Cap 44 ou le futur raboté

#JR2020

« Raser Cap 44 ? Vous n’y pensez pas… »
Il y a quelques mois, Johanna Rolland avait été très ferme : non, la Ville n’envisageait pas de rayer du paysage ce bâtiment du patrimoine industriel nantais. Ce 6 novembre, la-candidate-à-sa-succession confirme ce que chacun savait : on ne rasera pas Cap 44, on va juste “abaisser” la partie Est du bâtiment. Qu’en termes élégants, ces choses-là sont dites.

Pour justifier une décision personnelle (“j’ai fait le choix…”), Johanna Rolland s’appuie sur la consultation des citoyens et sur l’avis d’un comité scientifique. La liste des membres de ce “comité” ne manque pas d’intérêt. On y trouve un scénariste, le directeur de la Cité des Congrès, un vice-président de l’Université, le directeur du Jardin des plantes… et Pierre Oréfice ainsi que François Delarozière qui avaient obtenu de madame la Maire que le bâtiment, accusé de faire de l’ombre à leur projet d’Arbre aux hérons, serait “abaissé” dans sa partie Est.

Dites comme ça, les choses sont plus claires. La communication municipale, elle, ne parlera que d’un “grand projet”, d’un “nouveau Musée Jules Verne”, d’une “cité de l’imaginaire”. Excellente idée a priori que d’honorer ainsi la mémoire et la vision de Jules Verne dans sa ville. Mais faut-il parler de “vision” lorsqu’on redéfinit les dimensions du bâtiment avant de lancer le concours d’architectes, annoncé pour… 2021 ? Avec le cahier des charges imposé par la mairie, on ne risque pas d’avoir une “pointure” se prêter à ce (petit) jeu de démolition/reconstruction.

En résumé : le futur Cap 44 sera bas de plafond. C’est donc un projet “terriblement nantais” pour reprendre les éléments de langage soufflés à la presse et repris à l’unisson. Nantes ou l’avenir raboté : tout un programme. ! Cap 44, à la fin du XIXe, c’étaient les Grands moulins de Loire. #JR2020 leur est donc fidèle sans le vouloir : elle brasse de l’air ou elle bat de l’aile. C’est comme vous voulez.

Demain, Nantes plus odorante

Cologne, quatrième ville d’Allemagne, a son Eau de Cologne depuis le 18e siècle. N’est-il pas grand temps que Nantes, sixième ville de France, ait quelque chose qui sent ? Jean Blaise, qui a toujours eu du blaze, a décidé de s’attaquer à la tâche. Il vient de rencontrer des parfumeurs à Grasse.

C’est Nice Matin qui nous l’apprend : « si le créateur du ‘Lieu unique’ s’est baladé dans la vieille ville ou à Plascassier le nez au vent, ce n’est pas pour faire du tourisme ». Oui, enfin, à en croire la photo publiée par le quotidien méridional, ce n’était pas le bagne non plus. But de ce voyage d’affaires ensoleillé, loin des averses nantaises : « demander à des parfumeurs grassois d’imaginer la signature olfactive de la capitale de la Loire-Atlantique ». Compléter la palette de ses outils publicitaires avec un peu de marketing olfactif. Du pschitt-pschitt personnalisé comme en ont pas mal de grosses entreprises depuis des décennies.

On est un peu déçu. « Une ville sans parfum est une ville sans avenir », disait Mademoiselle Chanel ‑ à en croire du moins Aphrodite Duras (mais on se méfie un peu de quelqu’un qui porte « Biche dans l’absinthe » de Gobin Daudé). Alors, on aurait espéré un jus grandiose destiné aux coquettes (et/ou aux coquets, hein, pas de discrimination de genre dans le sent-bon) du monde entier comme en ont, seules ou en déclinaison, Paris (chez Yves Saint-Laurent, Guerlain, Van Cleef et Arpels, Bourjois, Le Labo, Bath & Body Works, Avon, etc.), Abou Dabi, Amalfi, Amsterdam, Avignon, Barcelone, Bellagio, Berlin, Bombay, Boston, Bowling Green, Brooklyn, Buenos Aires, Cabo, Cambridge, Chicago, Coromandel, Cortina, Dallas, Darwin, Doha, Dubaï, Dubrovnik, Florence, Grasse, Haïfa, Hollywood, Ibiza, Inisfree, Ispahan, Istanbul, Jailsalmer, Jaipur, Kyoto, La Havane, La Nouvelle-Orléans, Las Vegas, Les Baux, Londres , Malibu, Marrakech, Miami, Milan, Mogador, Moscou, Munich, Naples, Ouarzazate, Oxford, New York, Newport, Paestum, Palerme, Palm Beach, Parati, Parme, Portofino, Providence, Riga, Rio de Janeiro, Rome, Sacramento, Saint-Moritz, Samarcande, Santa Barbara, Savannah, Séville, Shanghaï, Sienne, Singapour, South Beach, Syracuse, Tombouctou, Tokyo, Venise, Versailles, Yendi, Zagorsk, Zanzibar, et sûrement quelques autres, mais on ne va quand même pas y passer la journée.

