Et on vous en passe. On jurerait le programme d’une opposante à la gestion actuelle ! Si on vous (re)dit “ça ira mieux demain”, c’est que la réalité est loin d’être aussi brillante qu’on l’espérait. Celles et ceux qui pensent que tout va bien à Nantes ne peuvent qu’être déçus par le programme de Johanna Rolland.

Planter 11 arbres par jour

Difficile de faire le tri dans l’avalanche de promesses de la candidate-à-sa-succession. La 13e proposition prévoit, par exemple, de planter “25 000 arbres et arbustes”. Soit 11 par jour, samedis et dimanches compris. Les services des espaces verts vont devoir embaucher !  D’autant que le vert étant à la mode, il faut aussi “créer 150 îlots de fraicheur” et “végétaliser la ville en supprimant tous les m2 de bitume inutile”. Pas question quand même de raser Uniqlo pour reconstituer le square Fleuriot de Langle deux ans après sa destruction.

Autre proposition de Johanna Rolland, “créer un parc nourricier, naturel et cultivé” sur les hectares dégagés par le transfert du CHU. Poireaux, carottes, radis, courges et laitues sur des hectares en plein centre-ville ! Reconstituer en somme un peu des tenues maraîchères urbanisées ces dernières décennies dans toute l’agglomération (et vlan ! pour Jean-Marc !). Ces terrains ayant été estimés par les Domaines à 40 millions d’euros (chiffre confirmé par Alain Robert), on n’ose pas imaginer le prix de revient d’un kilo de carottes ou de pommes de terre. Sans parler  de la gestion, au quotidien, d’un tel “parc nourricier”.

En Vert et contre tout

L’objectif est moins de prendre des engagements crédibles que de donner des gages aux (futurs ?) alliés écolos. Ainsi est-il prévu de “passer de 250 à 500 km de rues en zone piétonne”. Il y aurait donc, dans la ville de Nantes, 250 km de zone piétonne (page 9 du programme), soit 9 % des voiries de l’aire métropolitaine tout entière (https://www.nantesmetropole.fr/deliberations/co_20160226/08_20160226_CM_DELA_SDA_2016_annexe.pdf ) ! 250 km, c’est près de 6 fois la longueur du périphérique ! Johanna Rolland ne dit rien de celui ou celle qui a fait ce (savant ?) calcul mais elle promet de passer à 500 km, soit la distance de Nantes à Bayonne ! Peut-être le souhait inavoué de mettre Nantes en marche… ou à pied, si vous préférez.

Faut-il parler des promesses qui ne coûtent rien… sinon aux contribuables . Comme la “gratuité des transports en commun le week-end” et “la baisse de 20% de tous les abonnements”. À se demander pourquoi ces abonnements ont augmenté depuis six ans. Autre engagement : “créer  7 000 places de stationnement vélo”. Bonne idée en effet, qui aurait été encore meilleure si on l’avait eue avant d’aménager  la nouvelle gare ou de refaire les abords de grandes équipements actuels comme le CHU, le théâtre Graslin ou le Hangar à bananes.

Rien n’échappe au projet de créer “une ville nature”. Il est également prévu d’aménager “30 hectares de toits et murs végétalisés”.  Où ? Comment ? Pourquoi pas 50 hectares ? Ou 130 ? Qu’importe. Il s’agit de “favoriser l’écologie urbaine”.

Johanna, petit bras ?

“Nantes en confiance, c’est le contrat que je vous propose… un nouveau contrat écologique et social”. On y trouve tout ou presque. Pas question, bien sûr, d’oublier les quartiers. Quitte à enfoncer les portes ouvertes. Comme cette décision de “transformer les mairies annexes en maries de quartiers (proposition 99)  ou “développer des lieux d’activité économique et commerciale dans les quartiers”. Ou encore annoncer l’ouverture de maisons de santé à Nantes Nord et à Bellevue, sans doute pour compenser la fermeture de celle de Malakoff  il y a quelques mois, pour des raisons de sécurité : les personnels ne pouvaient plus y travailler. Mais qu’importe.

On y trouve aussi des “mesures” qui ne dépendent pas vraiment de la Ville et dont on voit mal la mise en œuvre pratique. #JR2020 promet, pêle-mêle, de “lutter contre les perturbateurs endocriniens”, de “renforcer la lutte contre la précarité étudiante”, d’“ouvrir un guichet SOS stages pour tous”. Ou encore d’offrir “une solution de réhabilitation énergétique à coût zéro pour les ménages les plus modestes”, mesure pratiquement mise en place au plan national. Même Alexis Corbière a pu en bénéficier !

À lire le détail de ce programme, on se dit que la bureaucratie à encore de beaux jours devant elle. On y trouve tout (ou presque) et n’importe quoi. Y compris, par exemple, de “renforcer le pôle métropolitain Loire-Bretagne” entre Angers, Brest, Rennes, Saint-Nazaire et Nantes. C’était déjà l’un des objectifs de Jean-Marc Ayrault…  il y a une trentaine d’années. Depuis, rien n’a vraiment changé. On peut donc remettre le sujet sur la table.

189 promesses pour #JR2020. Son prédécesseur en avait affiché 200 ! Alors, petit bras, Johanna ? Qu’importe, à vrai dire, dans un cas comme dans l’autre, l’essentiel est d’en afficher un maximum. “Plus il y en a, moins les gens s’en souviennent…”, note un observateur de la vie politique locale. La promesse 126 ne manquera pas de retenir l’attention des électrices. Il s’agit d’installer “des distributeurs gratuits de protections périodiques”. Rien, me direz-vous, pour les fuites urinaires ? De quoi susciter une crise de… confiance.

