Un trop mince scandale au musée d’arts de Nantes

Musée d'arts de Nantes

Le musée d’arts de Nantes joue sur du velours : une exposition intitulée Le Scandale impressionniste doit attirer les foules, forcément. Si ce n’est pour l’art, c’est pour le scandale.

Hélas, l’exposition, qui court du 12 octobre 2018 au 13 janvier 2019, n’est pas consacrée aux impressionnistes, et encore moins à un scandale. Elle est consacrée en réalité au Salon artistique organisé par la Ville de Nantes en 1886. À l’époque, les salons des beaux-arts de province se comptent par dizaines : chaque grande ville veut avoir le sien. Celui de Nantes se signale par ses dimensions avec près de 1.800 œuvres exposées. Il a fallu construire pour lui un palais d’exposition éphémère sur le cours Saint-André.

Intituler l’exposition d’aujourd’hui 132e anniversaire du Salon de 1886 n’eût pas été très vendeur il est vrai. Mais présenter ce Salon comme l’occasion d’un scandale impressionniste relève de la fake new rétrospective. Les impressionnistes ont fait scandale, si l’on veut, dans les années 1870, surtout en organisant leur propre salon à Paris à partir de 1874. En 1886, douze ans après Impression, soleil levant, ils en étaient au huitième. Un scandale à Nantes aurait fait réchauffé.

Fumisterie, c’est un scandale, ça ?

Il est vrai cependant que, parmi des centaines d’autres, les impressionnistes étaient présents au Salon nantais. « Presque tous les impressionnistes (Sisley, Renoir, Seurat, Gauguin…) y côtoient les représentants les plus réputés de l’art officiel », écrit Sophie Lévy, directrice du musée, dans sa plaquette Programme Sept. 18 ‑ janv. 19. Ça commence mal puisque le pointilliste Seurat n’a jamais été un impressionniste. La même année 1886, Monet, Renoir et Sisley ont même refusé d’exposer leurs œuvres à Paris à côté des siennes.

Sophie Lévy rectifie un peu plus loin en plaçant Georges Seurat parmi « l’avant-garde qui marque l’histoire de l’art », aux côtés d’Auguste Renoir, Alfred Sisley, Armand Guillaumin, Alfred Stevens ou Auguste Rodin. Cherchez quand même l’intrus ! Cette fois, c’est Alfred Stevens. Après une grande carrière de peintre mondain, il évoluait alors vers l’impressionnisme, certes, mais à 63 ans et après douze ans de réflexion, il relevait plus du wagon de queue que de l’avant-garde.

Pour attester du « scandale », le musée d’art a exhumé une critique parue dans une gazette légitimiste locale. À propos des œuvres impressionnistes serrées dans la salle IX du Salon, elle parle de « fumisterie ». Elle s’achève ainsi : « que messieurs les impressionnistes nous permettent de leur dire toute notre pensée : nous croyons sincèrement que toute notion de dessin leur manque. Peut-être s’ils avaient pu faire autrement, l’auraient-ils fait. On a vu des choses plus extraordinaires. » On a aussi vu des scandales plus tapageurs. Et des scandalisés qui voyaient mieux : l’auteur de la critique commente le travail très méthodique de « M. Seurac » [sic].

L’absence de Monet, un peu scandaleuse quand même

Réalisé avec les moyens du bord – la majorité des œuvres montrées appartiennent aux collections du musée d’art – Le Scandale impressionniste ratisse large, sous des prétextes moyennement convaincants : on y voit par exemple un buste en bronze de Victor Cossé par le sculpteur nantais Charles Lebourg parce qu’il doit ressembler à un marbre exposé en 1886. On y a joint un buste de madame Cossé, également issu des collections permanentes du musée.

On y voit même – avec plaisir ‑ une Tempête de Claude Monet, « qui séjournait alors à Belle-Ile-en-Mer et dont l’ombre plane sur ce Salon », écrit Sophie Lévy. Façon habile d’avouer que, déjà célèbre et plus guère scandaleux, Monet avait snobé le Salon. Pour mieux le rattraper par les bretelles, on a exposé aussi un buste et deux portraits du critique d’art Gustave Geffroy, tous trois très postérieurs à 1886, parce qu’il a croisé le même Monet à Belle-Ile-en-mer « au moment du salon de Nantes » !

