Royal de Luxe, plus très royal, toujours opulent

Quels spectacle de Royal de luxe Johanna Rolland a-t-elle vu ?

Saint-Herblain a voté, ce vendredi 9 avril, une subvention à Royal de Luxe. Avec aussi Nantes et Nantes Métropole, la troupe devrait toucher plus de 420 000 euros en 2021, à quoi s’ajouteront probablement des subventions du département, de la région et de l’État, plus la mise à disposition de vastes locaux dans le Bas-Chantenay, pour une valeur proche de 100 000 euros par an. Royal de Luxe est un rentier à l’aise.

Parmi les innombrables troupes de théâtre de rue nées dans l’après-mai 1968, Royal de Luxe est l’une des réussites matérielles les plus éclatantes : après avoir tiré le diable par la queue comme les autres, la troupe obtient de la ville de Nantes les moyens de produire ses idées grandioses : La Véritable Histoire de France en 1990, Cargo 92 en 1992, Le Géant tombé du ciel en 1993. Sa renommée est au pinacle, de grandes villes étrangères achètent ses spectacles, Nantes la comble d’attentions. Et c’est le début de la décadence.

Les déclinaisons du Géant ne suffisent pas à camoufler le déclin de l’imagination. La Visite du Sultan des Indes sur son éléphant à voyager dans le temps, en 2005, un énorme succès à Nantes puis à Londres, Anvers et Calais fait exception. Mais ce spectacle entraîne le départ de François Delarozière, qui créera désormais ses machines de spectacle de son côté, toujours aux frais de la princesse nantaise. Depuis lors, Royal de Luxe n’est plus que l’ombre de lui-même. La troupe se partage entre des autopastiches de son Géant et des spectacles de patronage, en moins pieux. Le Mur tombé du ciel, en 2010, est une jolie réalisation grâce au talent de David Bartex mais procède d’une idée plutôt téléphonée (encore un truc tombé du ciel). Et puis, ça fait déjà plus de dix ans…

Demander à voir avant de payer

L’année 2020 est à mettre entre parenthèses, bien entendu. Mais qu’avait fait Royal de Luxe en 2019 ? La reprise de Miniatures, créé en 2017, un spectacle « tout petit-petit-petit-petit » selon Jean-Luc Courcoult lui-même, la tente de « Monsieur Bourgogne » accrochée au mur d’un immeuble de Bellevue, un lampadaire à nœud déjà vu deux ans plus tôt, une voiture transpercée par un arbre vite transformée en feu de joie par des amateurs d’art locaux, et une ou deux autres bricoles.

Après quasiment un an de relâche pour cause de covid-19, Royal de Luxe va-t-il revenir en 2021 plein d’idées nouvelles et surprenantes ? On annonce cinq nouvelles créations, dont un Retour de Monsieur Bourgogne qui n’avait pu avoir lieu l’an dernier. Royal de Luxe refuse d’en dire plus. Vu la faible productivité de la troupe ces dernières années, les collectivités locales feraient pourtant bien de demander à voir avant de payer.

Car les maigres réalisations de 2019 leur ont coûté cher. Cette année-là, Royal de Luxe a touché plus d’un million d’euros de subventions (1 009 142 euros exactement) et 96 717 euros de prestations en nature. Ses quelques représentations de Miniatures vendues à Anvers, Calais et Villeurbanne n’ont rapporté que 276 000 euros. Paradoxalement, les villes qui achètent les spectacles à l’unité les paient moins cher que Nantes qui les finance en gros. En 2017, chacun des 16 000 spectateurs de Miniatures avait coûté plus de 40 euros aux contribuables locaux.

La créativité peut-elle rebondir ?

Il y a d’ailleurs un côté grippe-sou chez Royal de Luxe. En 2019, la troupe a beaucoup économisé sur ses frais de personnel. Ils ont chuté de 1 162 519 euros (1,75 million avec les charges sociales) à 517 716 euros. Cela représente environ 34 500 euros brut par personne en équivalents temps plein (ETP). Mais il y a peu de temps plein et beaucoup d’intermittents chez Royal de Luxe. Au lieu lieu de 130 personnes en 2018, la troupe n’a rémunéré que 60 personnes en 2019.

Si bien que, malgré sa faible activité, Royal de Luxe a encore gagné pas mal d’argent en 2019. Au 31 décembre 2019, la troupe dormait sur un matelas de 488 792 euros de liquidités. Comme elle a continué à recevoir des subventions en 2020 sans dépenser grand chose en créations, ce pactole a dû continuer à s’arrondir. Pour les contribuables, il serait assez logique de décréter une année blanche : laisser Royal de Luxe se débrouiller par ses propres moyens et voir si ce respectable vestige de l’époque Ayrault reste capable d’imaginer de grandes idées.

Sven Jelure

Blaise storming : covidage à Nantes

Blaise storing... La perquisition dans la boite à idée du Voyage à Nantes n'a rien donné : elle était vide.

Faut-il tirer sur une ambulance ? Presse Océan nous apprend que le Voyage à Nantes vient d’être perquisitionné pour des faits remontant à la construction du Carrousel des mondes marins, inauguré en juillet 2012. Faut-il lui reprocher des faits d’aujourd’hui ? Mais qui parle de faits, d’abord ? Le problème d’aujourd’hui, c’est ce qu’il ne fait pas !

La nature a horreur du vide. La culture aussi. Graslin était vide ? On a trouvé à le remplir ! Oh ! ce n’est pas que la CGT ait eu à faire un gros effort d’imagination. Les occupations d’usines, elle sait faire, et en période de giboulées, il vaut mieux rester au chaud que de défiler à quelques-uns des Machines à la préfecture. La culture à Nantes n’est pas morte, elle pétitionne encore.

À part ça, pas grand-chose. Assurément, la culture, c’est plus dur en temps de covid-19. Mais ce qui frappe, c’est le manque quasi total d’initiatives de la part des supposés professionnels de l’imagination. Où est le Voyage à Nantes ? Confiné !