La culture de l’image

James Tissot aurait peint l'arrière-grand-père de Jean Blaise lors d'un voyage à Nantes

C’est peu dire que la culture n’intéresse pas les candidates à la mairie de Nantes. Elles se sont faites (très) discrètes tout au long de la Folle journée de Nantes. Johanna Rolland aurait même boudé la conférence de presse de clôture de l’événement, laissant à David Martineau, son futur ex-adjoint à la Culture, le soin de parler d’avenir !

Mis à part des distributions de tracts en faveur de Nantes en commun et des amis de Jacques Cheminade, cette Folle Journée 2020 n’a pas été polluée par la campagne municipale. Il est vrai que, dans les différents programmes, la Culture n’est pas vraiment une priorité. Nantes n’est-elle pas la-capitale-culturelle-que-tout-le-monde-nous-envie ? Même si cette petite musique date un peu et qu’on se préoccupe davantage, depuis quelques années, de la culture de l’image…

De quoi voler dans les plumes

Faute de volonté clairement affichée et d’un programme ambitieux, Johanna Rolland avait confié en 2014 le dossier Culture à David Martineau. Très vite, l’intéressé reconnaissait que, pour lui, la culture, c’était “le cinéma, deux ou trois fois par an”. Tout était déjà dit ou presque. On continuerait simplement à maintenir, tant bien que mal, ce qui existait déjà. Le Voyage à Nantes gardait ainsi carte blanche (et gros budget !) pour une programmation dont les dernières éditions soulignaient pourtant les limites. En cours de mandat, on improvisait, à grands frais, le festival Transfert. Créée en 1999, Pick-up Production, une asso proche (très proche ?) de la mairie de Nantes, affichait des objectifs et des “valeurs” – sens du collectif, appropriation des espaces publics, goût du défi et culture de l’improvisation – qu’auraient pu revendiquer les services com de la Ville. Transfert investissait donc le site des anciens abattoirs à Rezé (tout un symbole) en 2018 pour un succès jugé “mitigé”. À l’issue de la seconde édition, l’an dernier, le constat était plus sévère encore.

Il semblait donc y avoir, sur le plan culturel, un peu de grain à moudre dans le cadre de la campagne municipale. Les Machines de l’île et le projet d’Arbre aux hérons étaient habilement présentés comme des réalisations culturelles par la candidate-à-sa-succession. Il y avait là de quoi voler dans les plumes de l’équipe en place.

Elles ne sont que deux, Julie Laernoes (EELV) et Margot Medkour (Nantes en commun), à être tout de même montées au créneau. Et à dénoncer un arbre qui cache la forêt de projets enterrés : combien d’associations culturelles aimeraient juste toucher 0,1% du budget prévu (entre 35 et… 70 millions !) pour le projet Delarozière-Oréfice ?

Laurence Garnier,  et Valérie Oppelt sortiront-elles de leur réserve ? La première, vice-présidente du Conseil Régional en charge de la Culture, a fait voter 4 millions de subvention régionale au profit de l’Arbre mais n’a plus l’air si sûre, désormais, de vouloir le faire. La seconde, candidate LREM, n’a pas de carnet de chèque à sa disposition : elle refuse d’augmenter le budget prévu. Mais ni l’une ni l’autre ne semble avoir d’opinion arrêtée sur la pertinence du projet.

Nantes au passé

Si Johanna Rolland évite de parler, par exemple, du récent fiasco Royal de Luxe à Bellevue, on pouvait imaginer que ses adversaires se montreraient plus offensives. Sur le plan culturel, #JR2020 se contente en effet de reconduire les grands lignes d’une politique dont elle a hérité en même temps que de son fauteuil à la mairie. Confirmation avec ses hommages appuyés à “monsieur le Premier ministre et cher Jean-Marc”. Il est vrai qu’il a su, avec Jean Blaise, “réveiller la belle endormie“, au début des années 90 et récupérer l’idée de la Folle journée réalisée par René Martin en 1995 en la municipalisant via une société d’économie mixte créée en 2005.

Depuis ? On continue tout simplement. Pour la Folle Journée comme pour le reste. Alors Nantes ressasse de vieux souvenirs : les Allumées (de1990 à 1995),  puis Estuaire (de 2007 à 2012), en préférant souvent oublier Trafics (1996-1997) et Fin de Siècle (1997-1999)… On y ajoute les festivals Utopiales (récupéré en 2001) et Atlantide ((à demi émergé depuis 2013). Mais, depuis, on cherche en vain les idées et projets d’envergure.

Il en va de la culture comme du sport : Nantes vit sur ses années-lumière. Il ne suffit pas d’en appeler rituellement au “jeu à la nantaise” pour faire rêver les électeurs en 2020. Les jeunes n’ont connu ni José Arribas, ni Jean-Claude Suaudeau, ni les années Blaise. Ils ignorent tout des Allumées comme des grandes heures du FCN et jugent souvent sévèrement la gestion erratique de Waldemar Kita et les résultats tout aussi aléatoires de son équipe fanion. Le seul projet sportif (?) sur lequel #JR2020 est d’accord avec Florian Le Teuff (désormais candidat sur la liste de Julie Laernoes) est la construction d’un musée de FCN ! Tout est dit : la culture à Nantes, dans les prochaines années, investira dans la construction de musées. Un nouveau musée Jules Verne (dans ce qu’il restera de Cap 44) et un musée du FC Nantes.

