Royal de Luxe : seul le mur reprend des couleurs

Des subventions pour quoi faire ? Qui peut répondre ?

Voici trente ans, Royal de Luxe a vendu son âme à Nantes contre une éternité de subventions. Le pacte ayraultien était un marché de dupes : l’âme vendue s’est étiolée et Nantes, qui croyait s’acheter une aura de phare culturel international, se retrouve Gros-Jean-Marc comme devant.

Royal de Luxe reste une icône. Ah ! La Véritable histoire de France ! Ah ! Le Géant tombé du ciel ! Ah ! La Visite du sultan des Indes ! Mais le Géant, c’était en 1994, la Visite, en 2005. Depuis lors, la pente est descendante : El Xolo en 2011, Le Mur de Planck en 2014, Monsieur Bourgogne et sa Fiat 500 en 2019… Au lieu de donner des moyens aux créateurs locaux (que pourraient faire les carnavaliers nantais avec les mêmes budgets ?), Nantes les a confiés à une troupe compradore qui accuse aujourd’hui l’âge de ses artères.

Qui, à Nantes, pourrait encore dire ce qu’a fait Royal de Luxe en 2021 ? Quelques animations scolaires du côté de Bellevue, un « livre » géant fumant en haut d’un immeuble… Fort bien, mais elles nous ont coûté 821 156 euros de subventions publiques plus 96 717 euros de non-loyer pour l’énorme usine de Chantenay. De quoi payer à l’année des dizaines d’animateurs scolaires.

Il y a bien eu aussi un petit spectacle — pardon, une « situation imaginaire » — à Calais, « La Grande évasion », mais ce sont les Calaisiens qui l’ont payé (142 703 euros, semble-t-il), et ce fut apparemment un flop.

Mur pas planqué

« Royal de Luxe, plus très royal, toujours opulent », disions-nous l’an dernier. D’année en année, le constat se confirme : Royal de Luxe dort sur un matelas bien garni. Les subventions nationales ou locales tombent systématiquement, que la compagnie produise ou pas. Elle continue à percevoir des montants calculés en fonction de ses grandes années, que ne justifie plus son rythme ahanant d’aujourd’hui.

Ses comptes annuels 2021, publiés voici quelques jours, confirment qu’elle amasse des économies colossales. Voici l’évolution de son compte « Disponibilités » en fin d’année :

2018 381 188 €
2019 488 792 €
2020 690 807 €
2021 908 501 €

Le compte en banque de Royal de Luxe n’est pas la seule bonne nouvelle. Son Mur tombé du ciel vient d’être repeint par David Bartex voici quelques semaines. Qui l’a remarqué ? La vraie question serait peut-être : Qui avait remarqué son état pitoyable ? Mais puisqu’il est inscrit sur le parcours du Voyage à Nantes, il était difficile de le laisser couvert de graffitis, comme un baromètre des incivilités dans la ville.

Dernière bonne nouvelle, les portraits sont immuables. Le mur date de 2011. De rénovation en rénovation (la précédente datait de 2018), il reste inchangé. Ses « Tri Yann », Jean-Marc Ayrault, Jean Blaise et Jean-Luc Courcoult, n’ont pas pris une ride ! Pas plus, d’ailleurs, qu’Anne de Bretagne, Gilles de Rais et les autres défunts qu’ils côtoient.

Sven Jelure

Le Théâtre des opérations : Le Voyage à Nantes brigadier

« Le CRS égaré » ; « Chargez ! » ; etc.

Théâtre des opérations : « la zone des combats, l’aire géographique où sont déployées ou engagées des unités militaires », dit l’Académie française. Tel est le nom épatant donné par Hélène Delprat à son installation visible dans le cadre du Voyage à Nantes 2022. Jean Blaise l’a tant apprécié que Le Théâtre des opérations sert aussi de titre à son éditorial dans le livret distribué aux visiteurs. Mais une sonnerie de clairon suffit-elle à réveiller une édition un peu terne ?

Jean Blaise tartine la métaphore : « nous nous mettons à penser que si la petite cervelle de Poutine avait été percutée par la force de l’art plutôt que par celle des tanks, nous n’en serions pas là aujourd’hui ». Ça c’est envoyé ! « Quand j’écoute du Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne », disait Woody Allen. Le VAN, en revanche, ôterait à Poutine toute envie d’envahir l’Ukraine.

Si le président russe avait bien voulu faire un saut à Nantes, « nous n’en serions pas là aujourd’hui » : alors, où en sommes-nous ? Il y a donc, pour commencer, l’incontournable Théâtre des opérations composé principalement de deux douzaines de hautes silhouettes noires assemblées. Bouc, singe, loup, ours, personnages à tête de rapace, soldats en armure… : cet attroupement fantasmagorique d’inspiration satanico-médiévale, surmonté d’étendards herminés, est saisissant, dérangeant même pour certains. Immobile et silencieux (un « brouhaha muet », note Le Monde), il empoignerait davantage le visiteur, pourtant, s’il ne restait sagement groupé au milieu d’une place Félix-Fournier qui ne ressemble pas à grand-chose. On l’aurait plutôt vu envahir franchement le parvis de Saint-Nicolas.

