Nantes fait suer les cyclistes

Au départ de la place du Pont-Morand à Nantes, le nouvel axe cyclable nord/sud emprunte les quais Ceineray et Sully. Pour rejoindre les bords de l’Erdre, le cycliste doit « monter »  le long de la préfecture et de l’hôtel du département pour « redescendre »  vers la rivière. Monter pour ensuite descendre, quelle logique d’automobiliste a bien pu présider à ce choix ?

La prévalence du vélo à assistance électrique ou la « platitude » d‘un plan d’urbanisme ? La voie cyclable du cours des 50 otages, située au beau milieu des bus et des piétons avait déjà familiarisé les cyclistes nantais à l’ubuarisation des options retenues en la matière, cette voie nord/sud fera-t-elle quitter le peloton aux derniers sprinteurs ?

Et pourtant, à la question posée fin 2018 à l’association « Place au vélo » (interlocuteur associatif de la ville depuis bientôt 20 ans) : La voie cyclable le long de l’Erdre sera t-elle maintenue à la création de ce nouvel axe ?
La réponse fut : Oui, bien sûr, c’est le plus court chemin en ligne droite et connu de tous depuis des décennies
.

Début juillet, avant même l’inauguration de la nouvelle piste cyclable, nous avons constaté la disparition des marquages verts situés entre la place du Pont-Morand et le pont Saint-Mihiel. C’est un gâchis en matière d’apprentissage de la cohabitation. Sur ce tracé de quelques centaines de mètres, piétons et cyclistes partageaient deux chaussées à la délimitation audacieuse, quasi inexistante. Il a fallu des années pour abolir les heurts et les peurs, créant ainsi, au fil du temps, un bel exemple du « vivre ensemble ».
Pffffft, du passé faisons table rase, mais plate non !  Plus de sueur pour traverser la ville et plus de transparence aussi ?

 Aphrodite Duras

Plus de déglingue pour Le Voyage à Nantes 2019

Les éditions successives d’Estuaire puis du Voyage à Nantes ont été émaillées de nombreux foirages. Le canard dégonflé de Florentijn Hofman, la maison de Jean-Luc Courcoult et le jardin de Fabrice Hyber, tous deux flottants/coulés ou la cabine/aquarium à fuite font encore rigoler dans les chaumières. Mais jamais la manifestation touristique nantaise n’avait montré autant de dispositions pour le délabrement que cette année.

La plupart des immeubles de la place Royale ont été détruits par les bombardements américains de septembre 1943 et reconstruits à l’identique. C’est ce qui a donné à Stéphane Vigny l’idée d’y amasser des copies de statues. Cette assertion du Voyage à Nantes est totalement fausse, on l’a dit, mais elle a pu donner des idées à certains immeubles. Jeudi après-midi, la rue de Strasbourg était fermée après l’effondrement d’un bon morceau de corniche, qui a blessé un touriste de passage, sur le parcours de la ligne verte, juste à l’angle de la rue de Verdun. Quelques jours plus tôt, c’était rue Bertrand-Geslin qu’un bout de balcon avait lâché.

Serait-ce une animation surprise concoctée par le syndicat d’initiative ? Car le Voyage à Nantes 2019 semble placé sous le signe de la déglingue. Étape obligée de la ligne verte, l’immeuble des Mutuelles Harmonie est entouré d’abris pour protéger les passants. Autre station traditionnelle, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage a été réparé cet hiver, mais il a fallu bricoler un peu : de petits bitonios régularisent l’écartement de ses lames de verre.

Entre les voiles de récupération de Claire Tabouret à la HAB Galerie, les scies mécaniques hurlantes de Human Clock place Graslin, l’« enchevêtrement chaotique » de poutres du belvédère de Kawamata et les nids pas moins enchevêtrés semés ici et là par le même, cette édition tourne le dos aux patines léchées de Philippe Ramette en 2018. Flora Moscovici a compris le concept. Elle a saupoudré de quelques touches de couleur les ruines de cheminées de la rue des Échevins ; là, au moins, c’est déjà cassé.

Stéphane Vigny, encore lui, a voulu prendre de la hauteur sur la façade de Falbalas, à l’angle de la rue de la Paix, avec une œuvre qui, écrit le VAN « apparaît de manière surréaliste sur la devanture ». Sitôt apparue, sitôt disparue : « des difficultés techniques ne nous permettent pas de présenter [son] œuvre », annonce un panneau sur place. De Vigny toujours, au Katorza, un personnage « imperturbable, alors qu’une partie de l’enseigne du cinéma s’effondre sur lui ». Et même au ras du sol, ses copies de la place Royale s’adaptent à l’esprit général de déglingue : il y a de la casse. Les christs, notamment, ont perdu tantôt la main droite, tantôt la main gauche*. « Comment on fait pour le clouer sur la croix, alors ? », demande un petit garçon. Impitoyable logique enfantine.

