Royal de Luxe toujours plus déplumé ?

En 2013, Royal de Luxe s’était fait taper sur les doigts par la chambre régionale des comptes pour différentes raisons. L’une d’elles était que la troupe ne publiait pas ses comptes annuels au Journal officiel comme la loi l’y oblige. Elle avait alors fait mine de rentrer dans la légalité en publiant ses comptes au 31 décembre 2012.

Et elle était aussitôt revenue à son opacité antérieure.

Jusqu’à ce 28 août 2019, où elle a publié ses comptes au 31 décembre 2018 (un peu tardivement, mais mieux vaut tard que jamais). On se perd en conjectures sur les raisons qui l’ont poussée à se mettre en règle cette année. Peut-être faut-il regarder du côté des élections municipales de 2020 ? Les successeurs de Johanna Rolland pourraient imaginer de faire le ménage dans les subventions. Le non-respect de la loi serait un excellent prétexte pour couper les vivres à une association hors-la-loi. Il n’était que temps de revenir dans les clous.

L’année 2018 n’a pas été très brillante pour Royal de Luxe. La compagnie a montré ses géants dans des configurations déjà vues à Liverpool en Angleterre et à Leuwarden aux Pays-Bas. Rien de nouveau sous le soleil, mais ça lui a tout de même permis de faire bouillir la marmite en encaissant 1.802.094 euros pour ses prestations. Elle avait fait 41 % de mieux en 2017 ! Heureusement, le contribuable nantais est fidèle : malgré son peu d’activité, Royal de Luxe a touché en 2018 le même montant de subventions qu’en 2017, à l’euro près : 470.127. Et dispose toujours gratuitement de son ancienne usine du Bas-Chantenay, soit une aide en nature évaluée à 96.717 euros par an.

Une entreprise vieillotte mais qui paie bien

Association loi de 1901, Royal de Luxe n’a jamais cultivé la vie démocratique censée aller avec son statut. En 2013, la chambre régionale des comptes lui avait reproché de ne même pas faire semblant. Cinq ans plus tard, les choses se sont-elles arrangées ? Royal de Luxe a encaissé 3 euros de cotisations en 2018. De quoi financer 4 minutes de son existence cette année-là.

L’entreprise est devenue vieillotte. Ses installations techniques, matériels et outillages sont amortis à près de 93 %, ses autres immobilisations corporelles à près de 89 %. Heureusement, elle dort toujours sur un confortable matelas financier contenant 217.518 euros de valeurs mobilières de placement et 381.188 euros de disponibilités. Mais c’est en partie parce qu’elle tarde à payer ses fournisseurs. Au 31 décembre, elle leur devait 304.777 euros, soit un montant équivalent à presque neuf mois de fonctionnement.

Jean-Luc Courcoult est-il un bon patron ? OUI ! En 2018, pour 31 salariés ETP (équivalent temps plein), soit trois cadres et vingt-huit employés, Royal de Luxe a versé 1.162.519 euros de salaires bruts, hors charges patronales ‑ 37.500 euros par personne, environ 50 % de plus que la moyenne des salaires dans le département. Les trois cadres se sont partagé 193.969 euros, soit 64.656 euros bruts en moyenne par personne.

Épuisement créatif

Ces comptes 2018 éveillent bien sûr quelques craintes pour ceux de 2019. Car Royal de Luxe aura été encore moins actif cette année qu’en 2018. Incapable d’imaginer et/ou de vendre des projets ambitieux, la troupe s’est frileusement recentrée sur « Miniatures » ‑ un spectacle qui tourne depuis le printemps 2017 et dont le nom est à lui seul un étendard défraîchi. Quelques représentations à Villeurbanne au mois de juin puis à Anvers au mois de juillet, une vingtaine à Saint-Herblain en juillet-août et six prévues à Calais en septembre : il n’y a sûrement pas de quoi faire vivre la compagnie.

Va-t-elle demander une rallonge à sa subvention ? Mais au nom de quoi ? Seule création de l’année, la tente de M. Bourgogne accrochée verticalement à la façade d’un immeuble de Bellevue n’est qu’un pâle écho des fantaisies d’il y a vingt ans. Et le public du quartier ne s’est pas bousculé aux représentations de Miniatures malgré les relances de la presse.