Ou mieux encore, la place Graslin. Le Théâtre des opérations y possède une modeste succursale. Environnée de deux ou trois accessoires et posée sur une malheureuse étoile noire en carton-pâte (attention à ne pas y mettre le pied), une figure ailée y paraît oubliée plutôt qu’exposée. On se demande pourquoi Le Voyage à Nantes n’a pas choisi de mettre là le gros des troupes et de renvoyer l’égarée à la place Félix-Fournier.

Décoration ou interprétation

Davantage « théâtre » et moins « opérations », Façades chromatiques, d’Alexandre Benjamin Navet, place du Commerce, est l’autre installation spectaculaire de cette édition. Ses hautes ornementations griffonnées aux couleurs « pétantes », comme écrit le JDD, inspirent la bonne humeur. Hélas, qu’on y vienne depuis la station de tram, depuis la place de la Bourse ou depuis la place Royale, ce qu’on remarque d’abord, ce sont ses gros bâtis de bois soulignant le côté pas fini de cet espace depuis si longtemps en travaux.

Le côté face égaie, le côté pile attriste. Lequel commande l’autre ? Jean Blaise est clair sur ce point : « Depuis dix ans, nous ne cessons d’affirmer avec l’assurance de ceux qui savent [sic] que Le Voyage à Nantes ne demande pas aux artistes de décorer la ville mais, au contraire, de l’interpréter d’une façon singulière et sensible ». Quitte à partir dans tous les sens à force de multiplier les façons singulières ‑ sombre avec Hélène Delprat, lumineuse avec d’Alexandre Benjamin Navet. Ici, le contrat est rempli : la distinction entre décoration et interprétation est frappante. Les toiles colorées ne sont que décor, telles des bâches illustrées dissimulant des échafaudages. L’important, l’interprétation, ce sont les poutres, symbole des travaux mais aussi des arbres abattus quai Duguay-Trouin. Où l’on constate que, quand les temps sont durs, un décor peut avoir du bon…

Déprime post-électorale ?

Bien entendu, il y a plein d’autres choses à voir au long de la ligne verte. Les Miroirs des temps de Pascal Convert, poétiques œuvres de verre au milieu de tombes décaties et d’allées mal entretenues, justifient un détour par le cimetière Miséricorde ‑ et accessoirement par le passage Sainte-Croix. À L’Atelier, L’entre-zone réunissant Lucas Seguy, Céleste Richard-Zimmermann et quelques autres donne à voir des créations franchement originales.

Globalement, pourtant, l’édition 2022 paraît poussive. Naguère aisément dithyrambique, la presse peine à s’enthousiasmer : « Après dix éditions d’œuvres spectaculaires sur des places incontournables de la ville, le Voyage à Nantes se la joue un peu plus discret pour sa 11e édition » (20 minutes), « Le festival artistique, qui traverse la ville jusqu’au 11 septembre, prend cette année un tour plus sombre et fantasmagorique » (Le Monde), « Une atmosphère de fête nimbée d’une mélancolie persistante flotte sur l’ancienne cité des ducs de ­Bretagne » (Le Journal du dimanche)…

Il est arrivé au Voyage à Nantes d’aller dans le mur en klaxonnant. Cette année, on dirait qu’il y va en couinant. Ou peut-être est-ce la ville de Johanna Rolland qui depuis l’élection présidentielle a cessé d’être forcément sublime ?

Sven Jelure

Le Voyage à Nantes n’est pas un voyage au long cours

Une belle intégration dans le paysage en travaux. Bravo Monsieur Navet

Toutes les destinations touristiques soignent l’après-covid. Quoi qu’il en coûte, il faut récupérer de la fréquentation. Le Voyage à Nantes fait comme ses collègues du monde entier. Avec un succès qui paraît très limité. Le VAN a le souffle court.

Pour son opération estivale, pourtant, pas un bouton de guêtre ne manque. Tous les médiateurs sont là avec leurs petites carrioles chargées de piles de prospectus – environnement ou pas, ce n’est pas le moment d’économiser le papier.

Le problème n’est pas dans l’organisation, il est dans l’inspiration. On sent que l’enthousiasme n’y est pas. On ne dépasse pas 2 ou 3 sur l’échelle de Beaufort.

Malgré les moyens considérables que Nantes lui accorde chaque année (près de 9,7 millions d’euros H.T. désormais), Le Voyage à Nantes n’a jamais suscité beaucoup d’intérêt hors du département. Jean Blaise prétendait faire de la ville la cinquième destination touristique de France et y attirer un public international. Il y ajoute chaque année quelques installations permanentes, mais on ne discerne aucun effet cumulatif. Au contraire, le mouvement de curiosité de la première année s’est vite essoufflé.

Cette année, c’est pire que jamais – sauf en 2018, édition de disette qu’il avait fallu prolonger d’une semaine pour gonfler un peu les chiffres de fréquentation (sans grand succès d’ailleurs : il avait quand même fallu les bidonner pour relever un bilan en berne).

Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je… dégringole

Ce n’est pas une simple impression d’un commentateur qui n’a jamais été convaincu par les tentatives du gourou nantais de la culture. Google Trends donne une idée objective de cette désaffection. Les recherches en ligne sur « Le Voyage * Nantes » (les capitales ne sont pas significatives, mais le « a » accentué, l’est, d’où son remplacement par un caractère joker) sont moins nombreuses cette année qu’en temps de covid-19 ! Par ailleurs, très peu viennent de l’étranger.