Il ne restera plus qu’à prévoir l’édification d’une statue de Jean Blaise pour un prochain mandat. Le directeur du Voyage à Nantes (69 ans en avril prochain) pourrait en effet prendre sa retraite prochainement. Il faisait, lui aussi, partie de l’héritage d’un passé décidément révolu. Alors, cette statue, pourquoi pas place du Pilori ? Histoire de faire un dernier pas de côté.

 

Municipales : Retour vers le futur

Une campagne mole et sans idée

Toutes les candidates sont d’accord : les municipales à Nantes sont placées sous le signe du changement. Changement et renouvellement sont même, semble-t-il, les deux mots indispensables pour faire campagne. Sauf qu’à y regarder de plus près, ce qu’on nous propose, c’est plutôt retour vers le futur.

Faut-il revenir sur la composition de la liste de Laurence Garnier ? Si la candidate LR avait voulu rassurer sa base électorale, elle n’aurait pas fait mieux. Certes, ils occupent les dernières places de sa liste mais en appeler à Annick du Roscoät (72 ans en août prochain), présente aux côtés de Michel Chauty de 1983 à 1989, il fallait oser. Les dernières prestations de l’ancienne présidente du CNIP (centre national des indépendants et paysans) bien caché furent de mener une liste aux Européennes de 2009 (où elle recueille 0,42% des suffrages exprimés) et de soutenir Sarkozy en 2012… avec le succès que l’on sait. Sur cette même liste, on retrouve une triplette de la belle ville : Loïc Le Masne de Chermont (82 ans), ancien conseiller général et adjoint de Michel Chauty, Jean Amyot d’Inville (79 ans), ancien directeur du CCO et le fringant Philippe Hervouët (73 ans en mai). Il y a certes l’âge de ces colistiers mais aussi leur côté “vieille droite nantaise” des années 80 qui en a chagriné plus d’un. Le changement, sans doute, par rapport à une gestion en place depuis 30 ans, mais le renouvellement, pas vraiment.

Les mêmes ou presque

Heureusement, Johanna Rolland annonce, elle, une liste “renouvelée à 50%”. Bigre, voilà du nouveau. Sauf qu’une lecture attentive de cette liste tempère très vite cette affirmation. Parmi les candidat.e.s qui l’accompagnent, les mieux placé.e.s sont des fidèles de toujours. Le coup de com Dantec a fait long feu. Son élection au Sénat en 2011 était apparue comme un geste généreux des grands électeurs socialistes. On voit à présent que c’était plutôt un placement de père de famille, rentabilisé juste au bon moment par son apparition en seconde position sur la liste #JR2020. Ses anciens amis écolos raillent son ralliement pour un plat de lentilles à la cantine du Sénat. Les lentilles vertes étaient en fait des lentilles corail…

Parmi les fidèles bien placés, Ali Rebouh (4e), soutien de Waldemar Kita et de Pascal Bolo réunis, et Aymeric Seassau (6e). Ce dernier a mis son drapeau du PC dans sa poche depuis quelque temps déjà et parfaitement négocié la présence, sur la liste, de camarades communistes qui, comme lui, ne pouvaient pas espérer une telle représentativité sous leurs propres couleurs. Et il en est de même pour ces autres micro-partis que sont le PRG et l’UDB, déjà présents du temps de Jean-Marc Ayrault ! Lequel n’a donc pas réussi à les phagocyter totalement : belle résilience de leur part, ou plutôt manque d’efficacité de l’ancien maire ?

Comme l’a relevé Médiacités, si Johanna Rolland affiche un tiers de socialistes sur sa liste, la plupart se retrouvent en position éligible, comme Pascal Bolo, tactiquement rétrogradé à la 14e place mais qui continuera à gérer son portefeuille de conseils d’administration, Thomas Quero ou encore Catherine Piau. Cette dernière est présentée comme “chargée de mission”. On ne rappelle pas, ici, qu’elle est la fille d’Alain Chenard,  maire de Nantes de 1977 à 1983, et qu’après avoir perdu sa place au Conseil Régional, elle a trouvé une place (et un salaire !) de cadre à la Semitan. Pour mémoire, le premier mandat de Joahnna Rolland était placé sous le signe de la “nouvelle gouvernance”. Dont acte.

Un avenir pas très rose

Malmenée sur un certain nombre de dossiers (sécurité, hôpital, aéroport…), la candidate-à-sa-succession parie sur la prime au sortant. Les élections municipales sont d’abord un scrutin local et le (ou la) maire en place, à défaut de pouvoir s’appuyer sur son bilan, bénéficie de davantage de notoriété que ses adversaires. C’est vrai pour Johanna Rolland comme pour les autres maires socialistes de l’agglo. Même si les résultats s’annoncent incertains à Rezé ou La Chapelle-sur-Erdre.

À Nantes, c’est la liste de Julie Laernoes qui inquiète les caciques de l’hôtel de ville. La candidate écolo a rallié à sa cause quelques renforts de poids. Comme Florian Le Teuff dont le nom reste attaché à la défense du FCN et au combat contre le YelloPark, projet défendu bec et ongles par Pascal Bolo et Johanna Rolland. Ou encore Christophe Jouin, l’un des fondateurs de l’Autre Cantine et défenseur de la cause des migrants mais aussi celui qui a “enfariné” Johanna Rolland, place de la Petite Hollande.