L’exposition, qui bénéficie d’un élégant accrochage dans le patio du musée d’arts, mérite une visite mais plutôt comme témoignage du foisonnement artistique français dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Un témoignage pas très franc du collier puisqu’il confère une importance centrale à un courant artistique qui ne représentait qu’environ 2 % des œuvres exposées au Salon de 1886. On ne va pas se scandaliser pour si peu.

Toujours plus d’ateliers citoyens

La mode est à la consultation citoyenne. Non contente d’être élue, une équipe municipale se doit de consulter la population à tout propos ou presque. Par exemple, sur des lieux dont elle ne sait pas trop quoi faire et que des associations pourront prendre en charge à sa place.

“Les responsables du projet le développeront avec leur budget”, précisait la note de la mairie. Les anciens bains-douches qu’on pouvait imaginer regrouper des structures d’accueil pour celles et ceux qui ont vraiment besoin de bains-douches, un lieu regroupant des services sanitaires et sociaux… Pas de tout. Afin de lutter contre “la gentrification du quartier Champ de Mars-Olivettes” (ic),  on va y installer “une épicerie coopérative, une boutique de créateurs, un salon de thé, un institut bien-être alternatif…”  Pour d’anciens bains douches, ces citations valent leur pesant de savonnette.

Des consultations comme ça, on en redemande. Soyons sérieux, pas de consultation pour le YelloPark, le projet “qui-ne-coûte-pas-un-euro-d’argent-public” et dont les promoteurs s’impatientent, mais pour des espaces publics appelés à apporter cette touche désormais indispensable de nature en ville. Après les 15 lieux à “réinventer”, c’est la ville de demain qu’il faut co-construire. Alors, c’est une cascade de réunions publiques. Pour le quartier de la Petite-Hollande par exemple. On constitue des “ateliers citoyens” dont on précise que “les participants ont été sélectionnés sur des critères de genre, d’âge, d’usages et de lieu de résidence, en vue de constituer un panel composé d’une diversité de regards et de profils.” C’est du solide et du sérieux. Des “temps d’échanges” sont prévus en 2018 et 2019 sur un projet qui, au mieux, devrait voir le jour en… 2025.

Pas de consultations citoyennes, par contre sur le projet (bien ficelé celui-là) de construction universitaires rue de Bias : 4900 mètres carrés regroupant des espaces pédagogiques comme des amphis et des salles de cours, des lieux de vie étudiants et également des fonctions tertiaires comme la formation continue ou la direction de la recherche de l’Université. 200 personnels y travailleront et 840 étudiants pourront y être accueillis simultanément. Les riverains qui rêvaient d’un coin de nature en ville sur cet espace sont priés d’aller voir un peu plus loin. Quant aux personnes travaillant dans ce futur bâtiment et aux étudiants qui le fréquenteront, ils en seront pour leurs pieds. Car si, pour le secteur privé, l’urbanisme impose des places de parking, il n’en est pas de même pour les projets de Nantes Métropole.

Pour ce projet, la ville n’a pas consulté les riverains. elle les a simplement informés. Aux riverains qui s’inquiétaient de voir un nouvel équipement se construire sans la moindre place de stationnement, il fut répondu qu’il y avait “de nombreux parkings à proximité” et qu’il convenait d’anticiper “la disparition de la voiture en ville”. Fermez le ban.

 

FCN : toujours plus bas ?

En juin dernier, Waldemar Kita se félicitait d’avoir trouvé en Miguel Cardoso un entraineur à la hauteur de ses ambitions. Trois mois plus tard, les jours de l’entraîneur semblent déjà comptés. Il est vrai que le président du club a au moins apporté un titre au FCN et à la ville : celui du record de France de changement d’entraîneurs.

Depuis son arrivée à Nantes en 2007,  l’homme d’affaires, habitué des déclarations fracassantes, n’a pas grand chose d’autre à présenter en terme de bilan. Il embauche les entraîneurs aussi rapidement qu’il les vire. Avant Miguel Cardoso, il avait ainsi fait appel à Claudio Ranieri “pour deux ans”. Une seule année avait suffi au coach pour prendre la mesure des difficultés de travailler avec Kita. Les candidats au (futur) remplacement de Cardoso sont prévenus.