C’est mondialement officiel. Que fait le touriste étranger qui pourrait envisager de visiter Nantes ? Il consulte la page web en anglais de Nantes-Tourisme. Et les premières informations qui lui sont servies sont celles-ci :

Castle of the Dukes of Brittany closed until further notice
Museums closed until further notice
Machines closed until further notice

Ça donne envie ! Et si l’on remonte le fil de l’actualité touristico-culturelle depuis un an, c’est-à-dire depuis le début de l’épidémie, que trouve-t-on ? La principale réaction de Jean Blaise et de ses troupes a été de retarder d’un mois le Voyage à Nantes 2020, du 8 août au 27 septembre. Décision plus importante qu’elle n’en a l’air, expliquait alors Jean Blaise au Quotidien de l’art :  « La nouvelle date nous a accordé un sursis et nous a permis de nous fixer un but. Nous n’étions plus flottants. L’un des problèmes de cette pandémie est qu’elle nous a tous laissés en l’air : elle nous a donné la sensation que rien n’était déterminant.» La pandémie n’est pas finie.

Click and collect

Aujourd’hui, si l’on s’interroge sur les activités touristiques possibles à Nantes, voici la première proposition offerte : « La boutique de Nantes.Tourisme est ouverte » (sic). L’événement culturel le plus remarquable de ce début 2021 est la vente aux enchères du mobilier du Nid. Puis comme d’hab’ il y aura le VAN en été. D’accord, innover n’est sûrement pas facile aujourd’hui. Mais certains y arrivent. Exemple : le 12 décembre 2020, un concert-test a eu lieu à la Sala Apolo, haut-lieu de la vie nocturne à Barcelone. Il était organisé par le festival Primavera Sound et par une fondation médicale locale, avec l’aval de la région de Catalogne, officiellement pour étudier la transmission du virus parmi les 463 participants. (Résultat : zéro contamination.) On en a parlé dans le monde entier. L’imagination culturelle en temps de covid-19, c’est Barcelone, pas Nantes.

« Sans créativité, il n’y a pas d’image pour la ville » : ce dicton façon comme-disait-ma-grand-mère est de Jean Blaise, répondant à Éric Cabanas le 14 septembre dernier. C’est en substance la même rengaine depuis ses débuts au CRDC en 1987 : il faut de la créativité, et la créativité c’est Jean Blaise. On a pu croire un moment que c’était vrai, avec les Allumées, voici plus d’un quart de siècle. Mais depuis lors, la créativité à la nantaise (à la Blaise…) c’est surtout grandes proclamations et gros budgets.

L’avenir qu’on a devant soi, quand on se retourne, on l’a dans le dos

Voici la première phrase du dossier de presse annonçant la création du Voyage à Nantes, en janvier 2011 : « Le Voyage à Nantes est une structure née de la volonté politique de Nantes Métropole et de la Ville de franchir une nouvelle étape pour s’imposer dans le concert des villes européennes et mondiales, notamment en terme touristique : se positionner et s’affirmer en tant que destination ». Le moyen d’y arriver : semer des œuvres d’art à travers la ville (une idée d’une telle originalité qu’elle n’était venue à aucune cité depuis la Grèce antique).

Ça n’a pas très bien marché, le covid-19 a tout bousillé et l’on ignore s’il sera possible de relancer cette stratégie internationale dépassée. Pas grave, Jean Blaise fait demi-tour sur place et la rhabille en stratégie locale d’avenir, il l’a dit à Euradio le mois dernier « on avait déjà un coup d’avance avec cette idée que c’est la ville qui doit se montrer, qui doit intéresser les visiteurs et avec cette expérience ce savoir faire de l’art dans l’espace public ». Et d’ajouter : « donc on continue, bien entendu » ! Plus ça change, plus c’est la même chose (version populiste). Il faut que tout change pour que rien ne change (version culturelle).

Sven Jelure

Nantes et la culture en lutte

La lutte 100% jus de com. Sans se mettre en opposition avec le gouvernement. Quel beau travail politique. Tout en finesse !

La CGT fait le spectacle. Le rouge est mis. À défaut d’ouvrir le théâtre Graslin aux spectateurs, la Ville de Nantes y accueille la CGT. Non, il ne s’agit pas d’un congrès départemental du syndicat, juste une “occupation pacifique” d’une poignée d’intermittents mobilisés par la CGT Spectacle.

“Savoir que la Ville est derrière nous est extrêmement important…” Ce militant ne cache pas sa satisfaction de voir le directeur du théâtre et l’adjoint communiste à la Culture accompagner les manifestants. Comme l’écrit pudiquement Ouest-France (dans son édition du 11 mars), “l’accueil des maîtres des lieux est loin d’être hostile”. Il est vrai qu’Aymeric Seassau venait de s’en prendre publiquement au “pouvoir Macron”, accusé de sacrifier la culture. Qu’importe que le statut des intermittents, une spécificité française, reste protégé et que le ministère de la Culture continue de payer. “Macron, du pognon !”, le slogan n’est pas franchement nouveau mais il sonne bien.

Quand la Ville s‘aligne…
Et la culture dans tout ça ? Il n’en est pas vraiment question. Pourtant, c’est bien de cela dont il faudrait parler. “Vous êtes bienvenus chez nous…” Ce n’est pas au public qu’Alain Surrans, le directeur d’Angers Nantes Opéra, adressait ce message mais aux occupants du théâtre. Celles et ceux qui, depuis de longs mois, attendent la réouverture des salles de spectacle et de concert, des musées… sont priés de patienter. À aucun moment, la Ville de Nantes n’a véritablement réclamé la réouverture du Musée d’arts alors que la situation sanitaire n’a rien de dramatique au plan local. Le taux d’incidence du virus, comme le niveau de tension en réanimation, est, ici, très inférieur à la moyenne nationale.

On aurait pu imaginer, à l’occasion de la visite de Jean Castex, que le sujet de la réouverture des lieux de culture soit une priorité. Mais le Premier ministre n’était là que pour une opération de communication. Sa mission ? Donner l’image d’un homme de terrain qui n’a pas peur de se frotter à une ville de gauche. Opération de communication aussi pour Johanna Rolland, très honorée de recevoir “monsieur le Premier ministre” en tant que présidente de France Urbaine, un “machin” regroupant les villes et métropoles, créé en 2015, avec la bénédiction d’un certain… Manuel Valls.