Dans la logique de l’époque Ayrault, les faveurs accordées à Royal de Luxe visaient à donner à Nantes une réputation internationale de créativité. La chambre des comptes avait montré que les retombées, sur ce plan, étaient déjà minces avant 2013. Elles doivent être à peu près nulles aujourd’hui(1). Au nom de l’imagination, Nantes Métropole peut-elle vraiment continuer à dépenser plus d’un demi-million d’euros par an pour une vieille coquette qui vit sur sa réputation ?

Sven Jelure

(1) Le spectacle de Bellevue a néamoins été subventionné par Nantes Métropole au titre de « l’attractivité touristique ».

Navette à hydrogène : une presque première

“La première navette à hydrogène de France…” La presse nantaise n’a pas tardé à nous faire part de cette nouvelle “première” nantaise. Il est vrai qu’à quelques mois des municipales, il convient de souligner combien Nantes innove et comment notre “belle et grande métropole” (comme aime le répéter Johanna Rolland) donne le bon exemple s’agissant du développement durable.

Hélas, la réalité est, à nouveau, est un peu moins brillante que celle qui nous est “vendue”. En effet cette navette à hydrogène n’est pas du tout une “première en France”. Il existe en effet une navette à hydrogène en circulation, depuis novembre 2017, dans le port de La Rochelle. Après les navettes autonomes (cf l’article de Nantes +), après cette navette à hydrogène, Presse-Océan et Ouest-France devraient bientôt nous apprendre, via un communiqué de Nantes Métropole, que Nantes vient d’inventer le fil à couper le beurre. Blanc naturellement.

Soyons sérieux. On ne peut bien sûr que se féliciter de voir Nantes, après d’autres métropoles, se soucier de mettre en place des transports moins polluants. Mais on peut légitimement s’interroger sur la qualité de l’information donnée quotidiennement aux Nantaises et aux Nantais. Une navette à hydrogène, c’est de la bombe, coco ! Personne, ni à Presse-Océan, ni à Ouest-France (quotidien de référence ?), n’a pris le temps de vérifier l’information donnée par le service communication de Nantes Métropole. On reprend donc, mot pour mot, les (bonnes] paroles d’élu(e)s, ravi(e)s de participer à cette “première en France”. Et on en rajoute, photos à l’appui, sur l’importance de cet événement.

Sauf que cette première n’en est pas vraiment une. Même s’il convient de souligner que cette nouvelle navette a été mise en service sur l’Erdre et que celle de La Rochelle, faisant la navette entre le vieux port et les Minimes, circule en eau salée ! Dans l’attente d’analyses plus précises sur la salinité de l’eau de l’Erdre, Nantes peut donc légitimement revendiquer la première “navette fluviale”. Subtil, non ? Reste juste à la presse locale de mettre un bémol à son concert de superlatifs… mais c’est un autre débat.

Nantes toujours plus oubliée des palmarès touristiques

Lonely Planet, spécialiste mondial du tourisme, vient de publier son palmarès Best in Travel 2019 : la liste des meilleures destinations du moment, établie sur avis d’un panel de professionnels. Nantes n’y figure pas. On l’a échappée belle !

Car Lonely Planet a aussi publié ses Top Travel Trends for 2019 : les grandes tendances des voyageurs. Et la première de celles-ci est de rester à l’écart des grands flux touristiques (Getting off the touristed path). Il faut choisir des endroits peu visités. Nantes a donc sa chance.

Quand même, le palmarès de Lonely Planet laisse une petite amertume. Car parmi les meilleures villes touristiques de 2019, derrière Copenhague, Shenzhen et Novi Sad, figure en neuvième position une ville croate : Zadar !

Zadar… un mauvais souvenir pour Nantes. Mais qui s’en souvient ? C’était il y a un peu plus de trois ans. Le Voyage à Nantes avait décidé de présenter sa candidature au palmarès European Best Destination 2016. C’était bien son tour : Bordeaux avait été lauréat en 2015. Jean Blaise avait mobilisé ses soutiens… et Zadar avait gagné. Nantes n’avait été classé que quatrième, derrière Athènes et Plovdiv. Il est vrai que Zadar dispose, pour son attractivité, de quelques ruines avec lesquelles Nantes ne peut pas encore rivaliser. La tour de Bretagne y pourvoira-t-elle ?