Sven Jelure

* « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » ‑ Matthieu 6:3  

Les comptes presque justes du Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons lit-il Nantes + ? Nous avions signalé le 1er juillet que la publication de ses comptes au Journal officiel était irrégulière : il y manquait la certification d’un commissaire aux comptes. Le Fonds vient de publier des comptes rectificatifs, désormais certifiés par Jean-Michel Picaud, président de RSM Ouest.

L’essentiel de son rapport, comme c’est la coutume dans la profession, est destiné à ouvrir le parapluie – « notre objectif est d’obtenir l’assurance raisonnable que les comptes annuels pris dans leur ensemble ne comportent pas d’anomalies significatives ». En gros, les comptes sont à peu près justes.

« Les comptes annuels ont été arrêtés par le président du conseil d’administration », note pourtant le commissaire aux comptes. N’est-ce pas là une anomalie ? L’article 6.4 des statuts du fonds spécifie que ses comptes sont approuvés par le conseil d’administration. Lequel comprend du beau monde : des représentants de Nantes Métropole, de la CCI de Nantes-Saint-Nazaire, du Medef, etc. Le président, Bruno Hug de Larauze, n’a pas à endosser toute la responsabilité des comptes.

La réserve la plus importante exprimée par le commissaire aux comptes est celle-ci : « comme précisé par l’article L823-10-1 du code de commerce, notre mission de certification des comptes ne consiste pas à garantir la viabilité ou la qualité de gestion du fonds de dotation ». Cette mention est classique. Mais elle ne dit pas tout. Si des événements, même postérieurs à la clôture de l’exercice, risquent de compromettre l’avenir, le commissaire aux comptes « attire l’attention des lecteurs » sur ce risque. Oh ! mais que lit-on à la première page du rapport ? « Nous attirons votre attention sur le point suivant […] concernant la demande de rescrit fiscal ».

C’est dit aussi obscurément que possible, mais c’est dit : intervenu en avril dernier, le rejet d’une demande de rescrit fiscal qui aurait permis aux entreprises de déduire de leurs impôts 60 % des sommes données au Fonds est un gros, gros pépin. Or, s’agissant d’un fonds de dotation, la loi exige du commissaire aux comptes un peu plus que « d’attirer l’attention » : s’il « relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’activité, il demande des explications au président du conseil d’administration ». Et, en l’absence de décisions qui permettraient de redresser la barre, il doit alerter le préfet. Le refus du rescrit fiscal est-il de nature à compromettre la continuité de l’activité ? La question est certainement posée. 

Sven Jelure

Toujours plus de pierre reconstituée place Royale

Pourquoi moi ? Est-ce une expression de haute culture, de grande intelligence et de profonde humanité qui me donne l’air d’un représentant du Voyage à Nantes ? En tout cas, devant l’installation de Stéphane Vigny sur la place Royale, cette dame me hèle, l’index pointé vers un pénis qui l’est moins :

– C’est pas possible ! On voit le sexe des hommes !

Ma réponse (« Heureusement, on voit aussi le sexe des femmes ») ne semble pas la satisfaire ; elle tourne les talons. Est-elle un cas unique d’hyperpruderie ? Peut-être, mais on voit bien quels troubles pourrait susciter la profusion de personnages dévêtus des deux sexes ou l’étalage sur la voie publique de figures chrétiennes, y compris Jésus lui-même, en plusieurs exemplaires, au coude-à-coude avec des dieux païens. (Et encore, on a évité les effigies bouddhistes ou égyptiennes.)

Le sexe des hommes place Royale à Nantes

Pourquoi cette exposition de statues en pierre reconstituée largement disponibles dans de grandes jardineries et des boutiques en ligne ? (Le Bon Vivre solde en ce moment l’Hercule Farnèse à 690,40 euros au lieu 863,00, profitez-en.) Nantes Tourisme explique ainsi l’illumination créative de l’auteur :

Ayant découvert que l’ensemble des façades de la place Royale ne sont en quelque sorte qu’un décor – les immeubles, soufflés par les bombardements de 1943, ont été reconstruits à l’identique – et intrigué par la statuaire de la fontaine monumentale, Stéphane Vigny s’amuse de cette mise en scène urbaine entre falsification du décor, faste et profusion.