Johanna Rolland a donc fait profil bas. D’autant qu’elle pouvait annoncer, le lendemain, que le gouvernement allait soutenir quelques projets nantais dont… l’Arbre aux hérons. Jean Castex lui avait lâché quelques pièces, elle n’allait pas s’en plaindre. Et qu’importe si le projet suscite toujours autant de débats au sein de la majorité municipale et en ville !

Cotillons et serpentins
Et la culture dans tout ça ? Quelle importance que l’Arbre aux hérons ne soit qu’une attraction de plus ! On en appellera à Jules Verne, à l’imaginaire et patati et patata… Pour le reste, il y a un moment déjà que Nantes ne donne plus le ton. Et que, sur ce plan, la Ville ne fait plus la “une” de la presse. D’autres ont leur opéra national, Nantes n’en a pas voulu. Et sur le plan du théâtre, comme de la danse, la création semble l’avoir désertée.

Il ne se passe rien ? Ce n’est pas grave. “Faites du bruit”, c’est le mot d’ordre de la municipalité. On improvise des animations dans les quartiers, dans l’indifférence quasi-générale, et on invite la CGT à occuper Graslin. Si les cotillons et les serpentins ne sont pas fournis, le syndicat est autorisé à accrocher ses ballons – rouges évidemment – dans le hall du théâtre et ça fait une belle (?) photo dans le journal. Tout cela est de l’ordre de la communication. Rien de plus.

Pour le reste, le roi ou plutôt la reine est nue. Les Verts avaient déjà rappelé à Johanna Rolland “la nature, c’est nous”. Et voilà que l’allié communiste monte au créneau de la culture en venant dire aux intermittents réunis à Graslin “je suis avec vous”. À se demander qui pilote la politique municipale.

En attendant, le public et les jeunes en mal de rendez-vous culturels et festifs sont priés de rester en salle d’attente. La CGT, elle, a le droit de monter sur scène et faire le spectacle. De quoi vous plaignez-vous ?

FC Nantes : c’est le Kita Comedy Club

Nous attendons le DVD de tous les sketchs. Vous allez rire !

“Confiez-lui la gestion du château des ducs de Bretagne, il finirait par raser le bâtiment…” C’est de Waldemar Kita dont il est question et c’est à un élu socialiste qu’on doit la formule. Et sans doute ne raserait-il pas gratis. Tant il est vrai que, malgré des résultats qui désespèrent les supporters, le FCN reste, pour son propriétaire, une bonne affaire. Si la maison jaune n’est plus qu’un champ de ruines, le coffre belge de la famille Kita, lui, se porte bien. Merci.

L’arrivée de Kita à Nantes était pourtant saluée, à l’époque, par la municipalité de Jean-Marc Ayrault. La presse spécialisée avait bien noté, en 2007, que le FC Lausanne avait dû déposer le bilan juste après le départ de Waldemar Kita de la direction du club suisse mais la Ville de Nantes était ravie d’en finir avec le groupe Dassault dont la gestion du FCN n’avait guère été brillante. Il était convenu d’applaudir. Pour mémoire, en 2005, Jean-Marc Ayrault avait déjà joué un rôle personnel dans le rachat par Ouest-France de Presse-Océan, appartenant au même groupe Dassault.

Des supporters à bout

Depuis 2007, les nerfs des supporters nantais ont été mis à rude épreuve. Avec huit titres de champion de France (entre 1965 et 2001) et trois coupes de France, le FCN possède toujours l’un des plus beaux palmarès qui soit. De grands noms faisaient alors vibrer le public de Saupin, puis de la Beaujoire. D’Henri Michel à Marcel Desailly, de Maxime Bossis à Christian Karembeu, de Didier Deschamps à Japhet N’Doram sans oublier les grands joueurs étrangers que le club faisait alors rêver : Hugo Bargas, Vahid Halilhodzic, Mario Yepes… mais le FCN, aujourd’hui, n’est plus que l’ombre de lui-même.

Pour les joueurs, comme pour les entraineurs,  le FC Nantes, devenu le FC Kita sur les banderoles des supporters, fait aujourd’hui les fonds de tiroir. Il est vrai qu’ils sont peu nombreux à se porter candidats. Avec le recrutement de Raymond Domenech, fin décembre, Waldemar Kita voyait en lui “l’homme de la situation” pour tenter de sauver une saison fort mal engagée. Depuis l’arrivée de Waldemar Kita à Nantes, dix-neuf entraîneurs se sont installés, souvent très brièvement, à la Jonelière. Le rythme s’accélère puisqu’avec l’arrivée d’Antoine Kombouaré, en lieu et place de Raymond Domenech, c’est le 4e entraineur de la saison…

Sous l’ère Kita, le FCN détient le titre de champion de France dans la valse des entraineurs. Qui se souvient de Christian Larièpe, d’Élie Baup, de Jean-Marc Furlan, de Landry Chauvin, de René Girard ? Ils ont en commun d’avoir été, pour Waldemar Kita, “l’homme de la situation” pendant quelques mois. Nul doute qu’il en ira de même avec Antoine Koumbouaré dont les états de service, là où il est passé, ne plaident pas vraiment pour lui.

Un magot en Belgique

C’est moins les résultats sportifs que les investigations de la Justice qui pourraient accélérer la chute de la maison Kita. Le propriétaire du club est en effet “empêtré dans une série d’acrobaties fiscales”, rappelait ainsi Médiacités Nantes, dans un article du 11 février. (https://www.mediacites.fr/enquete/nantes/2020/12/17/fc-nantes-waldemar-kita-rattrape-par-ses-acrobaties-fiscales/). Le site avait évalué à 14,8 millions d’euros le montant des sommes qui seraient dûes au titre de l’ISF. Bien que soupçonné de “fraude fiscale aggravée”, Waldemar Kita a néanmoins pu bénéficier d’un prêt garanti par l’État de… 11,4 millions d’euros à l’occasion  de la crise sanitaire et d’une rallonge, de la part de Ligue de football professionnel, de 7,7 millions en compensation des droits de retransmission télé non versés.