Outre que la liste EELV recèle beaucoup de jeunes militant.e.s associatifs, engagé.e.s dans leurs quartiers, on trouve aussi quelques personnalités de poids. Comme François Prochasson, un ancien de la mairie de Paris et un “pro” des problématiques de transport, François Gabory, le “monsieur Culture” de la liste : le directeur du Jardin de Verre à Cholet préside en effet Le chainon manquant en Mayenne. Sur la liste, également, Franck Barrau, ancien journaliste à Ouest-France avant de rejoindre le service communication de la mairie de Nantes…

Il n’en faut pas davantage pour crisper l’équipe de Johanna Rolland. Les Verts sont accusés d’avoir franchi la ligne… rouge. On imagine déjà les discussions au soir du premier tour. Julie Laernoes a toujours dit qu’elle briguait l’alternance et n’entendait pas négocier. Qu’en sera-t-il si elle arrive en seconde position le 15 mars ? Y aura-t-il une triangulaire (PS, EELV, LR ou LREM) avec les incertitudes liées au report des voix ? En tout état de cause, l’avenir ne s’annonce par rose pour Johanna Rolland. Avec qui, en effet, pourrait-elle composer une équipe cohérente ? Pour quel programme ? Celle qui demande aux Nantais de voter pour elle “en confiance” finirait par en manquer…

Le saut dans l’inconnu

Mais (?) le choix ne se limite pas à un choix Rolland, Laernoes ou Garnier. Il y a la liste LREM emmenée par Valérie Oppelt. Celle-ci n’est pas tout à fait une inconnue. Elle a été élue députée dans la foulée des présidentielles avant de disparaître des écrans radar. Réapparue à l’approche des municipales, elle se retrouve à la tête d’une liste totalement nouvelle. Et pour cause ! En dehors de Mounir Belhamiti, son numéro 2, conseiller métropolitain et député suppléant de François de Rugy, d’Hervé Grélard et Erwan Huchet, eux aussi conseillers municipaux et métropolitains, de Christian Brisset et de la transfuge du PS, Claude Seyse, peu ou pas de têtes connues dans le bestiaire politique local. Il ne suffit pas d’estampiller sa liste “Nantes avec vous” pour véritablement rassembler : “avec vous” peut aussi signifier… sans les autres !

À Nantes ensemble (Julie Laernoes) et Nantes avec vous (Valérie Oppelt), il convient d’ajouter Nantes en commun, la liste menée par Margot Medkour. Une liste aux positions assez radicales (non à l’arbre aux Hérons, non à la culture pour les touristes, non à la publicité dans l’espace public…) ou farfelues comme la création de cette “régie municipale des terres agricoles” afin de “choisir l’agriculture que nous souhaitons favoriser”. Un centralisme démocratique (?) inspiré par quelques militants de la France Insoumise. Une liste clivante à souhait.

S’il y a encore beaucoup d’incertitudes à moins de deux mois du scrutin, une chose est sûre : le prochain maire de Nantes sera une femme. Johanna Rolland ou l’une de ces adversaires ? Le saut dans l’inconnu ? Pourquoi pas… mais Valérie Oppelt au volant dans une version 2020 de Thelma et Louise, ça peut faire sourire.

 

 

Ronan Dantec à Nantes : plus de littérature

Qui va prévenir Johanna Rolland que Dantec est vétérinaire ?

Quelle est l’activité principale de Ronan Dantec ? L’électeur nantais moyennement informé répondra : « Sénateur ». Et il se trompera. Qu’il aille donc consulter JR2020, la liste de Johanna Rolland pour les élections municipales. Son numéro 2, Ronan Dantec, s’y singularise par sa profession. Parmi une cohorte d’enseignants et de chargés (de mission, de com’, d’études…), il se déclare « Auteur ».

Oui, plus que sénateur, vétérinaire ou animateur de radio, Ronan Dantec se veut avant tout auteur. Ce n’est pas une coquille de JR2020. Ainsi commence la notice du numéro 2 sur Wikipedia, vue 332 fois entre le 6 et le 26 janvier 2020 : « Ronan Dantec est un écrivain, vétérinaire et homme politique français né le 5 août 1963 à Brest ». Lors de la création de cette notice en 2011, Ronan Dantec était seulement « un auteur breton né en 1963 ». À peine créée, elle avait failli être supprimée pour cause de bibliographie trop légère. Mais les ciseaux du censeur wikipédien avaient été retenus in extremis : élu sénateur, Ronan Dantec était désormais éligible à l’encyclopédie en ligne.

Ne confondrait-on pas avec Maurice G. Dantec (1959-2016), l’écrivain identitaire franco-canadien auteur de nombreux polars déjantés ? Non, pas du tout : Ronan Dantec a bien commis une dizaine d’opuscules parus aux Éditions Ouest-France entre 2001 et 2010. Il s’agit de collections de photos commentées, sur le thème Il y a un siècle…(…le dimanche, …l’automobile, …le vélo, …le sport, etc.). Pour la nostalgie d’antan, voyez Dantec.

Cette activité a beau être principale, il serait beaucoup dire qu’elle nourrit le numéro 2 de JR2020. Comme tout parlementaire, Ronan Dantec déclare ses sources de revenu à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Et, d’après ses déclarations, ses œuvres littéraires ne lui rapportent que quelques centaines d’euros par an.

C’est peu, surtout à côté des 63.600 euros annuels du mandat sénatorial, mais c’est quand même mieux que son activité commerciale. Depuis plus de vingt ans, Ronan Dantec dirige une SARL de commerce de détail de biens d’occasion, Ciné Collections, et une entreprise personnelle de location de matériel d’exposition, Votre-Expo. Ensemble, depuis des années, elles lui rapportent… rien du tout.