Fleur de Feydeau ou Soir de Guist’hau ?

Certains de ces noms ne sont pas très romantiques ? Le parfum, c’est du commerce aussi ! The Scent of Departure (« L’odeur du départ »), une entreprise française, comme son nom ne l’indique pas, fait un tabac avec des parfums vendus en duty free dans les grands aéroports : vous ne quitterez pas Munich ou Dubaï sans votre flacon éponyme. Odeurs de gaz d’échappement et de graillon des rues ? « Heureusement, les parfums devraient sentir bien meilleur que leur nom ne le laisse penser », notait judicieusement un quotidien anglais. Voilà le genre de concept qui partirait comme des petits pains à Nantes Atlantique.

Pour les plus grandes villes, certains parfumeurs affinent encore la localisation, comme à Paris : Champs Élysées, Rive gauche, Rue Cambon, 24 Faubourg… Pour Nantes, qui n’est pas une ville à l’eau de rose, on aurait rêvé… peut-être pas d’une senteur qui rappelle les nourritures dégoûtantes de la HAB Galerie, mais au moins d’une « Fleur de Feydeau », d’un « Soir de Guist’hau », d’un « Anneau dans le miroir d’eau » et sûrement, comme Jean Blaise est soucieux d’inclusion, du « Portrait d’un zadiste », d’un « Soupir de Bellevue » et d’un « Minuit à Malakoff ».

Reniflage moderne d’un vieux pays

Mais pourquoi aller chercher tout cela loin vers le Sud ? Déjà, Jean Blaise pourrait consulter les experts d’AudenciaSciencesCom, qui ont réfléchi à la question. Et puis, n’est-il de bon nez que de Grasse, comme il n’est de bon bec que de Paris ?

Pourquoi ne pas aller en voisin interroger Yves Rocher ? La gamme du parfumeur de La Gacilly comprend déjà des jus très alléchants – « Comme une évidence », « Autour de minuit », « Moment de Bonheur », « Oui à l’Amour », « Bois Sensuel »… ‑ qu’une spécialité nantaise compléterait agréablement (« Bois sans soif de minuit à Nantes » ? « Moments d’Amour boulevard Schuman » ?).

Pourquoi, refaisant la Traversée moderne d’un vieux pays, ne pas faire étape à Saint-Malo chez Yvon Mouchel, créateur des parfums Divine, qui ont déjà une boutique rue Rubens à Nantes ? Jean Blaise s’y retrouverait aisément : dans la gamme figurent « L’Homme de cœur », « L’Homme sage », « L’Homme infini », « L’Homme accompli ». En octobre, hélas, les cieux malouins ne valent pas ceux de la Provence.

Sven Jelure

Nantes toujours plus nature

Ne pas manquer de pots…
Promettre toujours plus reste le principe de base de toute campagne électorale. Johanna Rolland ne manque pas de souligner que, si beaucoup a déjà été fait pour améliorer le sort des Nantais depuis 2014, un nouveau mandat ne sera pas de trop pour mener à bien la mission qu’elle s’est fixée : rendre la plus belle ville du monde encore plus belle. Une ville où la nature sera, demain, encore plus présente.

Après une vaste campagne sur “la nature en ville”, destinée à faire oublier l’abattage massif de platanes (du quai Henri-Barbusse à l’allée Duguay-Trouin…), Johanna Rolland a inauguré, en ce début de campagne, le “Jardin extraordinaire” appelé à “servir d’écrin” (sic) au futur Arbre aux hérons. Force est de constater que, si la plus grande incertitude continue de planer sur ce projet, le jardin de la carrière Misery bénéficie d’un joli succès de curiosité. Même si, pour y aller, les moyens de transports publics restent à l’état de projet. Mais, là encore, ça ira mieux demain (air connu…).