Belle histoire ? Pur bidonnage, oui ! Vigny ne doit pas son inspiration à la place Royale reconstruite. Il s’était déjà fait un prénom en réalisant une installation analogue en 2015* dans la cour du château de Maisons-Laffitte, bâti au milieu du 17ème siècle et jamais reconstruit.

Servitude et grandeur budgétaires

Une fois de plus, le Voyage à Nantes fait dans le déjà vu. Comme les « nids » de Tadashi Kawamata ou, l’an dernier, les statues de Philippe Ramette, ses installations emblématiques ont déjà été montrées ailleurs. Faisons semblant de ne pas le savoir. Une œuvre unique, même faite de statues de pierre reconstituée éditées à des milliers d’exemplaires, ça a plus de valeur.

Et la valeur, ça compte. Le Voyage à Nantes, qui a enregistré une perte d’exploitation de 484.459 euros en 2018 ferait bien de resserrer les cordons de la bourse avant les municipales. Après deux mois d’exposition en plein centre ville, pourquoi ne pas vendre les statues aux enchères ? À 300 euros pièce en moyenne, il y en aurait pour 210.000 euros quand même… Mais il est vrai que cela obligerait Stéphane Vigny à racheter tout le stock pour sa prochaine installation.

Sven Jelure

* Nantes Tourisme fait état de cette exposition précédente.

Municipales 2020 : toujours plus de propositions pour JR

632 propositions, pas moins, pour le programme de Johanna Rolland. Il ne sera pas dit que le “labo” mis en place par la maire de Nantes sera resté les bras croisés. Le résultat est digne d’un inventaire à la Prévert. Il n’y manque qu’un raton laveur.

Le 15 octobre dernier, Johanna Rolland avait mis en place ce “labo”. Un noyau de 24 personnes, fidèles parmi les fidèles, en charge de “nourrir sa réflexion” et de “formuler des utopies pragmatiques”. Pour être plus clair (?), il s’agissait d’imaginer “une assez inspirante combinaison de radicalité et de réalisme”. La lecture du très sérieux édito de cette boite à idées donne le ton d’une démarche qui vient d’accoucher du “foisonnant résultat de ce travail de neuf mois”. Pas moins de 48 animateurs d’ateliers et “lanceurs de débats” (sic) ont fait vivre ce fameux “labo”. Parmi eux, beaucoup de “responsables” ou de “militants associatifs” mais aussi une “activatrice de l’égalité femmes-hommes” (re-sic).

Toujours + verte

Chaque “atelier” a donc remis ses propositions. Le résultat peut laisser perplexe ou, au choix, provoquer une crise de franche rigolade. Après le score des Verts aux Européennes, il convenait de faire preuve d’audace et d’imagination. Exemple : la première proposition du “labo” transition énergétique est de “verdir la ville, y remettre des arbres pour revoir des oiseaux et favoriser la biodiversité”. Il conviendrait aussi de “verdir les 50 otages et l’île Feydeau avec des arbres”…

Autre point noir à régler d’urgence pour calmer les “écolos” râleurs, la circulation et la mobilité. La première des suggestions est d’augmenter le nombre de parkings-relais. Et d’augmenter aussi le nombre des aires de stationnement vélo ! Compte tenu du nombre plus que restreint de ces aires, le pari ne semble pas très audacieux. Même à proximité de la nouvelle gare, on les avait oubliées. Passons sur la proposition, toute aussi floue, de “proposer des continuités cyclables pour améliorer la sécurité des cyclistes”.

En fait, la lecture de ce long rapport est assez réjouissante. Le labo “quartier sport” propose ainsi de “recenser par quartier l’ensemble des installations existantes”. Ni plus, ni moins. Ce qui veut dire qu’en 2019, ce recensement n’a toujours pas été fait par les services de la ville. Pour le “labo” éducation il faudrait “accompagner les parents d’élèves élus pour qu’ils représentent mieux l’ensemble des parents” ! Sans oublier de “créer des occasions de rencontres physiques entre les acteurs éducatifs du territoire”.

Madame patauge

Parmi ces 632 propositions, on relève ainsi un certain nombre de perles. Pour la culture, par exemple, vouloir “renforcer la place des artistes locaux dans les programmations” ne mange pas de pain. Accouchement plus difficile du “labo” égalité qui, lui, propose de “réaliser un état des lieux, audit de l’égalité, sur la base d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour objectiver la situation”.

