Johanna Rolland a limogé son directeur de la communication pour « perte de confiance ». Elle en embauche un nouveau, dont le profil paraît mal adapté à un poste aussi délicat. Les candidats ne se sont peut-être pas bousculés au portillon.
Un bon directeur de la communication est précieux pour un maire. Au siècle dernier, Guy Lorant a longtemps fait vivre l’illusion d’un Jean-Marc Ayrault charismatique. Il a trompé jusqu’au président de la République ! Johanna Rolland, qui vient d’annoncer son intention de repiquer en 2026, ne comptait plus sur Xavier Crouan, directeur de la communication de Nantes Métropole depuis 2016 : elle l’a licencié cet été pour « perte de confiance ».
La marque d’une certaine fébrilité, sans doute. Et on la comprend :
1) L’insécurité dégrade chaque jour un peu plus la réputation de Nantes et de sa maire. Le plus habile des communicants n’y pourra rien sans une amélioration réelle. Le renforcement de la police municipale y pourvoira-t-il ? Il pourrait aussi apporter une menace différente. Les policiers nantais se sont mis en grève le jour où débutait la coupe du monde de rugby et leurs revendications salariales ont aussitôt été satisfaites ! Un renouvellement de la plaisanterie lors des Jeux Olympiques nuirait à la com’.
2) Les travaux des nouvelles lignes de tramway vont causer des perturbations de la circulation probablement sans précédent dans la ville. Et cela à la veille de l’élection ! S’il subsiste le moindre doute sur la pertinence de l’implantation du CHU sur l’île de Nantes, le mécontentement risque d’être lui aussi sans précédent.
3) Joëlle Kerivin, proche de Johanna Rolland, a été condamnée en mars dernier dans l’affaire de la SAEM Folle Journée. Benoist Pavageau, Jean-Luc Charles, très proches de Jean-Marc Ayrault, ont été mis en examen avec d’autres dans l’affaire du Carrousel des fonds marins, qui remonte à 2011. Une nouvelle affaire du même genre serait ravageuse. Or c’est quand les pouvoirs en place sont fragilisés que les cadavres sortent des placards. Dans un registre tout différent, l’affaire Steve finira bien par venir devant les tribunaux. La condamnation de la ville et de sa maire pour manquement à la sécurité n’est pas une hypothèse à exclure.
Les risques ne s’arrêtent pas là, bien entendu. En période pré-électorale, chacun d’eux peut vite tourner vinaigre. D’autant plus que le leadership de Johanna Rolland a souffert du score (1,7 % des voix !) d’Anne Hidalgo, dont elle était directrice de campagne, à l’élection présidentielle de l’an dernier. Combien de temps les autres composantes de la majorité municipale se diront-elles que la solidarité est plus porteuse que plombante ? Signe que la sérénité ne règne pas dans les hautes sphères, Nantes a récemment renforcé son dispositif de communication de crise. Elle s’est aussi offert pour un montant considérable des services de conseil en communication courant jusqu’à l’époque de l’élection municipale.
Une certaine expérience des temps moroses
Et voilà donc que débarque un nouveau dircom, Marc Péron, 43 ans, qui a dirigé pendant douze ans la communication de Nantes Université. Pourquoi quitte-t-il la relative quiétude universitaire pour les anxiétés métropolitaines ? A-t-il été saisi par quelque démon de midi ? Serait-il attiré par les ambiances déliquescentes ? L’ennui le pousse-t-il à voguer vers de nouvelles aventures ? Nantes Métropole lui a-t-elle fait un pont d’or ? Après tout, ça le regarde.
Le choix de Johanna Rolland, en revanche, interroge. Marc Péron a certes traversé des périodes difficiles, d’abord lors de la faillite de l’agence Aïki communication, qu’il dirigeait à Rennes avant 2011, puis à Nantes, où il a trouvé une situation dégradée. Inauguré en juin 2009, le pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) L’Université Nantes Angers Le Mans (L’UNAM), catoblépas réunissant les universités « ligériennes », était en pleine déliquescence. Déliquescence institutionnelle mais surtout scientifique : le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait décidé de distribuer 1 milliard d’euros à une centaine de « laboratoires d’excellence » dont aucun ne relevait de L’UNAM. Un peu plus tard, celle-ci ratait aussi l’énorme budget des « initiatives d’excellence ». L’UNAM a disparu en 2015. Puis l’Université Bretagne Loire a été créée en 2016. Et a disparu en 2020.
Un choix par défaut ?
Mais c’est de l’histoire ancienne. Les ambitions ont été rognées. L’université évite de faire des vagues : il ne faut pas indisposer les grands barons, patrons des prestigieuses écoles d’ingénieurs. Son dircom a ainsi pu s’occuper de questions aussi importantes qu’un changement de nom (l’Université de Nantes est devenue Nantes Université) et de logo (le demi-U à gauche imbriqué dans un demi-N à droite est devenu un demi-N au-dessus d’un demi-U). Marc Péron a également pris des responsabilités associatives à la tête d’une organisation professionnelle.
Rien dans son C.V. ne le prédispose à gérer la communication d’une métropole – et implicitement d’une maire ‑ à l’approche d’une réélection municipale difficile. Johanna Rolland lui accorde néanmoins la confiance que Xavier Crouan avait perdue. Mais peut-être n’a-t-elle pas vraiment eu le choix. On ignore combien de candidats ont répondu à son offre d’emploi. Les communicants de haut vol aspirent rarement à piloter des navires en perdition.
Sven Jelure
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