Depuis lors, Nantes ne figure même plus au classement général annuel d’European Best Destination, ni à ses nombreux palmarès européens annexes (des meilleurs marchés de Noël, des villes gay-friendly, des joyaux cachés, etc.). Il faudra attendre la création d’un palmarès des monuments à l’abolition de l’esclavage ou d’un palmarès des machines mécaniques géantes (et même là, attention à Toulouse et Calais).

Une com’ touristique schizophrène

Nantes ne figure pas non plus parmi les World’s Best Places to Visit de U.S. News (n° 1 : Paris), ni les 18 Best Budget Destinations de Forbes, ni les Top Holiday Destination de CN Traveller (Arles, en revanche, y figure), ni le Top 25 des destinations de Tripadvisor (n° 2 : Paris), ni les 50 Best Places to Travel in 2019 de Travel+Leisure, ni les Best Trips 2019 de National Geographic (n° 5 : la Dordogne), ni le Where to Go in 2019 de Bloomberg… En fait, pour les grands du tourisme, le voyage à Nantes demeure une incongruité. Les millions d’euros investis dans le tourisme local depuis 2007 n’ont pas produit grand chose.

L’image compte. Pour en revenir à Lonely Planet, le leader mondial des guides de voyage n’ignore pas totalement Nantes. Il lui a consacré une page sur son site web. On y lit : « Welcome to Nantes. You can take Nantes out of Brittany (as when regional boundaries were redrawn during WWII), but you can’t take Brittany out of its long-time capital, Nantes (Naoned in Breton). » (on peut séparer Nantes de la Bretagne, comme lorsque les limites régionales ont été redessinées pendant la Seconde Guerre mondiale, mais on ne peut pas séparer la Bretagne de la ville qui a longtemps été sa capitale, Nantes ‑ Naoned en breton).

Si tel est notre principal atout touristique, Le Voyage à Nantes fait bien de l’éviter, histoire de rester off the touristed path.

Sven Jelure

P.S. Le dernier numéro de La Lettre à Lulu se penche longuement sur l’« AirBNBisation » de Nantes.

Nantes fait suer les cyclistes

Au départ de la place du Pont-Morand à Nantes, le nouvel axe cyclable nord/sud emprunte les quais Ceineray et Sully. Pour rejoindre les bords de l’Erdre, le cycliste doit « monter »  le long de la préfecture et de l’hôtel du département pour « redescendre »  vers la rivière. Monter pour ensuite descendre, quelle logique d’automobiliste a bien pu présider à ce choix ?

La prévalence du vélo à assistance électrique ou la « platitude » d‘un plan d’urbanisme ? La voie cyclable du cours des 50 otages, située au beau milieu des bus et des piétons avait déjà familiarisé les cyclistes nantais à l’ubuarisation des options retenues en la matière, cette voie nord/sud fera-t-elle quitter le peloton aux derniers sprinteurs ?

Et pourtant, à la question posée fin 2018 à l’association « Place au vélo » (interlocuteur associatif de la ville depuis bientôt 20 ans) : La voie cyclable le long de l’Erdre sera t-elle maintenue à la création de ce nouvel axe ?
La réponse fut : Oui, bien sûr, c’est le plus court chemin en ligne droite et connu de tous depuis des décennies
.

Début juillet, avant même l’inauguration de la nouvelle piste cyclable, nous avons constaté la disparition des marquages verts situés entre la place du Pont-Morand et le pont Saint-Mihiel. C’est un gâchis en matière d’apprentissage de la cohabitation. Sur ce tracé de quelques centaines de mètres, piétons et cyclistes partageaient deux chaussées à la délimitation audacieuse, quasi inexistante. Il a fallu des années pour abolir les heurts et les peurs, créant ainsi, au fil du temps, un bel exemple du « vivre ensemble ».
Pffffft, du passé faisons table rase, mais plate non !  Plus de sueur pour traverser la ville et plus de transparence aussi ?

 Aphrodite Duras

Plus de déglingue pour Le Voyage à Nantes 2019

Les éditions successives d’Estuaire puis du Voyage à Nantes ont été émaillées de nombreux foirages. Le canard dégonflé de Florentijn Hofman, la maison de Jean-Luc Courcoult et le jardin de Fabrice Hyber, tous deux flottants/coulés ou la cabine/aquarium à fuite font encore rigoler dans les chaumières. Mais jamais la manifestation touristique nantaise n’avait montré autant de dispositions pour le délabrement que cette année.

