Quartiers de haute insécurité → Nantes

En même temps, c'est du temps d'antenne et une façon comme une autre de régler le problème de la hausse des prix de l'immobilier

La mort d’un jeune de 15 ans, à la suite d’une fusillade aux Dervallières, a suscité une légitime émotion à Nantes. La montée de la violence et de l’insécurité en ville n’est pas nouvelle et les déclarations de bonnes intentions ne suffiront sans doute pas. Dans les années 80, Nantes était  qualifiée de “belle endormie”. Ses nuits sont désormais peuplées de cauchemars.

Quand ce n’est pas dans les quartiers Nord, c’est à Malakoff ou à Bellevue. Ou encore à la Bottière ou aux Dervallières. À croire qu’en cette période de confinement, dealers et petits caïds s’offrent une tournante en toute tranquillité.

64 fusillades en 2020

Il a fallu la mort d’un jeune de 15 ans, atteint d’une balle perdue, pour que la mairie de Nantes sorte de sa torpeur. Au lendemain des faits, Johanna Rolland – qui préfère la petite musique des Présidentielles de 2022 aux contingences municipales – avait envoyé Ali Rebouh au front. À lui de répondre à “la détresse des habitants”, en exprimant son “empathie” et “le soutien de la municipalité”. Dans une déclaration convenue, l’adjoint estimait que “le temps est à l’émotion et à l’écoute”.

Après la mort d’Abdelghani Sidali, difficile pour Johanna Rolland de garder le silence. Le 13 janvier au soir, elle dénonçait donc “cet acte inqualifiable” et “la violence insupportable”. Dont acte. Reste que cette violence insupportable n’est pas nouvelle. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : il y a eu, l’an dernier, 64 fusillades (officiellement recensées !) dans les quartiers de Nantes. Soit un peu plus de 5 par mois. Avec, à la clé, d’autres morts et des blessés. Malgré des chiffres traduisant une dégradation objective de la situation, on se souvient que les adversaires de Johanna Rolland aux municipales étaient accusés, il y a tout juste un an, “d’instrumentaliser l’insécurité à des fins électoralistes”. À l’époque, l’accord passé avec les Verts obligeait même la candidate à sa succession à mettre un bémol au développement de la vidéo-surveillance et au renforcement de la police municipale.

800 appels par semaine

En octobre dernier, Johanna Rolland reconnaissait (enfin ?), devant le conseil métropolitain, qu’au niveau de la sécurité, “ce n’est pas satisfaisant”. À l’appui de ce constat, les 800 appels par semaine reçus par la Maison de la Tranquillité. Dans ce contexte, la stratégie de la maire de Nantes a toujours été de mettre en cause “la responsabilité de l’État”, coupable à ses yeux de maintenir une situation de sous-effectifs dans  les rangs de la police nationale. Conformément à cette ligne de défense, Ali Rebouh ne faisait que répéter le même argument (OF du 13 janvier) : “je ne suis pas préfet, vous le savez bien”. En d’autres termes, “ça va mal mais je n’y peux rien”

Il reste que l’Institut Montaigne avait fait une comparaison, en 2019, entre les villes de Nantes et de Lyon et que les chiffres parlaient d’eux-mêmes : il y avait, à Lyon, un policier municipal pour 1539 habitants, contre un policier pour 2626 à Nantes. Dans le même temps, la Ville de Nantes dépensait  53,10 €/habitant pour la sécurité là où Lyon en dépensait 67,40.

S’ajoutent à ce triste bilan, la montée des incivilités dont sont victimes les agents de la Tan et des services municipaux. Quant aux habitants des quartiers “chauds”, ils répètent leur fatigue devant ces règlements de compte : “Les dealers sont ici chez eux… Ils squattent les halls d’immeuble et les escaliers…”, disait cette habitante des Dervallières qui craint pour sa sécurité et celle de ses enfants. Confirmant ces déclarations, Ouest-France pouvait titrer, dans son édition du 13 janvier : “10h, lendemain de fusillade, les dealers sont déjà là.”

La faute à qui ?

Il est à craindre que cette situation ne s’améliore pas. Ce n’est pas un énième plan d’aménagement du “grand Bellevue”, une nouvelle intervention de Royal de Luxe ou la reconstruction d’un nouveau foyer à Malakoff après la destruction de l’ancien par un incendie volontaire qui sont de nature à ramener le calme dans ces quartiers. On a laissé pourrir une situation qui est aujourd’hui explosive.

Changement de préfet, arrivée d’un nouveau patron de la police pour que rien ne change ? Certes, il y a eu, ces derniers temps, quelques coups de pied dans la fourmilière du marché de la drogue dans les quartiers. Ces “coups de filet” ne  sont sans doute pas étrangers à la guerre que se livrent différents réseaux : si le marché reste juteux, les places deviennent chères.

Droit sous son képi, Didier Martin, préfet de Région, donne de la voix. Sans surprise, il déclare que l’État n’abandonnera pas la population de ces quartiers et que force restera à la loi. Il enfonce aussi quelques portes ouvertes : sans consommateurs, il n’y aurait pas de vendeurs, donc pas de trafic. Sans faire injure à l’ancien préfet de Moselle, nul besoin d’avoir fait l’ENA pour considérer que sans commerce d’alcool, il y aurait sans doute moins d’alcooliques.

Au-delà des déclarations de circonstance, les Nantaises et les Nantais sont en droit d’attendre une réelle prise en compte de la situation et des décisions susceptibles de changer la donne. Faute de quoi, il est d’ores et déjà prévisible que Johanna Rolland et le préfet nous reparleront de leur “émotion” et de leur “colère”, après une énième fusillade. Et les habitants, eux, attendront de retrouver les nuits de « la belle endormie ».

Nantes métropole : les impôts caracolent…

Johanna devant la mairie de Nantes à la fin de son troisième mandat, après huit ans de confinement.