Tout le monde n’est-il pas logé à la même enseigne ? Non. En voici un exemple. Le Festival interceltique de Lorient, qui se déroule cette année du 5 au 14 août, a toujours suscité plus de recherches en ligne que le Voyage à Nantes ‑ sauf en 2020, année où il a été annulé à cause de l’épidémie… Cette année, il est parti pour exploser les compteurs.

Veut-on un autre exemple voisin ? Le Hellfest de Clisson, lui, a été reporté deux fois. L’édition double de 2022 lui a valu un nombre de recherches sans précédent sur le net. Le graphique ci-dessous les compare avec les recherches sur « Le Voyage * Nantes » (oui, la petite courbe bleue écrasée tout en bas). De plus, elles viennent du monde entier. Google ne trouve pas un seul pays où les recherches sur « Le Voyage * Nantes » atteignent ne serait-ce que 1% des recherches sur « Hellfest ».

Hélas, ne trouvera-t-on pas, dans la France de la culture estivale, au moins un cas par rapport auquel Nantes n’ait pas à rougir ? À bien chercher, si, en voici un, mais il n’est pas dit que Jean Blaise en soit enchanté. Depuis ses débuts en 2017, Un été au Havre a toujours été insignifiant pour les internautes, même par rapport au Voyage à Nantes. Il le reste ; pourtant, cette année, il fait mine de réduire un peu son retard.

Dira-t-on que Nantes souffre d’un covid long ? Ou plutôt qu’elle s’entête depuis l’époque Ayrault à appliquer une stratégie prétentieuse mais médiocre dont l’échec est désormais manifeste ?

Sven Jelure

L’urbanisme nantais sera-t-il verdi ou blanchi ?

PLUm PLUm PLUm !

L’urbanisme à Nantes devient officiellement inextricable. Élus et fonctionnaires de la Métropole ont sans doute fini d’y user leurs neurones : il leur faut à présent en appeler d’autres au secours. Ils viennent de publier un avis de marché portant sur une « Mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour évaluer certaines règles du Plan Local d’Urbanisme métropolitain de Nantes Métropole en faveur de la nature en ville et de la densité ».

« En faveur de la nature en ville… » L’idée ne paraît pas mauvaise. Dommage qu’elle vienne si tard. Peut-être a-t-elle été inspirée à Johanna Rolland par le plaidoyer de Nantes Plus en faveur du parc boisé du palais de justice

L’idée ne paraît pas non plus si complexe. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Le prestataire aura pour interlocuteur (sic) privilégié

« la coordinatrice du volet métropolitain du PLUm au sein du service Études & Planification. […]. Ce service fait partie de la direction Stratégie et Territoires, elle-même rattachée au Département Urbanisme et Habitat. Ce département Urbanisme et Habitat est rattaché à la Direction Générale Fabrique de la Ville écologique et solidaire. »

Heureusement, le prestataire ne sera pas seul face à cette énorme technostructure. Il sera flanqué d’un comité de pilotage (Copil), comprenant pas moins de six vice-présidents de la Métropole (à l’urbanisme durable, au cycle de l’eau, au droit au logement, etc.) plus un « adjoint ville de Nantes, forme de la ville, urbanisme durable, projets urbains ». Le Copil, de son côté, rendra compte au G24FVES, instance intercommunale décisionnaire sur la FVES (Fabrique de la Ville Ecologique et Solidaire).

Le prestataire obéira aussi à un Comité de suivi technique (Cotech) ou l’on retrouvera la coordinatrice du « volet métropolitain » entourée des représentants de huit directions de Nantes Métropole (habitat, nature et jardins, mobilités, cycle de l’eau, etc.) plus deux représentants de pôles de proximité.

Il devra en outre veiller à la « co-construction avec les communes », chacune des vingt-quatre ayant son service Urbanisme (la métropole n’étant qu’une instance en plus et non une instance à la place de), et onze d’entre elles étant en outre membres de groupements de commande ayant eux-mêmes désigné trois architectes conseils.

Des avis extérieurs filtrés par Nantes Métropole

Le prestataire devra aussi écouter les « acteurs susceptibles de contribuer à l’évolution réglementaire du PLUm ». Parmi eux, le Forum métropolitain de l’économie responsable, soit une quarantaine d’acteurs comme la CCI, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), l’Union sociale de l’habitat (USH), les aménageurs. Mais pas les déménageurs. Cependant, cette écoute sera simplifiée : les contacts auront lieu par l’intermédiaire de Nantes Métropole. Les « acteurs » feraient mieux de ne pas improviser.

Ah ! et puis tout de même, à la fin, il y a les citoyens, car « Nantes Métropole et les communes affirment leur volonté de construire une ville dialoguée avec les citoyens ». Mais là aussi, le dialogue est verrouillé : les « avis du public sur les grands projets urbains » seront transmis au prestataire par Nantes Métropole « afin qu’il mesure les attentes des citoyens sur la ville de demain ». Puisqu’on vous dit que c’est ça que les Nantais veulent…

Voir midi à la porte de Nantes Métropole

Le tableau ne serait pas complet sans les « livrables », ce que le prestataire est censé fournir à Nantes Métropole une fois qu’il se sera arrangé de tout ce qui précède. Parmi ces livrables figurent, pour la Phase 1 (on vous fera grâce de la Phase 2 et de l’éventuelle « tranche optionnelle »), un « diagnostic objectivé », un « parangonnage », une « synthèse des enjeux », un « support technique », un « support synthétique » et un « support pédagogique ».