Quant au problème de la propreté en ville, c’est visiblement plus simple : il faut “installer des poubelles qui parlent”.

On trouve ainsi quelques idées audacieuses. Pas démagogiques pour deux sous. D’ailleurs, elles ne sont jamais chiffrées. Il est ainsi proposé de “permettre à tous les jeunes (entre 20 et 25 ans) des quartiers de passer une année dans un pays européen (formation / travail / ou citoyenneté) tous frais payés”. Aussi sérieux que d’annoncer : “le tramway sera gratuit le week-end si vous votez pour moi…”

Le problème n’est pas que cet inventaire de propositions ait été rédigé, en neuf mois, par ces “responsables” accrédités. Ce “foisonnement” vise en effet à anesthésier le débat ? Il y en a pour tout le monde. Et surtout pour les Verts. Mais “revoir, pour les augmenter, les espaces dédiés à la nature dans les futurs grands projets urbains (par exemple le grand Bellevue …)” peut difficilement faire oublier les erreurs dans l’urbanisation et l’aménagement de la ville dont l’île de Nantes constitue un triste exemple.

Stéphanie Lambert (Ouest-France 02/07/209) n’en salue pas moins le travail du “labo” municipal et nous annonce que “l’équipe Rolland ne s’arrêtera pas en si bon chemin”. On a appris depuis que, profitant de l’été, Johanna Rolland envisageait des “réunions pataugeoires”. Autant dire qu’on n’a pas fini de faire des ronds dans l’eau.

Victor Hublot

 

 

 

 

Arbre aux hérons : un grand trou pas près d’être comblé

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons a publié ce 1er juillet 2019 les comptes de son exercice 2018. Ils ne disent pas tout, et pourtant, dès qu’on regarde entre les lignes, c’est déjà beaucoup…

D’abord, une cruelle déception : cette publication est tout aussi irrégulière que celle du Fonds de dotation à vocation culturelle de Nantes et Nantes Métropole. Alors que la Loi l’exige, les comptes ne sont pas certifiés par un commissaire aux comptes. Le commissaire aux comptes, pourtant, le Fonds en a un : il lui a versé 2.368,90 euros d’honoraires de certification en 2018. Alors, pourquoi ne pas avoir publié le document exigé par la Loi ? Serait-il si impubliable ?

Les comptes réservent quand même une bonne surprise : en perte de 35.939 euros en 2017, le Fonds revient à l’équilibre fin 2018 grâce à un excédent de 35.939 euros, pilpoil ! Ça, c’est un sacré hasard !

Ils livrent aussi le vrai bilan de la campagne de dons sur Kickstarter au printemps 2018. Il y a sans doute eu quelques chèques en bois : au lieu des 373.525 euros encore proclamés à ce jour sur Kickstarer, la collecte s’élève à 370.703 euros. Et le Fonds n’en a retiré qu’un montant net de 320.788 euros : il a fallu payer 30.491,81 euros de frais et commissions (9,5 %), et 10.237,52 euros pour les contreparties (3,2 %).

Peu de déplacements mais beaucoup de transport

Mais on n’en a pas déduit les frais de publicité supportés par le Fonds. Il s’élèvent quand même à 123.683,30 euros ! C’est plus d’un quart du total des dépenses de fonctionnement et presque autant que les charges de personnel, 137.527 euros. À celles-ci, il faut d’ailleurs ajouter 39.462,63 euros au titre du « personnel mis à disposition » ‑ peut-être, comme l’an dernier, par les Machines de l’île. Au total, le fonctionnement du Fonds de dotation a coûté 455.484,97 euros en 2018. Presque moitié plus que sa campagne Kickstarter ne lui a rapporté !

À propos de campagne Kickstarter, le mystère des 2.360 années de « pass » gratuits promis aux gros donateurs est tout simplement ignoré : l’octroi de cette récompense, qui devrait être inscrit comme une dette dans les comptes, est laissé à la bonne volonté de quelqu’un d’autre. Autres bizarreries, on note une subvention de 50.000 euros versée par le Fonds à un bénéficiaire non précisé (l’article 2.1 de ses statuts interdit au Fonds de verser de l’argent à qui que ce soit d’autre que Nantes Métropole) et 50.000 euros d’« autres dettes » envers un créancier pas davantage précisé (plutôt bizarres pour un organisme qui possède 334 760,99 euros en banque et 20 euros en caisse).