Des jardinières sublimes apportent une petite touche de nature folle en pleine ville 🙂

 

Il reste que, pour gagner ce Jardin extraordinaire, on peut cheminer le long du quai de la Fosse, baptisé “quai des plantes” sur une partie du parcours. En fait de plantes, ce sont surtout des arbrisseaux et des arbres en pots qui ont été disposés le long du fleuve. Plus ou moins bien entretenu, ce quai des plantes est assez représentatif d’une approche très urbaine de “la nature en ville” : que ce soit place Royale ou place Graslin, par exemple, Johanna Rolland aime surtout “la nature en pots”. Vous les aviez remarqués, vous, ces petits arbres place Royale ? Sagement alignés et collés aux façades, ils se fondent dans un ensemble très minéral. L’avantage des arbres en pots ? Ils peuvent être aisément déplacés, remplacés ou… supprimés sans les hurlements d’une tronçonneuse qui provoquent immanquablement ceux des voisins.

Cet amour de “la nature en pots” touche en fait toute la ville. Avec la complicité du SEVE (service des espaces verts et de l’environnement), Claude Ponti en a en effet semé quelques dizaines au jardin des plantes. Des pots avec des plantations mais aussi des pots avec rien du tout, des pots vides dans un espace ludique pour les enfants. On l’aura compris, Nantes ne risque pas de manquer de pots !

Plus de nature, c’est aussi ce qui attend le quartier Commerce/Petite Hollande. L’organisation d’ateliers citoyens a permis de calmer un peu l’inquiétude des riverains. Ainsi, le square Daviais ne sera pas supprimé. Du moins en principe. Certains rêvaient d’y construire une rotonde. Aussi jolie que l’immeuble du square Fleuriot ? Allez savoir. Une partie du parking, la plus proche de la Loire, serait réaménagée et réservée à des activités de loisirs. Avec peu d’arbres et de la pelouse pour conserver la perspective vers le fleuve. Le projet de parking en sous-sol ? On en parlera mais plus tard. Pas question en effet de froisser les écolos qui ne veulent pas en entendre parler. Ces écolos, il faudra bien les ramener au bercail au second tour du scrutin municipal.

Johanna Rolland qui pensait avoir coupé les ailes des Verts (en rappelant à Ronan Dantec qu’il lui faudrait les voix du PS pour un nouveau mandat au Sénat !), reste toujours sous la pression des écolos. Ce qui fait dire à un observateur averti que son slogan d’écologie sociale ne trompe pas grand monde. De là à dire que, sur certains sujets, madame la Maire est un peu “empotée”, il y a tout de même un pas que nous ne franchirons pas.

Jules V.

Toujours plus de promesses. Foncièrement payant ?

Demain on rase gratis

Depuis quelques mois déjà, une pluie de promesses ferait presque oublier la sécheresse de ces dernières années de mandat. Les prochaines élections municipales auraient pu nous valoir quelques engagements originaux et novateurs. On se contentera des bonnes vielles recettes qui annoncent, à qui veut y croire, qu’on rasera gratis à partir de 2020.

Johanna Rolland avait pris tout le monde de court en annonçant la gratuité des transports, le week-end, si les électeurs avaient la bonne idée de voter pour elle. On suppose que Pascal Bolo, adjoint aux finances et président de la Semitan, avait été prévenu. En lançant la campagne #JR2020(*), la maire de Nantes a également promis qu’elle n’augmenterait pas les impôts. Quel contribuable, ayant reçu ses avis d’imposition cet automne, n’aurait pas envie d’y croire ? Mais qui, en réalité, peut encore croire à ce type de promesse ?

Il est des classements dont, curieusement, Johanna Rolland ne se vante pas. Pourtant Nantes est bel et bien sur le podium des villes dont les impôts ont le plus augmenté ces dix dernières années. Comme Anne Hidalgo, Johanna Rolland promet une pause fiscale. Il est vrai qu’à Paris, les impôts fonciers ont augmenté de… 80,9 % entre 2008 et 2018 et de 54,9 % à Nantes. Une performance qui place la Ville en 3e position, derrière Argenteuil, dans ce palmarès national. Rennes (41,4 %), Angers (36,8%), Bordeaux (29,3) ou Brest (23,8 %) sont loin derrière. Ce qui n’empêche pas la candidate sortante de revendiquer un bilan exemplaire.

Ce classement a été établi, très officiellement, par une étude de l’UNPI (union nationale des propriétaires immobiliers) qui note, curieusement, un “ralentissement” de la tendance en 2019 : entre 2018 et 2019, la hausse a été limitée à 1,90% dans les 50 plus grandes villes de France. Notons que cette augmentation de 1,90% reste toutefois supérieure à l’inflation (1,1%) enregistrée en 2018. Nantes s’inscrit naturellement dans ce mouvement conjoncturel : il convient de ne pas affoler le contribuable/électeur à quelques mois d’un scrutin municipal.