Inévitablement, le travail de rédaction va empiéter sur le travail de réflexion. Réflexion que l’avis de marché veille aussi à encadrer. Les « livrables » ne seront pas livrées telles quelles aux citoyens. Elles « feront en particulier l’objet d’échanges avec les services de Nantes Métropole et devront être amendées autant que de besoin ». Autrement dit, le risque de dissension est nul et Nantes Métropole aura beau jeu de dire que ses orientations ont été validées par des experts.

On se moque souvent des conseils extérieurs : si vous leur demandez l’heure, dit-on, il vous empruntent votre montre puis vous envoie leur facture. Mais si c’est le client qui impose au conseil de voir midi à sa porte ?

Sven Jelure

L’Arbre, les hérons et les avocats

Ce sera sûrement une fin honorable, compte tenu du montant des honoraires des avocats de Nantes Métropole. Ne jamais oublier que l'argent dépensé ne tombe pas du ciel.

Le problème de l’Arbre aux Hérons, maintenant, c’est de trouver la sortie. Au dernier jour du délai légal, ce 30 juin, le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons et du Jardin extraordinaire a publié ses comptes pour l’année 2021. Ils confirment ce que tout le monde commence à comprendre : le projet de l’Arbre aux Hérons n’a pas seulement pris des années de retard, il est irréalisable dans les conditions prévues.

La récolte de fonds du Fonds patine : ses « ressources liées à la générosité du public » se sont élevées à 752 171 euros en 2021. Soit à 303 euros près la même somme que l’année précédente. Selon le principe fixé par Johanna Rolland, le Fonds de dotation doit trouver 17,5 millions d’euros pour financer le tiers du coût de la construction de l’Arbre aux Hérons (avant inflation). Il assure avoir déjà récolté plus de 6 millions. Est-ce à dire qu’il lui faut quinze ans pour trouver les 11,5 millions manquants ?

Ce serait encore trop beau ! Le Fonds consomme pour son propre fonctionnement près de 40 % de l’argent qu’il ramène. De l’ordre de 300 000 euros par an, en fait, dont 180 000 en salaires et charges sociales pour trois personnes. Au rythme actuel, ce n’est pas quinze ans mais vingt-cinq ans qu’il lui faudrait pour financer l’Arbre aux Hérons !

Le Fonds annonçait en page d’accueil de son site web 43 mécènes à l’été 2019, 52 début 2021 et 58 aujourd’hui. Un rythme d’escargot, en somme. « Dans quelques jours vous découvrirez la 60ème mécène », assurait-il sur Facebook le 9 juin. On attend encore.

Et puis, un mécène n’en vaut pas un autre. Le Fonds compte quatre catégories de donateurs

  1. Héron impérial : à partir de 500 000 euros
  2. Héron goliath : entre 200 000 et 499 000 euros
  3. Grand Héron : entre 50 000 et 199 000 euros
  4. Héron cendré : entre 5 000 et 49 000 euros

Un seul Héron impérial peut donc valoir dix Grands Hérons, un seul Héron goliath quarante Hérons cendrés. Ont été annoncés en 2021 deux donateurs de rang Héron goliath, quatre Grands Hérons et onze Hérons cendrés. Au premier semestre 2022 quatre Grands Hérons et quatre Hérons cendrés mais pas un seul Héron goliath. L’année se présente donc mal.

Le compte précis des mécènes n’est pas si facile à tenir en réalité, car certains prennent la tangente. Les comptes 2021 signalent ainsi une « diminution d’un engagement de versement » à hauteur de 50 000 euros. Soit probablement l’évasion d’un Grand Héron. Et puis, certains mécènes n’ont rien versé en réalité : ils ont seulement promis, ce qui est autre chose ! Le bilan du Fonds comprend ainsi 1,4 million d’euros de créances. Il prétend avoir collecté plus de 6 millions d’euros mais a encaissé en réalité que 5 millions.

À quoi les avocats travaillent-ils vraiment ?

Sauf miracle (un héritage laissé par un richissime amateur de hérons américain…), le financement d’un tiers de l’Arbre aux Hérons par des mécènes paraît hors de portée dans les prochaines années. Que peut faire alors Johanna Rolland ? Renoncer au projet ? Faire financer par les contribuables la part que les mécènes n’ont pas voulu assumer ? Ce serait acter un échec grave pour une maire déjà fragilisée. La solution idéale serait de refiler le bébé à quelqu’un d’autre. Par exemple un opérateur de parcs à thème qui en rachetant l’Arbre aux Hérons (quitte à ne pas le construire vraiment) obtiendrait aussi le droit d’exploiter le Jardin extraordinaire et/ou Les Machines de l’île, voire la future Cité des Imaginaires.