Dans un contexte de difficultés financières pour l’ensemble du football professionnel, le patron du FCN a pu faire remonter vers Flava Group, sa holding en Belgique, 2 millions d’euros de plus en juin dernier. À défaut de résultats sportifs, les affaires ne marchent pas si mal.

Et c’est le moment que choisit Ouest-France, pourtant très prudent en général, pour évoquer (dans son édition du 30 janvier dernier), la générosité de la Ville à l’égard du FC Nantes. Non seulement le club bénéficie de conditions de loyer, pour le stade de la Beaujoire et le centre de formation de la Jonelière, inférieures au prix du marché, mais la Ville lui verse une subvention de 200 000 euros/an au titre de “sa mission d’intérêt général”. Défense de rire. La Chambre régionale des comptes elle-même, prudente elle aussi, considérait les loyers réclamés au FCN comme “trop faibles”.

Le sketch du YelloPark

Décidément, à Nantes, les choses ne tournent plus très rond dans le monde du ballon rond. Qui se souvient encore du sketch du YelloPark ? Le projet, plus immobilier que sportif, avait été prudemment abandonné par Johanna Rolland à quelques mois des municipales. Malgré le soutien de Pascal Bolo, un adjoint de poids, et de Thierry Violland, un conseiller très proche de Johanna Rolland au sein de son cabinet, plus question de raser la Beaujoire. On se contentera simplement de “revoir le loyer à la hausse”.

Le 30 juin prochain en effet, la convention qui lie le FCN et à la Ville pour l’occupation du stade arrive à échéance. Pas au meilleur moment pour autant. En ligne de mire, la Coupe du monde de Rugby de 2023 et les J.O. de 2024. Pour être site d’accueil de ces deux manifestations, quelques travaux s’imposent. Montant annoncé de ce toilettage et mise aux normes : 8 millions d’euros. Tout le monde semble avoir oublié l’argument définitif de Pascal Bolo en faveur du YelloPark : “sans nouveau stade, pas d’épreuves des J.O. à Nantes”. Un pessimisme pour le moins prématuré puisque le Comité olympique a finalement retenu Nantes parmi les six ville hôtes des J.O.

Enquêter aujourd’hui sur le FC Nantes revient à plonger en eaux (très) troubles. Au-delà des démêlés fiscaux de Waldemar Kita, la justice s’intéresse en effet à un autre personnage de la “maison jaune”. Mogi Bayat – qui fait office de directeur sportif – est au cœur des transactions sportives du FCN. Pas un achat de joueur, pas une vente sans sa signature. L’homme a fait un mois de préventive en Belgique où il est inculpé de “blanchiment d’argent” et de “participation à une organisation criminelle”. On comprend que Waldemar Kita en ait fait son homme de confiance.

Le propriétaire du FCN brandit, en ce moment, la menace de délocaliser le centre de formation du FC Nantes. Ultime chantage sur l’air de “retenez-moi ou je fais un malheur” ? Chiche. Que Waldemar Kita installe donc son club entre Nantes et Ancenis s’il le souhaite : les tribunes du stade de la Davrays (*) devraient suffire à accueillir ses supporters.

Julien Craque

(*) le stade de la Davrays se situe à Ancenis, non loin de ma résidence de Saint-Florent-le-Vieil…

 

 

Petits poids, les Verts ?

Trop tard pour tuer Julie Laernoes ? C'est probablement ce que se dit Pascal Bolo.

Alors qu’elle fait de son mieux pour apparaître comme une personnalité nationale, dialoguant avec les ministres au nom de France urbaine dont elle est présidente, voilà qu’un certain nombre de dossiers rappellent Johanna Rolland à ses contraintes municipales. Sécurité, circulation, transports, transfert du CHU… la façade de la majorité municipale se fissure. “Les Verts sont dans le fruit…”, commente l’un de ses proches.

“J’en fais mon affaire…” Au lendemain des déclarations de Julie Laernoes sur le transfert du CHU, Johanna Rolland avait tempéré l’envie d’en découdre de quelques “porte-flingues” du PS. Ceux-ci avaient moyennement apprécié les concessions faites aux Verts entre les deux tours des municipales. Il est vrai que la tête de liste des Écologistes avait chèrement négocié son ralliement. Circulation en ville, aménagement de pistes cyclables, suppression du parking de la Petite Hollande, refus d’extension de la Cité des Congrès… Johanna Rolland avait dû revoir son programme.

 

Trop de couacs

Malgré ces quelques cailloux dans ses chaussures, la maire de Nantes continuait d’avancer. Quelques opérations de communication sur le “dialogue citoyen” permettaient de donner le change. On consultait à tout-va. Sans toutefois communiquer les résultats de ces échanges lorsque le “peuple” faisait part de son mécontentement comme on a pu le vérifier à propos des aménagements piéton-vélo. Malgré des conditions de circulation qui mettent à mal les nerfs des automobilistes, malgré les observations de la population concernée, ces aménagements seront en effet… pérennisés ! (Ouest-France du 2 février). Apparemment, le dialogue citoyen, la maire de Nantes en fait aussi son affaire.

Difficile de ne pas y voir une conséquence du poids des Verts au sein de la majorité municipale. Ces derniers temps, Johanna Rolland ne cache plus son agacement. À peine a-t-elle éteint le début de polémique née à la suite des propos de son adjoint à la Sécurité, Pascal Bolo, sur la libéralisation du cannabis, c’est Julie Laernoes qui rallume la chaudière à propos de l’Arbre aux hérons. Simple rappel, en l’occurrence, de l’opposition des Verts à “un projet qui n’est plus de saison”.

Si Johanna Rolland se serait bien passée de ces couacs, il en est une que ce petit jeu de poker menteur amuse. Margot Medkour, tête de liste de Nantes en commun, avait en effet prévu ce scénario et prévenu ses amis “écolos” : sur les grands projets, soit ils se rangeraient derrière Johanna Rolland et se renieraient, soit ils refuseraient de plier et la majorité municipale serait mal en point. Le printemps nantais sera-t-il chaud ? Allez savoir…

Entre quai de la Fosse et Île de Nantes, ça coince…

Un nouveau pont pont faire passer le tram qui dessert le futur CHU sur pilotis

Le pont des soupirs

Nouvel hôpital ? 2026. Doublement du pont Anne de Bretagne ? 2026. Johanna Rolland prépare activement son troisième mandat en reportant, à plus tard, ses “grands projets”. En attendant, le débat se poursuit et les oppositions semblent sortir de leur hibernation. Pour preuve, la pluie de critiques sur le futur (?) pont Anne de Bretagne.