Concernant la taxe d’habitation, théoriquement appelée à disparaître, Nantes, avec un taux de 34,18 %, se classe au 9e rang au plan national. Derrière Lille, sur la première marche du podium, ou Rennes au 5e rang. À Nantes, comme ailleurs, les taux n’ont pas bougé depuis 2017. On peut donc y afficher fièrement 0% d’augmentation en 2018, tout comme à Rezé ou Saint-Herblain. Et, promis, ce sera encore mieux à partir de 2020. Il reste que promettre de raser gratis, à partir de l’an prochain, pourrait valoir à Johanna Rolland un procès en concurrence déloyale de la part d’une profession spécialisée dans l’entretien de notre système pileux.

Julien Craque

(*) le hashtag JR2020 est (encore) en mal de notoriété : sur Google, JR2020 est associé à du matériel de fixation pour les sports de glisse (ski, snowboard…) On suppose que le brainstorming ayant abouti à ce choix de JR2020 voulait anticiper tout risque de dérapage intempestif ou de sortie de piste.

Grande bouffe au musée d’arts

Contrairement au Voyage à Nantes et à son « Disgusting Food Museum » emprunté aux Suédois de Malmö, le musée d’arts n’en fait pas des tonnes pour sa propre exposition alimentaire locavore, « Saveurs d’artistes, dans la cuisine des peintres ». Exposition ? Même pas : simple « accrochage du moment ». On dirait le café du coin qui affiche son plat du jour.

Ses cartels sont plutôt alléchants, pourtant. « S’y joue en effet la gastronomie qui articule le gaster (le ventre et ses impératifs) et le nomos (la culture et ses lois culinaires » assure le musée à l’entrée. On attendrait du rebondi, du plantureux, de l’épanoui. Hélas, il semble que Weight Watchers soit passé par là.

Une salle unique réunit une vingtaine d’œuvres. Une vaste installation attire l’œil irrésistiblement : l’Hommage au jardin d’hiver de la baronne Salomon de Rothschild, de Daniel Spoerri. Le spécialiste des « tableaux-pièges », qui a lui-même fait dans la restauration, a collé sur deux tables de bridge les reliefs d’un modeste repas entourés de tout un bric-à-brac. Et comme l’installation est posée devant un grand miroir, elle se trouve multipliée par deux. Tout cela est collé ensemble depuis 1972, mais on n’a évidemment pas l’occasion de voir souvent cette accumulation un brin encombrante.

Pour le dire de manière chic, comme le musée, « Daniel Spoerri désacralise le processus artistique et offre paradoxalement au rituel du repas, dans sa forme la plus quotidienne, une pétrification périssable, élevant la banalité au rang d’œuvre. » Mais rassurez-vous, visiteurs de la HAB galerie qui vous esclaffez devant les poissons pourris ou la table à manger du cerveau de singe, ce « rang d’œuvre » est finalement très distrayant, et vous passerez un bon moment à détailler la foultitude des détails de l’installation : cendriers pleins à ras bord, bouteilles de Tuborg, babouches, etc.

Le reste de l’exposition ne fait pas non plus dans l’excès alimentaire. une jeune fille pèle une carotte, une autre récure un chaudron, un bourgeois lève son verre, une bande de mauvais plaisants tente de nourrir à la cuiller un chat emmailloté (le rapport avec la cuisine est peut-être davantage dans le nom du peintre : Niccolo Frangipane)…

Le pire, c’est la Cène. À propos de peintres et de nourriture, les repas bibliques sont évidemment incontournables. « Ces banquets évangéliques peuvent se parer d’une véritable composante divertissante » note savamment un cartel. Alors, pourquoi le musée a-t-il choisi sa Cène la plus diététique ? Pour treize convives, à peine une petite galette sur un coin de table : on fait mieux comme « composante divertissante ». Il ne manquait pourtant pas d’autres choix possibles. Il aurait pu exposer son Repas chez Simon le pharisien par Philippe de Champaigne, autrement plantureux, ou à la rigueur l’un de ses Souper à Emmaüs.

Ah, mais à bien y regarder, il y a même là une deuxième Cène, un panneau de bois multicolore signé Gaston Chaissac. Même avec beaucoup d’imagination, on n’y devine rien de la scène biblique. Que fait-elle là ? Tout s’explique quand on apprend que le panneau de bois a été une table de cuisine dans une existence antérieure. Mais si les bornes sont aussi élastiques, pourquoi n’avoir pas exposé aussi le Gorille enlevant une femme, d’Emmanuel Frémiet ? « Il emporte dans les bois une petite dame pour la manger », constatait Nadar. Ce n’est pas de la grande cuisine, mais au moins c’est spectaculaire.