Avant son arrivée, le club affichait 8 titres de champion de France, trois coupes de France, une coupe de la Ligue… En 11 ans à la direction du club nantais, Waldemar Kita a tout de même réussi une performance : faire baisser régulièrement le nombre d’abonnés au FCN. Ils sont tout juste un peu plus de 7 000 cette saison. Et comme s’il y en avait trop, le Président fait interdire de stade ceux qui contestent un peu trop bruyamment sa façon de gérer le club.

Pour redorer un blason sérieusement terni, le Président Kita s’est trouvé une nouvelle vocation dans l’immobilier. Le projet YelloPark – dont Médiacités Nantes a décortiqué le montage – est son nouveau dada. Le projet de stade “à la hauteur des ambitions du club” n’a pas manqué de provoquer des vagues. Chez les riverains de la Beaujoire qui craignent les nuisances de cette lourde restructuration de leur quartier. Chez les supporters qui dénoncent, pour les plus modérés, un écran de fumée pour cacher la misère du club. Chez les élus écologistes qui ont réclamé à la maire de Nantes une étude plus sérieuse de l’impact environnemental de ce projet.

Pour l’instant, officiellement, la Ville soutient le projet immobilier de Waldemar Kita. Un président qui aurait sans doute plus de légitimité à réclamer un nouveau stade si son club jouait les premiers rôles en championnat et si la Beaujoire affichait complet. En janvier 1985, le FCN accueillait Bordeaux. Il y avait à l’époque plus de 44 000 spectateurs dans le stade. Mais ne soyons pas cruels…

Julien Craque

Toujours pas de récompense pour les 101 « gros » donateurs de l’Arbre aux Hérons

Des « récompenses » ont été promises aux contributeurs de L’Arbre aux Hérons. Un peu plus que des cacahuètes puisque, avec les frais de la campagne Kickstarter du printemps dernier, elles absorberont quelque chose comme un quart des sommes récoltées, de l’aveu même de Karine Daniel, directrice du Fonds de dotation. Cinq mois plus tard, certaines manquent encore à l’appel.

Elles avaient été annoncées pour juin-juillet, ce qui ne dénotait déjà pas une grande célérité. Les récompenses numériques, simples fichiers télétransmis, ont été envoyées fin juillet. Les récompenses en dur, elles, commencent seulement à être livrées sans un mot d’excuse, sans une tentative de justification, ce qui soulève pas mal de commentaires acides. « Un petit message pour tenir informé.e serait le bienvenu, le dernier datant de juin, ça commence à faire longuet » déplore ainsi Fanny Maillet. « Still nothing for me. I hope they arrive before the tree is built… », persifle Barbara Kendall.

Certaines récompenses, cependant, semblent remises aux calendes grecques. Aux donateurs de 1.000 euros, la campagne Kickstarter avait promis ceci : « les NOMS des 250 grands donateurs seront GRAVÉS SUR LES BANCS installés sur le site des Machines de l’île ! ». Le travail est moins lourd que prévu puisque seulement 101 gros dons ont été reçus au lieu des 250 espérés. Les graveurs sur bois auraient pu sortir gouges et maillets dès la campagne achevée, en avril dernier. À ce jour, pourtant, les bancs installés autour des Machines de l’île sont vierges de toute gravure.

Il est vrai que, juridiquement, le cas est épineux puisque ces bancs – immeubles par destination car fixés au sol – appartiennent à Nantes Métropole. En faire le support de récompenses aux donateurs serait une subvention en nature au profit du Fonds de dotation de L’Arbre aux Hérons. Hélas, un fonds de dotation ne peut recevoir de subvention des collectivités locales…

« A l’inauguration de l’Arbre aux Hérons, ces bancs seront implantés dans le jardin extraordinaire… » a néanmoins promis le Fonds de dotation. Vu leur état, beaucoup d’entre eux risquent de ne pas y survivre. Pas grave : inspirés par Jules Verne et Léonard de Vinci, qu’ils disent, les créateurs du projet trouveront bien une solution.

Et il n’est question ici que des récompenses les plus simples. Or pourquoi faire simple quand Nantes Métropole peut faire encore plus compliqué ? On y reviendra donc un de ces jours…

Sven Jelure

Gare aux intempéries…

Nous les testerons aux premières pluies

Début septembre, le tramway a repris du service entre Commerce et Manufacture. Les travaux de la gare se poursuivent, rendant un peu plus difficile encore son accès. La Ville de Nantes conseille donc sagement d’éviter la face Nord (sauf pour celles et ceux qui prennent le tram) et invite la population à partager la joie des embouteillages côté sud.