En dehors des frais de publicité et de personnel, les comptes du Fonds ne dénotent pas une activité débordante. Il écrit peu (71,96 euros d’affranchissements) et ne bouge guère (990,33 euros de voyages et déplacements). On s’interroge donc sur les 23.585,12 euros de frais de transport. Karine Daniel, déléguée générale du Fonds, aurait-elle bénéficié d’une voiture de fonction ?

Elle n’en aurait pourtant pas fait un grand usage, ou alors avec peu d’efficacité, pour démarcher les entreprises. La chasse aux mécènes n’a rapporté en 2018 que 415.000 euros. On en attend au total 12 millions. On pourrait donc espérer les 12 millions attendus en une petite trentaine d’années. Mais le calcul serait faux : il faut déduire les charges d’exploitation du Fonds. À 455.484,97 euros par an, on reculerait au lieu d’avancer.

Panne de mécènes

La bonne nouvelle, c’est que des promesses de dons ont été récoltées pour les prochaines années. Il y en a pour 1,39 million d’euros au 31 décembre 2018. La mauvaise nouvelle, c’est que Pierre Orefice avait annoncé à plusieurs reprises qu’une quarantaine d’entreprises s’étaient engagées pour un total de 4 millions d’euros (Fabrice Roussel, vice-président de Nantes Métropole, n’annonçait, lui, que 3,5 millions d’euros). On nous aurait menti ?

Cependant, l’information la plus importante livrée par les comptes ne date pas de 2018 mais de 2019 : « Par courrier en date du 4 avril 2019, la Direction Générale des Finances Publiques a notifié une réponse défavorable pour la demande de rescrit mécénat rédigée par le fonds de dotation le 23 février 2018. » Décodage : les dons des entreprises au Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons ne sont pas du tout déductibles de leurs impôts. Il y a de quoi refroidir pas mal de bonnes volontés.

« Les entreprises attendent la décision de Bercy (le ministère de l’Économie et des Finances) concernant le rescrit fiscal », avait pourtant assuré Pierre Orefice à Ouest France le 2 mai dernier. Alors que le Fonds connaissait depuis trois semaines la décision négative de Bercy.

Sven Jelure 

Arbre aux Hérons : publication des bancs

Qui sont les 101 « grands donateurs » de l’Arbre aux Hérons ? Leur liste nominative est aujourd’hui affichée sous les Nefs des Machines de l’île. Et finalement, les noms qui n’y sont pas intriguent plus que ceux qui y sont.

« Les NOMS des 250 grands donateurs seront GRAVÉS SUR LES BANCS installés sur le site des Machines de l’île ! », avait promis le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons, capitales et point d’exclamation compris, lors de sa campagne de levée de fonds sur Kickstarter au printemps 2018. Les « grands donateurs » auront attendu une bonne année ce qui aurait pu être fait en quelques semaines, mais le Fonds a fini par s’exécuter. Non pas en gravant les noms sur « LES BANCS » installés sur le site des Machines de l’île mais en installant sur le site des bancs métalliques où le nom des donateurs a été découpé au laser.

Des bancs ? Deux seulement, en fait. Cela paraît un peu chiche pour 250 grands donateurs ? Ces derniers ont simplifié le travail : il ne sont que 101, finalement – la campagne Kickstarter n’a pas été aussi réussie qu’on l’a dit. N’empêche, avec deux bancs seulement pour 101 personnes (et davantage en réalité, car certaines se sont mises à plusieurs pour faire un don), il a fallu tasser les passagers comme dans un avion « low-cost ».

La lecture des bancs est instructive : on y voit sous forme de trous les noms des amis du projet d’Arbre aux Hérons assez passionnés pour avoir donné 1.000 euros. Mais le plus intéressant, c’est tous les autres, les soi-disant passionnés qui n’ont pas donné !

Ni Karine Daniel, ni Johanna Rolland, ni Laurence Garnier

François Delarozière et Louis, Danièle, Pierre Orefice figurent dans la liste des donateurs, c’est la moindre des choses puisque le projet leur a déjà rapporté beaucoup d’argent avant même le premier coup de pioche. Bruno Hug de Larauze a aussi fait son chèque ; un beau geste puisque ses fonctions de président du Fonds de dotation sont gratuites. Karine Daniel, en revanche, ancienne députée socialiste devenue déléguée générale du Fonds, s’est abstenue.