La plupart des immeubles de la place Royale ont été détruits par les bombardements américains de septembre 1943 et reconstruits à l’identique. C’est ce qui a donné à Stéphane Vigny l’idée d’y amasser des copies de statues. Cette assertion du Voyage à Nantes est totalement fausse, on l’a dit, mais elle a pu donner des idées à certains immeubles. Jeudi après-midi, la rue de Strasbourg était fermée après l’effondrement d’un bon morceau de corniche, qui a blessé un touriste de passage, sur le parcours de la ligne verte, juste à l’angle de la rue de Verdun. Quelques jours plus tôt, c’était rue Bertrand-Geslin qu’un bout de balcon avait lâché.

Serait-ce une animation surprise concoctée par le syndicat d’initiative ? Car le Voyage à Nantes 2019 semble placé sous le signe de la déglingue. Étape obligée de la ligne verte, l’immeuble des Mutuelles Harmonie est entouré d’abris pour protéger les passants. Autre station traditionnelle, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage a été réparé cet hiver, mais il a fallu bricoler un peu : de petits bitonios régularisent l’écartement de ses lames de verre.

Entre les voiles de récupération de Claire Tabouret à la HAB Galerie, les scies mécaniques hurlantes de Human Clock place Graslin, l’« enchevêtrement chaotique » de poutres du belvédère de Kawamata et les nids pas moins enchevêtrés semés ici et là par le même, cette édition tourne le dos aux patines léchées de Philippe Ramette en 2018. Flora Moscovici a compris le concept. Elle a saupoudré de quelques touches de couleur les ruines de cheminées de la rue des Échevins ; là, au moins, c’est déjà cassé.

Stéphane Vigny, encore lui, a voulu prendre de la hauteur sur la façade de Falbalas, à l’angle de la rue de la Paix, avec une œuvre qui, écrit le VAN « apparaît de manière surréaliste sur la devanture ». Sitôt apparue, sitôt disparue : « des difficultés techniques ne nous permettent pas de présenter [son] œuvre », annonce un panneau sur place. De Vigny toujours, au Katorza, un personnage « imperturbable, alors qu’une partie de l’enseigne du cinéma s’effondre sur lui ». Et même au ras du sol, ses copies de la place Royale s’adaptent à l’esprit général de déglingue : il y a de la casse. Les christs, notamment, ont perdu tantôt la main droite, tantôt la main gauche*. « Comment on fait pour le clouer sur la croix, alors ? », demande un petit garçon. Impitoyable logique enfantine.

Sven Jelure

* « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » ‑ Matthieu 6:3  

Les comptes presque justes du Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons lit-il Nantes + ? Nous avions signalé le 1er juillet que la publication de ses comptes au Journal officiel était irrégulière : il y manquait la certification d’un commissaire aux comptes. Le Fonds vient de publier des comptes rectificatifs, désormais certifiés par Jean-Michel Picaud, président de RSM Ouest.

L’essentiel de son rapport, comme c’est la coutume dans la profession, est destiné à ouvrir le parapluie – « notre objectif est d’obtenir l’assurance raisonnable que les comptes annuels pris dans leur ensemble ne comportent pas d’anomalies significatives ». En gros, les comptes sont à peu près justes.

« Les comptes annuels ont été arrêtés par le président du conseil d’administration », note pourtant le commissaire aux comptes. N’est-ce pas là une anomalie ? L’article 6.4 des statuts du fonds spécifie que ses comptes sont approuvés par le conseil d’administration. Lequel comprend du beau monde : des représentants de Nantes Métropole, de la CCI de Nantes-Saint-Nazaire, du Medef, etc. Le président, Bruno Hug de Larauze, n’a pas à endosser toute la responsabilité des comptes.

La réserve la plus importante exprimée par le commissaire aux comptes est celle-ci : « comme précisé par l’article L823-10-1 du code de commerce, notre mission de certification des comptes ne consiste pas à garantir la viabilité ou la qualité de gestion du fonds de dotation ». Cette mention est classique. Mais elle ne dit pas tout. Si des événements, même postérieurs à la clôture de l’exercice, risquent de compromettre l’avenir, le commissaire aux comptes « attire l’attention des lecteurs » sur ce risque. Oh ! mais que lit-on à la première page du rapport ? « Nous attirons votre attention sur le point suivant […] concernant la demande de rescrit fiscal ».