Pour appuyer Les Tables de Nantes, « l’événement qui pense vos assiettes » (et qui carbonise vos chefs étoilés), le musée aurait mieux fait de mettre les petits plats dans les grands. Allez, allez, Sophie Lévy, lâchez-vous un peu !

Musée d’arts de Nantes, 10 rue Georges-Clemenceau, Nantes. Salle 25. Jusqu’au 2 février 2020.

Sven Jelure

Locations de tourisme : Nantes déloge Lamotte-Beuvron

Grue jaune et nuages bas

Cinq françaises dans le classement mondial des dix destinations les plus recherchées pour les locations pendant les vacances de la Toussaint : ça c’est épatant. Et encore plus épatant : la cinquième française, la dixième mondiale, n’est autre que Nantes !

L’enthousiasme est à peine tempéré par l’apparition en numéro un d’une éternelle rivale : Toulouse. Entre Toulouse et Nantes s’étagent Santorin, Rome, La Réunion, Porto, Paris, Palma de Majorque, Nice et New York. Des calibres ! Venir juste après New York dans un palmarès mondial, c’est pour notre modeste agglomération une belle revanche sur le dédain des grands guides touristiques. Jean Blaise aurait-il enfin atteint l’objectif poursuivi depuis tant d’années : faire de Nantes l’une des cinq principales destinations françaises ?

On se demande pourquoi Presse Océan et Ouest France ont attendu une dizaine de jours pour publier une nouvelle aussi sensationnelle. Serait-ce parce que, sans être vraiment fake, l’information n’est pas blanc-bleu non plus ?

Elle résulte d’un communiqué de HomeToGo. HomeToGo GmbH, une société allemande créée en 2014, est réputée posséder aujourd’hui le plus grand moteur de recherche de locations de vacances. Il fonctionne comme un comparateur des données d’une centaine de sites de location. HomeToGo dispose donc d’une masse d’informations fiables en provenance directe des internautes. Mais toute statistique est susceptible d’être un peu sollicitée.

Déjà, s’interroger sur les destinations choisies pour la période de la Toussaint, c’est la certitude que les Français feront masse dans le classement : la France est le seul pays au monde à accorder à ses écoliers deux semaines de vacances pour la Toussaint. Quelques pays en donnent une. Beaucoup se contentent d’un jour ou de rien du tout.

Surtout, le classement dont on se réjouit n’a rien de « mondial ». C’est en réalité celui de HomeToGo.fr, site destiné aux Français. HomeToGo a créé des sites propres à chaque pays. HomeToGo.fr est un site important, mais sa fréquentation est bien inférieure à celle du site anglophone HomeToGo.com ou du site allemand HomeToGo.de.

L’information est donc à lire ainsi : les Français consultant HomeToGo.fr sont plus nombreux à envisager de se rendre à Santorin, Porto ou New York qu’à Nantes pendant les vacances de la Toussaint. Ce qui relativise un peu. Mais sa dixième place est tout de même un sacré progrès pour notre belle ville. Dans le palmarès HomeToGo.fr des dix locations de vacances les plus recherchées en France pour le mois de juillet, publié début juin, Nantes n’apparaissait pas du tout. À la dixième place figurait Lamotte-Beuvron.

Sven Jelure

Plus de gradinerie en bord de Loire

Plonger dans la Loire

Me voilà fier comme Artaban. Le conseil métropolitain a découvert le 4 octobre le projet de réaménagement de la place de la Petite-Hollande. Les débats ont surtout porté sur le parking, dans sa partie est. Mais c’est à l’ouest que la nouveauté se passe. Le projet prévoit la suppression de l’extrémité du parking au profit d’une « cale gradinée » (sic) descendant vers la Loire.

Voici ce que j’écrivais le 12 février 2015 dans ma deuxième contribution au Grand débat sur la Loire :

« Il nous faudrait un endroit à la gloire de la Loire, un lieu de rencontres et de réjouissances au contact du fleuve. On l’imagine comme un amphithéâtre descendant vers une petite rade, où les Nantais viendraient se promener, se rencontrer, manifester, pique-niquer aux beaux jours, assister parfois à des spectacles flottants. À marée montante, on évacuerait les gradins inférieurs. Au jusant, on les réinvestirait. Cette Tribune Loire devrait être toute proche du centre-ville. On pourrait lui sacrifier une partie du parking de la Petite-Hollande, face à la médiathèque. »

En somme, exactement le dispositif présenté au conseil métropolitain. Pour être honnête, je proposais aussi un autre emplacement pour cette cale : la creuser à la place d’un palais de justice en voie d’autodestruction. Mais il ne faut quand même pas trop en demander.