Sven Jelure

Tous les vieux dans le même panier ?

Nantes : la campagne de vœux de Johanna Rolland

Pas question de parler (officiellement) de la campagne municipale à l’occasion de la cérémonie des vœux : Johanna Rolland a tenu à rappeler les règles aux personnalités nantaises réunies, le 6 janvier, à la Cité. Ce qui ne l’a pas empêché de dire tout le bien qu’elle pensait de son action durant l’année écoulée.

“Johanna marche sur des vœux”, titrait Ouest-France au lendemain d’une cérémonie protocolaire où la moyenne d’âge était sensiblement supérieure à celle de la population. Habilement, la candidate-à-sa-succession faisait applaudir les maires de Nantes Métropole qui ont validé dernièrement le renforcement de mesures de sécurité auxquelles elle s’était pourtant vigoureusement opposée jusqu’à présent.

La voix de son maire

Dans le compte-rendu de cette opération de communication bien huilée, Ouest-France n’a pas hésité à innover. Chacun des chapitres développés par Johanna Rolland est en effet suivi d’une explication de texte. Pour ses lecteurs mal-comprenants, le journal décrypte ainsi ce qu’il faut lire “entre les lignes”. En d’autres termes, voilà ce que Johanna Rolland a voulu dire.

Au cas où Johanna Rolland n’aurait donc pas été assez claire, on explique que lorsqu’elle dit qu’il faut “faire en sorte qu’aucun citoyen ne se sente oublié”, elle s’adresse ici aux abstentionnistes. Concernant son hommage aux maires de la métropole, il convient de lire “entre les lignes” que Johanna Rolland ne la joue pas perso et que Nantes “ne tire pas la couverture à elle”. Même explication de texte concernant la sécurité. On nous explique que “ce message sécuritaire de fermeté, désormais assumé”… s’adresse à “certains adversaires politiques”. Sans autre précision. Mme la maire n’a pas d’adversaire identifié(e).

Au bas de ce compte-rendu, signé collectivement, on retrouve le nom de Stéphanie Lambert. La journaliste qui suit “de très près” tout ce qui touche à la politique municipale n’est jamais à court d’arguments pour défendre la politique municipale. Les fameux e-busways tombent-ils en panne ? Stéphanie Lambert nous rassure : “Pas de panique”, nous dit-elle, en donnant la parole non à un usager mais à… Pascal Bolo. À Nantes métropole, comme à la mairie, on l’aime beaucoup.

L’ombre de JMA

Sans doute, faudra-t-il, un jour, publier un  best-of des bonnes nouvelles relayées par Stéphanie Lambert… Certains collègues s’amusent déjà à collectionner les articles de celle qu’ils ont baptisée “la voix de son maire”. Johanna Rolland n’est pas seule à ne pas avoir à s’en  plaindre. Auditeur attentif des vœux de celle qui lui a succédé, Jean-Marc Ayrault a eu droit, ce lundi 6 janvier, à un traitement particulier : une standing ovation à la Cité ! En même temps, dans la grande halle, tout le monde était debout. Johanna Rolland a rendu hommage à celui qui a donné “un temps d’avance” à la Ville. “Heureusement”, a murmuré l’un de ses amis, “car on en a perdu pas mal depuis”.

Là encore, Ouest-France nous précise ce qu’il faut comprendre “entre les lignes” à ces compliments. “L’opportunité était trop belle… de revendiquer l’héritage de l’ex-Premier ministre et maire de Nantes”. Certes, mais c’était aussi rappeler ( “entre les lignes” ?) que JMA a été élu il y a un peu plus de 30 ans. Ce qui ne rajeunit personne. Y compris l’intéressé.

Même si la sagesse populaire recommande de ne pas mettre tous les vieux dans le même panier, certain.e.s (comme on dit aujourd’hui) des candidat.e.s aux municipales commencent à trouver le temps long.

Municipales à Nantes : des Verts déjà mûrs

Plus de compromis c'est « Mon royaume pour un strapontin »

Toujours plus de compromis

La guerre des cheffes aura bien lieu. Nantes (qui ne compte pas moins de 5 candidates au poste de maire) fait davantage parler d’elle pour les dégâts au soir des manifs que pour le débat des municipales. Et pourtant…

“Les Verts et Nantes en commun ne s’unissent pas” : la nouvelle n’a pas fait les gros titres de la presse. Julie Laernoes et Margot Medkour avaient pourtant beaucoup de choses en…commun. Sur l’avenir global de la ville, de son urbanisation à ses aménagements structurants, pas de véritables divergences. Alors, pourquoi ne pas s’entendre ? Ouest-France a levé une partie du voile (dans son édition du 24/12) sur le “blocage avec Johanna Rolland en toile de fond”. Un secret de polichinelle.

 

Quelques strapontins, svp

Au lendemain des Européennes à Nantes, les Verts se voyaient déjà en haut de l’affiche. Contraints de s’aligner derrière une quasi inconnue, Julie Laernoes, ils ne tardaient pas à envisager une hypothèse plus vraisemblable : l’obligation de négocier quelques places avec Johanna Rolland au soir du premier tour. Comme en 2014.

C’est sur ce point qu’un accord avec Nantes en commun devenait impossible. Pour Margot Medkour, en effet, l’objectif demeure de “construire une véritable alternative à Johanna Rolland”. Autant dire que la candidate-à-sa-succession n’a pas tardé à faire savoir à Julie Laernoes qu’il y avait là une ligne rouge à ne pas franchir.