C’est dit aussi obscurément que possible, mais c’est dit : intervenu en avril dernier, le rejet d’une demande de rescrit fiscal qui aurait permis aux entreprises de déduire de leurs impôts 60 % des sommes données au Fonds est un gros, gros pépin. Or, s’agissant d’un fonds de dotation, la loi exige du commissaire aux comptes un peu plus que « d’attirer l’attention » : s’il « relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’activité, il demande des explications au président du conseil d’administration ». Et, en l’absence de décisions qui permettraient de redresser la barre, il doit alerter le préfet. Le refus du rescrit fiscal est-il de nature à compromettre la continuité de l’activité ? La question est certainement posée. 

Sven Jelure

Toujours plus de pierre reconstituée place Royale

Pourquoi moi ? Est-ce une expression de haute culture, de grande intelligence et de profonde humanité qui me donne l’air d’un représentant du Voyage à Nantes ? En tout cas, devant l’installation de Stéphane Vigny sur la place Royale, cette dame me hèle, l’index pointé vers un pénis qui l’est moins :

– C’est pas possible ! On voit le sexe des hommes !

Ma réponse (« Heureusement, on voit aussi le sexe des femmes ») ne semble pas la satisfaire ; elle tourne les talons. Est-elle un cas unique d’hyperpruderie ? Peut-être, mais on voit bien quels troubles pourrait susciter la profusion de personnages dévêtus des deux sexes ou l’étalage sur la voie publique de figures chrétiennes, y compris Jésus lui-même, en plusieurs exemplaires, au coude-à-coude avec des dieux païens. (Et encore, on a évité les effigies bouddhistes ou égyptiennes.)

Le sexe des hommes place Royale à Nantes

Pourquoi cette exposition de statues en pierre reconstituée largement disponibles dans de grandes jardineries et des boutiques en ligne ? (Le Bon Vivre solde en ce moment l’Hercule Farnèse à 690,40 euros au lieu 863,00, profitez-en.) Nantes Tourisme explique ainsi l’illumination créative de l’auteur :

Ayant découvert que l’ensemble des façades de la place Royale ne sont en quelque sorte qu’un décor – les immeubles, soufflés par les bombardements de 1943, ont été reconstruits à l’identique – et intrigué par la statuaire de la fontaine monumentale, Stéphane Vigny s’amuse de cette mise en scène urbaine entre falsification du décor, faste et profusion.

Belle histoire ? Pur bidonnage, oui ! Vigny ne doit pas son inspiration à la place Royale reconstruite. Il s’était déjà fait un prénom en réalisant une installation analogue en 2015* dans la cour du château de Maisons-Laffitte, bâti au milieu du 17ème siècle et jamais reconstruit.

Servitude et grandeur budgétaires

Une fois de plus, le Voyage à Nantes fait dans le déjà vu. Comme les « nids » de Tadashi Kawamata ou, l’an dernier, les statues de Philippe Ramette, ses installations emblématiques ont déjà été montrées ailleurs. Faisons semblant de ne pas le savoir. Une œuvre unique, même faite de statues de pierre reconstituée éditées à des milliers d’exemplaires, ça a plus de valeur.

Et la valeur, ça compte. Le Voyage à Nantes, qui a enregistré une perte d’exploitation de 484.459 euros en 2018 ferait bien de resserrer les cordons de la bourse avant les municipales. Après deux mois d’exposition en plein centre ville, pourquoi ne pas vendre les statues aux enchères ? À 300 euros pièce en moyenne, il y en aurait pour 210.000 euros quand même… Mais il est vrai que cela obligerait Stéphane Vigny à racheter tout le stock pour sa prochaine installation.

Sven Jelure

* Nantes Tourisme fait état de cette exposition précédente.

Municipales 2020 : toujours plus de propositions pour JR

632 propositions, pas moins, pour le programme de Johanna Rolland. Il ne sera pas dit que le “labo” mis en place par la maire de Nantes sera resté les bras croisés. Le résultat est digne d’un inventaire à la Prévert. Il n’y manque qu’un raton laveur.