Loireschwimmen et ghats de Nantes

Là où je me sens moins flambard, quand même, c’est que l’idée n’est pas vraiment neuve. « Ta cale gradinée, c’est du déjà vu », m’avertissent d’un air blasé Victor Hublot et Aphrodite Duras, qui ont toujours un temps d’avance. « Il y en a une belle à Bâle. On s’y est baigné il y a pas longtemps. » Chaque été depuis près de quarante ans, Bâlois et visiteurs se jettent à l’eau par milliers pour la Rheinschwimmen.

Jacques Chirac avait promis qu’il se baignerait dans la Seine en 1988. Il avait été réélu maire de Paris l’année suivante. Johanna Rolland sait ce qui lui reste à faire : promettre qu’elle sera la première à plonger dans la Loire depuis sa cale gradinée.

Et puis, le gradinage c’est impeccable pour la fête de la musique : le fêtard qui trébuche du dernier gradin émergé de la cale ne tombera pas plus bas que le premier gradin immergé, où il aura pied. Comme le bon goût a de moins en moins cours, il y aura bien quelqu’un pour proposer de la baptiser cale Steve Maia Caniço.

Mais comment reprendre l’avantage sur Bâle ? Là, j’ai un joker, ma quatrième contribution au grand débat sur la Loire : l’aménagement de lieux de cérémonie sur les bords du fleuve. Avec la suppression de la voie sur berge (mais à quelle voie donnera-t-on le nom d’André Morice en échange ?), on pourrait prolonger la cale gradinée sur 1, 5 km pour former les ghats de Nantes. Comme à Bénarès (oups, Varanasi, hindouisation oblige), on pourra y organiser des crémations par milliers. On viendra du monde entier pour voir ça !

Et toc ! Victor Hublot, Aphrodite Duras, l’incinération au bord de l’eau, vous n’avez pas encore pratiqué ça, tout de même ? Quant à Johanna Rolland, personne ne lui demandera d’être la première à monter sur le bûcher.

Sven Jelure

Plus de fromage qui pue à Nantes

Le Voyage à Nantes nous a habitués aux superlatifs louangeurs placardés sur des œuvres dont le principal mérite était d’avoir plu à Jean Blaise. Alors, quand il annonce une exposition sur « les aliments les plus dégoûtants au monde », on se méfie. Les a-t-il vraiment goûtés, Jean Blaise, ces décoctions de souris, ces couilles de taureau, ces œufs à l’urine de jeunes garçons ? (Bon, pour le foie gras et le homard, on n’a pas tant de doutes.)

Après tout, pourquoi pas ? Presque tous, les aliments exposés à la HAB Galerie (Hangar à bananes) sont considérés comme des mets de choix dans leur pays d’origine. Les considérer comme « dégoûtants » relève du réductionnisme culturel le plus basique. Pour les disqualifier, on est allé chercher les métaphores les plus répugnantes (odeur de pieds sales, de vomi, de caoutchouc brûlé…). Ces Péruviens, ces Mongols, ces Ougandais sont décidément des gens peu fréquentables ! À défaut de les exhiber en personne comme dans les expositions universelles du 19e siècle, on montre leur cuisine, et c’est déjà tout un programme.

« Ce qui est dégoûtant pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres », note cependant le prospectus du Voyage à Nantes, légèrement faux-cul sur les bords. En insistant sur le dégoût, il s’agit surtout d’épater la HAB Galerie et d’attirer le chaland vers une exposition qui n’a pas été conçue à Nantes mais à Malmö, sous le titre original « Disgusting Food Museum ». Les Suédois ne sont pas réputés très audacieux en manière culinaire. On ne s’étonne donc pas de trouver parmi les 80 dégoûtants plusieurs aliments désignés comme français ‑ foie gras, roquefort, époisses, vieux-boulogne, steak tartare, escargots, ortolans ‑ qui voisinent avec la tarentule frite, la panse de brebis farcie ou le lait de cheval fermenté. Histoire sans doute de ne pas paraître trop arrogants, les Suédois ont tenu à y introduire une spécialité à eux : les bonbons à la gélatine. Il paraît qu’un Suédois en mange en moyenne 16 kg par an. Pas dégoûté, lui.