Et la quasi-totalité du conseil de Nantes Métropole, pourtant si enthousiaste sur le papier, en a fait autant. Sauf erreur, un seul conseiller est gravé sur les bancs : André Sobczak. Il est vrai qu’il avait une jolie gaffe à se faire pardonner. Mais on cherche en vain Johanna Rolland. Elle avait pourtant exigé qu’un tiers du projet soit financé via le Fonds de dotation, pas seulement pour l’argent mais aussi pour qu’un maximum de gens puissent participer à une « aventure collective à la nantaise ». Le collectif, c’est bon pour les autres ? Fabrice Roussel, vice-président de Nantes Métropole qui a chaleureusement défendu le projet de l’Arbre est absent aussi.

Laurence Garnier de même. C’est vraiment étonnant. D’abord adversaire du projet en 2014, elle avait radicalement viré de bord et avait été la première à proposer un financement participatif auprès des particuliers, qui auraient pu faire inscrire leur nom sur les feuilles de l’Arbre. Et quand vient la possibilité de se faire inscrire, plus personne… Mieux : sous sa casquette de vice-présidente de la région des Pays de la Loire, elle a accordé à l’Arbre 4 millions d’euros de subvention. C’est plus facile quand ce sont les contribuables qui paient.

Sven Jelure

Un string sur le Fonds à vocation culturelle de Nantes Métropole

Ce n’est pas parce qu’on est impatient de voir les comptes du Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons qu’on se désintéresse des autres fonds de dotation créés ou suscités par Nantes Métropole. Tenez, le Fonds à vocation culturelle pour Nantes et Nantes Métropole, par exemple. Créé en 2017 afin de mobiliser des mécènes (Semitan, GSF propreté, Kaufman & Broad, Harmonie Mutuelle, RSM Ouest, Le Noble Âge, Abalone Interim…), il vient de publier ses comptes 2018 au Journal officiel comme la loi l’y oblige.

Comme la loi l’y oblige ? En réalité, pas tout à fait. Dès que ses ressources dépassent 10.000 euros, un fonds de dotation doit publier ses comptes annuels ET le rapport d’un commissaire aux comptes, lequel engage sa responsabilité par une formule du genre « Nous certifions que les comptes annuels sont, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères », etc. Les comptes 2018 publiés par le Fonds à vocation culturelle pour Nantes et Nantes Métropole ne sont pas accompagnés de ce rapport obligatoire.

L’expert-comptable qui les a établis prend même soin de le souligner dès sa première phrase : « Conformément à la mission qui nous a été confiée, nous avons effectué une mission de présentation des comptes annuels… ». « Présentation », pas « certification ». Les comptes sont mis en forme selon les règles de l’art ; quant à attester qu’ils sont réguliers et sincères, c’est autre chose.

Vu leur minceur, pourtant, ces comptes pourraient-ils cacher plus de choses qu’un string sur une baigneuse de Copacabana ? Oui quand même. Par exemple, le rapport du commissaire aux comptes doit détailler l’utilisation des sommes versées. Pas de rapport, pas de détail. On ne sait pas à quelle(s) action(s) le Fonds a octroyé 198.500 euros en 2018. Ce qui, vu les ambitions affichées, n’est tout de même pas beaucoup.

Pourra-t-il faire mieux en 2019 ? À fin 2018, il avait en caisse plus d’un demi-million d’euros. De quoi couvrir ses 483.000 euros de dettes mais pas d’en faire beaucoup plus. On comprend que le Fonds ait jugé nécessaire de recruter une responsable en janvier dernier, histoire de démarcher de nouveaux mécènes. Le Fonds a versé zéro salaire en 2018. Il faudra donc prévoir une ligne de plus en 2019. Enfin, peut-être, ou peut-être pas… Car l’annonce de recrutement a été passée par Nantes Métropole. Et la titulaire du poste ne cherche pas à cacher son rattachement :

Aïe ! Un commissaire aux comptes trouverait sans doute à y redire puisqu’un fonds de dotation ne peut recevoir d’argent public. Telle est la loi. « Tout apport indirect par prêt gratuit de personnel, de locaux ou de moyens quelconques, constitue un financement public interdit », a pris soin de préciser le service juridique du ministère de l’Économie. Si la responsable du Fonds est salariée de Nantes métropole, et installée au siège de ses services culturels, rue Affre… elle ne peut pas être mise à la disposition du Fonds. Cela dit, quand on touche les fonds, il reste possible de continuer à creuser.