La web série du mandat, comment faire passer le tramway pour desservir un CHU sur une île.

C’était un projet phare de la campagne municipale, au printemps dernier. Nantes allait construire un “pont promenade”, un “pont belvédère”, un “pont place” entre le quai de la Fosse et l’Île de Nantes. Un ouvrage dont la largeur (“entre 35 et 50 mètres”) reste à préciser mais dont l’utilité première est de faire passer une nouvelle ligne de tram appelée à desservir le futur (?) hôpital.

“Un vrai casse-tête”

La construction de ce nouveau pont est un “vrai casse-tête”, selon l’expression d’un architecte nantais. En effet, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage interdit tout projet de construction en amont de l’actuel pont Anne de Bretagne. Par ailleurs, un tramway ne pouvant pas emprunter une voie à angle droit sauf à provoquer des nuisances sonores que connaissent bien les riverains du pont de la Motte Rouge et l’espace entre le quai de la Fosse et la Loire étant par ailleurs contraint, le projet de ligne nécessitera l’aménagement de deux courbes entre la Maison de la mer et l’actuel pont Anne de Bretagne.

Ce ne sont là que les premières contraintes techniques du futur ouvrage. On apprend ainsi (Ouest-France du 26 janvier) qu’il faudra également gommer la pente de 6% du pont actuel, “incompatible avec un accès pour les personnes à mobilité réduite”. On se dirige donc vers deux ponts, à proximité l’un de l’autre, mais à deux niveaux différents, ce qui est techniquement possible mais esthétiquement discutable. Sans compter que le niveau du second ouvrage réduira l’accès à la navigation en amont.

Le pont de trop ?

Une fois franchies ces premières difficultés, le projet n’en reste pas moins “très complexe”. Où faire passer en effet la future ligne de tram, côté sud ? L’espace y est en effet tout aussi contraint que quai de la Fosse. Quand on voit les difficultés actuelles de circulation sur le pont Anne de Bretagne, on imagine mal un système de circulation alternée entre voitures et tram… L’emprise au sol d’une ligne de tram est incompressible. Or, entre piétons, vélos, voitures… l’espace est déjà compté au niveau de la galerie des Machines et de Stéréolux. À la question, où débouchera le futur pont ?, pas de réponse à ce jour.

Un pont d’or

Comme pour le futur (?) CHU, difficile d’avoir un budget précis sur le coût final des travaux. Il est question de “50 millions hors taxes”. Sans qu‘on sache si les aménagements nécessaires, au nord et au sud du pont, sont compris dans cette enveloppe. “C’est deux fois plus que pour les ponts Senghor et Tabarly”, relève ainsi Julien Bainvel quand Laurence Garnier demande, elle, à Johanna Rolland d’appuyer “sur le bouton pause afin que le dialogue citoyen ne soit pas un dialogue de sourds”. Pour mémoire, la consultation “citoyenne” a valu, à Nantes métropole, de recevoir une volée de bois vert. https://dialoguecitoyen.metropole.nantes.fr/project/dnlt/collect/mon-avis-sur-le-projet

Le projet a permis aux oppositions de se réveiller. L’opposition classique, de droite et du centre, n’est pas seule à donner de la voix. La liste Nantes en commun se rappelle au souvenir de Johanna Rolland en rappelant au passage que les projets de nouvelles lignes de tram ne correspondent qu’à “un schéma du passé” n’offrant aucune desserte aux “communes périphériques oubliées”. Quant aux Verts de Julie Laernoes, coincés par leur contrat de solidarité municipale, ils suivent ces échanges “avec intérêt”, laissant à Johanna Rolland le soin de défendre son projet. On attendait au moins une réaction au nom des cyclistes qu’ils défendent : ces intersections de rails, le long du quai de la Fosse, croiseront en effet des pistes cyclables plutôt fréquentées. Attention, danger.

En tout état de cause, ce projet de pont n’est pas (tout à fait) pour demain. Le cahier des charges soumis aux cabinets d’archi n’a pas suscité de précipitation. Le choix du candidat retenu devrait intervenir, si tout va bien, “durant le second semestre de cette année”. Pour un démarrage des travaux, fin 2023. Nantes métropole se borne, pour l’instant, à annoncer trois ans de travaux. Autant dire que les automobilistes n’en ont pas terminé avec les embouteillages sur pont Anne de Bretagne…    

Dialogue citoyen : la démocratie à la nantaise

Consultons les citoyens ! Mais surtout, ne les écoutons pas !

Plus d’interventions de Johanna Rolland sans référence au dialogue citoyen. Promis, juré, ce serait la base de sa gouvernance municipale. Nouvelles lignes de tramway ou aménagement de la place de la Petite Hollande ? Pas de décisions sans consultation de la population. Une procédure qui a au moins l’avantage de… “laisser du temps au temps”. En attendant, cause toujours…

En juin dernier, on allait voir ce qu’on allait voir : réélue quasi-triomphalement (avec un taux d’abstention de 70 % !), Johanna Rolland confirmait le lancement d’une série de “grands projets” sur lesquels les “Nantaises-z-et-les-Nantais” auraient leur mot à dire. Ce qui ne pouvait pas mieux tomber car ils avaient quelques idées sur ces questions.

Drôle de tram

“Le projet de tram pose encore bien des questions”, titrait ainsi Ouest-France, dans son édition du 18 janvier. Non contents d’être consulté, voilà que le peuple osait s’interroger sur la pertinence de ces nouvelles lignes. On relevait même une “pluie d’avis critiques”, très majoritaires parmi les 582 contributions individuelles déposées au 18 janvier alors que la consultation s’achève le 24. Difficile de ne pas remarquer que ces ‘nouvelles lignes” ne sont guère que quelques tronçons ajoutés au réseau existant et que, globalement, c’est l’hyper-centre de Nantes qui va bénéficier de ces nouveaux équipements.