Le 15 octobre dernier, Johanna Rolland avait mis en place ce “labo”. Un noyau de 24 personnes, fidèles parmi les fidèles, en charge de “nourrir sa réflexion” et de “formuler des utopies pragmatiques”. Pour être plus clair (?), il s’agissait d’imaginer “une assez inspirante combinaison de radicalité et de réalisme”. La lecture du très sérieux édito de cette boite à idées donne le ton d’une démarche qui vient d’accoucher du “foisonnant résultat de ce travail de neuf mois”. Pas moins de 48 animateurs d’ateliers et “lanceurs de débats” (sic) ont fait vivre ce fameux “labo”. Parmi eux, beaucoup de “responsables” ou de “militants associatifs” mais aussi une “activatrice de l’égalité femmes-hommes” (re-sic).

Toujours + verte

Chaque “atelier” a donc remis ses propositions. Le résultat peut laisser perplexe ou, au choix, provoquer une crise de franche rigolade. Après le score des Verts aux Européennes, il convenait de faire preuve d’audace et d’imagination. Exemple : la première proposition du “labo” transition énergétique est de “verdir la ville, y remettre des arbres pour revoir des oiseaux et favoriser la biodiversité”. Il conviendrait aussi de “verdir les 50 otages et l’île Feydeau avec des arbres”…

Autre point noir à régler d’urgence pour calmer les “écolos” râleurs, la circulation et la mobilité. La première des suggestions est d’augmenter le nombre de parkings-relais. Et d’augmenter aussi le nombre des aires de stationnement vélo ! Compte tenu du nombre plus que restreint de ces aires, le pari ne semble pas très audacieux. Même à proximité de la nouvelle gare, on les avait oubliées. Passons sur la proposition, toute aussi floue, de “proposer des continuités cyclables pour améliorer la sécurité des cyclistes”.

En fait, la lecture de ce long rapport est assez réjouissante. Le labo “quartier sport” propose ainsi de “recenser par quartier l’ensemble des installations existantes”. Ni plus, ni moins. Ce qui veut dire qu’en 2019, ce recensement n’a toujours pas été fait par les services de la ville. Pour le “labo” éducation il faudrait “accompagner les parents d’élèves élus pour qu’ils représentent mieux l’ensemble des parents” ! Sans oublier de “créer des occasions de rencontres physiques entre les acteurs éducatifs du territoire”.

Madame patauge

Parmi ces 632 propositions, on relève ainsi un certain nombre de perles. Pour la culture, par exemple, vouloir “renforcer la place des artistes locaux dans les programmations” ne mange pas de pain. Accouchement plus difficile du “labo” égalité qui, lui, propose de “réaliser un état des lieux, audit de l’égalité, sur la base d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour objectiver la situation”.

Quant au problème de la propreté en ville, c’est visiblement plus simple : il faut “installer des poubelles qui parlent”.

On trouve ainsi quelques idées audacieuses. Pas démagogiques pour deux sous. D’ailleurs, elles ne sont jamais chiffrées. Il est ainsi proposé de “permettre à tous les jeunes (entre 20 et 25 ans) des quartiers de passer une année dans un pays européen (formation / travail / ou citoyenneté) tous frais payés”. Aussi sérieux que d’annoncer : “le tramway sera gratuit le week-end si vous votez pour moi…”

Le problème n’est pas que cet inventaire de propositions ait été rédigé, en neuf mois, par ces “responsables” accrédités. Ce “foisonnement” vise en effet à anesthésier le débat ? Il y en a pour tout le monde. Et surtout pour les Verts. Mais “revoir, pour les augmenter, les espaces dédiés à la nature dans les futurs grands projets urbains (par exemple le grand Bellevue …)” peut difficilement faire oublier les erreurs dans l’urbanisation et l’aménagement de la ville dont l’île de Nantes constitue un triste exemple.

Stéphanie Lambert (Ouest-France 02/07/209) n’en salue pas moins le travail du “labo” municipal et nous annonce que “l’équipe Rolland ne s’arrêtera pas en si bon chemin”. On a appris depuis que, profitant de l’été, Johanna Rolland envisageait des “réunions pataugeoires”. Autant dire qu’on n’a pas fini de faire des ronds dans l’eau.