Reste que la ligne 1 du tram a repris du service dans la continuité et que le public a pu découvrir le nouveau mobilier urbain. À la gare, il convenait de faire un clin d’œil au Jardin des Plantes. D’où ces jolis abribus semblant sortir d’une bande dessinée. Des arbres, ou plutôt de larges feuilles blanches, sous lesquelles les voyageurs sont invités à attendre le tram.

Est-ce un avant-goût de ce qui attend les voyageurs lorsque le projet de Rudy Riciotti sera terminé ? On nous vend déjà une gare “perchée dans les arbres”. Ni plus, ni moins. Tout juste peut-on se demander si les concepteurs des abribus n’étaient pas eux-mêmes un peu perchés lorsqu’ils ont dessiné le mobilier. Qu’un abribus soit joli plutôt que moche, tout le monde en sera d’accord. À condition toutefois qu’il remplisse sa fonction première d’abri. Il est probable que les voyageurs déchanteront lorsque la bise sera venue. Sans parler de ce crachin qui nous rappelle, l’automne venu, que Nantes n’est pas loin de la Bretagne.

J. C.

 

Toujours plus de vélos…

S’il y a plus de vélos que de voitures dans les rues de Copenhague (comme l’a rappelé récemment la presse), la ville de Nantes accuse un retard certain par rapport à nombre de villes françaises dans la place faite au vélo. Strasbourg, Bordeaux ou… même Grenoble font beaucoup mieux.

Certes Nantes peut légitimement s’enorgueillir de disposer (sur le cours des 50 otages) de la seule piste cyclable surélevée aménagée entre deux voies de bus mais beaucoup de cyclistes hésitent à l’emprunter pour des raisons de sécurité. D’autant que ce parcours cycliste est interrompu par des ronds-points difficilement carrossables.

Le gouvernement vient d’annoncer le lancement d’un plan vélo qui entend “tripler la part du vélo dans les déplacements quotidiens”… La part du vélo en France passerait ainsi à 9 % en 2024… si tout va bien. Dans un pays qui fait volontiers la leçon au monde entier, rappelons qu’à Amsterdam, elle était de 40 % en 2017. Et que Bâle (25 %) Florence, Munich et Bologne (20 %) ont pris quelques longueurs d’avance. La part du vélo en France n’était que de 3 % l’an dernier.

Les associations nantaises font quant à elles remarquer que l’aménagement (plus ou moins adapté…) de pistes cyclables n’est pas le seul problème rencontré par les usagers. Circuler en vélo, pourquoi pas mais, une fois à destination, on fait quoi de son deux roues ? Difficile à glisser sous un bureau ou à laisser au vestiaire. Le centre-ville de Nantes se signale ainsi par une accumulation anarchique de deux roues, attachés ou abandonnés faute de mieux en fonction des possibilités offertes par les grilles, les poteaux et autres points d’attache potentiels.

La gare de Nantes, réaménagée à grands frais, n’a pas prévu de faire davantage de place pour les deux roues. On finira bien par caser quelques arceaux ici ou là mais on peut d’ores et déjà douter que ce soit suffisant.

Julien Craque

Sortons la calculette pour L’Arbre aux Hérons

La calculette des Hérons

Il suffit parfois d’un rien pour ébranler les certitudes les mieux assises. Depuis juillet 2013, on croyait savoir que l’Arbre aux hérons coûterait 35 millions d’euros. En réalité, il semble que personne n’en sait rien.

Maintes fois mentionné par Pierre Orefice et François Delarozière, le montant de 35 millions d’euros a même été officialisé par le conseil métropolitain du 17 février 2017 :

« Le coût prévisionnel du projet Arbre aux hérons est de 35 millions d’€ et repose sur un objectif de cofinancement assuré pour un tiers par Nantes Métropole, un tiers par d’autres personnes publiques et un tiers par des partenaires privés (entreprises, particuliers, collectifs…). » 

D’un seul coup, la certitude vacille. L’association La Machine, constructrice exclusive des Machines de l’île, recrute un ou une « chargé.e d’économie de projet – Arbre aux hérons ». Sa mission principale sera « la réalisation d’une estimation complète et détaillée du coût du Projet et des frais annexes (frais d’études, d’expertises, de coordination, d’assurances, de communication etc.) ».