L’exposition, visible jusqu’au 3 novembre, est intéressante. Dire qu’elle met en appétit serait excessif ; on parlera plutôt de gastro-antinomie. Du coup, on se demande si elle n’a pas été installée à la HAB Galerie pour consoler et mettre en valeur par contraste la Cantine du Voyage, bras armé des tentatives gastronomiques du Voyage à Nantes, à deux pas de là. On y sert à longueur de saison un plat unique : le poulet pommes de terre. Histoire de promouvoir la gastronomie nantaise. Un choix prudent (Neptune ne favorise pas toujours les audacieux), sans risque de dégoûtation ? Pas sûr du tout. D’une année sur l’autre, la réputation de la maison, d’une grande régularité, est carrément désastreuse. Malgré son site idéal au bout du Hangar à bananes, l’établissement pointe à la 688e place des restaurants nantais au classement de TripAdvisor !

Sven Jelure

Encore plus de millions pour l’Arbre aux Hérons

Mission d'expert

Faut-il vraiment rallonger la sauce ? Le conseil de Nantes Métropole réuni le 4 octobre sera invité à augmenter de 1 481 700 euros hors taxes, soit 1 778 040 euros TTC, les frais d’études consacrés à l’Arbre aux Hérons. Une somme coquette dans l’absolu et énorme dans le relatif : quatre fois supérieure au montant obtenu par la collecte Kickstarter l’an dernier, elle revient à augmenter de 50 % les frais d’études !

Ces études comprenaient des études de sol et de sécurité et surtout, le procès-verbal du conseil métropolitain du 8 décembre 2017 en fait foi, des « pré-études portant sur la faisabilité de l’Arbre aux Hérons ». Ces dernières étaient confiées, moyennant un étrange détour par Nantes Métropole Aménagement (qui de son côté a perçu 520 000 euros à ce titre), à un groupement composé de Pierre Orefice, François Delarozière et l’association La Machine. Un attelage chargé donc de valider un projet imaginé… par MM. Orefice et Delarozière eux-mêmes.

Encore un instant, monsieur le bourreau

Le délai fixé était de deux ans. Les travaux avaient même pris de l’avance : « Nous allons rendre l’étude de faisabilité le 30 juin prochain », annonçait Pierre Orefice à Magali Grandet, d’Ouest France, début mars dernier. Et voilà que trois mois après cette date, on apprend que l’argent est dépensé, que le travail est loin d’être achevé et qu’il faut remettre une pièce dans la machine afin de repartir pour un tour.

Une seule conclusion s’impose : si l’étude de faisabilité s’enlise, c’est que L’ARBRE AUX HÉRONS N’EST PAS FAISABLE !

En réalité, on le savait depuis plusieurs mois. L’Arbre aux Hérons vers lequel ont dérivé les études n’était déjà plus celui qui avait été proposé au conseil métropolitain. On lui a ajouté des dizaines d’étais sans lesquels il ne pourrait tenir debout. Pierre Orefice a beau prétendre que c’est toujours un arbre – un banian, ou « figuier étrangleur », qui projette des racines aériennes –, il est désormais bien différent de sa représentation par Stephan Muntaner affichée un peu partout. Cet arbre idéalisé, c’est acquis sans être admis, n’était pas faisable.

Pas seulement de doux zéphyrs

Et même transformé en un vaste échafaudage solidement fixé au sol, on peut douter que son successeur le soit davantage. Le cas n’est pas simple. Les aménageurs du « Jardin extraordinaire » soulignent que la carrière de Miséry est abritée des vents d’ouest. C’est vrai, mais sa partie est, réservée à l’Arbre aux Hérons, est totalement exposée aux vents de sud-ouest, qui ne sont pas moins redoutables.

« Les études se passent bien », assurait pourtant Pierre Orefice à Nantes Métropole. « Dans la carrière Miséry, nous procédons à des essais avec des anémomètres pour mesurer le vent. » On espère qu’il plaisantait. Une construction métallique érigée devant une paroi rocheuse est soumise à des phénomènes aérauliques complexes qu’un anémomètre est bien incapable de révéler. Or on parle là d’une attraction qui ferait tourner des gens en l’air, au bout d’un bras en métal, à plus de 30 mètres de haut !

Le vent n’est pas le seul problème, bien entendu. Il faudrait y ajouter les effets des chaleurs caniculaires sur le métal et les visiteurs, la difficulté de gérer deux circuits de visite indépendants, la sécurité, en particulier à l’égard des apprentis acrobates (le mouvement Yamakasi est très vivace à Nantes), l’enlisement des financements, etc. Bref, il vaudrait mieux regarder la vérité en face.

Ce qui est perdu est perdu

Pourquoi continuer ? Sans doute parce que Nantes Métropole poursuit une chimère, comme un joueur lessivé qui espère toujours se refaire au casino. Les Machines de l’île n’ont pas suffi à asseoir la notoriété internationale de Nantes ? On fera l’Arbre aux Hérons. L’Arbre aux Hérons n’est pas faisable ? On continuera quand même à le financer pendant des années.

