Il a fallu une agression à l’arme de poing dans un tramway pour qu’on (re)parle de l’insécurité dans les transports en commun nantais. Pour que Pascal Bolo, adjoint et président de la Semitan, se félicite de “l’excellente réactivité des personnels”. Mais en fait de propositions, concrètes et sérieuses, il semble urgent d’attendre.
La conductrice du tramway, agressée à la station Haluchère, ce 8 novembre, mettra sans doute un peu de temps à oublier cette arme braquée sur elle par un passager qui entendait ne pas mettre de masque. Les cas d’agressions se sont multipliés ces derniers mois (insultes, crachats, gifles…) et ont fait monter la tension tant auprès des personnels que des usagers. Les contraintes du confinement, souvent mis en avant, n’expliquent pas tout : il y a bien une dégradation objective de la sécurité dans les transports en commun nantais.
Le leurre de la gratuité
Après l’agression de la Haluchère, la réponse syndicale a été de stopper la circulation des bus et tram à 22h30. Une mesure en contradiction avec les directives de la municipalité qui entend favoriser les transports en commun au détriment de la voiture. Pour que les voitures restent au garage, il convient de mettre en place des transports publics fiables et sûrs, y compris en soirée. Et là, manifestement, le compte n’y est pas.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les premières propositions formulées ne sont pas de nature à rassurer les usagers. Les contrôleurs se faisant agresser, il suffirait, pour certains, d’instaurer la gratuité pour y mettre un terme. S’il n’y a plus de contrôleurs dans le tram, il n’y aura plus de contrôleurs agressés. CQFD. Or chacun sait que la gratuité n’existe pas : ce sont les contribuables qui paient les charges d’investissement et de fonctionnement des transports publics.
La gratuité a pourtant été promise par Johanna Rolland à partir de janvier prochain. Une gratuité limitée (pour l’instant ?) au week-end. Les élus ne doivent pas prendre le tram ou le bus entre 17h et 20h, par exemple, pour ne pas avoir constaté que le réseau est déjà saturé. La Semitan envisage-t-elle de doubler la fréquence des transports sur les lignes les plus utilisées ?
La gratuité risque de provoquer une augmentation sensible de la fréquentation des moyens de transport. À l’inconfort des passagers risque de s’ajouter une augmentation, elle aussi mécanique, de l’incivilité. À moins de multiplier les interventions des brigades de sécurité, y compris le week-end. Les négociations avec les personnels de la Semitan s’annoncent difficiles.
Appel à la “vidéo-protection”
Tout aussi longs, sans doute, les délais de livraison et d’installation de matériels de vidéo-protection embarquée” dans les bus et tramway. Un avis de marché, pour un montant “minimal” de 3,4 millions d’euros hors taxes, vient d’être publié, en date du 6 novembre, par la Semitan, “mandataire de Nantes Métropole”. On ne sait pas si Julie Laernoes, farouche opposante à tout système de vidéo-surveillance, a été consultée avant la publication de cet appel à candidature.
Il est vrai que l’appellation du système à installer procèderait de la “vidéo-sécurité” et non de la “vidéo-surveillance”. Cette nuance sémantique empêchera-t-elle les Verts de voir rouge ? Une chose est sûre, le système à installer à bord des bus et tramways devrait être plus efficace que le matériel actuellement en place : malgré les images enregistrées et de nombreux témoins, l’agresseur de ce 8 novembre court toujours.
Si les revendications des personnels de la Semitan semblent prises en compte, elles ne peuvent pas être mises en œuvre très rapidement. Il en va de même pour la présence de maîtres-chiens en appui des personnels de la future police des transports de Nantes métropole. Une police qui ne devrait pas être en place, elle non plus, avant plusieurs mois. Entre recrutement et formation, les procédures ne sont pas simples. Il faut bien le dire, les actuels personnels “accueil et sécurité” de la Semitan font figure de gentils G.O. du Club Med. Ils préfèrent bien souvent rester groupés dans une rame de tram pour “éviter les provocations”.
La place des femmes
Autre proposition : réserver aux femmes une partie d’une rame de tramway. Selon cet agent de la Semitan, interrogé par Presse-Océan, les femmes “ regroupées à l’avant, près du poste de conduite” seraient plus en sécurité. Pourquoi ne pas mettre en place des bus ou des tramways réservés aux femmes ? Ou interdits aux hommes ? Ce type de mesure rappelle les pires heures de la discrimination ou renvoie à des pratiques moyenâgeuses encore en vigueur dans certains pays. On se souvient de certaines revendications, comme celle visant à instaurer des horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales. Pourquoi ne pas enterrer définitivement l’égalité homme/femme ? Sur les réseaux sociaux, un plaisantin proposait d’obliger hommes et femmes à porter la burqa, histoire d’éviter tout regard ou geste déplacé. Autre avantage, les personnels de contrôle seraient à l’évidence moins repérables…
Plus sérieusement, voilà un sujet dont on reparlera dans les mois qui viennent. Et il ne suffira sans doute pas d’une énième opération de “dialogue citoyen” pour y répondre.
Julien Craque
Partager la publication "Transports en commun : une dégradation objective"
Bonjour,
Il a été prouvé notamment à Dunkerque que la gratuité des transports en commun n’impliquait pas une augmentations des incivilités dans les transports.
Bonne journée à vous,