Sven Jelure

Tramway : Nantes tire à la ligne

« Transports publics : Nantes concrétise ses ambitions »
Un communiqué officiel de Nantes Métropole est venu rassurer celles et ceux qui désespéraient de voir l’agglomération nantaise prendre du retard en ce qui concerne le réseau de transports en commun. Toutefois, l’effet d’annonce passé, il a fallu se rendre à l’évidence : rien ne sera fait avant… 2026.

À l’approche des municipales, le dossier des transports en commun menaçait de devenir brûlant. François de Rugy faisait certes savoir qu’il n’était (toujours) pas candidat à la mairie de Nantes mais il mettait les pieds dans le plat : en l’absence de nouvelles lignes de tramway, Nantes risquait, bel et bien, de prendre un peu plus de retard en ce qui concerne les modes de déplacements urbains. Fâcheux au moment où était débattu le projet du futur (?) CHU dont l’absence de desserte était pointée par de nombreux observateurs.

Nantes + tard

Qu’importe, le 7 juin, il s’agissait de frapper fort. Et Johanna Rolland ne ratait pas l’occasion d’annoncer non pas une, non pas deux mais “cinq décisions majeures” pour permettre à Nantes de “garder ce temps d’avance” qu’elle n’a plus depuis quelque temps déjà. D’autres grandes métropoles (Bordeaux, Strasbourg, Montpellier, Rennes…) ont mis d’autres moyens que Nantes, ces dernières années, pour développer leurs réseaux.

Il serait vain de chercher, dans ces “cinq décisions majeures”, un projet pour un futur immédiat. Il y a certes “la transformation de la ligne Chronobus C5 en ligne de Busway” mais ce n’est pas, en soi, une révolution. Tout le reste est remis à… plus tard. À défaut du raccordement les lignes de tramway 1 et 2 dont plus personne n’espère la réalisation avant 2030, on annonce non pas une, non pas deux mais trois nouvelles lignes de tramway à l’horizon 2026 !

Si nul ne se hasarde à situer plus précisément dans le temps ce fameux “horizon”, c’est que ces projets en sont encore au stade de… projets. Et chacun a pu se rendre compte que les “nouvelles lignes” annoncées n’en seront pas vraiment. Sur le plan réalisé par Nantes Métropole, on voit bien qu’il s’agit juste de tronçons ajoutés aux lignes existantes. C’est comme si on parlait d’une “nouvelle ligne” pour la desserte de la gare de Pont-Rousseau depuis Pirmil ! L’urgence était, ici, d’assurer tant bien que mal la desserte du futur (?) CHU.

C’est encore loin l’horizon ?

Il faut se rendre à l’évidence, Nantes Métropole communique sur ce “plan ambitieux” de développement des transports en commun pour mieux masquer, précisément, une absence de politique volontariste. Le communiqué officiel rappelle certes (aux moins de 30 ans !) que Nantes a été la “première métropole à réintroduire le tramway en France” en 1985 mais nul trace, dans cet historique, d’un certain Jean-Marc Ayrault qui, après Alain Chenard, a mis en place deux vraies lignes de tramway et un maillage de parkins-relais. Si quelqu’un a redonné un nouveau souffle aux transports publics, c’est bien lui, en s’appuyant sur Maudez Guillossou, un patron de la Semitan attaché à une politique de développement des transports volontariste.

Le souffle, Nantes Métropole le garde aujourd’hui pour sa communication. “Il nous faut sans cesse investir et innover pour garder ce temps d’avance : prendre dès aujourd’hui des décisions importantes pour maintenir la qualité de service de notre réseau de transport, accompagner l’accroissement de son usage, anticiper les besoins de demain et accélérer la transition énergétique…” Fermez le ban.

Tout ça pour ça, serait-on tenté de dire. Parmi les réserves posées au projet du futur CHU figure en effet explicitement la desserte de nouvel équipement, appelé à accueillir des milliers de personnes chaque jour. On y écrit, noir sur blanc, “les voies d’accès et les 2.400 places de stationnement devront être réalisées avant la mise en service du CHU prévue en 2026”. Sauf à considérer que cet hôpital aura, lui aussi, du retard, on note qu’il n’est pas question d’“horizon” dans le communiqué de la commission nationale.

Des vœux pour… plus tard

Dans ses vœux, en janvier dernier, Johanna Rolland avait présenté ses “trois urgences”. Il y a six mois, pas un mot sur l’amélioration des transports en commun. En février, première correction : les transports devenaient une urgence. Il est vrai qu’un sondage (réalisé aux frais du contribuable sur la politique et l’image de la Présidente de Nantes métropole) plaçait les transports en commun en seconde place des priorités de la population de l’agglo (22%), juste après la sécurité (24%).