Pour l’emporter, Johanna Rolland n’a pas seulement besoin du PC (qui a préféré se rallier sans combattre dès le premier tour plutôt que de prendre le risque de compter ce qu’il lui reste de voix), du MRG ou encore de l’UDB (dont plus personne ne sait ce qu’ils pèsent politiquement), elle a aussi besoin des Verts. Si PC et UDB ont déjà négocier leurs places, il doit bien rester  quelques strapontins dans le grand théâtre municipal.

 

D’accord sur rien… ou presque

Dès lors, le scénario ne ménage guère de suspens. Au soir du premier tour, Johanna Rolland et Julie Laernoes publieront un communiqué commun, annonçant qu’elles font liste commune au second tour. Les places sont d’ores et déjà négociées. Avec un poste d’adjoint bien ronflant à la clé ? L’environnement, le développement durable et l’économie sociale et solidaire sur une carte de visite, ça en impose.

On oubliera volontiers les divergences d’hier sur l’avenir de la Beaujoire, le développement de l’aéroport, la construction de l’hôpital en zone inondable, l’aménagement de la place de la Petite Hollande, la place de la voiture en ville… bref, des “détails” sans doute dans le cadre de la politique municipale.  Sauf que ces mêmes dossiers sont sur la table du prochain mandat.

Or, la candidate-à-sa-succession n’a pas fait mystère de sa volonté de continuer à gérer la ville à sa manière. Aux autres de s’aligner. Le 24 décembre, en refusant tout accord avec Nantes en commun, les Verts lui ont fait le cadeau de leur ralliement. En politique, on peut n’être d’accord sur rien ou presque et appartenir à la même majorité municipale. C’était le cas hier, pas de raison que ça change. C’est le pari de #JR2020.

La construction navale : l’avenir est sur l’île de Nantes

Si l’École des beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire regarde vers le Texas, sa voisine l’École nationale supérieure d’architecture (ensa) de Nantes regarde vers l’avenir. Elle expose en ce moment, dans ses locaux du quai Mitterrand, de remarquables exemples d’architecture navale d’hier et de demain.

Oh ! l’ensa ne veut pas alarmer les foules. L’exposition vise officiellement à « commémorer les 130 ans des plus vieux yachts français navigants » (le Vétille et le Vezon, tous deux nantais et tous deux exposés) et « fêter les 30 ans du DPEA Architecture navale ». Mais il est clair qu’elle sert aussi à mettre en valeur les solutions d’avenir imaginées par les étudiants de l’école : face à la montée des eaux sous l’effet du réchauffement climatique, les architectes nantais auront des solutions à proposer.

À quelques encablures de là, un CHU flottant pourra, le jour venu, suppléer le CHU sur pilotis. La santé des Nantais ne partira pas à vau-l’eau. Clous de l’exposition de l’ensa, les Moth à foils conçus par ses étudiants feront des ambulances aquatiques très performantes. On appréciera ce jour-là la prescience de Jean-Marc Ayrault : en conservant l’esplanade des chantiers navals, il a laissé de la place pour construire l’Arche de Noë du XXIIe siècle. En revanche, on lui reprochera amèrement d’avoir renoncé au port de plaisance initialement prévu par Chemetoff.

Mais ça, ce sera après. Pour l’instant, il vaut mieux se dépêcher de voir l’exposition : elle ne dure que jusqu’au 11 janvier (ouverture de 13:00 à 17:00, sauf dimanche et lundi).

Sven Jelure

Marfa… Des étudiants nantais et Jules Verne au Texas

Plus d’étudiants nantais dans le désert texan

L’École des beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire (EBANSN) s’échine à trouver des justifications de sa présence à Marfa mais semble ignorer ce qui relie cette bourgade texane à Nantes.

Presse Océan rendait compte samedi de l’enthousiasme affiché par Pierre-Jean Galdin, directeur de l’EBANSN, et Emmanuelle Bousquet-Chalmel, vice-présidente de l’université de Nantes, pour le « campus » artistique nantais créé au milieu de nulle part dans le désert de Chihuahua, à neuf heures de route de Houston. Le premier « défend », la seconde « plaide » : on sent que le quotidien nantais n’y croit pas trop.

L’EBANSN a en effet installé un modeste établissement à quelques kilomètres de Marfa pour y recevoir des étudiants en partenariat avec une école de Genève. Pourquoi Marfa ? Certains arguments sont tirés par les cheveux. Les étudiants « se frottent […] aux réalités du temps : l’exode, les trafics à la frontière, l’exploitation du gaz de schiste », assure Presse Océan. Hem… La frontière mexicaine, à plus de soixante kilomètres à vol d’oiseau, est séparée de la ville par une chaîne de montagnes presque infranchissable. Et le gaz de schiste n’est pas exploité dans le comté de Presidio, dont Marfa est le chef-lieu.

Un temps de retard sur la mode Marfa

Marfa invoque aussi une légitimité culturelle : James Dean y a tourné les scènes extérieures de Giant et les frères Coen une partie de No Country for Old Men. Assez pour justifier l’envoi d’une vingtaine d’étudiants nantais pendant trois mois dans les bungalows de l’EBANSN ? Non sans doute : pourquoi aller chercher James Dean quand on a Jacques Demy ? Mais la petite ville a mieux à faire valoir. À partir des années 1970, le sculpteur minimaliste Donald Judd y crée des œuvres imposantes avec le soutien d’une fondation locale. Après la mort de Judd en 1994, sa compagne et son assistant s’attachent à créer un musée. Ils réussissent à intéresser à Marfa plusieurs mécènes et institutions culturelles.

