Johanna Rolland entre l’Arbre et les corsaires

Les partisans de l’Arbre aux Hérons cherchent-ils à forcer la main de Johanna Rolland ? Alors que les essais sont en retard sur le programme et que les mécènes commencent à se défiler, ils voudraient que Nantes Métropole signe au plus vite l’achat de leur projet.

Au printemps 2018, le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons promettait aux donateurs de sa campagne Kickstarter, en exclusivité, « l’histoire de la construction de l’Arbre aux Hérons racontée en direct de 2018 à 2022 en 14 chapitres (via 3 newsletters par an) ». Le chapitre 6 vient de sortir. Avec donc un copieux retard ? Bof, question « histoire de la construction », en tout état de cause, il n’y a pas grand chose à dire.

Quoique. Dès la première page, le chapitre commence fort : « Le 9 juillet 2021 Johanna Rolland, Présidente de Nantes Métropole, a annoncé en conférence de presse le lancement du projet de l’Arbre aux Hérons. » C’est clair, mais c’est complètement faux.

La conférence de presse avait pour seul but de faire le point sur l’avancement du projet. Nantes Métropole spécifiait alors que « l’acquisition de l’œuvre monumentale imaginée par Pierre Oréfice et François Delarozière fera l’objet d’une délibération au conseil municipal d’ici la fin de l’année ». Quelques jours plus tôt, lors du conseil métropolitain du 29 juin, Johanna Rolland avait même averti expressément que la décision de réalisation ne serait pas prise le 9 juillet.

Qui fixe l’ordre du jour du Conseil métropolitain ?

Alors, pourquoi faire maintenant comme si elle avait pris une décision depuis plusieurs mois ? On dirait bien que les rédacteurs du chapitre 6 comptent monter à l’abordage du conseil métropolitain pour forcer la décision. Dans leur texte, « les auteurs, la compagnie La Machine et le Fonds de dotation présententle projet tel qu’il est défini dans le marché qui sera soumis au vote au dernier Conseil Métropolitain », au mois de décembre.

On brûle les étapes : on avait prévu de délibérer sur une acquisition, il s’agit maintenant d’approuver un marché public ! Mais qui sont donc les signataires du texte, François Delarozière, Pierre Orefice, Bruno Hug de Larauze, Carine Chesneau et Karine Daniel, pour fixer eux-mêmes l’ordre du jour du Conseil métropolitain ?

Aucun progrès important n’a pourtant été accompli depuis le 9 juillet. Le dossier de présentation joint au chapitre 6 est quasiment identique à celui qui avait été diffusé le 9 juillet. Il a seulement été retouché le 9 septembre pour indiquer qu’un peu d’argent avait été récolté auprès de particuliers depuis la collecte Kickstarter de 2018. Ses auteurs ont poussé la désinvolture jusqu’à laisser subsister cette mention : « le Grand Héron sera installé entre l’atelier de la compagnie et l’école Aimé Césaire. Ainsi les premiers essais de vol du Héron seront effectués dès l’été 2021. » Comme chacun a pu le voir, le héron est installé mais les essais n’ont pas eu lieu.

Plus de dépenses, moins de mécènes

Impavides, les auteurs du chapitre 6 annoncent maintenant : « décembre 2021: les essais en vol commencent sans passager ». Ils voudraient donc que le Conseil métropolitain achète leur engin sans qu’il ait été validé par les essais ! Or ceux-ci ont fait l’objet d’un contrat d’étude conclu entre Nantes Métropole et le groupement Orefice-Delarozière-La Machine. Et les essais en public pendant l’été 2021 étaient l’une des conditions du contrat. Ce n’est pas la première fois que le groupement sort des clous, et Johanna Rolland paraît s’incliner à chaque fois. Il serait temps qu’elle indique à ses prestataires que le patron, c’est celui qui paie, surtout quand il s’agit de la collectivité publique.

Quant à voter le projet en l’état, ce serait aller au-devant des ennuis. La construction de l’Arbre aux Hérons déclencherait une cascade de dépenses non chiffrées. Alors que l’argent pour le construire manque. Les auteurs du projet font semblant de l’oublier, mais l’une des conditions posées par Johanna Rolland est qu’un tiers du budget, c’est-à-dire 17,5 millions d’euros, soit apporté par des mécènes et des donateurs privés. Alors que la chasse aux mécènes est engagée depuis des années, les promesses plafonnent un peu au-dessus de 6 millions.

Pire, les mécènes commencent à se défiler. Après les avoir réunis l’an dernier, le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons avait posté ce message :

Il les a réunis à nouveau voici quelques jours, et voici le post correspondant :

On est passé de « 58 entreprises mécènes » à « plus de 50 entreprises » ! Le chapitre 6 nous apprend que le nombre d’entreprises mécènes est en réalité de 51. Et l’interdiction d’être à la fois mécène et attributaire de marchés publics posée voici peu par la Chambre régionale des comptes ne va pas arranger les choses.

Quand la chatte n’est pas là les souris dansent, mais il serait bien temps de mettre de l’ordre dans ce projet de plus en plus abracadabrantesque.

Sven Jelure

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