« Je m’engage à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation d’impôts durant mon mandat ». Et, c’est vrai, Johanna Rolland, maire de Nantes, a tenu parole. Mais la présidente de Nantes métropole, elle, n’avait rien promis. Alors, Johanna Rolland s’est rattrapée…

C’est le 15 décembre dernier que la Cour des comptes l’a dénoncée à la France entière en comparant les comptes de Nantes métropole à ceux des autres métropoles françaises. Elle a confirmé ce que les quelques lecteurs du rapport publié un peu plus tôt par la chambre régionale des comptes savaient déjà (https://www.ccomptes.fr/fr/publications/nantes-metropole-loire-atlantique) et ce que de nombreux contribuables nantais avaient déjà vécu : l’agglomération nantaise figure tout en haut du tableau des hausses d’impôts entre 2014 et 2019. Plus précisément, c’est la taxe d’habitation et la taxe foncière qui ont vu leurs taux exploser. Le taux de la taxe foncière, par exemple, est passé discrètement de 0,65 % à… 6,4 % en 2015.

Un bel appétit fiscal 

La maire de Nantes peut donc se représenter – et être réélue – en 2020 en tenant la même promesse : pas d’augmentation d’impôts. Il suffira juste à Johanna Rolland de demander… à Johanna Rolland, présidente de Nantes métropole, de (re)faire les poches des contribuables de l’agglomération en cas de besoin : les impôts de la Ville n’augmenteront pas, ce seront ceux de Nantes métropole. Ou alors, on n’augmentera pas les taux mais on augmentera les bases. Ou l’inverse. Avec toujours le même résultat. Et qu’importe s’il se trouve des contribuables nantais pour s’en apercevoir.

Moins de personnel ??? Mais c'est impossible !
Johanna Rolland sur son trône métropolitain attendant l’argent du peuple

Contrairement au discours ambiant, ce n’est pas pour “préparer l’avenir” que ces impôts augmentent. Il s’agit tout simplement de faire face à l’envolée des dépenses de fonctionnement de Nantes métropole. D’ailleurs, comme le note la Cour des comptes, “les dépenses d’investissement ont été limitées entre 2014 et 2016”, faute de marge de manœuvre.

Un avenir incertain

“Pour la période prochaine, 2020-2026, le niveau déjà élevé de la pression fiscale limite les possibilités d’actionner encore ce levier…” La Cour des comptes, en termes mesurés, met d’ores et déjà en garde Johanna Rolland contre une nouvelle hausse d’impôts. Et elle enfonce le clou en rappelant qu’en 2018, la présidente de Nantes métropole n’a pas respecté “les clauses du contrat de maîtrise des dépenses de de fonctionnement qu’elle a passé avec l’État”. En conclusion, le rapport “invite Nantes métropole… à maîtriser ses charges de gestion, particulièrement de personnel.”

Un certain nombre de maires de l’agglo protestent régulièrement contre l’appétit fiscal de la présidente de Nantes métropole lorsqu’il s’agit de financer des projets… nantais. La Métropole n’est jamais pingre, il est vrai, pour financer les investissements de la Ville de Nantes. Comme cet Arbre aux hérons dont le budget d’études continue de grimper aux branches. Ou ces “nouvelles lignes” de tramway qui ne sont guère que des prolongements de lignes existantes et dont la justification, pour l’une d’elles, n’est guère que la desserte d’un équipement hospitalier qui s’annonce être un gouffre financier.

Mais, promis, juré, les impôts n’augmenteront pas.

Lieu Unique : sous direction assistée

Il quitte sa jolie maison de consul honoraire de Suisse à Nantes

Il avait obtenu non pas la tête de Jean Blaise mais sa succession à la direction du Lieu Unique. Dix ans plus tard, Patrick Gyger repart en Suisse pour un fauteuil plus conforme à ses centres d’intérêt. Avec à la clé, un budget à faire pâlir la scène nationale nantaise. En attendant l’heureuse (?) nouvelle de sa succession, Nantes lui rend hommage.

Faute d’un communiqué officiel de la mairie, Ouest-France revient ainsi sur ces dix ans passés par Patrick Gyger à la direction du Lieu Unique. Un long entretien où celui qui avait la réputation d’être aussi chaleureux et ouvert qu’un coffre suisse dit tout le bien qu’il pense de l’établissement qu’il a dirigé.

Forcément unique

Le Lieu Unique, Patrick Gyger déclare en avoir “clarifié” la ligne artistique. Pas très aimable pour son prédécesseur, un certain… Jean Blaise. S’il évite le qualificatif de “flou du roi” pour en parler, le futur ex-directeur revendique d’avoir fait de cette scène nationale “un observatoire du monde”. Ni plus ni moins. Et qu’importe si le public n’y a pas toujours trouvé son compte. Pas un mot, par exemple, sur la programmation théâtre, danse ou encore musique. Sinon pour parler du festival Variations qui aura au moins permis à une banque (BNP-Paribas) d’oublier son éviction de La Folle Journée.

S’il est vrai que le Lieu Unique s’est ouvert aux débats géopolitiques et aux questions philosophiques et que la place de la littérature y a connu un nouvel essor avec le festival Atlantide, la programmation artistique – création théâtrale et chorégraphique – souffrait bien souvent de la comparaison avec le Grand T, l’autre grande scène nantaise, soutenue par le département.

À bons comptes ?

Pas de bilan chiffré dans ce long panégyrique de l’action de Patrick Gyger à la direction du LU. On se saura rien de la fréquentation des spectacles programmés. Pas sûr que, sur ce plan, le bilan soit très flatteur. Tout juste nous dit-on (Ouest-France du 7 décembre) que “500 000 personnes y transitent en moyenne chaque année”. D’où sort ce chiffre ? Mystère. Sans doute intègre-t-il les consommateurs de passage au bar et les clients du hammam auxquels il convient d’ajouter ceux du restaurant. Pour ce qui est de ce dernier – Patrick Gyger évite sagement d’en parler – on ne peut pas dire que, depuis dix ans, la qualité ait progressé.

