Johanna Rolland coincée entre Anne de Paris et Anne de Bretagne

Johanna Rolland fait profil bas ces temps-ci. Comme maire de Nantes, et surtout comme directrice de campagne d’Anne Hidalgo, maire de Paris et candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle de 2022. Qu’est-elle allée faire dans cette galère ? Ses chances d’en sortir sans dégât semblent à peu près nulles. Et le jour où elle retrouvera les affaires nantaises, c’est une autre Anne qui lui vaudra des insomnies.

Il y avait autrefois, en haut du passage Pommeraye, une boutique nommée Hidalgo de Paris. On y vendait des farces et attrapes, genre coussin péteur ou diable qui jaillit d’une boîte. Les vieux Nantais ont souri en apprenant que leur maire allait se mettre au service d’Anne Hidalgo de Paris. Mais cette boutique-là bat de l’aile et aujourd’hui l’enseigne fait moins envie que pitié. Comme un coussin péteur qui ferait pschittt.

Est-ce la candidate qui n’imprime pas ou sa campagne ? Ou les deux : on peut tout à la fois miser sur le mauvais cheval ET ne pas savoir l’atteler. Toujours est-il que Johanna Rolland n’en sortira pas indemne. En acceptant de diriger une campagne présidentielle nationale, elle a commis une double erreur d’appréciation, sur les difficultés de la tâche et sur ses propres capacités.

A-t-elle cru pouvoir déjouer le principe de Peter ? Son expérience électorale était mince et locale. En l’élisant d’un coup de sceptre municipal, Jean-Marc Ayrault a mis entre ses mains tous les instruments d’un pouvoir local pépère amassés en plus de vingt ans d’exercice : machine politique, moyens administratifs, complaisances médiatiques, réseaux d’obligés… Or, pour monter de toutes pièces une campagne nationale en remobilisant un parti largement composé de vieux grincheux, il eût fallu une tsarine.

Johanna Rolland, paraît-il, espérait devenir Première ministre une fois Anne Hidalgo élue. Première ministre, mais pour faire quoi ? Comme son parrain Jean-Marc ? Au risque d’aboutir à une exfiltration piteuse vers la présidence de quelque fondation, selon l’urgence expiatoire du moment : Fondation pour la mémoire des forêts primaires sacrifiées à des parkings de supermarché, Fondation pour la mémoire des populations néandertaliennes éliminées par nos ancêtres Sapiens, Fondation pour la mémoire des animaux d’élevage abattus au nom du foie gras ou des manteaux de fourrure… Ou, pire, l’énorme Fondation pour la mémoire anticipée de tous les méfaits que nos arrière-petits-enfants pourraient un jour nous reprocher.

Le débat public : une épine dans le pied

À moins d’un retournement de situation stupéfiant, façon Fillon 2017 mais en positif celui-là, Johanna Rolland a déjà perdu : les Nantais s’interrogeront sur sa clairvoyance. Si elle est capable de se fourvoyer à ce point, se demanderont-ils, est-elle bien qualifiée pour – juste un exemple au hasard ‑ choisir l’emplacement d’un CHU ?

Ce n’est pas tout. La prochaine échéance pour Johanna Rolland, c’est l’élection municipale de mars 2026. Et là, le problème s’appelle Anne de Bretagne. Pas la duchesse, bien sûr, mais le pont.

On pourrait penser que la pierre angulaire de la prochaine élection sera le nouveau CHU. Mais son inauguration est prévue pour avril 2026, soit après l’élection. Le chantier peut se poursuivre jusque-là dans son coin, tranquillou, et les ratés inévitables ne se verront qu’à l’usage. Il en ira autrement avec les moyens d’accès : pour ouvrir le CHU, il faudra créer une desserte par le tram. Et, pour qu’il y passe, refaire le pont Anne de Bretagne. Un casse-tête. Johanna Rolland le sait bien et tente de faire avancer ce chantier-là à bride abattue. Dura lex sed lex (article L121-9 du code de l’environnement), elle a quand même dû soumettre son projet au débat public.