Et l’on note avec intérêt l’étrange révélation d’Anticor : après un premier contrat de 80 000 euros passé avec un cabinet d’avocats concernant une « mission d’assistance et d’expertise juridique pour l’opération Arbre aux Hérons ». Nantes Métropole en a passé un second, sans appel d’offres, de 200 000 euros. Disproportionné, si la mission concerne un simple contrat de commande publique. Peut-être pas, s’il s’agit de reconfigurer à la volée une opération publique en pleine débine.

Sven Jelure

La Cité des électeurs perdus : Johanna Rolland s’imagine

La cité de l'imaginaire... Joli programme !

Réaménager Cap 44 en Cité des imaginaires permettrait au moins à Johanna Rolland de parler d’autre chose que des élections ! Mais si la boîte, l’architecture, n’est pas encore bien claire, le contenu l’est encore moins. Qu’y mettre en plus de Jules Verne ? De la poussière de fée ?

Le conseil de Nantes Métropole doit voter le 30 juin la création d’une « Cité des imaginaires » à 50 millions d’euros. Elle associera ce que Nantes a, le musée Jules Verne, et ce qu’elle voudrait avoir, l’imagination. (Ou ce qu’elle a déjà mais qu’elle préfère ignorer : voir ci-dessous l’encadré

Pour prouver que la création nantaise ne se limite pas à Jules Verne, Johanna Rolland a convié à l’annonce du projet devant la presse le sympathique cinéaste Marc Caro, co- réalisateur avec Jean-Pierre Jeunet de La Cité des enfants perdus (1993). Fort bien, et qui encore ?

L’intitulé « Cité des imaginaires » interloque. Une cité des congrès, une cité des sciences, une cité des papes, on voit à peu près où l’on va. Mais une cité des imaginaires ? Imaginaire : « Ensemble de représentations collectives », dit l’Académie française. « L’imaginaire d’un peuple, d’une nation, d’une époque. » L’imaginaire ne naît jamaisex nihilo, d’une épiphanie de neurones en folie, c’est toujours l’imaginaire de quelqu’un, le fruit d’une culture. Il n’y a pas d’imaginaire en soi. A fortiori au pluriel.

Quand on peine à se représenter le sens d’un mot, il faut tenter de le remplacer par des synonymes : Cité des chimères, Cité des illusions, Cité des prétentions… ? Hélas, on en revient toujours au même point : comment faire entrer dans une Cité, si vaste fût-elle (ici, 5 000 m²), tout ce qui n’est pas le réel ? Johanna Rolland se montre bien ambitieuse. Pour ce que ça lui a réussi aux présidentielles… Mais même 1,75 % seulement de tous les imaginaires imaginables, ce serait déjà énorme.

Imagine all the pipeau

Qui trop embrasse mal étreint : pour éviter que ces imaginaires flous ne fassent flaque, il vaudrait mieux en préciser les contours. Les communicants métropolitains s’y essaient :  si l’on en croit 20 minutes, Nantes promet que « la Cité des imaginaires invitera les visiteurs à explorer les imaginaires contemporains éclairant les enjeux sociétaux d’aujourd’hui et à revisiter l’œuvre vernienne et ses résonances actuelles ». Compter sur l’imaginaire pour revisiter des résonances, c’est déjà beaucoup d’imagination. Qui n’occultera pas la question pathétiquement concrète : Pour accéder à ces imaginaires-là, combien êtes-vous prêt à payer le billet d’entrée ?

La Cité doit être implantée dans l’immeuble Cap 44, face au Jardin extraordinaire, et l’imaginaire architectural fonctionne déjà. La Cité sera dotée d’un belvédère. « Le bâtiment sera écrêté sur deux niveaux pour donner de la visibilité sur la Loire », assure néanmoins Nicolas Cardou, DGA de Nantes Métropole(1). Un belvédère, plus c’est haut, plus la vue est étendue. Le souci de visibilité exprimé par Nicolas Cardou ne concerne donc pas le visiteur juché en haut du bâtiment mais le simple passant au dehors. Hélas, comme Cap 44 mesure 25 m de haut, raboter les deux étages du haut ne donnerait aucune visibilité au piéton lambda. C’est donc qu’on va supprimer les deux étages du bas

Sven Jelure

(1) Et ex-directeur de la culture et des sports de la région des Pays de la Loire, au temps où Fontevraud allait dans le mur.


Le projet de Nantes Métropole n’est pas seulement flou, il est tardif et omet de citer ses sources. En 2014, lors du grand débat « Nantes, la Loire et nous », l’association Les Transbordés d’Yves Lainé et Yvon Bézie avait présenté un « cahier d’acteurs » bourré de propositions, dont celle-ci :

LA RECONVERSION DE L’ IMMEUBLE « CAP 44 » et l’accueil du VERNOSCOPE

      Sur le quai, l’immeuble Cap 44 dont l’ossature est inscrite au patrimoine architectural (une des premières constructions en béton armé au monde, due à Hennebique) sera en partie reconverti en gare maritime pour les « liners » et les navires fluviaux. Un autre usage de cet espace est proposé, en phase avec les propositions des deux principales candidates aux dernières municipales, à savoir doter Nantes d’un équipement dédié au XXIe siècle (Cité des Sciences et de l’Industrie ou Planète Jules Verne). Cet usage, nous l’avons baptisé VERNOSCOPE.