Dans l’immédiat, en attendant la nomination d’une nouvelle direction, le Lieu Unique – qui compte 45 salariés ! – bénéficie d’une direction  assistée en la personne du directeur adjoint. Va-t-on assister à un rééquilibrage susceptible de faire revenir un public souvent négligé. À défaut d’avoir tout à fait transformé le Lieu Unique, Patrick Gyger estime que la ville, elle, l’a transformé.

Au pied de l’arbre

Cet hommage à une ville qu’il a choisi de quitter devrait valoir à Patrick Gyger une pluie de remerciements de la municipalité nantaise. Sans attendre d’avoir le sentiment de Johanna Rolland, Brigitte Ayrault y est allée de ses compliments sur les réseaux sociaux. Selon elle, le futur ex-directeur est “un homme de culture hors pair” (sic) qui a fait du Lieu Unique un “lieu magique” (re-sic).

En attendant les éloges officiels, Patrick Gyger abandonne la traditionnelle neutralité suisse en se prononçant, sans ambiguïté, pour la réalisation de l’Arbre aux hérons. Un soutien qui ne lui coûte rien. Au propre comme au figuré. Le coût de cette nouvelle “folie” nantaise sera en effet supportée par les contribuables d’ici et non par les résidents des bords du lac Léman. Reste à savoir ce qu’en pensera la majorité municipale nantaise que l’on sait divisée sur ce dossier et qui a quelques raisons de douter du bouclage financier de l’opération. Comme le rappelle par ailleurs Sven Jelure.

Le charme suisse

C’est à Lausanne, la ville où il a fait ses études d’Histoire, que Patrick Gyger retourne en ce début 2021. Il y dirigera une structure – la Plateforme 10 – qui regroupe trois musées (beaux-arts, photographie, design et arts appliqués). Il y a été nommé par le Conseil d’État vaudois en septembre dernier.

Le nouveau quartier des arts bénéficie d’un solide budget (23 millions) auprès duquel celui du Lieu Unique fait figure d’œuvre sociale. On comprend que le futur ex-directeur nantais n’a pas hésité bien longtemps à retrouver la ville de ses jeunes années. Même si, à Nantes, Patrick Gyger avait (prudemment ?) gardé un pied en Suisse. Il était en effet consul honoraire. Si la fonction est bénévole, il pouvait néanmoins goûter au charme du Manoir de la Basinerie.  La belle demeure nantaise héberge en effet cette mission consulaire.

Dans son entretien à Ouest-France, Patrick Gyger déclare avoir eu l’occasion, dans le cadre de sa mission, de venir en aide à des ressortissants suisses en difficulté financière. Quand on vous dit que tout fout le camp…

Julien Craque

 

L’Arbre aux Hérons ramène sa Fraiseraie

Ramène ta fraiseraie... Mais discrètement !

Si rien ne bouge sur le terrain pour l’Arbre aux Hérons, il s’en passe un peu plus sur son site web. Le 27 novembre, nous signalions ici que quatre entreprises avaient disparu de sa liste de mécènes. L’une d’elles semble avoir été vite rattrapée par le col !

Le 30 novembre, trois jours après notre article, le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons affecte de saluer un « nouveau » mécène. « Nous sommes heureux de compter La Fraiseraie parmi les entreprises mécènes de l#ArbreAuxHérons », écrit-il sur Facebook  – Merci aux dirigeants de la Fraiseraie, Alain et Pierre Tetedoie et leur personnel pour la confiance. »

La fraise du mécène
Ramène ta fraiseraie… Mais discrètement !

En réalité, La Fraiseraie était déjà annoncée comme un mécène en décembre 2016 ! Peut-être s’est-elle fait un peu tirer l’oreille pour officialiser son engagement puisqu’elle n’apparaît dans la liste nominative des mécènes que vers le 20 septembre 2020… avant d’en disparaître vers le 20 novembre. Dix jours plus tard, tout est oublié, on salue le retour de l’enfant prodigue comme s’il n’était jamais parti !

Il aurait été un peu étonnant, aussi, que La Fraiseraie, qui a obtenu le droit de vendre ses glaces (excellentes au demeurant) sur le site des Machines de l’île, ose couper les vivres à l’Arbre aux Hérons. Mais elle aurait pu préférer ne pas trop attacher son nom à un projet mal embarqué.

Des mécènes très discrets

Elle n’aurait pas été la seule. Le Fonds de dotation revendique désormais un total 58 mécènes. Mais son site web n’en mentionne que 34. Il y en aurait donc 24, soit 40 %, qui préfèrent rester dans la clandestinité ?

Petit coup d’œil dans le rétroviseur : le Fonds de dotation a obtenu le 17 juillet 2019 un rescrit fiscal qui permet à ses mécènes de déduire de leurs impôts 60 % du montant de leurs dons. Un avantage considérable. « On va pouvoir enfin capter de nouveaux engagements d’entreprises et démarrer », se réjouissait alors Karine Daniel, directrice du Fonds. Qui assurait avoir déjà récolté près de 4 millions d’euros auprès d’une quarantaine d’entreprises.

Le Fonds avait commencé à fonctionner au printemps 2018, à peu seize mois avant d’obtenir le rescrit censé lui ouvrir l’Eldorado. Où en sommes-nous aujourd’hui, à peu près seize mois après l’obtention dudit rescrit ? Si l’on en croit ce que dit le Fonds, 18 nouveaux mécènes auraient été trouvés (58-40). Pour une collecte supplémentaire, si l’on en croit ce que disait Pierre Orefice à Ouest France la semaine dernière, de 2 millions d’euros (près de 6 millions aujourd’hui contre près de 4 en juillet 2019)*.