C’est ce que Dan Ariely et Jeff Kreisler appellent les « coûts irrécupérables » : souvent, quand on s’aperçoit qu’on a investi dans quelque chose qui ne fonctionnera pas, on continue quand même à y mettre de l’argent pour ne pas perdre celui qu’on y a déjà mis. Ou plutôt pour ne pas s’avouer qu’il est perdu. « Nous ne voyons pas seulement le montant en argent, nous voyons tous les choix, les efforts, les espoirs investis avec cet argent », écrivent Ariely et Kreisler*. « Ils ont acquis plus de poids. Comme nous les surévaluons, nous sommes moins disposés à y renoncer et nous n’en courons que davantage le risque de continuer à creuser le trou. » Dirait-on pas que les deux Américains parlent de notre chimère nantaise ?

L’Arbre aux Hérons est devenu L’Arbre aux Millions, dit Laurence Garnier. C’est même l’Arbre aux Illusions. La patronne de l’opposition municipale réclame « un état des lieux détaillé ». C’est une bonne idée, à condition de ne pas faire établir ce constat par le groupement Orefice-Delarozière-La Machine.

Sven Jelure

* Dans L’Argent a ses raisons que la raison ignore, Paris, Alisio, 2019.

Plus de câlins pour les commerçants

Plus de câlins

La manifestation du 14 septembre dernier a de nouveau laissé quelques traces dans le centre-ville nantais. Même si ce “rassemblement national contre le pouvoir en place” a réuni moins de 2 000, les commerçants ont connu un nouveau samedi soir.

Comme après chaque manifestation, Johanna Rolland n’a pas tardé à dénoncer les actes de violence et ceux qui étaient venus à Nantes avec “l’intention de casser”. Il est vrai que, du côté du Square Feydeau, en particulier, les dégâts ont été spectaculaires. Au point que TF1, dans son journal de 13h, a pu décerner à Nantes le titre de capitale des violences urbaines.

Une aide psychologique
Du côté de l’hôtel de ville, à quelques mois des municipales, on commence à s’inquiéter. Au point d’imaginer (défense de rire !) “une aide psychologique” pour les commerçants. Le “scoop” d’Ouest-France, signé Stéphanie Lambert (que quelques confrères facétieux ont baptisée “la voix de son maire”), a suscité des réactions mitigées chez les commerçants nantais qui n’y ont vu qu’un “simple pansement”. Ces ingrats auraient-ils déjà oublié que la Ville (donc les contribuables nantais !) leur a d’ores et déjà accordé une aide de 500 000 euros ? Pour quoi faire ? Pour faire face au remboursement des franchises d’assurances au lendemain des manifestations et pour organiser les animations dans le centre-ville. On croyait que les Gilets Jaunes et associés en étaient chargés…

Pour qui l’ignorait encore, la campagne des municipales est bel et bien lancée. Les 500 000 euros attribués aux commerçants ne seront bien sûr pas comptabilisés dans les frais de campagne mais on ne lésinera pas sur les moyens. Ouest-France se félicite ainsi de la multiplication “des actions pour reconquérir l’hyper-centre”. Place donc à la calino-thérapie municipale et aux opérations de communication déjà programmées.

Un lourd bilan
Il est sans doute trop tôt pour établir un bilan économique des différents mouvements sociaux depuis un an. L’addition s’annonce sévère. Les commerçants, en effet, ne sont pas les seules victimes. Le mobilier urbain est, par exemple, à l’état d’abandon sur le cours des 50 otages. Les passagers des bus et tramways y seront sans doute plus sensibles lorsque la pluie et le froid seront là. À ce jour, aucun chiffre n’a été communiqué sur le montant de ces dégâts. Et pas davantage d’informations sur les moyens mis en œuvre et sur leur coût pour le nettoyage des rues et des façades aux petites heures du dimanche matin.

Fort opportunément, le 21 septembre a été décrété “journée citoyenne de la propreté”. Afin que nul ne l’ignore, la Ville a mis en place une vaste campagne de communication rappelant que “la propreté, c’est l’affaire de tous”. La propreté, c’est simple comme une belle affiche. Compte tenu de l’état de certaines rues, comment ne pas regretter qu’il n’y ait pas davantage de 21 septembre au calendrier ?

Voilà au moins une occasion offerte à chacun de balayer devant sa porte. Et on attend avec impatience, dans la presse, les photos de nos élus s’activant très concrètement à nous rendre (enfin !) la ville plus belle.