      Sans être un musée, le VERNOSCOPE propose de projeter et conjuguer l’esprit vernien au présent et au futur. La Ville de Nantes a vocation unique pour le faire. Des exemples populaires existent, comme l’Exploratorium de San Francisco ou Tom Tits en Suède.

      Plate-forme de diffusion des sciences et des technologies du futur, cet espace ludique destiné à tous les âges peut aussi être une vitrine pour les industries, écoles et universités régionales des secteurs du nautisme, de l’aéronautique, des EMR, pour le pôle EMC2, l’IRT Jules Verne etc… Il ne manquera pas de compétences pour assurer la conception de cet espace.

Petit bois derrière chez Loi, et lalonlalonlère…

modification du PLUM pour raser des arbres dans un espace public urbain...

Nantes Métropole recule souvent en faisant mine d’avancer. Au nom d’un esprit écolo, voici trois ans, elle a abattu plusieurs dizaines de grands arbres sur le quai Brancas. Son plan d’urbanisme protège en principe les espaces verts, mais elle le modifie pour permettre l’abattage de 120 arbres en pleine ville…

Le plan d’urbanisme métropolitain (PLUM) est plein de bonnes intentions. Son premier objectif affiché est de « protéger le ‘capital vert’ métropolitain ». Ce capital est formé notamment des « cœurs d’îlots caractérisés par la présence de pleine terre, végétalisée et parfois boisée, avec un intérêt paysager, et qui correspondent aux jardins publics et privés, aux parcs ». La ville a donc défini des « espaces paysagers à protéger ».

Sacralisés ? Jusqu’à un certain point. À cause de trois arbres dans son jardin, M. Tartempion n’aura pas le droit d’agrandir sa bicoque. Mais selon que vous serez puissant ou misérable… Nantes s’apprête à autoriser la destruction de 3 800 m² de jardin d’un seul tenant (plus que le square Jean-Baptiste Daviais) ! Et un parc boisé accessible au public, en pleine ville ! Pas moins de 120 arbres vont être sacrifiés d’un coup.

Il s’agit de l’espace vert du palais de justice, le long de la rue La Noue Bras-de-Fer. Le ministère de la Justice avait prévu dès 2000 de le sacrifier un jour pour agrandir son palais, dit-on. M. Tartempion aussi avait prévu d’agrandir sa bicoque le jour où, devenu vieux, il aurait besoin d’une chambre au rez-de-chaussée. Or à présent, demerdieren Sie sich ! Mais quand la règle change, ce n’est pas forcément pour tous. À M. Dupond-Moretti, on va dérouler le tapis rouge en détruisant le tapis vert.

1 contre 120 : la balance de la Justice penche

La SAMOA (Société d’aménagement de la métropole Ouest Atlantique), structure créée par la ville de Nantes, a piloté l’aménagement de l’île de Nantes. Aujourd’hui encore, sur le site web qu’elle a créé pour faire valoir ses réalisations, elle vante le palais de justice entre autres parce que « la façade opposée à la Loire, qui donne sur la rue la Tour d’Auvergne, est ouverte sur un jardin de frênes, contrastant avec 1500 tonnes d’acier du bâtiment ». (On note que la Samoa, qui loge à 300 m de là sur le quai François-Mitterrand, confond la rue La Tour d’Auvergne et la rue La Noue Bras-de-fer !) Il va falloir changer de storytelling.

Bof ! le palais de justice, ce « bâtiment mal né et ruineux », comme dit Médiacités, n’en est pas à ça près. Son architecte lui-même, Jean Nouvel, y voyait « une structure rigoureuse avec un vocabulaire formel de grilles, de transparences et de réflexions comme environnement de la nécessaire ouverture et impartialité de la justice ». Le cabinet d’architecte nantais Mabire-Reich, chargé de l’agrandissement, trouvera certainement un discours ad hoc. Il a d’ailleurs commencé à le tester auprès d’Ouest-France : « La nouvelle salle des pas perdus s’organise autour d’un patio dans l’axe de la passerelle Schoelcher, et dont le centre est un arbre, autre symbole de justice ». Un arbre planté dans un patio fermé pour 120 abattus dans un parc ouvert, le « symbole de justice » est éloquent !

Pour Nantes, il ne s’agit pas de la conséquence malheureuse d’un projet ourdi depuis longtemps par la Justice : en l’état actuel du PLUM, le parc de la rue La Noue Bras-de-Fer est inconstructible. Elle s’apprête à le modifier délibérément. Afin que force reste à la Loi. Le nouveau PLUM est soumis à enquête publique du 20 mai au 20 juin. En pleine campagne électorale : soit les services de Johanna Rolland sont vraiment très distraits, soit ils n’avaient pas très envie que les citoyens s’y intéressent de trop près. Quant à la composante écolo de la municipalité, aujourd’hui côte à côte avec le parti socialiste au sein de la NUPES, elle est bien silencieuse : candidate aux législatives, sa chef de file a d’autres chats à fouetter. Et lalonlalonlère et lalonlalaernoes…

Sven Jelure

L’avenir des Machines de l’île entre d’autres mains que celles de Nantes Métropole ?

Encore une belle idée poétique !