Le rythme de la collecte a donc été divisé par deux. À supposer qu’il ne baisse pas davantage – une gageure en temps de crise économique – il faudrait encore quatre ans (16 mois x 3) pour parvenir aux presque 12 millions d’euros de dons qui permettraient de couvrir le coût des travaux. À supposer qu’il n’augmente pas davantage…

Sven Jelure

* Tous les chiffres cités sont théoriques, cela va de soi. Nous affectons ici de pendre pour argent comptant les déclarations officielles. Il est probable que la réalité est encore moins bonne puisque, selon ses comptes certifiés par un commissaire aux comptes, le Fonds de dotation n’avait obtenu que 2,6 millions de promesses de dons à fin 2019. Rappelons que le Fonds, dirigée par une ancienne députée, a été créé par Nantes Métropole.

Arbre aux Hérons : les donateurs déserteurs et les artifices d’Orefice

Les mécènes, ça va ça vient... La dure vie de chef de pub en période de crise

La soixantaine bien avancée, Pierre Orefice étonne par l’enthousiasme juvénile qu’il affiche constamment. La retraite ? Très peu pour lui. Il y a du Donald Trump chez cet homme. Même contre toute évidence, le directeur des Machines de l’île ne s’avoue jamais vaincu. Du moins, pas avant d’avoir épuisé tous les recours et tous les artifices.

Il a bien compris que l’heure municipale n’est plus aux ferrailles mais à la verdure. Aussi sec, il a repositionné l’Arbre aux Hérons. Ce n’est plus une Machine de l’île hors de l’île mais quasiment une annexe du Jardin des plantes. « La nature est une composante majeure de cet arbre, on va en faire une arche végétale », a-t-il assuré à Ouest France. La mutation de l’arbre en arche sera réalisée grâce au service des espaces verts de Nantes, qui « y travaille ».

L’intervention des jardiniers municipaux, hélas, ne garantit rien. Avez-vous vu la Tour végétale de Nantes ? Tout le monde l’a oubliée (mais l’internet en a gardé le souvenir). Ce bâtiment de 60 mètres de haut, dégoulinant de verdure, devait être érigé par le promoteur Giboire sur l’île de Nantes, à côté du Carrousel des mondes marins. En 2010, voici dix ans seulement, c’était fait, c’était sûr, la Samoa le voulait, Jean-Marc Ayrault était d’accord. Un « protocole d’expérimentation dit de « modélisation du système de végétalisation » » avait été signé par l’architecte Édouard François et « des représentants de la Ville de Nantes : Romaric Perrocheau (Directeur du Jardin Botanique de la Ville de Nantes), Jacques Soignon (Directeur des services des Espaces Verts et de l’Environnement de la Ville), Claude Figureau ».

Et puis, patatras ! en 2011, un nouvel urbaniste raye le projet d’un trait de plume.

La même mésaventure risque-t-elle d’arriver à l’Arbre aux Hérons et à ses jardins suspendus ? On imagine mal Johanna Rolland rejeter soudain un projet qu’elle a tant soutenu. Mais l’imagine-t-on davantage le lancer dans quelques mois ? La crise économique qui s’annonce sera sur nous. Plus question d’entreprendre des réalisations somptuaires.

Six millions récoltés, c’est six millions manquants

Cependant, la maire de Nantes n’aura pas besoin de se mouiller. Il lui suffira de constater que l’argent n’est pas là. Rappelons que le coût de la construction doit être partagé en trois tiers, financés respectivement par Nantes Métropole, par d’autres financeurs publics et par le secteur privé – particuliers et entreprises mécènes. Chaque tiers vaut en principe un peu moins de 12 millions d’euros. On sait déjà que ce serait en réalité beaucoup plus, mais passons : même à 12 millions par part, les choses sont en train de mal tourner.

Un Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons a été créé par Nantes Métropole il y a trois ans pour collecter des financements privés. Travail pépère, en principe, puisque Pierre Orefice et François Delarozière l’avaient dit plus d’une fois, les mécènes étaient déjà trouvés. Il ne restait qu’à relever les compteurs. Ce qui s’avère plus difficile que prévu. « Nous avons collecté près de six millions », assurait Pierre Orefice à Ouest France la semaine dernière. Faut-il voir la valise de billets à moitié pleine ou à moitié vide ? Près de six millions, ce n’est que la moitié de la somme requise.

Quatre entreprises rayées de la liste

Les six autres millions, en temps de crise économique, il faudra aller les chercher avec les dents. Les mécènes peuvent déduire de leurs impôts 60 % des sommes données. Cent euros versés leur en coûtent 40 en réalité. Encore faut-il avoir des impôts à payer ! Pas de bénéfices, pas d’impôt : le mécénat devient ruineux pour les entreprises en difficulté. Et quel chef d’entreprise annoncerait à la fois qu’il va licencier une partie de son personnel et financer une attraction touristique ?

« Nous n’avons eu aucune défection d’entreprise mécène », indiquait Pierre Orefice à Ouest France. Une huitaine de jours plus tard, ce constat réconfortant semble bien être devenu une « vérité alternative », comme on disait chez Trump. Quatre noms ont soudain disparu de la liste des mécènes affichée par le Fonds de dotation : Vinci Airports (qui avait promis de donner au moins 200 000 euros), La Fraiseraie et idverde* (au moins 50 000 euros chacun) et O’Deck (au moins 5 000 euros). C’est comme si, d’un coup, le Fonds de dotation avait rendu leur argent à tous les donateurs de la campagne Kickstarter de 2018. Ce qu’il devra faire, à propos, si le projet est abandonné.

Sven Jelure

* Le cas d’idverde est incertain. Il n’a figuré dans la liste des mécènes que quelques jours de novembre 2020. Ce grand paysagiste européen a réalisé le Jardin extraordinaire, site théorique d’implantation de l’Arbre aux Hérons.