Priorité des Verts quand ils étaient dans l’opposition, la ligne circulaire pour éviter de devoir passer par le centre et desservir les communes de la première couronne est remise… à plus tard. Par contre, déjà desservie par le tram-train, La Chapelle-sur-Erdre(dont le maire, Fabrice Roussel, est socialiste et vice-président de Nantes Métropole) aura bien son bout de ligne de tramway. Carquefou, Sainte-Luce, Thouaré attendront.

Même grogne dans le sud-Loire. Mais si le maire de Saint-Sébastien-sur-Loire, Laurent Turquois, peut avoir quelques idées, son étiquette de centre-droit ne plaide sans doute pas en sa faveur.  Même si le Groupement d’analyses et d’études de Loire-Atlantique a lui aussi souligné que l’ensemble des nouveautés annoncées n’allait finalement concerner qu’une commune de plus.

Hollande le retour

Le réaménagement de la place de la Petite Hollande a fait, lui aussi, l’objet d’une consultation populaire.  Malgré une vaste campagne de promotion des services communication de la Ville et de la Métropole, l’intérêt pour ce “grand projet” reste limité. Seule, la question de la suppression du parking “peu sympathique” (sic), selon les termes de Stéphanie Lambert (Ouest-France du 18 janvier) fait toujours débat. Peu sympathique, peut-être, mais sans doute utile si on en juge par sa fréquentation.

La consultation citoyenne a ses limites : certes Johanna Rolland avait promis un parking souterrain mais les Verts ont finalement obtenu gain de cause. Pas de parking. Pas de construction, non plus, sur le square Daviais.  Dans le prolongement de l’îlot Kervégan, le projet initial prévoyait l’aménagement d’un belvédère susceptible d’offrir une perspective sur le fleuve, jusqu’à la butte Sainte-Anne. On se contentera de réaménager le square, en supprimant les arbres “trop hauts” (sic) et en en plantant d’autres “favorables à la biodiversité” ? Défense de rire.

On est également prié de garder son sérieux lorsqu’on évoque un “volume des espaces triplé”. Parle-t-on de la surface au sol ? D’une construction souterraine ? Ou aérienne ? Mystère. Quant à la surface qui devait initialement être aménagée en parcours sportif la voilà réduite à “une grande pelouse”, laquelle sera sans doute plus “sympathique” que le parking.

CHU ? Chu…t !

Et pour le projet du futur hôpital ? Là, curieusement, pas d’appel au dialogue citoyen. Le sujet est sans doute trop sérieux pour qu’on demande son avis aux habitants concernés. Pas question donc de remettre en question ce transfert. Comme si Johanna Rolland tenait absolument à inaugurer le premier hôpital en France construit sur pilotis (lire par ailleurs Un CHU sur pilotis : une première à Nantes).

Instructifs pourtant, les propos de l’architecte Michel Cantal-Dupart sur le sujet. Dès juin 2016, dans un courrier à Bernard Le Mével, il relevait les erreurs d’analyse qui avaient conduit au choix de l’Île de Nantes pour le futur CHU. Certes, Laurence Garnier, au nom de ce qu’il reste d’opposition, a bien tenté de rallumer la mèche mais la cause semble entendue : ce projet-là se fera “quoi qu’il en coûte”, comme on dit désormais. Pas question d’abandonner ce projet phare, Et il le faut sinon le bilan du second municipe, avec le report des autres grands chantiers, risquerait d’être bien maigre.

Mais le fameux dialogue citoyen a tout de même un avantage de poids : il permet aux élus de justifier à l’avance tout retard dans les travaux. C’est ainsi que ceux de la place de la Petite Hollande ne commenceront finalement (et si tout va bien) qu’en 2024. On annonce même la fin de l’ensemble du projet pour… 2028/2029. Autant dire que Johanna Rolland prépare déjà son programme pour un troisième mandat !

Quartiers de haute insécurité → Nantes

En même temps, c'est du temps d'antenne et une façon comme une autre de régler le problème de la hausse des prix de l'immobilier

La mort d’un jeune de 15 ans, à la suite d’une fusillade aux Dervallières, a suscité une légitime émotion à Nantes. La montée de la violence et de l’insécurité en ville n’est pas nouvelle et les déclarations de bonnes intentions ne suffiront sans doute pas. Dans les années 80, Nantes était  qualifiée de “belle endormie”. Ses nuits sont désormais peuplées de cauchemars.

Quand ce n’est pas dans les quartiers Nord, c’est à Malakoff ou à Bellevue. Ou encore à la Bottière ou aux Dervallières. À croire qu’en cette période de confinement, dealers et petits caïds s’offrent une tournante en toute tranquillité.

64 fusillades en 2020

Il a fallu la mort d’un jeune de 15 ans, atteint d’une balle perdue, pour que la mairie de Nantes sorte de sa torpeur. Au lendemain des faits, Johanna Rolland – qui préfère la petite musique des Présidentielles de 2022 aux contingences municipales – avait envoyé Ali Rebouh au front. À lui de répondre à “la détresse des habitants”, en exprimant son “empathie” et “le soutien de la municipalité”. Dans une déclaration convenue, l’adjoint estimait que “le temps est à l’émotion et à l’écoute”.

Après la mort d’Abdelghani Sidali, difficile pour Johanna Rolland de garder le silence. Le 13 janvier au soir, elle dénonçait donc “cet acte inqualifiable” et “la violence insupportable”. Dont acte. Reste que cette violence insupportable n’est pas nouvelle. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : il y a eu, l’an dernier, 64 fusillades (officiellement recensées !) dans les quartiers de Nantes. Soit un peu plus de 5 par mois. Avec, à la clé, d’autres morts et des blessés. Malgré des chiffres traduisant une dégradation objective de la situation, on se souvient que les adversaires de Johanna Rolland aux municipales étaient accusés, il y a tout juste un an, “d’instrumentaliser l’insécurité à des fins électoralistes”. À l’époque, l’accord passé avec les Verts obligeait même la candidate à sa succession à mettre un bémol au développement de la vidéo-surveillance et au renforcement de la police municipale.