Victor Hublot

 

 

 

 

Arbre aux hérons : un grand trou pas près d’être comblé

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons a publié ce 1er juillet 2019 les comptes de son exercice 2018. Ils ne disent pas tout, et pourtant, dès qu’on regarde entre les lignes, c’est déjà beaucoup…

D’abord, une cruelle déception : cette publication est tout aussi irrégulière que celle du Fonds de dotation à vocation culturelle de Nantes et Nantes Métropole. Alors que la Loi l’exige, les comptes ne sont pas certifiés par un commissaire aux comptes. Le commissaire aux comptes, pourtant, le Fonds en a un : il lui a versé 2.368,90 euros d’honoraires de certification en 2018. Alors, pourquoi ne pas avoir publié le document exigé par la Loi ? Serait-il si impubliable ?

Les comptes réservent quand même une bonne surprise : en perte de 35.939 euros en 2017, le Fonds revient à l’équilibre fin 2018 grâce à un excédent de 35.939 euros, pilpoil ! Ça, c’est un sacré hasard !

Ils livrent aussi le vrai bilan de la campagne de dons sur Kickstarter au printemps 2018. Il y a sans doute eu quelques chèques en bois : au lieu des 373.525 euros encore proclamés à ce jour sur Kickstarer, la collecte s’élève à 370.703 euros. Et le Fonds n’en a retiré qu’un montant net de 320.788 euros : il a fallu payer 30.491,81 euros de frais et commissions (9,5 %), et 10.237,52 euros pour les contreparties (3,2 %).

Peu de déplacements mais beaucoup de transport

Mais on n’en a pas déduit les frais de publicité supportés par le Fonds. Il s’élèvent quand même à 123.683,30 euros ! C’est plus d’un quart du total des dépenses de fonctionnement et presque autant que les charges de personnel, 137.527 euros. À celles-ci, il faut d’ailleurs ajouter 39.462,63 euros au titre du « personnel mis à disposition » ‑ peut-être, comme l’an dernier, par les Machines de l’île. Au total, le fonctionnement du Fonds de dotation a coûté 455.484,97 euros en 2018. Presque moitié plus que sa campagne Kickstarter ne lui a rapporté !

À propos de campagne Kickstarter, le mystère des 2.360 années de « pass » gratuits promis aux gros donateurs est tout simplement ignoré : l’octroi de cette récompense, qui devrait être inscrit comme une dette dans les comptes, est laissé à la bonne volonté de quelqu’un d’autre. Autres bizarreries, on note une subvention de 50.000 euros versée par le Fonds à un bénéficiaire non précisé (l’article 2.1 de ses statuts interdit au Fonds de verser de l’argent à qui que ce soit d’autre que Nantes Métropole) et 50.000 euros d’« autres dettes » envers un créancier pas davantage précisé (plutôt bizarres pour un organisme qui possède 334 760,99 euros en banque et 20 euros en caisse).

En dehors des frais de publicité et de personnel, les comptes du Fonds ne dénotent pas une activité débordante. Il écrit peu (71,96 euros d’affranchissements) et ne bouge guère (990,33 euros de voyages et déplacements). On s’interroge donc sur les 23.585,12 euros de frais de transport. Karine Daniel, déléguée générale du Fonds, aurait-elle bénéficié d’une voiture de fonction ?

Elle n’en aurait pourtant pas fait un grand usage, ou alors avec peu d’efficacité, pour démarcher les entreprises. La chasse aux mécènes n’a rapporté en 2018 que 415.000 euros. On en attend au total 12 millions. On pourrait donc espérer les 12 millions attendus en une petite trentaine d’années. Mais le calcul serait faux : il faut déduire les charges d’exploitation du Fonds. À 455.484,97 euros par an, on reculerait au lieu d’avancer.

Panne de mécènes

La bonne nouvelle, c’est que des promesses de dons ont été récoltées pour les prochaines années. Il y en a pour 1,39 million d’euros au 31 décembre 2018. La mauvaise nouvelle, c’est que Pierre Orefice avait annoncé à plusieurs reprises qu’une quarantaine d’entreprises s’étaient engagées pour un total de 4 millions d’euros (Fabrice Roussel, vice-président de Nantes Métropole, n’annonçait, lui, que 3,5 millions d’euros). On nous aurait menti ?