La ville avait perdu la moitié de sa population en un demi-siècle. Elle comprend l’intérêt de cette nouvelle vocation et soutient l’installation d’artistes et de galeries. À la fin du siècle dernier, relations publiques aidant, elle acquiert une certaine notoriété dans les milieux de l’art contemporain, ce qui lui vaut un petit courant touristique. En 2012 encore, Le Monde la décrit même comme « un ancien village fantôme devenu la Mecque de l’art contemporain ».

L’hyperbole ne suffit pas à dissimuler que le quotidien a un temps de retard. La mode Marfa s’étiole. L’exode de la population s’est effectivement ralenti dans les années 1990 mais reprend de plus belle dans les années 2000. La ville ne compterait plus aujourd’hui que 1 700 résidents environ, contre près de 2 500 en 1980.

Capture décran sur http://fieldworkmarfa.org/

Pierre-Jean Galdin la découvre, semble-t-il, en 2007. Dans les années suivantes, il y amène des étudiants. Puis il convainc même des mécènes nantais d’y financer une installation permanente. C’est chose faite en 2015 : l’association Fénelon Beaux-arts achète un terrain à quelques kilomètres de Marfa. Un investissement de 150 000 euros, ce qui paraît beaucoup pour sept hectares de désert. Depuis lors, deux mobil-homes ont été installés pour recevoir des étudiants. Voire des artistes en exercice ; le ministère français des Affaires étrangères soutient l’aventure (un héritage du temps ou Jean-Marc Ayrault y était ministre ?) par une bourse de 6 000 euros pour un artiste en résidence.

Le stage de Marfa justifiera-t-il son coût et son bilan carbone par ce qu’il apportera aux étudiants de l’EBANSN ? Celle-ci redorera-t-elle ainsi son blason un peu écorné récemment par la chambre régionale des comptes ? La ville retrouvera-t-elle grâce à Nantes un peu de son lustre passé ? Bah… l’art n’est-il pas encore plus beau quand il est inutile ?

Une lointaine hérédité nantaise ?

Ah ! au fait, j’évoquais en commençant un lien entre Nantes et Marfa ‑ un lien que l’EBANSN ignore sûrement, sans quoi elle en aurait fait son miel. Marfa a prétendu que son nom, qui est la forme russe de Martha, venait d’un roman de Dostoïevski, Les Frères Karamazov. Mais c’est invraisemblable : la ville s’est bâtie autour d’une gare créée au début des années 1880 par une compagnie ferroviaire, la Southern Pacific Railroad. À cette date, le roman venait à peine d’être publié en feuilleton dans une revue russe ; il ne serait traduit en anglais que bien plus tard.

La véritable origine du nom a été révélée par Kathleen Shafer, qui a exhumé dans Marfa: The Transformation of a West Texas Town (Austin, TX, University of Texas Press, 2017) un article du Daily News de Galveston daté du 17 décembre 1882. Marfa, y lit-on, doit son nom à « l’un des personnages de la pièce Michael Strogoff ». Marfa est en effet le prénom de la mère de Michel Strogoff dans le roman de Jules Verne.

Pourquoi est-il question d’une pièce et non d’un roman ? Parce qu’une pièce de théâtre en a été tirée par Jules Verne et Adolphe d’Ennery et a rencontré un grand succès à l’époque. Selon le Daily News, deux ou trois autres gares de la Southern Pacific Railroad devraient aussi leur nom à Jules Verne. Lesquelles ? Quelques hypothèses :

  • Valentine : un personnage d’Une fantaisie du Docteur Ox
  • Alpine : un « Américain dogmatique » rencontré dans Une Ville flottante s’appelle Mac Alpine
  • Sanderson : un chasseur d’éléphants dans La Maison à vapeur (« Il prétend que l’éléphant n’a qu’une moyenne d’intelligence très ordinaire ». Oh !)
  • Dryden : le mont Dryden (Australie) apparaît dans Les enfants du capitaine Grant
  • Lacoste : l’un des personnages principaux du Volcan d’or, ancien chercheur d’or au Klondike, s’appelle Josias Lacoste (cependant, le roman n’a été publié qu’après la création de la ligne ferroviaire)
  • Beaumont : le géologue Élie de Beaumont est mentionné dans Les Aventures du capitaine Hatteras
  • Baldwin : un personnage de ce nom est mentionné dans Aventures de trois Russes et de trois Anglais
  • Morgan : le nom est porté par des personnages de De la Terre à la Lune, L’île au trésor,  Les Aventures du capitaine Hatteras et L’École des Robinson – qui a été traduit en anglais sous le titre Godfrey Morgan, A Californian Mystery

Coïncidences ? Il faut absolument creuser la question. Parions que la faculté des Lettres et le Centre d’études verniennes de Nantes ne vont pas tarder à rejoindre les futurs artistes de l’EBANSN dans le désert de Chihuahua.

Sven Jelure

À la saint Héron, tout arbre se fait du mouron

Samedi dernier, on fêtait saint Héron, martyr à Alexandrie en 250. Et les hérons, ç’a été leur fête à Nantes ! La Lettre à Lulu vient de publier un article intitulé « Des hérons aux très très longs coûts » qui a des airs de dernier clou sur le cercueil de l’Arbre aux Hérons.

Une œuvre dont on ignore encore le coût, assurait Pierre Orefice voici quelques jours encore. Mais quelqu’un a cafté : Johanna Rolland aurait en fait reçu au printemps un « devis actuel mais tenu secret » établi par La Machine. Montant évoqué : 69,9 millions d’euros, soit le double des 35 millions annoncés jusqu’à présent !