800 appels par semaine

En octobre dernier, Johanna Rolland reconnaissait (enfin ?), devant le conseil métropolitain, qu’au niveau de la sécurité, “ce n’est pas satisfaisant”. À l’appui de ce constat, les 800 appels par semaine reçus par la Maison de la Tranquillité. Dans ce contexte, la stratégie de la maire de Nantes a toujours été de mettre en cause “la responsabilité de l’État”, coupable à ses yeux de maintenir une situation de sous-effectifs dans  les rangs de la police nationale. Conformément à cette ligne de défense, Ali Rebouh ne faisait que répéter le même argument (OF du 13 janvier) : “je ne suis pas préfet, vous le savez bien”. En d’autres termes, “ça va mal mais je n’y peux rien”

Il reste que l’Institut Montaigne avait fait une comparaison, en 2019, entre les villes de Nantes et de Lyon et que les chiffres parlaient d’eux-mêmes : il y avait, à Lyon, un policier municipal pour 1539 habitants, contre un policier pour 2626 à Nantes. Dans le même temps, la Ville de Nantes dépensait  53,10 €/habitant pour la sécurité là où Lyon en dépensait 67,40.

S’ajoutent à ce triste bilan, la montée des incivilités dont sont victimes les agents de la Tan et des services municipaux. Quant aux habitants des quartiers “chauds”, ils répètent leur fatigue devant ces règlements de compte : “Les dealers sont ici chez eux… Ils squattent les halls d’immeuble et les escaliers…”, disait cette habitante des Dervallières qui craint pour sa sécurité et celle de ses enfants. Confirmant ces déclarations, Ouest-France pouvait titrer, dans son édition du 13 janvier : “10h, lendemain de fusillade, les dealers sont déjà là.”

La faute à qui ?

Il est à craindre que cette situation ne s’améliore pas. Ce n’est pas un énième plan d’aménagement du “grand Bellevue”, une nouvelle intervention de Royal de Luxe ou la reconstruction d’un nouveau foyer à Malakoff après la destruction de l’ancien par un incendie volontaire qui sont de nature à ramener le calme dans ces quartiers. On a laissé pourrir une situation qui est aujourd’hui explosive.

Changement de préfet, arrivée d’un nouveau patron de la police pour que rien ne change ? Certes, il y a eu, ces derniers temps, quelques coups de pied dans la fourmilière du marché de la drogue dans les quartiers. Ces “coups de filet” ne  sont sans doute pas étrangers à la guerre que se livrent différents réseaux : si le marché reste juteux, les places deviennent chères.

Droit sous son képi, Didier Martin, préfet de Région, donne de la voix. Sans surprise, il déclare que l’État n’abandonnera pas la population de ces quartiers et que force restera à la loi. Il enfonce aussi quelques portes ouvertes : sans consommateurs, il n’y aurait pas de vendeurs, donc pas de trafic. Sans faire injure à l’ancien préfet de Moselle, nul besoin d’avoir fait l’ENA pour considérer que sans commerce d’alcool, il y aurait sans doute moins d’alcooliques.

Au-delà des déclarations de circonstance, les Nantaises et les Nantais sont en droit d’attendre une réelle prise en compte de la situation et des décisions susceptibles de changer la donne. Faute de quoi, il est d’ores et déjà prévisible que Johanna Rolland et le préfet nous reparleront de leur “émotion” et de leur “colère”, après une énième fusillade. Et les habitants, eux, attendront de retrouver les nuits de « la belle endormie ».

Nantes métropole : les impôts caracolent…

Johanna devant la mairie de Nantes à la fin de son troisième mandat, après huit ans de confinement.

« Je m’engage à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation d’impôts durant mon mandat ». Et, c’est vrai, Johanna Rolland, maire de Nantes, a tenu parole. Mais la présidente de Nantes métropole, elle, n’avait rien promis. Alors, Johanna Rolland s’est rattrapée…

C’est le 15 décembre dernier que la Cour des comptes l’a dénoncée à la France entière en comparant les comptes de Nantes métropole à ceux des autres métropoles françaises. Elle a confirmé ce que les quelques lecteurs du rapport publié un peu plus tôt par la chambre régionale des comptes savaient déjà (https://www.ccomptes.fr/fr/publications/nantes-metropole-loire-atlantique) et ce que de nombreux contribuables nantais avaient déjà vécu : l’agglomération nantaise figure tout en haut du tableau des hausses d’impôts entre 2014 et 2019. Plus précisément, c’est la taxe d’habitation et la taxe foncière qui ont vu leurs taux exploser. Le taux de la taxe foncière, par exemple, est passé discrètement de 0,65 % à… 6,4 % en 2015.

Un bel appétit fiscal 

La maire de Nantes peut donc se représenter – et être réélue – en 2020 en tenant la même promesse : pas d’augmentation d’impôts. Il suffira juste à Johanna Rolland de demander… à Johanna Rolland, présidente de Nantes métropole, de (re)faire les poches des contribuables de l’agglomération en cas de besoin : les impôts de la Ville n’augmenteront pas, ce seront ceux de Nantes métropole. Ou alors, on n’augmentera pas les taux mais on augmentera les bases. Ou l’inverse. Avec toujours le même résultat. Et qu’importe s’il se trouve des contribuables nantais pour s’en apercevoir.

Moins de personnel ??? Mais c'est impossible !
Johanna Rolland sur son trône métropolitain attendant l’argent du peuple

Contrairement au discours ambiant, ce n’est pas pour “préparer l’avenir” que ces impôts augmentent. Il s’agit tout simplement de faire face à l’envolée des dépenses de fonctionnement de Nantes métropole. D’ailleurs, comme le note la Cour des comptes, “les dépenses d’investissement ont été limitées entre 2014 et 2016”, faute de marge de manœuvre.

Un avenir incertain

“Pour la période prochaine, 2020-2026, le niveau déjà élevé de la pression fiscale limite les possibilités d’actionner encore ce levier…” La Cour des comptes, en termes mesurés, met d’ores et déjà en garde Johanna Rolland contre une nouvelle hausse d’impôts. Et elle enfonce le clou en rappelant qu’en 2018, la présidente de Nantes métropole n’a pas respecté “les clauses du contrat de maîtrise des dépenses de de fonctionnement qu’elle a passé avec l’État”. En conclusion, le rapport “invite Nantes métropole… à maîtriser ses charges de gestion, particulièrement de personnel.”