Un calcul déjà fait, à refaire quand même

Une estimation complète : ainsi, l’entité a priori la mieux informée ne sait pas ce que la construction coûterait ! Ce n’est pourtant pas faute d’y avoir réfléchi. La première tranche des Machines de l’île comportait dès 2004 « l’étude de l’Arbre aux hérons et la branche prototype ». Ce poste représentait pas moins de 12,5 % du coût de cette tranche, 0,6 million sur 4,8 millions d’euros – contre 2 millions pour le Grand éléphant et 2,2 pour la Galerie des Machines. (Oui, le budget initial de l’Arbre aux hérons serait 17,5 fois plus élevé que celui de l’Éléphant.)

On a bien noté : « l’étude de l’Arbre aux hérons et la branche prototype » ont coûté 0,6 million d’euros. La Machine ayant disposé d’une somme conséquente et de quatorze ans de délai pour réaliser cette étude, on avait toutes les raisons de penser que les 35 millions évoqués avaient été mûrement calculés. Il semblerait que non puisqu’il faut aujourd’hui réaliser une « estimation complète »qu’un seul chargé d’étude est censé réaliser en moins d’un an, les travaux devant commencer début 2020.

Ce cafouillage comporte cependant une bonne nouvelle : peut-être L’Arbre aux hérons pourra-t-il ainsi échapper à ce budget ridicule de 35 millions d’euros, soit à peine une vingtaine de ronds-points, selon l’étalon financier favori de François Delarozière. Nantes disposerait enfin d’un bidule à la mesure d’une grande métropole.

Voyage à Nantes : toujours plus de virtuosité dans le bidonnage

On aura sûrement l’occasion de revenir sur le bilan du Voyage à Nantes 2018, fidèle à une longue tradition de trituration des chiffres. Mais signalons déjà ce petit bijou finement ciselé :

«la fréquentation reste quasi stable avec 609.217 visites contre 648.408 en 2017 sur les sites comparables »

En treize mots et trois nombres, Le Voyage à Nantes est parvenu à glisser trois cartes biseautées (toutes à son avantage, est-il nécessaire de le préciser ?).

1 – Il faut vraiment compter sur un public endormi pour qualifier de « quasi stable » un nombre de visites en baisse de 39.191. La fréquentation de 2017 a été en réalité supérieure de 6,43 % à celle de 2018.

2 – Encore moins quasi stable est la durée de la promo estivale. Le Voyage à Nantes 2018 a duré une semaine de plus que Le Voyage à Nantes 2017, soit 12 % de temps en plus. À durée équivalente, il aurait fallu engranger 726.217 visites (648.408 x 1,12) pour parvenir à la stabilité. Plus de 100.000 manquent à l’appel.

3 – Qu’est-ce que c’est que cette histoire de « sites comparables » ? L’an dernier, le Voyage à Nantes revendiquait 2.389.943 visiteurs sur vingt-cinq sites. Deux d’entre eux ont disparu : l’ancienne maison d’arrêt et l’installation Hécate de la place Graslin, soit au total 246.239 visites. Les vingt-trois sites restants avaient reçu en 2017 pas moins de 2.143.704 visites. Faut-il être très paranoïaque pour imaginer qu’on a retiré de l’enveloppe tout ce qui a franchement moins bien marché en 2018 qu’en 2017, à l’instar du Musée d’arts, dont la fréquentation a été divisée par deux ? Les comparaisons sont plus faciles ainsi !

Conclusion : l’Éloge du pas de côté représente assez bien Le Voyage à Nantes. Y a un truc !

Nantes plus de circulation apaisée

Depuis bientôt trente ans, Nantes s’ingénie à compliquer d’année en année la vie des automobilistes. En tête du palmarès 2018 trône l’interdiction aux voitures du haut de la rue Henri IV.

Dommage pour la rue Joffre
petit détour par une rue qui serait tellement plus sympathique sans voiture

À moins de 100 m de la place Louis XVI, les conducteurs doivent bifurquer à droite dans la rue Clemenceau, puis à gauche dans la rue Stanislas Baudry et la rue Lorette de La Refoulais, puis à gauche dans la rue du Maréchal Joffre pour enfin retrouver la colonne Louis XVI, objet de leur désir, après un détour de 800 m riche en promesses d’embouteillages.