Cependant, l’information la plus importante livrée par les comptes ne date pas de 2018 mais de 2019 : « Par courrier en date du 4 avril 2019, la Direction Générale des Finances Publiques a notifié une réponse défavorable pour la demande de rescrit mécénat rédigée par le fonds de dotation le 23 février 2018. » Décodage : les dons des entreprises au Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons ne sont pas du tout déductibles de leurs impôts. Il y a de quoi refroidir pas mal de bonnes volontés.

« Les entreprises attendent la décision de Bercy (le ministère de l’Économie et des Finances) concernant le rescrit fiscal », avait pourtant assuré Pierre Orefice à Ouest France le 2 mai dernier. Alors que le Fonds connaissait depuis trois semaines la décision négative de Bercy.

Sven Jelure 

Arbre aux Hérons : publication des bancs

Qui sont les 101 « grands donateurs » de l’Arbre aux Hérons ? Leur liste nominative est aujourd’hui affichée sous les Nefs des Machines de l’île. Et finalement, les noms qui n’y sont pas intriguent plus que ceux qui y sont.

« Les NOMS des 250 grands donateurs seront GRAVÉS SUR LES BANCS installés sur le site des Machines de l’île ! », avait promis le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons, capitales et point d’exclamation compris, lors de sa campagne de levée de fonds sur Kickstarter au printemps 2018. Les « grands donateurs » auront attendu une bonne année ce qui aurait pu être fait en quelques semaines, mais le Fonds a fini par s’exécuter. Non pas en gravant les noms sur « LES BANCS » installés sur le site des Machines de l’île mais en installant sur le site des bancs métalliques où le nom des donateurs a été découpé au laser.

Des bancs ? Deux seulement, en fait. Cela paraît un peu chiche pour 250 grands donateurs ? Ces derniers ont simplifié le travail : il ne sont que 101, finalement – la campagne Kickstarter n’a pas été aussi réussie qu’on l’a dit. N’empêche, avec deux bancs seulement pour 101 personnes (et davantage en réalité, car certaines se sont mises à plusieurs pour faire un don), il a fallu tasser les passagers comme dans un avion « low-cost ».

La lecture des bancs est instructive : on y voit sous forme de trous les noms des amis du projet d’Arbre aux Hérons assez passionnés pour avoir donné 1.000 euros. Mais le plus intéressant, c’est tous les autres, les soi-disant passionnés qui n’ont pas donné !

Ni Karine Daniel, ni Johanna Rolland, ni Laurence Garnier

François Delarozière et Louis, Danièle, Pierre Orefice figurent dans la liste des donateurs, c’est la moindre des choses puisque le projet leur a déjà rapporté beaucoup d’argent avant même le premier coup de pioche. Bruno Hug de Larauze a aussi fait son chèque ; un beau geste puisque ses fonctions de président du Fonds de dotation sont gratuites. Karine Daniel, en revanche, ancienne députée socialiste devenue déléguée générale du Fonds, s’est abstenue.

Et la quasi-totalité du conseil de Nantes Métropole, pourtant si enthousiaste sur le papier, en a fait autant. Sauf erreur, un seul conseiller est gravé sur les bancs : André Sobczak. Il est vrai qu’il avait une jolie gaffe à se faire pardonner. Mais on cherche en vain Johanna Rolland. Elle avait pourtant exigé qu’un tiers du projet soit financé via le Fonds de dotation, pas seulement pour l’argent mais aussi pour qu’un maximum de gens puissent participer à une « aventure collective à la nantaise ». Le collectif, c’est bon pour les autres ? Fabrice Roussel, vice-président de Nantes Métropole qui a chaleureusement défendu le projet de l’Arbre est absent aussi.

Laurence Garnier de même. C’est vraiment étonnant. D’abord adversaire du projet en 2014, elle avait radicalement viré de bord et avait été la première à proposer un financement participatif auprès des particuliers, qui auraient pu faire inscrire leur nom sur les feuilles de l’Arbre. Et quand vient la possibilité de se faire inscrire, plus personne… Mieux : sous sa casquette de vice-présidente de la région des Pays de la Loire, elle a accordé à l’Arbre 4 millions d’euros de subvention. C’est plus facile quand ce sont les contribuables qui paient.

Sven Jelure