Ci-dessous : extraits de la liste des donateurs affichée par le site arbreauxherons.fr le 14 novembre et aujourd’hui

HIER

AUJOURD’HUI

 

Nantes cultive les arbres en toc…

Moins de feuilles à ramasser, c'est aussi moins de col du fémur à réparer pour le futur hôpital de Nantes qui sera trop petit et trop cher

De la gare à Miséry

Le Marché de Noël, c’est mort : Nantes n’en aura pas. Le sapin de Noël, c’est mort aussi ? Parions que Johanna Rolland va faire profil bas, très bas, sur ce sujet ! Quand son collègue bordelais Pierre Hurmic a exclu de dresser un arbre coupé, c’est-à-dire un « arbre mort » en guise de sapin de Noël dans sa ville, il est devenu la risée des médias sociaux. Elle ne tient sûrement pas à subir le même sort.

Au moment où Pierre Hurmic parlait, elle envoyait pourtant au Bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) un avis de marché portant sur l’achat d’un arbre de Noël. À l’article 1 du règlement de consultation, elle rappelait que Nantes est engagée dans une « démarche de transition écologique » et que « l’implantation d’un sapin coupé est en contradiction totale avec cette démarche ». Quasiment du Hurmic dans le texte.

À défaut d’un arbre mort, elle demandait « un ‘sapin’ de Noël nouvelle génération qui pourrait être fabriqué en matériaux recyclés et/ou s’éclairer ou s’animer par l’interaction du public ». (Le texte a disparu du web depuis lors… mais on avait pris soin de le télécharger.)

Or qu’est-ce qu’un matériau recyclé sinon un matériau à qui l’on donne une « seconde vie » ‑ donc mort au moins une première fois ? Et voué ici à une seconde mort après Noël… Johanna Rolland était mal partie. Heureusement pour elle, à peu près personne ne semble avoir remarqué le marché. Sauf son attributaire naturellement, la société rennaise Ludik Énergie,

Voici des semaines déjà que les services municipaux ont commencé à déposer, sans trop de précipitation, des décorations de Noël en travers des rues et sur les magnolias coniques du cours des 50 otages. Le « sapin » façon écolo devait être installé au cours du week-end des 20 et 21 novembre. Rien n’a l’air de bouger pour le moment. Ludik Énergie refuse de communiquer sur le sujet. L’inquiétude monte !

Des arbres en béton, en métal et même en arbre – mais mort

Si le sapin de Noël artificialisé devait être abandonné, ce serait un très mauvais signal pour l’Arbre aux Hérons, géant de métal qui, lui aussi, n’a d’arbre que le nom (et même plus la forme, dans la version actuelle du projet). Non, Nantes ne peut pas renoncer à ce qui s’impose comme l’un des ses attraits les plus remarquables : les arbres en toc.

Depuis quelques années, combien de fois nous a-t-on fait miroiter une future « continuité de la gare à la Loire », allant jusqu’au Bas-Chantenay ? L’Arbre aux Hérons devait en ponctuer l’extrémité ouest. Pas seul : depuis 2012, Lunar Tree se dresse au-dessus de la carrière de Misery. C’est « un arbre mort, d’un blanc immaculé, de 12 mètres de haut », indique Le Voyage à Nantes, qui l’a acheté à Mrzyk et Moriceau en 2012. Un arbre mort ? Chutttt ! Il ne faudrait pas que Pierre Hurmic apprenne ça.

Lunar tree

Et depuis vendredi dernier, l’extrémité est de la « continuité de la gare à la Loire » a aussi ses arbres en toc. Ils soutiennent le plafond de la nouvelle gare SNCF de Nantes dessinée par Ricciotti. Pas moins de dix-huit arbres en béton d’un seul coup ! Le sapin de Noël sera-t-il l’arbre qui cache cette forêt ?

Sven Jelure

Transports en commun : une dégradation objective

Le projet de déco des tramways nantais pour résoudre les problèmes d'insécurité

Il a fallu une agression à l’arme de poing dans un tramway pour qu’on (re)parle de l’insécurité dans les transports en commun nantais. Pour que Pascal Bolo, adjoint et président de la Semitan,  se félicite de “l’excellente réactivité des personnels”. Mais en fait de propositions, concrètes et sérieuses, il semble urgent d’attendre.

La conductrice du tramway, agressée à la station Haluchère, ce 8 novembre, mettra sans doute un peu de temps à oublier cette arme braquée sur elle par un passager qui entendait ne pas mettre de masque. Les cas d’agressions se sont multipliés ces derniers mois (insultes, crachats, gifles…) et ont fait monter la tension tant auprès des personnels que des usagers. Les contraintes du confinement, souvent mis en avant, n’expliquent pas tout : il y a bien une dégradation objective de la sécurité dans les transports en commun nantais.

Le leurre de la gratuité

Après l’agression de la Haluchère, la réponse syndicale a été de stopper la circulation des bus et tram à 22h30. Une mesure en contradiction avec les directives de la municipalité qui entend favoriser les transports en commun au détriment de la voiture. Pour que les voitures restent au garage, il convient de mettre en place des transports publics fiables et sûrs, y compris en soirée. Et là, manifestement, le compte n’y est pas.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les premières propositions formulées ne sont pas de nature à rassurer les usagers. Les contrôleurs se faisant agresser, il suffirait, pour certains, d’instaurer la gratuité pour y mettre un terme. S’il n’y a plus de contrôleurs dans le tram, il n’y aura plus de contrôleurs agressés. CQFD. Or chacun sait que la gratuité n’existe pas : ce sont les contribuables qui paient les charges d’investissement et de fonctionnement des transports publics.

La gratuité a pourtant été promise par Johanna Rolland à partir de janvier prochain. Une gratuité limitée (pour l’instant ?) au week-end. Les élus ne doivent pas prendre le tram ou le bus entre 17h et 20h, par exemple, pour ne pas avoir constaté que le réseau est déjà saturé. La Semitan envisage-t-elle de doubler la fréquence des transports sur les lignes les plus utilisées ?

La gratuité risque de provoquer une augmentation sensible de la fréquentation des moyens de transport. À l’inconfort des passagers risque de s’ajouter une augmentation, elle aussi mécanique, de l’incivilité. À moins de multiplier les interventions des brigades de sécurité, y compris le week-end. Les négociations avec les personnels de la Semitan s’annoncent difficiles.