Un certain nombre de maires de l’agglo protestent régulièrement contre l’appétit fiscal de la présidente de Nantes métropole lorsqu’il s’agit de financer des projets… nantais. La Métropole n’est jamais pingre, il est vrai, pour financer les investissements de la Ville de Nantes. Comme cet Arbre aux hérons dont le budget d’études continue de grimper aux branches. Ou ces “nouvelles lignes” de tramway qui ne sont guère que des prolongements de lignes existantes et dont la justification, pour l’une d’elles, n’est guère que la desserte d’un équipement hospitalier qui s’annonce être un gouffre financier.

Mais, promis, juré, les impôts n’augmenteront pas.

Lieu Unique : sous direction assistée

Il quitte sa jolie maison de consul honoraire de Suisse à Nantes

Il avait obtenu non pas la tête de Jean Blaise mais sa succession à la direction du Lieu Unique. Dix ans plus tard, Patrick Gyger repart en Suisse pour un fauteuil plus conforme à ses centres d’intérêt. Avec à la clé, un budget à faire pâlir la scène nationale nantaise. En attendant l’heureuse (?) nouvelle de sa succession, Nantes lui rend hommage.

Faute d’un communiqué officiel de la mairie, Ouest-France revient ainsi sur ces dix ans passés par Patrick Gyger à la direction du Lieu Unique. Un long entretien où celui qui avait la réputation d’être aussi chaleureux et ouvert qu’un coffre suisse dit tout le bien qu’il pense de l’établissement qu’il a dirigé.

Forcément unique

Le Lieu Unique, Patrick Gyger déclare en avoir “clarifié” la ligne artistique. Pas très aimable pour son prédécesseur, un certain… Jean Blaise. S’il évite le qualificatif de “flou du roi” pour en parler, le futur ex-directeur revendique d’avoir fait de cette scène nationale “un observatoire du monde”. Ni plus ni moins. Et qu’importe si le public n’y a pas toujours trouvé son compte. Pas un mot, par exemple, sur la programmation théâtre, danse ou encore musique. Sinon pour parler du festival Variations qui aura au moins permis à une banque (BNP-Paribas) d’oublier son éviction de La Folle Journée.

S’il est vrai que le Lieu Unique s’est ouvert aux débats géopolitiques et aux questions philosophiques et que la place de la littérature y a connu un nouvel essor avec le festival Atlantide, la programmation artistique – création théâtrale et chorégraphique – souffrait bien souvent de la comparaison avec le Grand T, l’autre grande scène nantaise, soutenue par le département.

À bons comptes ?

Pas de bilan chiffré dans ce long panégyrique de l’action de Patrick Gyger à la direction du LU. On se saura rien de la fréquentation des spectacles programmés. Pas sûr que, sur ce plan, le bilan soit très flatteur. Tout juste nous dit-on (Ouest-France du 7 décembre) que “500 000 personnes y transitent en moyenne chaque année”. D’où sort ce chiffre ? Mystère. Sans doute intègre-t-il les consommateurs de passage au bar et les clients du hammam auxquels il convient d’ajouter ceux du restaurant. Pour ce qui est de ce dernier – Patrick Gyger évite sagement d’en parler – on ne peut pas dire que, depuis dix ans, la qualité ait progressé.

Dans l’immédiat, en attendant la nomination d’une nouvelle direction, le Lieu Unique – qui compte 45 salariés ! – bénéficie d’une direction  assistée en la personne du directeur adjoint. Va-t-on assister à un rééquilibrage susceptible de faire revenir un public souvent négligé. À défaut d’avoir tout à fait transformé le Lieu Unique, Patrick Gyger estime que la ville, elle, l’a transformé.

Au pied de l’arbre

Cet hommage à une ville qu’il a choisi de quitter devrait valoir à Patrick Gyger une pluie de remerciements de la municipalité nantaise. Sans attendre d’avoir le sentiment de Johanna Rolland, Brigitte Ayrault y est allée de ses compliments sur les réseaux sociaux. Selon elle, le futur ex-directeur est “un homme de culture hors pair” (sic) qui a fait du Lieu Unique un “lieu magique” (re-sic).

En attendant les éloges officiels, Patrick Gyger abandonne la traditionnelle neutralité suisse en se prononçant, sans ambiguïté, pour la réalisation de l’Arbre aux hérons. Un soutien qui ne lui coûte rien. Au propre comme au figuré. Le coût de cette nouvelle “folie” nantaise sera en effet supportée par les contribuables d’ici et non par les résidents des bords du lac Léman. Reste à savoir ce qu’en pensera la majorité municipale nantaise que l’on sait divisée sur ce dossier et qui a quelques raisons de douter du bouclage financier de l’opération. Comme le rappelle par ailleurs Sven Jelure.

Le charme suisse

C’est à Lausanne, la ville où il a fait ses études d’Histoire, que Patrick Gyger retourne en ce début 2021. Il y dirigera une structure – la Plateforme 10 – qui regroupe trois musées (beaux-arts, photographie, design et arts appliqués). Il y a été nommé par le Conseil d’État vaudois en septembre dernier.

Le nouveau quartier des arts bénéficie d’un solide budget (23 millions) auprès duquel celui du Lieu Unique fait figure d’œuvre sociale. On comprend que le futur ex-directeur nantais n’a pas hésité bien longtemps à retrouver la ville de ses jeunes années. Même si, à Nantes, Patrick Gyger avait (prudemment ?) gardé un pied en Suisse. Il était en effet consul honoraire. Si la fonction est bénévole, il pouvait néanmoins goûter au charme du Manoir de la Basinerie.  La belle demeure nantaise héberge en effet cette mission consulaire.

Dans son entretien à Ouest-France, Patrick Gyger déclare avoir eu l’occasion, dans le cadre de sa mission, de venir en aide à des ressortissants suisses en difficulté financière. Quand on vous dit que tout fout le camp…

Julien Craque