Or ça ne s’est pas bien passé, les garants du débat public ne le cachent pas. On y reviendra, puisqu’ils ont réclamé à Nantes Métropole de publier les résultats du débat « au plus tard à l’automne 2021 ». Cause toujours ? En mars 2021, un article du journal municipal présentait le projet tram+pont comme définitivement arrêté. Les garants n’ont pas aimé : « Il est compréhensible que la Métropole soit convaincue du bien fondé de son projet. Mais affirmer sans nuance et sans même évoquer l’hypothèse de modifications, que le projet se réalisera, alors que le bilan de la concertation préalable n’est pas encore établi, risque d’induire de fortes interrogations sur la sincérité de la démarche de Nantes Métropole dans cette concertation. » Pas sincère, Nantes Métropole, qui oserait croire ça ?

Un pont trop tard

Et qui imaginerait que Johanna Rolland pourrait s’asseoir sur le bilan d’une concertation préalable ? Elle dont l’entourage a si mal digéré l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes malgré l’avis consultatif exprimé par les habitants de Loire-Atlantique…

Le doute est permis, quand même. Malgré le grand nombre d’avis négatifs exprimés lors de la consultation, Nantes Métropole bricole en ce moment un panel citoyen chargé de suivre le dossier. Il sera formé moitié par tirage au sort, moitié par désignation parmi les candidats qui se sont signalés au plus tard le 24 octobre. Une désignation sûrement pas faite au petit bonheur la chance. On parierait que ce panel se rangera à l’avis de Nantes Métropole plus volontiers qu’aux avis contraires massivement exprimés lors du débat public…

Cependant, ces contrariétés risquent fort de nuire à l’avancement du projet. Partout en démocratie, les grands travaux pré-électoraux sont soumis à une règle démagogique non écrite mais impérieuse : il faut qu’ils soient finis à temps pour une belle inauguration publique. Et surtout, pour que les citoyens oublient les désagréments subis pendant des mois. Si le projet CHU/pont Anne de Bretagne se fait, les Nantais devront pendant des mois slalomer sur un pont en pleins travaux et d’emprunter des bus de substitution pour cause de coupure de la ligne 1 du tramway… On se souvient des joies du chantier du Busway…

Mais ne soyons pas trop pessimistes. Johanna Rolland est à bonne école : elle n’aura qu’à observer comment Anne Hidalgo se débrouille dans un Paris en chantier permanent.

Sven Jelure

2 réponses sur “Johanna Rolland coincée entre Anne de Paris et Anne de Bretagne”

  1. En effet, il faut être « à l’ouest » pour supporter une candidate aussi faible qu’Hidalgo. Les Nantais lucides qui suivent l’actualité locale n’ont pas été surpris.
    Faute d’une opposition sérieuse JR ne risque pas grand chose d’un nouveau fiasco.

  2. Reçu ce jour :

    Madame, monsieur,

    Vous avez été très nombreux à répondre à la sollicitation de Nantes Métropole pour participer à la concertation autour du projet de transformation du pont Anne de Bretagne.

    Parmi plus de 200 candidatures, nous avons finalisé hier un groupe de 30 personnes qui participeront finalement à cette réflexion commune et seront chargés de remettre un avis sur ce projet urbain.

    Grâce à ces candidatures nombreuses, nous avons pu constituer un panel de citoyens représentant au mieux la diversité des habitantes et des habitants de Nantes et de sa métropole. Et donc grâce à la vôtre même si nous n’ayons pu la retenir.

    Nous vous remercions très vivement pour l’intérêt que vous avez porté à cet exercice de citoyenneté et ne doutons pas que vous aurez d’autres occasions de vous impliquer dans la vie de votre cité.
    Très cordialement à chacune et à chacun,

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