Appel à la “vidéo-protection”

Tout aussi longs, sans doute, les délais de livraison et d’installation de matériels de vidéo-protection embarquée” dans les bus et tramway. Un avis de marché, pour un montant “minimal” de 3,4 millions d’euros hors taxes, vient d’être publié, en date du 6 novembre, par la Semitan, “mandataire de Nantes Métropole”. On ne sait pas si Julie Laernoes, farouche opposante à tout système de vidéo-surveillance, a été consultée avant la publication de cet appel à candidature.

Il est vrai que l’appellation du système à installer procèderait de la “vidéo-sécurité” et non de la “vidéo-surveillance”. Cette nuance sémantique empêchera-t-elle les Verts de voir rouge ? Une chose est sûre, le système à installer à bord des bus et tramways devrait être plus efficace  que le matériel actuellement en place : malgré les images enregistrées et de nombreux témoins, l’agresseur de ce 8 novembre court toujours.

Si les revendications des personnels de la Semitan semblent prises en compte, elles ne peuvent pas être mises en œuvre très rapidement. Il en va de même pour la présence de maîtres-chiens en appui des personnels de la future police des transports de Nantes métropole. Une police qui ne devrait pas être en place, elle non plus, avant plusieurs mois. Entre recrutement et formation, les procédures ne sont pas simples. Il faut bien le dire, les actuels personnels “accueil et sécurité” de la Semitan font figure de gentils G.O. du Club Med. Ils préfèrent bien souvent rester groupés dans une rame de tram pour “éviter les provocations”.

La place des femmes

Autre proposition : réserver aux femmes une partie d’une rame de tramway. Selon cet agent de la Semitan, interrogé par Presse-Océan, les femmes “ regroupées à l’avant, près du poste de conduite” seraient plus en sécurité. Pourquoi ne pas mettre en place des bus ou des tramways réservés aux femmes ? Ou interdits aux hommes ? Ce type de mesure rappelle les pires heures de la discrimination ou renvoie à des pratiques moyenâgeuses encore en vigueur dans certains pays. On se souvient de certaines revendications, comme celle visant à instaurer des horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales. Pourquoi ne pas enterrer définitivement l’égalité homme/femme ? Sur les réseaux sociaux, un plaisantin proposait d’obliger hommes et femmes à porter la burqa, histoire d’éviter tout regard ou geste déplacé. Autre avantage, les personnels de contrôle seraient à l’évidence moins repérables…

Plus sérieusement, voilà un sujet dont on reparlera dans les mois qui viennent. Et il ne suffira sans doute pas d’une énième opération de “dialogue citoyen” pour y répondre.

Julien Craque

Un futur pont Anne-de-Bretagne ni Rhénan ni belligérant

Le nouveau pont ne coûtera qu'un demi-Arbre aux hérons

Nantes Métropole, dirait-on, veut rendre les choses irréversibles pour le pont Anne de Bretagne plus vite que pour le CHU. À peine le projet voté par le conseil métropolitain, le 23 octobre, ses services ont publié l’annonce d’un « Marché de conception-réalisation pour la transformation du pont Anne de Bretagne à Nantes ».

Du travail vite fait ? Assurément pas : la gestation de l’avis avait sûrement demandé des centaines d’heures de travail. On y a mis un maximum de jus de crâne. D’abord, des ambitions grandioses : «le programme du pont intégrera les orientations suivantes : – Un pont Nature-Jardin belvédère – Un pont Ligérien – Reconnectant la ville à son fleuve – Un pont Place-Espace public majeur de dimension métropolitaine – Un pont Apaisé -Valorisant les modes actifs. »

Cependant, quelques éclaircissements n’auraient pas été de trop. Un pont Ligérien (avec un L majuscule) ? Imagine-t-on qu’un pont sur la Loire pourrait être Rhénan ou Rhodanien, voire Mississippique ou Yang-Tsé-Kiangois ? À moins qu’il ne s’agisse de signaler que, tout Anne de Bretagne qu’il fût, ce n’est pas une promesse de réunification prochaine ? Et comment distinguer un pont Apaisé (toujours avec majuscule) d’un pont Agité, Belligérant ou Contentieux ?

Et puis, comment reconnecter la ville à son fleuve alors qu’un pont sert plutôt à passer au-dessus ? La ville a hélas une longue histoire de Nantais trop reconnectés au fleuve ‑ « la troisième danse, le pont s’est écroulé » (bis) – mais Johanna Rolland n’est probablement pas pressée de mettre sa robe blanche et sa ceinture dorée.

Orientations, objectifs, exigences et complexités

Quant au pont Nature-Jardin belvédère, rassurez-nous Nantes Métropole ! l’idée est quand même bien que piétons et véhicules puissent se rendre d’une rive à l’autre, n’est-ce pas ? Oui, mais cela, ce n’est pas une « orientation », c’est un « objectif ». Car « le projet a pour objectifs : – augmenter les capacités de franchissement pour accueillir tous les modes : voiture, modes actifs et transport en commun, avec deux nouvelles lignes de tramway pour accompagner le développement de l’Ile de Nantes (desserte nouveau CHU) – reconquérir les espaces publics – concilier pont et espace public de qualité reliant la promenade de la gare à la Loire à l’Ile de Nantes. » Reconquête d’une part, conciliation de l’autre : le pont ne devra pas seulement être Apaisé, il devra être Pacificateur.

Le projet n’a pas que des « orientations » et des « objectifs », il a aussi des « exigences » : « la qualité du futur espace public, un pont discret (limiter l’impact visuel du pont en privilégiant la structure sous le tablier), le maintien des circulations en phase travaux, la rapidité de mise en œuvre et le respect du planning, la limitation des impacts et le coût optimisé ».