À quand un Grand Éléphant en briques LEGO® ? Ce n’est sûrement pas le seul moyen pour régénérer les Machines de l’île. Mais si Nantes Métropole ne sait pas comment leur donner, enfin, la portée internationale qui était leur ambition de départ, d’autres pourraient avoir des idées à sa place.

« Les Machines de l’île sont peut-être ce que j’ai vu de mieux dans ma vie. » L’homme qui parle est Justin East, directeur mondial de la R&D chez Merlin Entertainments, numéro deux mondial des parcs d’attraction et autres sites de divertissement, derrière Disney. Ce groupe britannique est propriétaire entre autres des parcs LEGOLAND, de la grande roue London Eye, du musée de cire Madame Tussauds, etc. Au total, cent quarante attractions, vingt-trois hôtels et six villages de vacances.

Justin East n’est donc pas un visiteur lambda. Qui plus est, il s’adresse aux spécialistes de son domaine dans un entretien publié par Blooloop, un site web de référence pour l’industrie mondiale des attractions.

Un hommage extraordinaire rendu aux Machines spontanément par un grand professionnel de la profession, donc ? On a un peu de mal à y croire. Justin East passe une partie de son temps à visiter les attractions touristiques les plus extraordinaires du monde, pour y puiser des idées nouvelles. Et une autre à inventer des « expériences clients » plus gratifiantes les unes que les autres. Après cela, les Machines seraient « ce qu’[il a] vu de mieux dans sa vie » ? Allons donc !

Il ne cherche d’ailleurs pas à préciser ce qu’elles auraient de si extraordinaire à ses yeux. Il se contente de répéter le vieux discours rabâché par l’institution elle-même : « projet artistique et culturel, les Machines de l’île fusionnent les mondes inventés de Jules Verne, l’univers mécanique de Leonardo da Vinci et l’histoire industrielle de Nantes », etc. Il ne peut ignorer que cette triple revendication relève à 90 % du bullshit. Il a pu voir aussi que, quelles que puissent être leurs qualités propres, le fonctionnement des Machines est perfectible sur bien des points. Malgré leurs quinze ans d’existence, par exemple, la gestion des queues et des réservations laisse toujours à désirer. Et surtout, jamais elles n’ont dégagé le moindre bénéfice d’exploitation. Alors que Merlin Entertainments veille à gagner beaucoup d’argent avec ses attractions !

Merlin plein d’appétit

Un personnage tel que Justin East ne parle pas pour ne rien dire et son jugement ressemble plutôt à une amabilité diplomatique. Merlin Entertainments, a beaucoup d’argent et ses actionnaires (en particulier l’énorme fonds Blackstone et la holding KIRKBI A/S, qui appartient à la famille fondatrice de LEGO) lui demandent de grossir. Les années 2020 et 2021 n’ont pas été propices, mais le groupe est reparti de l’avant. Il crée des attractions nouvelles et en rachète. En avril, il a ainsi repris l’aquarium géant de COEX à Séoul (Corée du Sud). La France reste pour lui un point faible ; sauf erreur, il n’y possède qu’un établissement, l’aquarium Sea Life de Marne-la-Vallée.

Le coup de chapeau de Justin East cacherait-il un projet moins désintéressé ? Nantes Métropole voit bien que le site des anciens chantiers navals est sous-exploité et que les Machines ronronnent. Pierre Orefice, leur patron et co-fondateur, a 67 ans : il joue déjà les prolongations. Son départ en retraite pourrait être l’occasion de confier le site à des pros qui ont fait leurs preuves. Et de se débarrasser du même coup d’un Arbre aux Hérons devenu un buisson d’épines inextricable.

Sven Jelure

Arbre en fer, langue de bois et culot d’acier

Le planB qui rendrait service à tout le monde. Moins cher, beaucoup moins cher, doublement du jardin, une terrasse gigantesque avec une vue magnifique sur nantes, un accès gratuit, etc.

Pierre Orefice et François Delarozière, promoteurs de l’Arbre aux Hérons, bidonnent souvent*. Dans leur milieu, cela n’a rien d’original. Mais leur vrai problème est qu’ils mentent mal.

Interrogé par Maelle Kerguénou sur Télénantes mardi soir, François Delarozière assure que son Arbre est quasiment un projet écolo. Les écolos qui le condamnent sont engagés dans un « faux débat ». Et il ajoute : « je crois que Yannick Jadot est pour le projet ». Impliquer ainsi le candidat écolo à la présidentielle, ça n’est franchement pas malin si l’on n’est pas sûr de son coup.

Mahel Coppey, patronne d’Europe Écologie-Les Verts au conseil municipal s’empresse de renvoyer François Delarozière dans les cordes. « Les créateurs de ce manège, plus que jamais en manque d’arguments pour faire aboutir leur projet, en sont réduits à inventer un soutien imaginaire en la personne de Yannick Jadot, qui ne s’est pourtant jamais exprimé sur le sujet », déclare-t-elle à Ouest-France.

Revendiquer à tort le parrainage d’un candidat qui a recueilli 4,63 % des voix n’est d’ailleurs pas la pire exagération de François Delarozière. « On rajoute du vert dans la ville », assure-t-il, impavide, à Télénantes. « L’arbre est un hommage à la nature qui accueille un bestiaire végétal, d’animaux rares, souvent en voie de disparition, c’est un écrin de verdure. » La notion de « bestiaire végétal » interpelle, surtout quand on désigne par là des machines. L’animal représenté par une mécanique en métal sera-t-il moins disparu pour autant ?

