ACCOORD : l’animation socio-éducative en mode furtif à Nantes

Le nouveau rapport de la chambre régionale des comptes sur l’ACCOORD est mauvais. Il y a du progrès : le précédent, en 2011, était TRÈS mauvais. Les critiques actuelles, d’ailleurs, sont-elles toutes bien dirigées ?

La situation de l’ACCOORD était si dégradée en 2011 que le commissaire aux comptes avait déclenché une procédure d’alerte. La Chambre avait incriminé les dirigeants, qui d’ailleurs changeaient sans arrêt (trois présidents, quatre directeurs généraux et six DRH en six ans). L’ancienne présidente de l’association lui avait reproché « d’exonérer les élus de la Ville de Nantes de leurs responsabilités, et d’accuser la gouvernance de l’ACCOORD de tous les maux ».

La Chambre a réitéré son contrôle cette année et commence son nouveau rapport d’observations définitives par une sorte de mea culpa subliminal : depuis 2011 « le rôle de la ville de Nantes a été réduit au sein des instances de gouvernance, ce qui permet à l’association de disposer d’une autonomie institutionnelle plus importante ». Autrement dit, « tous les maux » de 2011 auraient bien dû être reprochés à la Ville davantage qu’aux dirigeants. Voilà une injustice tardivement – et discrètement – réparée.

Aujourd’hui, les choses vont mieux. Tout n’est pas rose pour autant. Curieusement, le premier grief de la Chambre porte sur un point de détail : « Le rapport du commissaire aux comptes est incomplet chaque année depuis 2011. Il ne comporte pas la rémunération des trois plus hauts cadres dirigeants, prévue par l’article 20 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative à l’engagement associatif. » Fâcheuse lacune, évidemment. Mais pourquoi la reprocher à l’ACCOORD ? C’est le commissaire aux comptes qui n’a pas fait son boulot !

L’Association le trouve pourtant à son goût puisqu’il est en fonction depuis 2011 et qu’elle a renouvelé son mandat l’an dernier jusqu’en 2028 ! Il est tout de même formidable qu’en douze ans personne, en particulier aucun des huit représentants de la Ville au conseil d’administration de l’ACCOORD, n’ait remarqué le trou dans la raquette de son rapport ! Bien entendu, il faut plaider l’incompétence, car une connivence entre la Ville et l’ACCOORD serait contraire au code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes. On s’étonne quand même que la Chambre n’ait pas interrogé le Haut Conseil du commissariat aux comptes.

L’ACCOORD existe-t-elle ?

La chambre régionale des comptes révèle que le montant global brut non révélé par le commissaire aux compte serait de 238 164 euros brut en 2022. Faut-il diviser par trois ? Dans beaucoup d’associations, le président est bénévole ; la rémunération globale des trois principaux dirigeants n’est donc à diviser que par deux !  Ce qui donnerait ici des rémunérations à six chiffres et non plus à cinq. Quoique, selon la Chambre, le montant qu’elle indique vaudrait pour les trois principaux dirigeants salariés. Alors que la loi vaut pour les trois principaux dirigeants bénévoles et salariés ! Si même la chambre régionale des comptes s’emmêle, le commissaire peut invoquer des circonstances atténuantes.

En tout état de cause, le mutisme du commissaire aux comptes sur ce point ne nuit pas à l’information du public. Car l’ACCOORD se dispense tout simplement de publier son rapport ! Cette publication au Journal officiel est obligatoire pour toute association qui perçoit plus de 153 000 euros de subvention par an (l’ACCOORD en perçoit plus de 4 millions). Depuis la loi du 24 août 2021, son absence est punie en principe d’une amende de 9 000 euros. Mais si vous demandez au Journal officiel ce que l’ACCOORD a publié dans ses pages, vous n’y trouvez rien (elle est en bonne non-compagnie, notez bien).

Avec un peu de ruse, vous trouverez l’annonce de création de l’« Agence de concertation pour l’animation socio-éducative et le soutien à la vie associative », intitulé initial de l’association, en 1985 (oui, du temps de Michel Chauty). Mais sous l’intitulé ACCOORD, en principe son nom officiel depuis 2012, rien de rien, pas même l’annonce d’un changement de dénomination, a fortiori pas de comptes annuels. Rien non plus sous l’intitulé « Association pour la réalisation d’activités éducatives, sociales et culturelles de la ville de Nantes », nom que Franck Renaud attribue à l’ACCOORD dans un hors-série de Place publique qui lui est consacré. À qui faire confiance ?

Voilà l’ACCOORD réduite au rang d’association non déclarée, dépourvue donc de la personnalité morale, ce qui lui interdit en principe de posséder quoi que ce soit. Mais si même la chambre régionale des comptes n’y trouve rien à redire…

Sven Jelure

2 réponses sur “ACCOORD : l’animation socio-éducative en mode furtif à Nantes”

    1. Bien vu, Pappers est vraiment un outil excellent. Vous y aurez néanmoins remarqué la mention : « Aucune annonce JOAFE n’a été publiée pour cette entreprise. » Or c’est justement cette annonce au Journal officiel des associations et fondations d’entreprise que la loi exige ! Elle seule a valeur légale, et elle suppose un acte positif de l’association alors que Pappers est un site privé qui a récupéré l’information ailleurs. Le fait qu’un ami publie un tweet pour annoncer la naissance de votre enfant ne vous dispense pas de le déclarer à l’état-civil… Check twice!

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