Le pont devra aussi, et là ce sont des « complexités », partager l’espace public entre les flux (« piétons, vélos, tramway, routiers (vl, pl, convois exceptionnels), machines de l’ile, maritimes et fluviaux »), être éco-conçu, respecter le tirant d’air, permettre le passage des Machines de l’île, « notamment l’éléphant », etc. (pour le Carrousel, ça sera plus dur). Ah ! et puis aussi, cette condition sans doute inspirée par le souvenir de Jean-Marc Ayrault : « Pas d’impact sur le mémorial de l’abolition de l’esclavage (structure et obstacle visuel) ». Conséquence pratique : « Pour des questions de rayons de giration du tramway par rapport au Mémorial de l’abolition de l’esclavage, le futur tramway s’insèrera nécessairement sur un nouvel ouvrage, à l’ouest du pont existant ».

De temps en temps, un jour ou l’autre

Car le résultat des courses sera un pont de « 35 à 50m de large afin de créer un bel espace public, offrant une place notable aux modes doux et actifs ». Cinquante mètres, soit deux fois et demie la largeur du pont actuel ! Avec, en principe, conservation des piles existantes et construction de nouvelles piles dans leur alignement à des fins de « perception d’un ouvrage unique et non perturbation de la Loire ».

Chose étrange, si le pont est prié de ne pas déranger le Mémorial sur la rive droite ni le cours du fleuve entre les rives, aucune contrainte ne lui est assignée sur la rive gauche. Aura-t-il droit à un impact sur De temps en temps, l’œuvre de François Morellet qui anime (de temps en temps, quand il n’y pas d’échafaudages) la façade des Mutuelles Harmonie ? Et sur les Nefs des Chantiers et la suite, puisque le boulevard Léon-Bureau, moins large que le pont Anne de Bretagne actuel par endroits, est bien incapable d’accueillir en l’état tout le trafic qu’on espère faire passer au-dessus de la Loire ? Il sera toujours bien temps d’y réfléchir quand le pont sera construit…

Ah ! j’allais oublier : toutes ces choses magnifiques espérées du pont devraient être obtenues pour un montant prévisionnel de 50 millions d’euros HT ! L’attributaire du marché devra être très, très, très fort. Nantes Métropole énonce une vaste série d’exigences à son égard. Si vaste et si précise qu’on doute que plus d’une seule entreprise les remplisse toutes (Nantes Métropole envisage un maximum de trois offres). Au vu de l’annonce, on imagine qu’il devra posséder surtout une qualité essentielle quoique non spécifiée : être capable, le moment venu, de convaincre Nantes Métropole d’abaisser ses exigences et/ou d’augmenter le budget.

Sven Jelure

Circulation, sécurité, projet de CHU… JR aux urgences

Johanna Rolland et Julie Laernoes nous prépare une ville surréaliste, le CHU en sera l'œuvre principale. Chapeau JR !

Dure, dure, la rentrée, pour Johanna Rolland. S’il est facile de rejeter sur le gouvernement le problème de la sécurité à Nantes, d’autres dossiers risquent de plomber l’image de celle que certains voyaient déjà “jouer un rôle national dans les années qui viennent”. On ne peut pas dire que le dossier de la circulation échappe à la compétence municipale. Quant au projet de CHU, s’il ne prend pas encore l’eau, il suscite pour le moins des réactions “mitigées”.

Comptes et mécomptes
La presse a largement commenté le rapport de la Chambre régionale des comptes au sujet du futur (?) CHU. On y lisait, entre les lignes, que la construction de ce nouvel équipement était un pari audacieux. Et pour cause. Établi au niveau de 954 millions, le budget initial pourrait être largement dépassé. La nature du terrain (inondable de surcroît) nécessite en effet une technique de construction sur pieux qui alourdira immanquablement l’addition. Or, l’État a indiqué que sa contribution serait de 225 millions et on le voit mal aller au-delà dans la situation actuelle des finances publiques. La contribution de l’État représenterait donc au mieux le quart de la dépense engagée.

Si la Chambre régionale des comptes note que la situation financière de l’actuel CHU est saine, elle n’en relève pas moins que le remboursement des emprunts souscrits avant 2008 pose petit problème : les intérêts de l’un de ces emprunts “toxiques” se montaient en effet à… 21,5 % en 2013. Un taux d’usurier, sensiblement supérieur à l’inflation. Autre révélation : on apprend que les premiers travaux d’aménagement du futur CHU ont déjà coûté la bagatelle de 55 millions. Selon Ouest-France (édition du 14 octobre), la barre aurait même été franchie en toute discrétion.

Autant dire qu’avant même la pose de la première pierre, le futur CHU commence à peser sur le budget d’une ville qui, par ailleurs, se tourne souvent vers l’État pour réclamer “plus de moyens” pour les collectivités territoriales.

Anne, ma sœur Anne…
Les opposants au projet montent donc au créneau. On y retrouve, pêle-mêle, des militants d’EELV, de la gauche citoyenne, de la CGT… ainsi que des professeurs de médecine et des élus nantais et métropolitains de la droite et du centre. Ils pointent l’implantation et la dimension du projet mais aussi l’accès au futur CHU. Sur les 10 hectares prévus, il n’est pas possible, par exemple, de regrouper sur le même site, comme c’est actuellement le cas, les structures d’enseignement et de recherche. On se demande également comment Johanna Rolland qui a reconnu la nécessité de “repenser le projet” va parvenir à non pas supprimer 202 lits comme il était prévu mais à augmenter la capacité du nouvel équipement. On ne peut pas déplorer “le manque de moyens de l’hôpital” et, dans le même temps, en diminuer la capacité d’accueil.

Et ce n’est pas tout. Construire un hôpital en zone inondable et dans l’axe de la piste de l’aéroport, soit, mais quid des accès prévus pour y parvenir ? L’état actuel de la circulation à Nantes provoque déjà des coups de sang chez les automobilistes et les ambulanciers. Pas de souci, répond Nantes Métropole, le doublement du pont Anne de Bretagne va permettre de faire passer “une nouvelle ligne de tramway”.