Le discours n’est pas nouveau. Depuis qu’EELV mange la laine sur le dos des socialistes nantais, MM. Orefice et Delarozière cherchent à verdoyer leur projet. Mais accrocher ce grelot-là n’est pas une bonne idée. Car, pour apprécier les vertus végétales de l’Arbre aux Hérons, on dispose d’un jalon objectif et incontestable. Quand les Machines de l’île ont été inaugurées, le 30 juin 2007, elles comportaient déjà une « branche prototype » de l’Arbre aux Hérons. Avec le concours du service des espaces verts de la ville (rémunéré comment, au fait ?), cette branche devait devenir un magnifique jardin suspendu.

Quinze ans plus tard – quinze ans ! ‑ tout le monde peut voir le résultat. Au premier coup d’œil, la branche peut faire illusion parce qu’elle est encadrée de deux résineux qui ont bien poussé. Mais déduction faite de ces vrais arbres, la végétalisation n’a guère dépassé le stade des jardinières de balcon. Plusieurs d’entre elles ont même disparu !

Le sommet de la branche prototype en 2013 :

Le sommet de la branche prototype aujourd’hui :

Les dessins et vidéos magnifiques montrant un Arbre aux Hérons chargé d’une nature luxuriante ne sont que des vues d’artiste. Même pas protégés par des arbres proches, exposés plein soleil et plein vent, les pots de fleurs de l’Arbre aux Hérons devraient probablement être régulièrement replantés. Un poste à ne pas oublier dans son compte d’exploitation prévisionnel – dont on n’a toujours pas vu le bout de la queue.

Sven Jelure

* Nantes Plus en a cité de nombreux cas, par exemple à propos du nombre de billets vendus par les Machines de l’île, de leurs retombées économiques ou du nombre de mécènes de l’Arbre.

 

Machines de l’île : bienvenue en enfer

Pour info, le kickstarter de Peter Hudson avait recueilli 25.000$ qui avait financés la construction et l'installation sur place.

Les Machines de l’île continuent à ramer dans le sillage du festival américain Burning Man. Elles exposeront cette année une œuvre qui y a eu autrefois son heure de gloire. Pas une nouveauté, donc, mais tout de même un spectacle étonnant à la nuit tombée. Âmes sensibles s’abstenir, cependant.

« Inédit », assure Presse Océan à propos de l’installation Charon, qui sera visible aux Machines de l’île de Nantes en juillet. Pas si inédite que ça, pourtant. L’information avait déjà été livrée par Pierre Orefice en décembre 2020. « Je l’ai découverte au festival Burning Man en 2017 », raconte-t-il sur le compte twitter des Machines de l’île. Une « découverte » un brin naïve puisque Charon a été créé pour ce festival en 2011. En 2017, c’était déjà du réchauffé, si l’on peut dire à propos d’un festival aussi prompt à manier le brandon !

Charon est un zootrope. Le zootrope n’a rien d’inédit non plus : la technique date d’avant le cinéma muet. Elle consiste à faire défiler des images ou des formes pour donner l’illusion du mouvement en jouant sur la rémanence rétinienne. Cependant, Charon est particulièrement remarquable du fait de sa grande taille. L’œuvre se présente comme une roue d’une dizaine de mètres de diamètre sur le pourtour de laquelle sont fixées une vingtaine de reproductions de squelettes humains décomposant le mouvement d’un rameur. Quand la roue tourne, on croit voir les squelettes pagayer. L’effet est surtout spectaculaire dans l’obscurité grâce à un effet stroboscopique.

L’auteur de Charon, Peter Hudson, alias Hudzo, s’est imposé comme le maître du genre depuis sa première participation au Burning Man, qui remonte à l’édition 2000. En 2012 déjà, il se disait « disponible pour des installations d’art cinétique zootrope à grande échelle pour des manifestations et des festivals dans le monde entier ». Les Machines de l’île avaient loupé l’occasion, mais Peter Hudson avait été exposé à cette époque dans quelques pays d’Europe. Au lieu d’aller jusqu’au Nevada en 2017, Pierre Orefice aurait ainsi pu « découvrir » Charon au festival Robodock d’Amsterdam en 2012.

Peter Hudson semble s’être un peu désintéressé des zootropes ces dernières années. Apparemment, il n’en a plus produit depuis L’éternel retour, successeur de Charon, en 2014. Il les aurait vendus avec tout le contenu de son studio de San Francisco avant de déménager en 2018. La tournée de Charon, qui après Nantes sera visible à Londres, Paris, Anvers et Clisson – pour le Hellfest 2023 – sera donc plus une rétrospective qu’une découverte.

Au fait, le nom Charon renvoie bien sûr au nautonier des Enfers de la mythologie grecque, qui faisait traverser le Styx aux âmes des défunts. Le nom convient tout à fait à cet équipage de squelettes rameurs. Il a inspiré Nantes Métropole qui annonce froidement : « Une grande roue mortelle cet été au parc des Chantiers ». Rien de tel pour attirer les touristes.

Sven Jelure