Il convenait donc de rectifier le tir au plus vite. Ce 7 juin, le plan de communication étant prêt, on pouvait enfin mettre sur la table ce fameux “plan ambitieux” pour les transports publics. Pas étonnant, dans ces conditions, qu’il ait des allures d’improvisation.

Depuis, les réseaux sociaux se sont enflammés. Il s’en trouve même pour rappeler que, malgré les “cinq décisions majeures” annoncées par Johanna Rolland, Nantes restera en retard “à l’horizon 2026” par rapport à son réseau de transport au siècle dernier. Dans les années 30 en effet, le tramway nantais comptait une vingtaine de lignes ! Ce que ni communiqué triomphant de Nantes métropole ni la presse locale n’ont eu la cruauté de rappeler.

Victor Hublot

Plus de belvédère à Nantes…

Mais pas plus de vue pour autant

Nantes Métropole va dépenser 27 % de plus que prévu pour construire sur la butte Sainte-Anne un belvédère conçu par l’un des artistes chéris du Voyage à Nantes. Mais ce qu’il y a de plus spectaculaire dans cette construction, c’est le budget…

Il y a plus de vingt ans que Tadashi Kawamata accroche un peu partout ses bricolages perchés, qualifiés tantôt de « nids », tantôt de « cabanes dans les arbres ». Un livre leur a même été consacré en 2013. À se demander si la « tente de Monsieur Bourgogne » récemment accrochée par Royal de Luxe à la façade d’un immeuble de Bellevue n’était pas un pied de nez aux installations prévues par le Voyage à Nantes 2019. En tout cas, les nids de Nantes arrivent bien tardivement, comme des rogatons d’une créativité épuisée.

Une originalité quand même : l’un des nids de Nantes a vocation à perdurer, celui en cours d’accrochage rue de l’Hermitage, sur la butte Sainte-Anne, juste à côté du restaurant L’Atlantide. C’est un belvédère « évoquant un gigantesque nid de cigogne », explique laborieusement Nantes Métropole. Disons plutôt que le « nid » servira surtout à camoufler un dispositif d’accrochage spécialement disgracieux.

La construction de ce belvédère a été décidée voici deux ans, à l’instigation du Voyage à Nantes, pour 1 041 600 euros TTC. Un montant qui n’a pas été fixé à la légère : Nantes Métropole avait étudié l’ouvrage en détail et affirmait à l’époque que « ces études ont permis de fiabiliser le coût et le délai de réalisation ». On espère que la solidité du belvédère a été mieux calculée que son coût puisque le budget vient d’être porté à 1.326.000 euros. Une augmentation de 27,3 % : bravo pour le coût « fiabilisé » !

Un belvédère pour quoi faire ?

Rien n’est trop beau pour attirer les touristes, n’est-ce pas ? Oui, mais justement, quels touristes espère-t-on attirer avec ce belvédère ? Accessible par un long couloir, il s’avance en surplomb de dix mètres au-dessus du quai d’Aiguillon, à une quinzaine de mètres de hauteur. Pour voir quoi ? C’est bien le problème.

En raison de la courbure de la butte Sainte-Anne, on n’y verra rien du jardin de Miséry et pas grand chose du quai de la Fosse. À 150 mètres de là, la table d’orientation de la montée de l’Hermitage offre une vue bien plus large et plus intéressante sur la Loire et sur Nantes, à côté des statues du capitaine Nemo et de Jules Verne enfant. Du belvédère de Kawamata, ce qu’on verra le mieux sera surtout la circulation automobile sur le quai.

Depuis quelques décennies, des destinations touristiques ont multiplié les belvédères originaux. Beaucoup de touristes ont eu l’occasion de visiter les constructions spectaculaires de Cardada (Suisse), de Trauttmansdorff (Italie), de Dachstein (Autriche), de Garmisch-Partenkirchen (Allemagne), d’Aurland (Norvège) ou de l’Aiguille du Midi (France), entre autres exemples européens, sans parler de ceux qui ont parcouru l’un des nombreux skydecks, skywalks et skyways des continents asiatique, américain et australien. Nantes n’aura qu’une originalité à revendiquer : le belvédère d’où il n’y a presque rien à voir ! Pas sûr que ça attire les foules.

Sven Jelure