Sauf à imaginer des rames de tramway sanitaires, avec brancards et perfusion intégrés, on ne voit pas bien l’intérêt pour les malades et des patients déjà impatients. Sans parler de l’emprise au sol des voies de circulation “adaptées à toutes les mobilités” comme on dit désormais à la mairie. Deux voies de circulation automobile + deux voies de tramway + deux pistes cyclables + deux trottoirs : ça risque de frotter un peu au niveau des Machines de l’île et de Stéréolux.

Il reste à certains élus – dont le vice-président en charge des transports – à emprunter le pont Anne de Bretagne afin de mieux en connaître la configuration actuelle. Devant le conseil métropolitain, Bertrand Affilé a ainsi indiqué que le pont ne compterait que deux files de voitures “une dans chaque sens”, alors qu’il y en a “… heu… davantage aujourd’hui”. Petit moment de solitude vite oublié lorsqu’est évoqué le doublement de ce pont pour le passage du tramway. Ce pont devrait être “un lieu de vie”, “un espace de détente” sur la Loire. Rien de moins.

“Éviter la catastrophe…”
Dans ce contexte, les Verts ne manquent jamais une occasion de se rappeler au bon souvenir de Johanna Rolland. Lorsqu’il s’agit, par exemple, de régler le problème de l’engorgement du périphérique à hauteur de la porte de Gesvres, ils disent “non” avec cet argument massue : “Si on améliore la fluidité, ça provoquera une augmentation de la circulation” (sic). Autant dire que les automobilistes exaspérés par les conditions de circulation entre la rue de Strasbourg et le quai de la Fosse n’ont qu’à prendre leur mal en patience.

Voilà donc Johanna Rolland placée sous surveillance, à la ville comme à la métropole. Sa majorité est pour le moins divisée sur nombre de grands projets. Au sujet du futur CHU, ses “amis” Verts parlent ainsi d’un “cumul d’inconvénients” alors que, du coté du PC et de la CGT, on évoque “un pari intenable” quant au financement du projet. Autant d’adversaires qui veulent “éviter une catastrophe” et réclament une “convention citoyenne” sur le sujet. Histoire de prendre aux mots de ses propres discours une maire qui ne cesse de placer son action sous le signe du “dialogue citoyen”.

S’ajoute à ce front d’opposants, l’action engagée par Margot Medkour et Nantes en commun. Ceux-là entendent bien “donner un vrai contenu au dialogue citoyen”, considérant qu’une convention citoyenne “ne doit pas être un gadget”. Des personnalités moins politiques mais qui font aussi autorité, comme le professeur Bernard Le Mevel, parlent de leur côté d’un “projet obsolète et irréaliste” avec des arguments qu’il sera difficile de balayer d’un revers de main.

 

Nantes Métropole peine à passer de la com’ à la relation

Nantes métropole a longuement hésité à créer une « Direction à la propagande », mais c'est finalement une « Direction générale à l'information et à la relation au citoyen » qui s'est imposée.

Nantes Métropole recherche un consultant externe spécialisé en communication institutionnelle. Il lui assurera un « conseil en organisation et accompagnement au changement dans le domaine de l’information et de la relation au citoyen ».

L’institution dispose déjà d’une bonne soixantaine de personnes pour sa com’. A-t-elle vraiment besoin d’y ajouter encore un conseil extérieur ? En fait oui, l’intervention de ce spécialiste paraît bien nécessaire. La Métropole explique que « la direction générale à l’Information et à la Relation au citoyen est une direction mutualisée qui […] remplace l’ancienne Direction de la communication externe. Ce changement sémantique récent constitue une transformation stratégique profonde de la vocation et des missions de cette direction et s’accompagne d’une évolution organisationnelle en cours ».

Or ce « changement sémantique récent » et la création de la D.G. à l’Information et à la Relation au citoyen ne datent jamais que de l’automne 2016 !

Ouest France avait même ironisé sur ce changement quelques mois plus tard :

« Le service de la communication n’existe plus », a répondu le standard de la ville de Nantes à la rédaction de Ouest-France. On a imaginé une petite seconde que la collectivité avait décidé de se passer de toute une équipe de communicants durant l’été. Évidemment non. « Vous souhaitez parler à quelqu’un de la Direction générale à l’information et à la relation au citoyen ? », a poursuivi notre interlocuteur, qui a pris le soin de préciser que le service com’ n’existait plus depuis longtemps. En fait, tout est une question de mots, car cette direction reste bien chargée de la mise en oeuvre de la… communication pour la Ville et la métropole.

Quatre ans après, on dirait que l’ancienne dircom’ n’a pas encore compris le message. La communication interne ne passe pas bien chez les pros (?) de la communication externe. En effet, la Métropole veut se faire aider « dans l’accompagnement de ses équipes en termes d’appropriation et d’adhésion à la nouvelle stratégie d’information et de relation au citoyen ». Il doit y avoir quelque chose qui coince…

Un expert disponible

Et sans doute à plusieurs niveaux. Le consultant devra assurer des séances collectives et des ateliers en sous-groupes mais aussi un « accompagnement individuel pour un manager ou agent faisant face à des difficultés particulières ». Eh ! oui, relationner avec le citoyen est sûrement plus difficile que de communiquer.

Où trouver le spécialiste ad hoc pour ramener la direction générale dans le droit chemin ? En voici un qui vient de consacrer un livre*, fort bien pensé ma foi, à la question de la démocratie participative, donc de la relation avec le citoyen. La démocratie, écrit-il, « ne peut fonctionner de manière satisfaisante dans un monde dominé par une minorité de puissants, géré par des bataillons de technocrates ». Ne croirait-on pas un portrait de Nantes Métropole ?

Aujourd’hui en retraite, cet expert est disponible. Il s’appelle Guy Lorant. Rédacteur du programme électoral de Jean-Marc Ayrault en 1995, il a été pendant des années directeur de la communication de Nantes.

Sven Jelure

* Les Ambiguïtés de la démocratie participative – De Porto Allegre aux Gilets jaunes, L’Harmattan, 77 pages, 11,50 euros.