Cette perspective rend encore plus aléatoire – pour ne pas dire invraisemblable – le financement en trois tiers (Nantes Métropole, d’autres entités publiques et le secteur privé) prévu par Johanna Rolland. Avec dix-huit mécènes au compteur (Maison DV s’est ajouté à la liste cette semaine), le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons est encore très, très loin de l’objectif initial. A fortiori si la distance double d’un coup !

Sven Jelure

Municipales… La culture du vide

“La culture est un antidote à la violence, car elle nous invite à la compréhension d’autrui et féconde la tolérance, en nous incitant à partir à la rencontre d’autres imaginaires et d’autres cultures…” (*) Voilà de quoi remettre la culture au cœur du débat des municipales. Raté. Pas plus #JR2020 que ses adversaires n’ont d’idées sur la question.

On ne pourra pas dire que la presse n’a pas fait un effort pour tenter de remettre la culture dans la balance des municipales. Avant d’interroger, sur le sujet, la maire sortante et les autres têtes de listes, une page avait été consacrée (OF 12/12/2019) à la culture. Avec un titre qui (toutefois) sentait bon la communication municipale : “Dans les quartiers, la culture ne doit rien lâcher”.

“Ne rien lâcher” ?

Ne rien lâcher, c’était presque mot pour mot le communiqué de la candidate-à-sa-succession au lendemain de l’incendie de “l’œuvre” de Royal de Luxe à Bellevue. Mais passons…

David Martineau l’encore adjoint à la Culture disait réfléchir à “l’offre du quotidien” pour répondre au besoin des quartiers. Avait-il brûlé la politesse à Johanna Rolland ? La maire luin faisait savoir qu’il pourrait désormais réfléchir ailleurs ! Exit David Martineau.

À Bellevue, comme ailleurs, les “acteurs” culturels locaux se désespèrent de l’état des lieux. Revenant sur l’intervention de Royal de Luxe Yasmin Rhamani, chorégraphe de la compagnie HB2, rappelle avec bon sens que “ce type d’intervention peut prendre son sens s’il y a une démarche en amont”. Pour autant, Johanna Rolland persiste : pas question de renoncer à Royal de Luxe. Elle s’accroche à cette initiative, comme un héron déplumé à son arbre, au nom de la culture pour tous.

Culture vitrine

Pour Margot Medkour (Nantes en commun), “Royal de Luxe à Bellevue, c’est à la fois formidable et hypocrite”. Selon elle, “la culture doit venir des habitantes et des habitants” et non leur être imposée. La candidate s’en prend à cette “culture vitrine”, allant des Machines au futur ( ?) Arbre aux hérons, qui ne ferait qu’accompagner la gentrification de la Ville.

Sans être sur cette même ligne, Julie Laernoes (EELV) est la seule à voir les limites de la démarche municipale, considérant qu’une intervention dans les quartiers ne doit pas se faire au détriment des associations qui sont sur le terrain.

Pour le budget alloué à Royal de luxe pour l’année 2019 (plus de 550 000 euros !), combien d’initiatives locales ont été sacrifiées ? Ni Valérie Oppelt, ni Laurence Garnier ne se hasardent à poser la question. Paralysées peut-être à la simple idée de remettre en question le travail artistique ( ?) d’une compagnie qui, depuis 40 ans, a bâti sa notoriété  sur le spectacle de rue gratuit, donc sur le principe de la culture accessible à tous. Et voilà, Jean-Luc Courcoult désormais intouchable tout comme le duo Oréfice/Delarozière.

À court d’idées

Si chacun s’accorde à dire que Nantes se retrouve à une période charnière, on cherche en vain un nouveau souffle dans les programmes municipaux. En 1989, Jean-Marc Ayrault est arrivé à la mairie de Nantes avec, dans ses bagages, un certain Jean Blaise. C’est à ce dernier qu’on doit l’arrivée de Royal de Luxe à Nantes, la création d’un centre national chorégraphique, la création du lieu unique et quelques initiatives (les Allumées, Fin de siècle, Nuit blanche…) qui ont fait de Nantes la capitale culturelle qu’elle est encore aujourd’hui.

Après ses glorieuses années 90, la Ville a gentiment surfé sur cette image de capitale culturelle. Au point même de ne pas poser sa candidature pour devenir capitale européenne de la culture. “Pas besoin, nous le sommes déjà…” Difficile de nier aujourd’hui que le soufflé est quelque peu retombé. Et, sans entrer ici dans le débat sur la retraite, Jean Blaise et Jean-Luc Courcoult sont de la génération Jean-Marc et n’incarnent plus vraiment l’avenir.

Dans ces conditions, on espérait un sursaut. On guettait un feu d’artifice de propositions pour demain. Force est de constater (OF 13/12/2019) que les têtes de listes semblent à court d’idées. Johanna Rolland a beau jeu d’annoncer “je continuerai” puisque personne ne lui en demande davantage : Laurence Garnier entend s’appuyer sur les onze maires de quartiers “pour impulser des choses à l’échelle des quartiers”, Margot Medkour veut mettre en place “un voyage à Nantes des quartiers”, Valérie Oppelt imagine “une manifestation festive inter-quartiers et intergénérationnelle”, Julie Laernoes parie sur “un dimanche sans voiture” pour développer les arts de la rue.

Alors, laissons le dernier mot à un poète algérien : « Quand la médiocrité règne, l’incompétence est une règle et la roublardise une culture ».

 

 

(*) Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la Culture