 Les cyclistes ont pu paraître un temps mieux lotis. On leur a créé des bandes cyclables et des « tourne à droite » aux feux. Il était grand temps de doucher leurs prétentions. Nantes Métropole a sagement imaginé à leur intention quelques innovations perverses. Dernière en date, la pose de trois plots barrant la bande cyclable au beau milieu du cours Franklin-Roosevelt paraît spécialement rock-n’roll.

Et les piétons, alors ? Nantes Métropole n’a-t-elle rien prévu pour leur rappeler leur condition d’assujettis ? Eh ! bien, si, ça vient, comme le montre ce panneau de chantier remarqué le week-end dernier en bas de la rue Geoffroy-Drouet et qui appelle des visions à la Jérôme Bosch. Piétons traversés par quoi ? On devait le savoir bientôt, mais ça ne sera sûrement pas joli-joli.

Plus de couleurs à Nantes

Quand, vers la Noël 2017, Nantes avait été autorisée à expérimenter les marquages publicitaires éphémères sur les trottoirs, ça n’avait été qu’un cri : Touche pas à mon macadam !
La Ville, sans doute inscrite à l’insu de son plein gré sur la liste des expérimentateurs, avait repoussé la perspective avec horreur.
Elle avait stigmatisé « une pollution visuelle en contradiction avec la volonté de Nantes de valoriser les atouts patrimoniaux et environnementaux de son centre ville ».

Elle avait aussi rappelé les grands principes : « C’est pour cela aussi que Nantes s’est doté d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur de son centre-ville. La Ville souhaite s’en tenir aux codes de la route et de l’environnement et refusera toute demande de marquage au sol. » Le Plan de sauvegarde et de mise en valeur venait justement d’être révisé ; après une enquête publique fin 2016, il avait été soumis au conseil métropolitain le 24 mars 2017. On n’allait pas si vite s’asseoir dessus !

« La nécessité d’une écriture homogène architecturale s’impose », affirmait le Plan. « Celle-ci s’affirme aujourd’hui avec le recours quasi systématique au granite en dallage, pavage ou bordure, de préférence de la couleur gris beige du granite des immeubles et un mobilier urbain métallique peint en vert nantais. »

        

Mais Nantes, on le serine sur tous les tons, est une ville créative : son imagination ne saurait se borner au gris beige et au vert nantais. Et puisque la Ville refuserait les marquages, il suffisait de ne pas demander : une nuit de début juin, un commando nocturne, qui avait sans doute quelque chose à dire, avait peint en six couleurs (de bas en haut, rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet) l’escalier de la rue Beaurepaire, qui rejoint le cours des 50 otages en son milieu.

Nantes lave plus blanc

Six jours plus tard, un autre commando nocturne, qui avait sans doute autre chose à dire, repeignit en blanc une partie des marches. La Ville, ç moins tolérante aux marches blanches qu’aux marches de couleur, envoya ses nettoyeurs déblanchir les lieux. Las ! Les Kärcher municipaux sont daltoniens : incapable de distinguer le blanc des couleurs, ils enlevaient tout. Horrifiés, les nettoyeurs stoppèrent le travail en son milieu. Voilà pourquoi les touristes ont pu admirer tout au long de l’été cet étrange décor où le « gris beige du granite » le dispute aux couleurs survivantes.

Repentante, la Ville a officiellement fourni un stock de peinture aux partisans des couleurs. On espère que la comptabilité publique a une ligne pour inscrire ce genre de cadeau, mais là n’est pas la question. On espère surtout que la Ville a fourni sept couleurs et non six, car traditionnellement c’est ainsi qu’on représente l’arc-en-ciel. Et plus encore, on espère qu’elle ne s’en tiendra pas là.

Car les escaliers aux couleurs de l’arc-en-ciel sont d’une affligeante banalité. Du Brésil à la Turquie, ils abondent. Même larges, quelques marches peinturlurées ne sont pas suffisantes pour valoir à Nantes le badge de créativité auquel elle aspire. Alors, allons-y franco, peignons partout, ce n’est pas MM. Castorama et Dulux qui s’en plaindront.

Sven Jelure